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Ces menaces d'attentats terroristes vous sont gracieusement offertes par le SCRS

Anonyme, Sábado, Septiembre 22, 2007 - 00:18

Alexandre Popovic

Dans ce quatrième article d'une série de cinq, nous verrons comment les médias montréalais se sont laissés dupés par des pseudo menaces d'attentats terroristes contre le métro de Montréal faites par un informateur des services secrets canadiens.

Le SCRS et l'art de la
manipulation médiatique
(4ième du série de 5)

Ces menaces d'attentats terroristes vous
sont gracieusement offertes par le SCRS

Par Alexandre Popovic

(Pour lire l'article précédent de cette série: http://www.cmaq.net/fr/node/28125)

MONTRÉAL, le 21 septembre 2007. Au début d'octobre 2001, l'affaire Youssef Mouammar était devenue une bombe de grande puissance qui menaçait d'en éclabousser plus d'un. Imaginez un peu : un informateur du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) signant des menaces d'attentats terroristes contre la population civile montréalaise, le tout au nom de l'islam !

La taupe des services secrets canadiens a même réussit à rouler les médias écrits montréalais dans cette histoire de «menace terroriste islamique» à dormir debout. Aucunes circonstances atténuantes ne peut amoindrir ici la faute collective commise par les médias puisque ceux-ci sont bêtement tombés dans le panneau alors qu'un journaliste vedette québécois avait pourtant déjà identifié le SCRS comme étant à l'origine de ce canular.

Maintenant, réfléchissez quelques instants à l'impact dévastateur que de telles révélations auraient pu avoir sur l'image du SCRS auprès du public. Mais pensez aussi à l'impact au niveau de la confiance du public envers les médias s'il avait été découvert que ceux-ci s'étaient fait dupés un peu trop facilement. Craignant qu'elle ne leur explose en plein visage, les médias ont en fait veillé à ce que la bombe Mouammar ne fasse le moins de bruit possible. Bilan: zéro victimes, le SCRS s'en tirant quasi-indemne, avec seulement quelques égratignures à peine visibles. Voici donc ce drame, raconté en cinq actes.

Acte 1: Une vraie alerte pour une fausse menace

Le 24 février 1998, le ministre fédéral des Finances Paul Martin dépose un budget équilibré, une première en près de 30 ans. Le SCRS, qui subit une cure d'amaigrissement depuis que le gouvernement libéral s'est lancé dans une lutte à finir contre le déficit, entend bien tirer parti de cette nouvelle ère de prospérité. Mais encore faut-il que la population canadienne se sente suffisamment menacée par le péril terroriste pour qu'Ottawa se décide à délier les cordons de la bourse pour réinvestir dans les services secrets. Heureusement, le SCRS peut encore compter sur les loyaux services de son informateur Joseph Gilles Breault, alias «docteur Youssef Mouammar», alias «Abou Djihad», pour tenter d'y parvenir.

L'histoire commence par une simple rumeur. Un article paru dans le quotidien The Gazette le 29 mars 1998 rapporte qu'un bruit coure parmi le réseau public de la santé à Montréal, se propageant même jusqu'au gouvernement du Québec, à l'effet qu'une mystérieuse menace d'attaque au gaz toxique aurait plané sur Montréal. (1) Avec pour résultat que les sept grands hôpitaux montréalais sont placé en mode d'alerte élevée durant toute la dernière fin de semaine du mois de mars 1998.

Au début, la police de Montréal s'emploie à nier l'existence même de la prétendue menace, préférant plutôt parler d'une «gaffe». Questionné par The Gazette, le constable Witold Brylowski fait porté le blâme sur un employé d'Urgences Santé. «Quelqu'un a mal interprété l'information pour les hôpitaux à propos des mesures de mobilisation pour une attaque chimique. Cette personne a paniquée», affirme l'agent Brylowski. Selon le constable, la personne aurait envoyé des fax aux hôpitaux leur avertissant qu'une attaque chimique allait se produire dans le métro de Montréal.

Cette version est toutefois rejetée du revers de la main par une responsable d'Urgences Santé, Nicole Coulombe. «Je ne sais pas où la police a pris ça», dit-elle. «Je suis sûr que c'est faux. C'est pas nous qui donnons les avertissements aux hôpitaux.» De tels avertissements viennent habituellement de la Régie régionale de la Santé, signale Mme Coulombe.

À Ottawa, un porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) suggère que des rumeurs de complot terroriste irakien pourraient bien être à l'origine de l'alerte. Quelques jours plus tôt, le tabloïd britannique The Sun rapporta en effet que le président irakien Saddam Hussein aurait menacé d'introduire au Royaume-Uni le bacille du charbon, une arme bactériologique potentielle, par le biais de produits en apparence anodins tels que des bouteilles d'alcool, des briquets ou encore des flacons de parfum. Bien que les autorités irakiennes nient ces allégations, le gouvernement britannique a néanmoins cru bon de placer ses ports et aéroports en état d'alerte.

Ces rumeurs eurent même un impact au Canada, où les douaniers furent placés en alerte. (2) Le Canada, qui compte d'ailleurs quelques 400 soldats dans le golfe arabo-persique prêts à intervenir au besoin, se considère comme une cible potentielle en raison de l'appui du premier ministre Jean Chrétien aux menaces de frappes aériennes contre l'Irak qu'agitent Washington et Londres depuis le début de l'année. Ce regain d'agressivité américano-britannique s'appuie sur des allégations voulant que l'Irak ferait fi de la Résolution 687 de l'Organisation des Nations unies (ONU) prévoyant l'élimination des stocks d'armes de destruction massive que détiendrait Bagdad.

Une question troublante demeure cependant: comment est-il possible qu'à un moment où le réseau de la santé subit des compressions budgétaires d'envergure sept grands hôpitaux montréalais se soient fait mettre sur le pied de guerre durant une fin de semaine complète sur la base de vulgaires cancans ?

Petit à petit, la vérité se met à émerger des obscurs bas-fonds où elle avait, semble-t-il, été enfouie. Dans un article publié le 30 mars dans le quotidien La Presse, on apprend que la police montréalaise avait été alertée par la découverte de trois communiqués de menaces d'attentats. (3) Le premier communiqué, qui remonte au 4 mars précédent, menaçait de faire exploser une «bombe biochimique» à la station de métro Beaubien.

Le 23 mars suivant, un second communiqué, signé «Abou Djihad, Front islamique mondial», est remis à la police. Dans un long texte faisant allusion à la «guerre sainte» contre les juifs et les occidentaux, l'énigmatique «Abou Djihad» menace de faire exploser des bombes bourrées «des produits chimiques ou bactériologiques», dans un grand édifice ou dans le système de ventilation du Montréal souterrain pouvant tuer «plus de 1000 personnes».

Ce sont ces nouvelles menaces qui aurait incité le commandant Normand Bernier (4) à convoquer les représentants de la Régie régionale de la santé de Montréal-Centre et d'Urgences Santé pour deux réunions au quartier général de la police, les 26 et 27 mars. Dès le lendemain de la première rencontre, la Régie demande aux hôpitaux de déclencher un «état d'alerte» et de renouveler leurs stocks d'antidote contre les gaz mortels. Les responsables des hôpitaux sont aussi priés de contacter leurs employés en congé pour les aviser de se préparer à se présenter au boulot de toute urgence. Ces mesures entraîneront des coûts imprévus, notamment 6500$ en heures supplémentaires juste pour les infirmières de Notre-Dame et de Saint-Luc.

Entre-temps, un troisième communiqué retrouvé le 28 mars dans une brasserie de la rue Sainte-Catherine annonce que des bombes chimiques supposément testées en Irak doivent éclater au Centre Molson pendant un match de hockey. (Encore l'Irak ! Décidément, certaines personnes semblent s'entêter à vouloir associer à tout prix Saddam Hussein avec le terrorisme anti-occidental...).

