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Sarkozy veut infliger un recul social d' ampleur historique

léniniste-trotskyste, Martes, Julio 10, 2007 - 21:11

L'éditorial du numéro 24 du journal Révolution Socialiste, publié par l'organisation trotskyste française Groupe Bolchevik, sur le résultat des dernières élections présidentielles françaises.

Sur la base d’une défaite électorale de la classe ouvrière
Sarkozy veut infliger un recul social d’ampleur historique

L’homme du capital élu président avec une majorité à sa botte
Nicolas Sarkozy, le candidat de l’UMP, a été élu président de la République avec 53 % des voix exprimées et 43 % des électeurs inscrits, soit près de 19 millions de suffrages, avec 2,2 millions de voix d’avance sur sa concurrente Ségolène Royal, avec 84 % de participation. Il s’agit du deuxième meilleur pourcentage d’un candidat présenté par un parti bourgeois opposé à un candidat d’un parti d’origine ouvrière au 2e tour d’une élection présidentielle, après De Gaulle (élu avec 55,2 % des suffrages en 1965). Avec 31 % au 1er tour, il fait bien mieux que le score traditionnel du candidat du principal parti bourgeois (entre 15 et 21 % depuis 1974), ce qui correspond à la captation des électeurs du Front national, puisque 38 % des électeurs de Le Pen en 2002 auraient voté Sarkozy (Le Monde, 8 juin 2007). En conséquence, le score du candidat du Front national se trouve réduit à 10,44 %, son score le plus faible depuis 1974. Il n’y a pas de quoi s’en réjouir, puisque son discours nauséabond n’a pas disparu, il n’a fait qu’intégrer celui de Sarkozy.

Même si, dans le cadre de la démocratie bourgeoise, les élections n’ont d’autre but que de choisir qui est chargé de mettre en œuvre une politique bourgeoise, l’élection présidentielle est particulièrement mystificatrice en ce qu’elle personnalise le scrutin et favorise les prétentions bonapartistes. La bourgeoisie avait choisi son candidat. Il s’agissait, en l’occurrence, de faire élire Sarkozy, ou à défaut de faire en sorte que l’élection de Royal se produise dans les conditions les moins favorables à la résistance ouvrière.

Les quartiers populaires des grandes villes ont voté majoritairement au second tour pour Ségolène Royal, malgré un programme qui n’était pas très différent de celui de son rival. Par contre, comme le montre une étude de TLB pour Paris Europlace, sur les communes comprenant le plus de ménages détenteurs d'actions, la bourgeoisie a identifié Nicolas Sarkozy comme son représentant :
À Bondues, charmante localité de la région Lilloise où résident les grandes familles du Nord, Sarkozy a reçu 82,5 % des voix au second tour de l'élection présidentielle… De même à Veyrier-du-Lac, chic commune de la « bonne » rive du lac d'Annecy : 81 %. Quant à St-Didier-au-Mont-d'Or ou à Charbonnières-les-Bains, deux communes cossues de la banlieue ouest de Lyon, elles ont toutes deux choisi l’ex-maire de Neuilly à 77 %. Neuilly sur Seine, pour sa part, a voté pour l’enfant du pays à 87 %. (Alternatives Économiques, juin 2007)
Bien aidée à la fois par l’inversion du calendrier électoral décidée par le gouvernement Jospin et par le quinquennat, qui ont renforcé le caractère bonapartiste des institutions, l’UMP a pu largement confirmer sa victoire par une majorité absolue de députés à l’Assemblée nationale, à la satisfaction du Premier ministre Fillon : « On a gagné, on va pouvoir faire les réformes » (Le Monde, 19 juin 2007). Au 1er tour de l’élection présidentielle comme des élections législatives, le nombre de voix des partis bourgeois a représenté plus du double de celui des partis ouvriers.

L’UMP obtient ainsi la majorité absolue de sièges à l’Assemblée nationale, même si son avance n’est pas aussi importante que son arrogance lui faisait espérer. La victoire électorale de Sarkozy est un coup porté au prolétariat. Sarkozy est mandaté par le capital financier pour infliger à la classe ouvrière des défaites supplémentaires en diminuant la valeur de la force de travail. Elle s’inscrit dans une collusion de plus en plus étroite entre la classe capitaliste et la superstructure politique. Sarkozy est l’homme du Cac 40, il est le petit frère de Guillaume Sarkozy du Medef et il arrange une place à la direction d’Avantis-Sanofi pour son autre frère François Sarkozy ; il est l’ami de Bouygues, propriétaire de TF1, de Dassault, propriétaire du Figaro, de Lagardère, propriétaire d’un vaste groupe de presse dont Paris Match et Europe 1 font partie, de Rothschild, propriétaire de Libération, de Beytout, directeur de la rédaction du Figaro, de Colombani directeur du Monde, de Dassier, directeur de LCI…
La démocratie bourgeoise, tout en constituant un grand progrès historique par rapport au Moyen-âge, reste une démocratie étroite, tronquée, fausse, hypocrite, un paradis pour les riches, un piège et un leurre pour les exploités, pour les pauvres. (V. Lénine, La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, 1918)

Faire travailler plus les prolétaires pour faire gagner plus aux capitalistes

Un président de la République qui passe la soirée de son élection entouré de son fan-club au Fouquet’s Barrière, l’hôtel de luxe des Champs Élysées, propriété de son ami Dominique Desseigne. Le même président qui part le lendemain à Malte sur le yacht de 60 mètres de son autre ami Vincent Bolloré… Jamais en France un président n’aura affiché aussi ouvertement son intimité avec le business. (Capital, juin 2007)
Sous des airs de « droite décomplexée » (N. Sarkozy sur TF1 le soir du 26 avril) qui tient le même discours que l’aile la plus réactionnaire de la bourgeoisie, le Front national –il n’hésite pas à paraphraser le slogan inscrit à l’entrée du camp d’Auschwitz « Le travail rend libre »–, il annonce une offensive brutale contre la classe ouvrière, en continuité de la politique des gouvernements Chirac-Raffarin et Chirac-Villepin. Il y a toujours été ministre, pour diminuer les pensions des retraités, disloquer la Sécurité sociale, expulser des travailleurs étrangers par milliers, rendre possible l’apprentissage à 14 ans, bloquer les salaires des fonctionnaires, laisser augmenter les loyers et charges locatives de 30 