Alors que La Presse écrit que chacun de ces communiqués provoquèrent «un branle-bas de combat dans la police», celle-ci continue pourtant à se démener pour minimiser toute l'affaire comme s'il s'agissait-là d'une mauvaise plaisanterie sans conséquence. On notera cependant que les porte-parole de la police commencent déjà à changer leur version des faits. Ainsi, après avoir insinué qu'un employé en panique d'Urgences Santé aurait été à l'origine de l'alerte, voilà maintenant que le service de police montréalais pointe du doigt la Régie régionale.

«Il n'y a jamais eu de menace concrète», insiste le constable Pierre Houbart. «Nous avons simplement organisé, jeudi et vendredi dernier, des rencontres avec la Régie et Urgences Santé, afin de planifier les mesures et les ressources qu'on mettrait de l'avant si jamais il y avait des actes terroristes commis à Montréal. (...) Au cours de cette réunion, nous avons établi clairement qu'il n'y avait actuellement aucune menace, que nous ne voulions que faire de la planification. (...) Mais je crois que la Régie a pris ça trop au sérieux et a alerté les hôpitaux pour rien.»

«La régie de la santé a-t-elle exagéré?», demande d'ailleurs le titre de l'article publié à la Une de La Presse. Contactés par les journalistes, les grands hôpitaux montréalais, qui ont reçut l'ordre de ne rien révéler aux médias, ne cachent pas leur intention d'exiger une «bonne explication» à la Régie. Embarrassé, le président de la Régie, Conrad Sauvé, cherche à se défiler en relançant la balle du côté de la police. «Demandez aux policiers; ils vont tout vous expliquer», suggère-t-il à La Presse.

La polémique se poursuit avec la publication d'un nouvel article dans The Gazette, le 31 mars. (5) «Il faut prendre les menaces au sérieux et c'était définitivement une menace», affirme Denyse Monte, porte-parole de la Régie. «Si nous n'avions pas réagit et qu'il y avait eue une attaque, imaginez ce à quoi nous aurions à répondre.» Mais la police continue de nier qu'elle est à l'origine de l'alerte. «C'était des rencontres de routine, comme lorsque nous planifions pour des urgences avant le Festival des jazz ou la Formule 1», dit le constable Houbart en référence aux réunions tenues au quartier général.

Pour les responsables de la régie, ces propos sont la goûte qui fait déborder le vase. N'ayant aucun désir d'assumer le rôle de bouc émissaire dans cette affaire, la Régie décide de passer à la contre-attaque. Le même jour, le directeur de la Régie régionale, Marcel Villeneuve, envoie une lettre au service de police dans laquelle il réfute énergiquement les dires des porte-parole policiers. Il va sans dire que ladite lettre trouvera son chemin dans les pages des grands quotidiens montréalais...

Comme l'écrit M. Villeneuve dans sa lettre, il n'y a aucun doute que les policiers prenaient ces menaces au sérieux, comme en témoigne le fait que ceux-ci demandèrent deux fois, en l'espace de 48 heures, à la Régie de se tenir prête à réagir à un attentat. Comme le souligne le directeur de la régie, durant l'une des réunions au quartier général, le commandant Bernier «n'est pas intervenu pour préciser qu'il ne s'agissait que d'une vague planification à long terme» lorsque la discussion porta sur l'acquisition de 5000 doses d'Atropine pour traiter la contamination au gaz sarin. (6)

«Il y avait bel et bien une situation que vous avez déclenchée», écrit M. Villeneuve, ajoutant: «Nous comprenons mal le traitement que vous avez fait de cette situation en cherchant à banaliser les demandes que vous nous avez faites. Nous avons pris nos responsabilités, nous nous attendons à ce que vous prenez les vôtres dans de telles situations». (7)

Si M. Villeneuve ne va pas jusqu'à pas jusqu'à traiter les policiers de menteurs, on peut néanmoins dire sans exagérer qu'il leur reproche d'avoir défiguré la vérité au point de la rendre méconnaissable. Désormais sur la défensive, la police montréalaise, affirme maintenant par la bouche d'un autre de ses porte-parole, Pierre Verge, que la police n'a cherché qu'à éviter de déclencher la panique parmi la population. Précisons que la version mise de l'avant par le directeur de la Régie n'a jamais été contredite par la police, ce qui nous laisse guère d'autre choix que de conclure à la probabilité de sa véracité. Donc, la police a menti au public. Reste maintenant à savoir pourquoi.

Voici ce qui, à mon avis, s'est réellement passé: lorsque la police découvrit que les menaces étaient en réalité un canular, elle avait probablement déjà alerté les responsables du réseau de la santé. De toute évidence, la police ne tenait pas particulièrement à jouer le rôle du nigaud dans cette attrape-nigaud. La police aurait alors décidé de cacher au public le fait qu'elle s'était fait avoir. Ce qui qui expliquerait pourquoi, une fois que l'histoire a coulé dans les journaux, la police essaya de faire porter le chapeau aux responsables du réseau de la santé.

Acte 2: Du canular à la simulation

Le 28 mars 2000, la GRC annonce la tenue d'un exercice de simulation d'attentat terroriste à l'arme biochimique pour le début du mois juin, à Montréal. L'exercice, baptisé «Centauri 2000», mobilisera jusqu'à une cinquantaine d'organismes, dont la direction de la santé publique, Urgences-Santé, le Service de prévention des incendies de Montréal, le Centre de sécurité civile de Montréal et la Sûreté du Québec. «On veut que ce soit le plus réaliste possible», indique Léo Monbourquette de la GRC. (8)

Le motif officiel invoqué pour la tenue de l'exercice: tester le Plan national de lutte contre le terrorisme. On apprendra bien vite que l'idée de tenir cette simulation est apparue à la suite des soi-disantes menaces d'attentats terroristes de mars 1998. Un article paru dans le quotidien Le Soleil avance même que ces menaces «sont prises au sérieux par le SCRS» ! (9) (Tiens, le SCRS prend au sérieux ses propres canulars maintenant ?)

En fait, le SCRS n'hésite pas à citer les menaces lancées par son propre informateur tant afin de convaincre le pouvoir politique que le grand public de la gravité de la situation. Ainsi, dans «Perspectives», une publication du SCRS, un texte intitulé «Terrorisme chimique, biologique, radiologique et nucléaire» rapporte que «des menaces non corroborées d'utilisation de « produits chimiques ou biologiques » à Montréal, proférées au nom du « Front islamique mondial », ont causé de brèves perturbations dans cette ville en mars 1998.» Pour le SCRS, «le Canada reste vulnérable à ce type d'actes de terrorisme chimique, biologique, radiologique ou nucléaire cauchemardesques». (10)

Cela étant, l'annonce de la tenue de l'exercice de simulation est plutôt mal accueillit par certains groupes. Devant la commission permanente des institutions de l'Assemblée nationale, Guy Bouthillier, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, accuse la GRC d'intimidation, lui reprochant d'avoir délibérément choisit de tenir cet exercice à une date rapprochée de la fête nationale du Québec, le 24 juin. (11)

Le 11 avril suivant, c'est au tour d'une coalition de groupes de ressortissants algériens de demander l'annulation de l'opération Centauri 2000. Il faut dire que la communauté algérienne montréalaise a les nerfs à vif après avoir été passablement stigmatisée par l'affaire Ahmed Ressam, ce Montréalais d'origine algérienne qui avait été arrêté par des douaniers américains au volant d'une voiture transportant plus de 60 kilos de matériel explosif, en décembre 1999. (12)

Bref, le SCRS n'y va de main morte pour semer la peur et l'insécurité parmi la population. Pourtant, le SCRS eut beau agiter bien haut le drapeau de la menace terroriste et écrire dans son rapport annuel pour l'année 2000 que «les Canadiens sont plus que jamais des victimes potentielles et que le Canada pourra être la cible d'attentats terroristes», (13) ses horizons budgétaires demeurent inchangés.

Acte 3: «L'attentat» de Michel Auger

Le 13 septembre 2001, le journaliste Michel Auger lance un livre à caractère autobiographique intitulé «L'attentat». Le titre du livre fait référence à la tentative de meurtre dont avait été victime M. Auger, un an plus tôt, lors duquel celui-ci avait reçu six balles dans le dos dans le stationnement du Journal de Montréal, son lieu de travail à l'époque. Bien que le tireur n'a jamais été appréhendé, la police est convaincu que cette tentative d'assassinat fut commanditée par des membres du club de motards des Hells Angels.

Cet incident choqua l'ensemble de la communauté journalistique québécoise, faisant en sorte que la sortie de l'ouvrage de M. Auger bénéficia d'un important battage publicitaire dans les médias durant les jours précédant son lancement. En plus de revenir sur l'épisode de la tentative de meurtre, le livre offre un aperçu des faits saillants des 37 ans de carrière de M. Auger au sein de la profession journalistique.

Dans un chapitre intitulé «Plusieurs dossiers explosifs», M. Auger raconte qu'un de ses «bons informateurs» lui avait suggéré, à la fin de l'été 1998, de s'intéresser à une banale arrestation pour un vol de cendrier à la bibliothèque municipale de Westmount. Il ajoute que la source en question soutient «que les méthodes étonnantes du service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada révélées dans les années 60 et 70 n'étaient que de la petite bière en comparaison des tactiques utilisées aujourd'hui par les agents du SCRS». Pour M. Auger, c'est «une autre belle aventure journalistique» qui commence. (14)

M. Auger décrit le suspect dans le vol de cendrier comme étant «un Québécois pure laine devenu ardent défenseur de la pensée islamique et qui s'était donné la mission de propager cette doctrine chez nous.» «Appelons-le Youssef pour les besoins du récit», ajoute-t-il ensuite. Michel Auger vient ici de donner plusieurs indices qui laissent peu de place au doute quant à l'identité de l'individu concerné.

Car des «Québécois pure laine» devenus d'ardents défenseurs de l'islam, il n'en pleut pas particulièrement au Québec. Durant les années '80 et '90, il y en a eu un qui fit couler beaucoup d'encre, et il se faisait appeler Youssef justement, Youssef Mouammar plus précisément, aussi connu sous le nom de Joseph Gilles Breault avant sa conversion à l'islam. Personnage familier des journalistes, Mouammar a toutefois disparu de l'actualité depuis la moitié des années '90.

En juin 1998, écrit Auger, le Youssef en question est sous filature de la GRC, qui le soupçonne « d'avoir fait des menaces à un juge français et d'avoir voulu provoquer la panique dans le métro de Montréal en menaçant d'y placer une bombe bactériologique en mars 1998 ». M. Auger apporte d'ailleurs quelques précisions au sujet de ces fameux communiqués menaçants: «L'un de ces communiqués avait été transmis aux bureaux du Journal de Montréal, prévenant de la présence d'une bombe bactériologique dans le métro montréalais.»

À la bibliothèque de Westmount, Youssef ne se doute pas qu'il est sous surveillance lorsqu'il place un cendrier dans ses effets personnels. Pris en flagrant délit de vol, Youssef est arrêté par un agent de sécurité, ses effets personnels sont confisqués et fouillés. Auger écrit alors ceci : «Parmi les documents en sa possession se trouvait un communiqué du Jihad islamique, en tous points semblable à dix-huit autres communiqués qui avaient été envoyés à des journalistes et à des hommes politiques».

La GRC semble donc avoir épinglé son homme. «Les résultats des analyses d'écriture n'ont pas tardé à confirmer les soupçons de la GRC», écrit d'ailleurs Auger, avant d'ajouter: «Non seulement la majorité des communiqués provenait du même ordinateur et de la même imprimante, mais des analyses d'ADN et la comparaison d'empreintes digitales reliaient le suspect aux enveloppes dans lesquelles les communiqués avaient été acheminés.»

Malgré des preuves aussi écrasantes, Youssef ne sera pourtant jamais inculpé pour les menaces d'attentats. Auger ne tarde pas à expliquer pourquoi. «Youssef était bien connu des agents secrets et des policiers chargés de la lutte anti-terroriste, mais ce qui était moins connu, c'est qu'il était aussi un informateur payé par le SCRS», lit-on. Ce qui amène l'auteur à faire ce commentaire: «Donc, pendant que le service civil de sécurité (ndlr: le SCRS) faisait des représentations au gouvernement sur les dangers du bioterrorisme à l'aube du nouveau millénaire, c'est en utilisant l'argent d'Ottawa qu'un individu expédiait aux journaux et à d'autres organismes des menaces signées Abu Jihad.»

Selon Auger, la GRC, qui est déjà à couteaux tirés avec le SCRS, ne semble pas avoir été particulièrement ravi par cette découverte. À tel point que la section des enquêtes sur la sécurité nationale de la GRC va jusqu'à «rédigé une demande de mandat de perquisition pour aller fouiller dans les dossiers du service de sécurité fédéral», écrit Auger ! L'auteur ne précise toutefois pas si le mandat fut exécuté...

Malgré l'ampleur de ces révélations, ce scoop de Michel Auger n'est repris par aucun média montréalais. Cette véritable bombe passe tout simplement inaperçue. Il faut aussi dire que le jour du lancement de «L'attentat», l'attention des médias montréalais, et ceux du reste du monde d'ailleurs, est monopolisée par des attentats autrement plus spectaculaires. Il s'agit évidemment des attaques qui survinrent deux jours plus tôt, le matin du 11 septembre 2001 aux États-Unis, et qui coûtèrent la vie à près de 3000 personnes et entraînèrent l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center, à New York, et endommagèrent l'une des façades du Pentagone, à Washington DC.

Acte 4:
Dérapages médiatiques montréalais aux
lendemains des attentats du 11 septembre

Le 11 septembre 2001 est le jour où l'inimaginable se produit: l'espace aérien de la plus grande puissance militaire des temps modernes est bafoué par dix-neuf pirates de l'air qui prirent les commandes de quatre avions de lignes américaines avec pour seul arsenal de modestes couteaux exacto. Pour certains «experts», ces attaques synchronisées changèrent le monde à jamais. Chose certaine, l'impact de ces événements se fait ressentir pratiquement partout à travers le monde entier, et à plus forte raison chez le voisin immédiat du géant américain, le Canada.

À seulement 595 kilomètres de distance de New York, Montréal ressent durement le choc. Dans les heures suivant la destruction du World Trade Center, un sentiment de panique gagne les plus hauts gratte-ciel du centre-ville montréalais - la Place Ville-Marie, le 1000 de la Gauchetière et la Tour de la Bourse - , où des centaines de personnes fuient leur lieu de travail, malgré les appels au calme des autorités. (15) «Nous sommes en état d'alerte», déclare ce jour-là le maire montréalais Pierre Bourque, qui assure du même souffle suivre de très près la situation aux États-Unis, «de façon à être prêts à toute éventualité». (16)

«Une nouvelle ère de paranoïa, qui touchera probablement toutes les populations occidentales, vient de s'ouvrir», écrit Katia Gagnon dans La Presse. (17) «L'imaginaire collectif des Montréalais, comme celui de tous les Occidentaux, a été marqué au fer rouge», ajoute-t-elle. «Désormais, il faut cesser de se croire à l'abri de tels drames», renchérit Bernard Descôteaux en page éditoriale du Devoir. «Qu'on le veuille ou non, nous serons tous leurs victimes», va-t-il jusqu'à prédire. (18)

Aux États-Unis, il aura fallut moins de 48 heures au Federal Bureau of Investigation (FBI) pour identifier son «suspect numéro un»: le «milliardaire» d'origine saoudienne Oussama ben Laden, qui avait ouvertement appelé à la «guerre sainte» contre les États-Unis, le 23 février 1998, demandant aux musulmans du monde entier de tuer des Américains - civils ou militaires - partout où ils le peuvent. Notons qu'au moment du 11 sept., ben Laden avait déjà été inculpé par deux grands jurys américains dans deux autres affaires d'attentats meurtriers. (19)

La chasse aux terroristes est lancée. Tous les gouvernements de ce monde doivent obligatoirement être mis à contribution, car désormais soit vous êtes avec les États-Unis ou soit vous êtes contre eux, pour paraphraser le président américain George W. Bush Junior. C'est le début d'un nouveau type de guerre sans ligne de front clairement identifiable contre un ennemi sans visage, invisible et partout à la fois.

«Ces gens pourraient être vos voisins», déclara le premier ministre Chrétien en référence aux soi-disants agents dormants du terrorisme international qui se serait infiltrés au coeur du monde occidental. (20) «Ils ont des cellules à travers le monde entier, apparemment», de continuer M. Chrétien. «Ils ont de toute évidence des cellules aux États-Unis, ils en ont peut-être au Canada.» Dans ces circonstances, n'importe quel citoyen d'origine arabe ou de confession islamique est susceptible de devenir l'objet de suspicion du simple fait qu'il est musulman ou originaire du moyen-orient. Les éditorialistes du quotidien The National Post n'hésitent d'ailleurs plus à prêcher ouvertement les bienfaits du profilage racialo-religieux. (21)

Du matin au soir, les médias parlent du péril terroriste, avec pour résultat que la psychose de l'attentat finit par prendre racine dans les esprits. D'un bout à l'autre du Canada, des citoyens affolés prennent d'assaut les magasins de surplus d'armée à la recherche de matériel de protection à l'épreuve d'attaque terroriste. (22) À Montréal, la plupart des surplus d'armée avaient déjà écoulé leur stock de masques C3 NBC (pour nucléaire, bactériologique et chimique) seulement deux semaines après le 11 sept. Le niveau d'angoisse est tel que le ministre fédéral de la Santé Allan Rock annonce, en octobre, la création d'un plan destiné à lutter contre le stress engendré par la peur du terrorisme. (23)

Ce type d'ambiance annonce des jours meilleurs pour un organisme comme le SCRS qui se nourrit de la trouille du grand public. D'ailleurs, l'«expertise» des «ex» du SCRS, comme David Harris et Reid Morden, n'a jamais été en aussi grande demande. À la Chambre des communes, les plus fidèles alliés des services secrets canadiens, à commencer par le chef de la défunte Alliance canadienne et actuel ministre fédéral de la Sécurité publique, Stockwell Day, font pression sur le gouvernement libéral pour qu'il augmente le budget du SCRS, de même que celui de la GRC et de la Défense nationale. Joe Clark, le chef du défunt Parti progressiste-conservateur, invite également Ottawa «à revoir les niveaux de financement du SCRS». (24)

Bien que les partisans de la surenchère sécuritaire semblent en position de force comme jamais, un argument essentiel leur fait toutefois défaut. Malgré l'abondance de la rhétorique paranoïaque dans les médias, personne n'a encore réussi jusqu'à présent à citer une seule menace précise contre le Canada, un pays qui n'a jamais semblé suscité grand intérêt auprès des adeptes du djihad.

En demeurant vague et abstraite, la menace terroriste ne constitue en rien un antidote contre le scepticisme qui semble reprendre du terrain, en particulier chez les milieux qui sont traditionnellement rébarbatifs aux visées militaristes de la Maison-Blanche. Cette absence de menace crédible constitue donc le chaînon manquant dans la chaîne de montage argumentative des disciples des politiques ultra-sécuritaires. Fait inusité, c'est de l'autre côté de l'Atlantique que ce chaînon manquant va surgir, à Paris, plus précisément. Voici comment ça s'est passé.

Le 29 septembre 2001, le journal français Le Monde offre un compte-rendu de l'ouverture d'un méga procès de 24 présumés islamistes accusés d'«association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» devant la 16e chambre correctionnelle de Paris. Plus spécifiquement, les accusés sont soupçonnés d'avoir soutenus matériellement la guérilla du Groupe islamique armé (GIA), en Algérie, en se livrant à la contrebande d'armes, de voitures et de faux papiers, via la France, la Suisse et l'Italie, entre 1995 et 1997. (25)

Ce réseau, présumément dirigé par le Franco-Algérien Djamel Beghal, fit l'objet d'une vaste et méticuleuse enquête de la part de la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage français), comme en témoigne l'épaisseur du dossier de l'accusation présenté au procès: 18 000 pages, quarante volumes ! Ouverte en avril 1996, l'enquête de la DST trouve son origine dans le démantèlement du fameux réseau Chalabi, un an et demi plus tôt, lequel approvisionnait également les maquis du GIA. Puis, en septembre 1997, l'enquête prend une tournure inattendue lorsque l'un des suspects, Nacer Eddine Mettai, de Marseille, décide de se mettre à table.

Mettai révèle alors à la DST que le réseau Beghal s'identifierait à la mouvance fondamentaliste d'origine égyptienne al-Takfir wal-Hijra, signifiant «anathème et exil» ou «expiation et renoncement», selon les traductions. Le Takfir s'est d'abord fait connaître par l'enlèvement et l'assassinat du cheikh Dhahabi, ex-ministre des biens religieux du gouvernement égyptien, en 1977. Réputée extrémiste même parmi les islamistes radicaux, la mouvance du Takfir repose sur une idée centrale, celle de l'excommunication de l'ensemble de la société égyptienne sur la base qu'elle ne serait pas authentiquement musulmane.

Bavard comme une pie, Mettai multiplie donc les révélations abracadabrantes aux enquêteurs de la DST. Il prétend que le GIA aurait forgée une alliance avec le réseau Takfir en vue de lancer une vague d'attentats visant des intérêts américains. Une alliance qui, selon les dires de Mettai, aurait reçu la bénédiction d'Oussama ben Laden lui-même, lequel aurait accepté de financer leur campagne anti-américaine. Ce qui est tout de même un peu étonnant quand on sait que des adeptes du Takfir avaient tentés d'enlever la vie à ben Laden, en 1995, à l'époque où celui-ci vivait en exil au Soudan. Jugeant le riche saoudien comme étant «excessivement libéral», les assaillants avaient alors arrosé la maison de ben Laden de balles de kalachnikov, abattant quatre de ses gardes du corps avant de trouver la mort à leur tour. (26)

Et le lien avec le Canada dans toute cette histoire ? Hé bien, il se trouve dans une brève accompagnant l'article principal du Monde. Intitulée «Un projet d'attentat à Montréal découvert en 1999», la brève rapporte que les enquêteurs français mirent la main sur une «fiche technique» dans un appartement occupé par des membres du réseau Beghal, à Marseille. Le document s'apparente en fait à un ultimatum menaçant. «Sur chacune des lignes du métro de Montréal, il y a une bombe», lit-on. «Si nos textes ne sont pas rendus publics à la radio et à la TV internationales, les trois bombes seront déclenchées simultanément par trois frères combattants à l'heure que nous jugerons (le 4 mars entre 8 heures et 22 heures).» (27)

La «fiche» est assorti d'une sorte de manifeste, où on peut notamment lire que, «devant la double et inéluctable faillite du modèle américain et du modèle soviétique, [l'islam] peut redonner une espérance à un monde menacé dans sa survie par ce double échec». Quant à la signature, «Front islamique mondial pour promouvoir l'internationalisation de la lutte armée», elle rappelle étrangement celle utilisée par ben Laden lui-même lors du lancement de sa fameuse fatwa du 23 février 1998, dans laquelle il enjoignait les musulmans à «tuer les Américains et leurs Alliés».

À première vue, cette affaire plutôt étrange suscite bien des questions. Les accusés sont-ils vraiment les auteurs de ces documents ? Et, si oui, pourquoi des islamistes Marseillais voudraient-ils se donner le mal de s'en prendre à des Montréalais qui, pour la plupart, n'ont jamais entendu parler de toute leur vie de cet obscur groupuscule appelé al-Takfir wal-Hijra ?

Ces zones d'ombres auraient normalement dû inviter les médias montréalais à faire preuve d'un minimum de prudence, et les pousser à approfondir les recherches avant de sauter aux conclusions hâtives. D'ailleurs, les journalistes montréalais n'avaient pas à chercher bien loin pour trouver la clé de l'énigme: ils n'avaient simplement qu'à lire l'ouvrage de leur estimé collègue Michel Auger !

Au lieu de cela, la brève du journal Le Monde va littéralement enflammer l'imagination de la faune journalistique montréalaise. Le Journal de Montréal sera le premier quotidien à s'emparer de l'affaire. «Des terroristes islamiques visaient le métro de Montréal», lit-on à la Une de l'édition du 1er octobre 2001. Le premier paragraphe de l'article, signé par Bertrand Desjardins, se lit comme suit: «Une cellule terroriste islamique que l'on associe au groupe d'Oussama ben Laden a projeté en 1999 de commettre plusieurs attentats à la bombe dans le métro de Montréal». (28)

(Notez ici comment le Journal de Montréal emploie le terme «islamique», qui fait référence à la religion puisqu'il renvoie à l'adjectif de l'islam, plutôt que celui plus approprié d'«islamiste», qui se rapporte à un mouvement idéologique au même titre que le communisme, le fascisme ou le nationalisme.)

Cela étant, ce traitement pour le moins sensationnaliste provoque un immense émoi dans la métropole québécoise. À tel point que la police de Montréal ne voit d'autre choix que de convoquer les médias à une conférence de presse la journée même. Sur le plan médiatique, ce point de presse aura un effet boeuf. Les quatre grands quotidiens montréalais y font acte de présence. À lui seul, Le Devoir consacre trois textes, soit deux articles de nouvelles et un éditorial, à cette histoire de menaces terroristes dans son édition du 2 octobre 2001.

En fait, l'affaire va avoir un écho à travers le Québec puisque la dépêche de l'agence Presse Canadienne (29) relatant la conférence de presse policière est reprise dans la plupart des grands quotidiens que compte la province: Le Soleil de Québec, Le Droit d'Ottawa, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, La Tribune de Sherbrooke, La Voix de l'Est de Granby, Le Quotidien de Saguenay et, au Nouveau-Brunswick, L'Acadie Nouvelle de Caraquet. Côté presse anglophone, seul deux quotidiens s'intéressent à l'affaire, soit The Gazette de Montréal et The National Post de Toronto.

Malheureusement, les journalistes montréalais auront tout faux dans leur traitement de l'affaire. Plusieurs d'entre eux écrivent que le soi-disant projet d'attentat était daté de 1999, alors qu'il s'agissait plutôt de l'année où les enquêteurs français firent la découverte du document. D'autres confondent le «Front islamique mondial» de Ben Laden avec le «Front islamique mondial» de Youssef Mouammar. Et, évidemment, ils n'hésitent pas à mêler le Takfir à tout ça. Par ailleurs, vous remarquerez que, contrairement à 1998, plus personne ne songe à lier ces prétendues menaces à l'Irak. L'heure est à ben Laden et non plus à Saddam Hussein.

Dirigeant cette conférence de presse, le commandant André Durocher, alors responsable des communications pour la police montréalaise, relate les événements du 4 mars 1998. Il raconte d'abord qu'un inconnu remis une enveloppe à un changeur de la station de métro Beaubien. «Dans cette enveloppe, on mentionnait qu'il y avait trois bombes sur les lignes de métro de Montréal», dit-il. «Puis, la même journée, vers 11 h 10, un appel était placé au 911, mentionnant qu'il y avait un colis suspect à la station de métro Fabre.» Pendant près de cinq heures, le service est interrompu sur cette ligne. Un colis suspect est trouvé, mais son contenu se révèle inoffensif.

«La lettre était un canular, le colis était aussi un canular», de dire M. Durocher. «Les canulars, on en a en quantité importante», fait-il également remarquer. L'enquête policière a bien permis d'identifier un suspect, mais celui-ci n'aurait jamais été accusé en raison d'une «technicalité». «La personne qui a fait ce manifeste-là était en manque de visibilité», affirme M. Durocher pour expliquer les motivations du suspect. Prétendant avoir mené une enquête «rigoureuse», la police aurait conclut que «cette personne n'était pas liée à quelque groupe terroriste que ce soit».

Bref, à écouter le commandant Durocher, nul ne devrait se soucier de ces pseudos menaces d'attentats. Toutefois, le public est évidemment bien moins disposé qu'en 1998 à croire que ces menaces n'étaient que du vent. En fait, la police aurait certainement été plus convaincante si elle s'était montré moins cachottière avec les médias.

Ainsi, le porte-parole policier n'offre aucune réponse aux journalistes qui cherchent à savoir si des organisations comme le «Front islamique mondial» sont bien implantées à Montréal. Il ne veut pas non plus se prononcer au sujet de la prise de bec qui avait opposée, en 1998, la police montréalaise aux responsables du réseau de la santé sur la question du sérieux qu'il fallait accorder aux menaces contre le métro. (30) Enfin, bien qu'il prétend que «le suspect n'est pas relié à ceux de Paris», le commandant se dit cependant incapable d'expliquer comment la lettre de menaces a pu se retrouver entre les mains d'un réseau islamiste marseillais.

M. Durocher se contente plutôt de répéter que le métro n'est pas menacé à l'heure actuelle. Avec pour résultat que les paroles rassurantes du commandant sont accueillies avec un certain scepticisme chez plusieurs des médias montréalais, comme le journaliste Brian Myles du Devoir pour qui cette conférence de presse n'est qu'un «exercice de relations publiques destiné à apaiser les craintes du public et à démentir les informations du Monde». (31)

Le lendemain, La Presse titre à sa Une : «Ce n'était pas un canular: un groupe de ben Laden a bien menacé Montréal». (32) (Tiens donc.) Dans le premier paragraphe de l'article, le journaliste Éric Clément écrit sur un ton empreint de certitude que «Montréal a bel et bien fait l'objet, en mars 1998, de menaces signées "Front islamique mondial', une organisation dirigée par Oussama ben Laden qui avait lancé une fatwa contre "les Américains et leurs alliés" quelques jours auparavant.»

De son côté, le Journal de Montréal perd son ton sensationnaliste de la veille. (33)C'est qu'il semble que quelqu'un a enfin eu l'idée d'ouvrir le livre de Michel Auger. Car on voit mal comment le journaliste Éric Yvan Lemay aurait pu écrire dans son article que «le suspect, prénommé Youssef, a été arrêté en juin 1998 pour un simple vol de cendrier dans une bibliothèque de Westmount» sans s'être tapé «L'attentat». Malheureusement, M. Lemay oublie de mentionner un tout «petit détail» de rien du tout: que le Youssef en question était à l'époque un informateur du SCRS.

Dans Le Devoir, le journaliste Christian Rioux offre un point de vue plus nuancé. (34) «La forme plutôt artisanale du document, bourré de fautes d'orthographe, laisse plutôt penser qu'il pourrait s'agir d'un avant-projet,» explique Fabrice Lhomme du journal Le Monde. «Montréal a dû se retrouver parmi un tas d'autres projets dans un tas d'autres pays.» Pour sa part, le journaliste Brian Myles termine son article sur cette note peu rassurante: «La menace du terrorisme chimique ou biologique est bien réelle au Canada, comme l'indique dans un rapport public le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).» Tant qu'à y être, pourquoi ne pas dire un gros merci au SCRS pour veiller si bien sur nous !

Toujours dans Le Devoir, l'éditorialiste Jean-Robert Sansfaçon signe un texte intitulé «Où étiez-vous le 4 mars 1999?». (35) Le ton est ici à l'émotion. «Ce matin», écrit-il, «n'êtes-vous pas comme l'auteur de ces lignes, un peu plus inquiet qu'à l'habitude en franchissant le tourniquet?» Laissons l'éditorialiste élaborer sur les motifs de son inquiétude : «Ce qu'on apprend aujourd'hui, c'est qu'un drame épouvantable aurait pu survenir ce même 4 mars 1999 si une poignée de militants d'une organisation islamiste, dont personne ici ne soupçonnait même l'existence, avait mis à exécution son projet de placer des explosifs sur trois lignes du métro de Montréal. Inévitablement, ces gens connaissaient Montréal et y avaient vécu, même si c'est à Marseille qu'on a retrouvé la "fiche technique" de l'attentat, cette même année 1999.»

Face à une nervosité aussi palpable, les entrepreneurs en gestion de crise et autres prédicateurs du tout-sécuritaire, comme François Pagé, associé directeur chez Pagé & Compagnie, flairent rapidement la bonne affaire. Estimant que le public est fin prêt à prêter l'oreille à son discours catastrophiste, M. Pagé signe un long texte ayant pour titre «Terrorisme: sommes-nous prêts ?» repris dans La Presse dès le lendemain du point de presse de la police. (36) En voici un extrait:

«Semaine du 1er janvier 2002: les terroristes ripostent et des camions piégés explosent dans huit capitales mondiales, dont Ottawa, ainsi qu'à proximité des sièges de l'OTAN, à Bruxelles, de l'ONU, à New York, et de l'OACI, à Montréal. Bilan initial: onze explosions de la taille de celle de Oklahoma City, des milliers de morts et de blessés. Scénario d'apocalypse ? Prochaine étape de la spirale de violence dans laquelle nous nous sommes engagés comme allié des États-Unis? Politique fiction inutilement alarmiste? Nous ne le croyons pas.»

«Encore hier, des informations en provenance de Paris indiquaient qu'une cellule terroriste associée au groupe d'Oussama ben Laden aurait comploté pour faire exploser trois bombes dans le métro de Montréal, en 1999. Ces informations se retrouveraient sur des documents saisis dans le cadre du procès de 24 islamistes qui s'est ouvert, ces jours-ci, à Paris. Ceux-ci sont accusés d'avoir eu l'intention de semer la terreur dans la région de Marseille. Dans un scénario visant le Canada, les individus auraient envisagé déposer trois bombes qui se seraient déclenchées simultanément, au moment désiré.»

La table étant mise, M. Pagé peut dès lors chanter les louanges de la prévention sécuritaire. «Il est temps de se préparer», écrit-il. «Le Canada et le Québec, malgré notre longue tradition pacifiste, ne devraient pas se croire immunisés face à la menace terroriste.»

Heureusement, certaines, comme Rima Elkouri de La Presse, sont encore capables d'incrédulité. «Ben Laden dans le métro de Montréal?», s'interroge Elkouri dans sa chronique du 3 octobre. (37) «J'essaie d'y croire, mais je n'y crois pas, comme tous les passagers endormis que j'ai croisés hier matin.» Mais, en cette ère de paranoïa, il en faut peu pour que le doute raisonnable laisse place à une montée d'angoisse.

Ainsi, la chroniqueuse raconte que ce matin-là la ligne orange du métro se trouve soudainement en proie à la paralysie. «Mon scepticisme a été ébranlé», confie alors Elkouri. «Et si c'était vrai? Mais non, ce n'était pas vrai. Ce n'était qu'un problème de portes. La panne n'a duré que huit minutes. Huit minutes anodines qui prenaient soudainement un tout autre sens.»

Le même jour, le Devoir publie à sa Une une manchette propre à donner des frissons : «Le Québec serait pris au dépourvu par une attaque bioterroriste de grande envergure». (38) Signée par la journaliste Isabelle Paré, l'article cite surtout le Dr Michel Savard, responsable d'un groupe de travail du gouvernement du Québec sur les menaces chimiques et biologiques. «Il faut revoir la question des réserves d'antidotes», dit le Dr Savard. «Actuellement, tout cela est remis en question par les derniers événements». La journaliste précise que le docteur fait ici référence aux «révélations faites sur les projets d'attentats qui ont plané sur le métro de Montréal lors du procès parisien des terroristes du mouvement algérien Takfir-wal-Hijra».

Dans la même édition du Devoir, l'avocat en droit constitutionnel Alain-Robert Nadeau y va aussi de son petit grain de sel. (39) Me Nadeau écrit d'abord que «la possibilité d'une attaque dans le métro ou sur des barrages hydroélectriques appartient désormais au domaine du réel» pour ensuite soutenir que «la question de la sécurité nationale et de la lutte antiterroriste supplante le dogme de l'assainissement des finances publiques qui prévalait jusque-là.» En résumé: quand la «sécurité nationale» est en jeu, au diable les dépenses !

C'est en fin de journée que le Téléjournal de Radio-Canada diffuse un reportage choc de Normand Lester révélant que Youssef Mouammar est un informateur du SCRS. «Radio-Canada a appris que Mouammar rencontrait déjà des agents du SCRS au moment de la guerre du Golfe en 1991», affirme sans détour le journaliste chevronné. La bombe vient d'être lancé ! (40)

Lester revient d'abord sur l'enquête française contre le réseau de soutien au GIA. «Dans leur perquisition», relate le reportage, «les services français saisissent de nombreux documents qui prônent le recours à la violence et au terrorisme, des incitations au crime et à la haine raciale, en vertu de dispositions du Code criminel canadien. Ces documents sont signés Youssef Mouammar.» On apprend ensuite que des enquêteurs français qui s'étaient rendu au Québec pour enquêter sur Mouammar, au printemps 1997, avaient dû repartir bredouille. «On n'a jamais averti les Français que Mouammar était un informateur du SCRS», dit Lester. Malheureusement, le reportage de Lester omet de faire le lien entre Mouammar et les menaces de 1998.

Maintenant que le chat est sorti du sac, voyons voir comment réagissent ces mêmes médias qui avaient faussement prétendu qu'un groupe lié à ben Laden avait menacé. Dans La Presse du 5 octobre, Youssef Mouammar fait l'objet de deux articles. Tout d'abord, un texte de Éric Clément (41), qui a déjà écrit à plusieurs reprises sur Mouammar. Il est le premier journaliste de la presse écrite à faire directement mention de la révélation explosive contenue dans «L'attentat», le livre de Michel Auger, au sujet des liens unissant l'auteur des communiqués de menaces au SCRS.

Mais cette véritable bombe est lancée avec nonchalance, sans tambour ni trompettes, juste comme ça, au passage, sans aucune analyse sur les implications de tels agissements de la part du SCRS, ni même de réaction, ne serait-ce qu'émotive, comme l'étonnement, par exemple. Clément préfère se contenter de comparer l'informateur des services secrets à un «personnage roman», d'où le titre de son article.

Pour le reste, l'article brosse un résumé de la carrière médiatique de Mouammar. L'article cite rapidement certaines des controverses auxquelles fut mêlé Mouammar ces dernières quinze pages: son intervention dans l'affaire Salman Rushdie, ses propos violemment anti-israéliens, ses appels au meurtre de responsables politiques algériens et ses menaces de mort contre la journaliste britannique Gillian Lusk. Mais cet aperçu est loin d'être complet. Ainsi, il n'est pas question du rôle de Mouammar lors de la guerre du Koweit, ou dans la diffusion des «Protocoles des Sages de Sion». Pire: les menaces d'attentats de 1998 sont passées sous silence...

«Montréal «centre islamiste»?» est le titre du deuxième article traitant de Mouammar dans La Presse ce jour-là. (42) Comme le laisse voir le titre, les coup tordus du SCRS permettent encore une fois de monter en épingle l'ampleur de «menace» islamiste à Montréal. Signé par Louis-Bernard Robitaille, correspondant à Paris, l'article rapporte que le nom de Montréal est revenu «au premier plan de l'actualité «islamiste»» au procès du réseau Beghal. M. Robitaille passe totalement sous silence les accointances de Mouammar avec le SCRS, citant plutôt les paroles des juges d'instruction français pour qui Mouammar est «totalement impliqué dans la mouvance islamiste radicale».

Une opinion fondée non seulement sur les communications multiples, par téléphone ou par télécopieur, entre Mouammar et certains des accusés, mais aussi sur les divers communiqués signés «Abou Djihad du Front islamique mondial» dans lesquels les «peuples américain et français, hommes, femmes et enfants», se voient menacés de connaître «l'horreur des bombes et la douleur de perdre des êtres chers». Par contre, l'article contient une fausseté de taille. Se référant à Mouammar, M. Robitaille écrit en effet que «Rien ne le relie pour l'instant non plus au «projet d'attentat» dans le métro de Montréal en 1996 [sic]».

Quant à l'organisme de Mouammar, la Fondation internationale musulmane du Canada (FIMC), les magistrats français la considère «comme une émanation d'une autre organisation intégriste clandestine «à vocation militaire», Al-Baqoun ala Al Ahd (Les Fidèles du serment)», laquelle aurait été liée à deux groupes algériens insurgés, d'abord l'Armée islamique du Salut, ex-bras armé du FIS, puis le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui figure aujourd'hui sur la liste canadienne des entités terroristes.

Le Devoir mentionne également les révélations au sujet des liens entre Mouammar le SCRS. Mais cette révélation choc, qui est ici présentée comme une «exclusivité de la télé de Radio-Canada», est littéralement enterrée dans un article portant sur un sujet à n'en point douter de la plus haute importance : un appartement montréalais déserté par une poignée de locataires arabes... (43)

Bref, le moins que l'on puisse dire c'est que la réaction de la presse écrite laissera fortement à désirer. Ce scandale n'aura pas droit à de gros titres en Une. Aucun des éditorialistes montréalais ne déchirera sa chemise, ni ne demandera d'enquête publique sur les abominables supercheries du SCRS. Au lieu de l'indignation à laquelle on aurait pu s'attendre en pareille circonstance, nous seront plutôt confronté à un silence ténébreux... En fait, durant les deux prochains mois, le nom de Youssef Mouammar disparaît carrément de l'actualité. Plus un mot sur les menaces contre Montréal, comme si cette histoire n'avait jamais existé.

En d'autres mots, les médias ont, semble-t-il, convenu qu'il valait mieux pour l'instant d'enterrer l'affaire en douceur. Tout comme la police de Montréal, en 1998, les médias voulurent vraisemblablement sauver la face et éviter de passer pour les nigauds dans cette histoire. Or, faut-il rappeler qu'il y a bien plus que la réputation des médias qui pèse dans la balance dans cette affaire ?

Que fait-on en effet des normes éthiques prévues par le Guide de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ? Selon le Guide, les journalistes sont non seulement dans «l'obligation de s'assurer de la véracité des faits qu'ils rapportent», mais ils doivent également «corriger leurs erreurs avec diligence et de façon appropriée au tort causé». (44) Or, jamais Le Journal de Montréal, La Presse, Le Devoir n'offriront leurs excuses auprès de leur lectorat respectif pour l'avoir si grossièrement induit en erreur.

Enfin, force est de constater que cette histoire de pseudo menaces est tombée plutôt pile, politiquement parlant, pour ceux qui brûlaient d'envie de voir le Canada se joindre à la grande inquisition antiterroriste lancée par l'administration Bush Jr. Désormais, le gouvernement Chrétien peut aller de l'avant avec son train de mesures sécuritaires, en plus d'apporter la contribution des Forces armées canadiennes au déclenchement de la guerre américaine contre le régime des talibans, en Afghanistan, pour son soutien envers ben Laden, le tout au nom de la sécurité du Canada. Après tout, les libéraux préfèrent éviter de passer pour le chien de poche de Washington.

Acte 5: Et le grand gagnant est.. le SCRS

Le 10 décembre 2001, le SCRS peut enfin commencer à cueillir le fruit de ses efforts soutenus pour faire grimper l'insécurité nationale. Ce jour-là, le ministre des Finances Paul Martin dépose en effet un «budget antiterroriste». En tout, 6.5 milliards$ sont consacrées à financer tout un train de mesures destinées au renforcissement de la sécurité aérienne et frontalière, ainsi qu'à renflouer les budgets de l'armée et des forces policières. Quant au SCRS, il voit son budget augmenté de pas moins de 159 % pour les cinq prochaines années, passant de 197,5 millions à 531,9 millions$. (45)

Ce n'est qu'après le dépôt du budget que deux grands quotidiens canadiens, soit La Presse et The National Post, vont chacun consacrer un article fouillé sur l'affaire Mouammar. Nous sommes alors plus de deux mois après le reportage de Lester au Téléjournal.

Le 14 décembre 2001, André Noël de La Presse publie le dernier article d'une série de quatorze textes étoffés racontant comment pendant de nombreuses années «Montréal a été le coeur d'un réseau terroriste international, lié à Oussama ben Laden». La série du journaliste Noël se concentre principalement sur les cas d'Ahmed Ressam et de Fateh Kamel, ce résident Montréalais qui, selon les autorités françaises, aurait dirigé un réseau international de faux papiers d'identité.

Mais le dernier article de la série traite entièrement de Mouammar, à qui M. Noël rendit visite à son domicile, durant l'automne 2001. (46) Décrit par Noël comme «un homme faible, amaigri», Mouammar passe aux aveux, révélant qu'à une époque il recevait jusqu'à 7000$ par mois du SCRS. C'est avec cet argent que Mouammar dit avoir voyagé un peu partout à travers le monde, lui permettant même de faire la rencontre d'Oussama ben Laden en chair et en os, au Soudan.

Mouammar essaye aussi de brouiller les cartes, par déformation professionnelle, sans doute. Ainsi, durant l'entrevue, il lance cette étrange question qui demeura sans réponse: «Est-ce que Youssef travaillait pour le SCRS ou se servait-il de l'argent du SCRS pour financer Al-Qaeda et le Front islamique mondial?» L'ex-informateur cherche manifestement ici à semer la confusion au sujet de sa véritable allégeance.

Cet article riche en révélations nous apprend également que le SCRS n'a pas lésiné sur les moyens pour protéger son informateur, en envoyant la GRC et la police de Montréal sur de fausses pistes, ou encore en planquant Mouammar dans un motel pour lui éviter d'être interrogé par un juge antiterroriste français en visite à Montréal, qu'il avait lui-même menacé. Certes, La Presse a bien finit par écrire en lettres noires sur blanc que l'informateur du SCRS était effectivement l'auteur des menaces d'attentats de 1998. Mais en noyant cette révélation dans un article fleuve, cela ne peut avoir le même impact que lorsque La Presse publia à sa Une qu'«un groupe de ben Laden a bien menacé Montréal»

Le lendemain, l'affaire Mouammar est à nouveau abordée dans La Presse, cette fois-ci par le journaliste André Cédilot. (47) Mouammar «a semé la peur à Montréal et dans plusieurs pays, dont l'Algérie, la France et l'Angleterre, par des menaces et des appels à la rébellion, à la violence et au terrorisme», lit-on notamment. Mais le thème principal de l'article de M. Cédilot consiste à critiquer la décision rendue par la commission d'enquête McDonald, il y a vingt ans de cela, de confier les enquêtes de la GRC sur la sécurité nationale à un organisme civil, ce qui donna lieu à la création du SCRS, en 1984.

Selon le journaliste, cette décision «s'est révélée désastreuse pour le pays» et aurait «provoqué un net recul dans la lutte antiterroriste». Que faire, alors ? Cédilot écrit que «plusieurs sont d'avis que la GRC devrait rapatrier sous son autorité tout ce qui concerne les activités terroristes au pays», une conclusion avec laquelle le journaliste ne semble pas en désaccord, même s'il ne manque pas de rappeler que ce sont «les errements de la GRC», c'est-à-dire de «faux attentats, faux communiqués, vols de documents», qui menèrent à la commission McDonald.

Quant à l'article paru le même jour dans The National Post, il expose aussi le lien entre Mouammar et le SCRS. (48) Il permet d'apprendre que Boualem Chibani, l'un des 24 accusés dans le procès du réseau Beghal, écopa d'une sentence de quatre années d'emprisonnement sur la simple base qu'il avait entretenu des contacts avec Mouammar. Bien entendu, les juges français qui présidèrent ce procès ignoraient tout des relations unissant Mouammar aux services secrets canadiens.

Puis, plus rien. Pour des raisons dépassant l'entendement, la presse écrite semble avoir perdu tout intérêt à approfondir davantage l'affaire Mouammar, laquelle disparu définitivement des médias à partir de la seconde moitié de décembre 2001. Il est déplorable et honteux de constater qu'aucun journaliste ou média n'a eu, semble-t-il, le courage d'entamer un début d'examen de conscience concernant la visibilité médiatique que la presse écrite accorda si généreusement à cet agent provocateur du SCRS au cours des quinze dernières années. Soulignons ici qu'il n'y a pas que le public en général qui fut victime de la désinformation médiatique. Il y a aussi, et même surtout, la communauté musulmane montréalaise.

Pendant des années, Mouammar s'est servi d'une religion comme couverture pour collecter de renseignements sur les milieux islamistes pour le compte du SCRS, maniant une rhétorique pro-djihad incendiaire au même titre que des agents d'infiltration de la police se servent de déguisements, de mensonges et autres subterfuges pour piéger des caïds du milieu interlope.

Mais si ceux qui se font les «promoteurs de l'islam» se font aussi les promoteurs du terrorisme, comment alors se surprendre que le grand public en vienne aujourd'hui à confondre allègrement islam et terrorisme ? Car les menaces d'attentats contre le métro de Montréal de mars 1998 ont bel et bien été faites au nom de l'islam. Si ce n'est pas là une entreprise de calomnie contre une religion, je me demande bien ce que c'est.

Dans le cinquième et dernier article de cette série, nous aborderons le cas d'un autre informateur controversé du SCRS: Mubin Shaikh.

Notes et sources:

(1) The Gazette, «Gas warning to hospitals 'a mistake'», George Kalogerakis, March 29, 1998, p. A1.
(2) Edmonton Journal, «Britain secures borders against anthrax threat», Helen Branswell, March 25, 1998, p. F12.
(3) La Presse, «Attaque appréhendée au gaz sarin: La régie de la santé a-t-elle exagéré?», Éric Trottier et Yann Pineau, 30 mars 1998, p. A1.
(4) Après 28 années de carrière dans l'armée canadienne, le commandant Bernier réinventa le système montréalais de contrôle de foule. Il a notamment été impliqué dans la planification et le déroulement du service d'ordre du 15 mars 2002, qui avait abouti à l'arrestation de 371 manifestants opposés à la brutalité policière.
(5) The Gazette, «Real or not, threat tests hospitals», March 31, 1998, p. A3.
(6) The Gazette, «Letter castigates police - Accused by health official of misleading public on gas alert», Lynn Moore, April 3, 1998, p. A5.
(7) Le Devoir, «Attentat au gaz sarin - La police invoquait des menaces réelles, affirme la Régie de la santé», Isabelle Paré, 2 avril 1998, p. A3.
(8) La Presse, «Simulation d'attaque terroriste en juin à Montréal», Marie-Claude Girard, 29 mars 2000, p. A8.
(9) Le Soleil, «Attaques biochimiques - Le Canada à l'exercice», 29 mars 2000, p. A11.
(10) http://www.csis-scrs.gc.ca/fr/publications/perspectives/200002.asp
(11) http://www.assnat.qc.ca/Archives-36leg1se/fra/Publications/debats/journa...
(12) The Gazette, «Don't hold RCMP drill, group says», Nicolas Van Praet, April 12, 2000, p. A6.
(13) http://www.csis-scrs.gc.ca/fr/publications/annual_report/2000/report2000...
(14) AUGER, Michel, «L'attentat», Trait d'union (2001), p.186-188.
(15) Le Devoir, «Des Montréalais inquiets - Des centaines de personnes ont fui leur lieu de travail», François Cardinal et Éric Desrosiers, 12 septembre 2001, p. A1.
(16) La Presse, «État de veille déclenché à Montréal», Éric Trottier, 12 septembre 2001, p. B4.
(17) La Presse, «L'ère de la paranoïa», Katia Gagnon, 12 septembre 2001, p. A28.
(18) Le Devoir, «Une tragédie sans nom», Bernard Descôteaux, 12 septembre 2001, p. A10.
(19) Le premier est un attentat au camion piégé devant un centre d'entraînement de la garde nationale saoudienne, à Ryad, en Arabie Saoudite, qui coûta la vie à sept personnes, le 13 novembre 1995. Le deuxième est le double attentat perpétré en Afrique de l'est contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar es-Salaam (Tanzanie), qui entraînèrent la mort de 224 personnes, dont 12 citoyens américains, le 7 août 1998.
(20) La Presse Canadienne, 24 septembre 2001.
(21) Voir les éditoriaux du 20 septembre et du 6 octobre 2001.
(22) Le Devoir, «La course aux masques à gaz», Pauline Gravel, 27 septembre 2001, p. A4.
(23) La Presse, «Menace terroriste - Ottawa aidera les Canadiens à faire face au stress», Gilles Toupin, 10 octobre 2001, p. A6.
(24) La Presse Canadienne, ««Nous sommes en guerre», affirme le premier ministre Chrétien», Isabelle Ducas, 17 septembre 2001.
(25) Le Monde, «Le procès de 24 islamistes soupçonnés d'appartenir au Takfir s'ouvre à Paris», Pascal Ceaux et Fabrice Lhomme, 29 septembre 2001, p. 4.
(26) The Ottawa Citizen, «To some Muslim rivals, bin Laden is 'excessively liberal'», Nicholas Hellen, October 27, 2001. p. B4.
(27) Le Monde, «Un projet d'attentat à Montréal découvert en 1999», 29 septembre 2001, p. 4.
(28) Le Journal de Montréal, «Le métro de Montréal, cible des terroristes islamiques», Bertrand Desjardins, 1 octobre 2001, p.3.
(29) La Presse Canadienne, «Pour le SPCUM, le complot terroriste dans le métro de Montréal est un canular», Marie Tison, 1 octobre 2001.
(30) The Gazette, «Terror trial cites metro bomb scare - Incident occurred in 1998: police», Lynn Moore, October 2, 2001, p. A3.
(31) Le Devoir, «Attentats dans le métro de Montréal: Un canular, assure la police», Brian Myles, 2 octobre 2001, p. A5.
(32) La Presse, «Ce n'était pas un canular: un groupe de ben Laden a bien menacé Montréal», Éric Clément, 2 octobre 2001, p. A1.
(33) Le Journal de Montréal, «L'alerte à la bombe dans le métro entre les mains d'islamistes français: la police ne comprend pas», Éric Yvan Lemay, 2 octobre 2001, p.11.
(34) Le Devoir, «Un complot parmi tant d'autres», Christian Rioux, 2 octobre 2001, p. A5.
(35) Le Devoir, «Où étiez-vous le 4 mars 1999?», Jean-Robert Sansfaçon, 2 octobre 2001, p. A8.
(36) La Presse, «Terrorisme: sommes-nous prêts ?», François Pagé, 2 octobre 2001, p. A13.
(37) La Presse, «Ben Laden dans le métro?», Rima Elkouri, 3 octobre 2001, p. E1.
(38) Le Devoir, «Le Québec serait pris au dépourvu par une attaque bioterroriste de grande envergure», Isabelle Paré, 3 octobre 2001, p. A1.
(39) Le Devoir, «Terrorisme et sécurité nationale», Alain-Robert Nadeau, 3 octobre 2001, p. A7.
(40) http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Index/nouvelles/200110/03/011-YOUSS...
(41) La Presse, «Youssef Mouammar: Un personnage de roman», Éric Clément, 5 octobre 2001, p. A3.
(42) La Presse, «La Presse à Paris - Montréal "centre islamiste"?», Louis-Bernard Robitaille, 5 octobre 2001, p. A3.
(43) Le Devoir, «Appartement déserté par des locataires arabes - La GRC minimise l'affaire», Brian Myles, 5 octobre 2001, p. A5.
(44) Pour consulter le Guide déontologique, voir: http://www.fpjq.org/index.php?id=82
(45) La Presse, «Le budget Martin - La part du lion à la sécurité», Joël-Denis Bellavance, 11 décembre 2001, p. A3.
(46) La Presse, «Un drôle d'espion», André Noël, 14 décembre 2001, p. A7.
(47) La Presse, «Il faut revoir la lutte contre le terrorisme», André Cédilot, 15 décembre 2001, p. A6.
(48) National Post, «Public enemy or public servant? - Alleged CSIS link begs question: Who is Mouammar?», Paul Wells, December 15, 2001, p. B7.



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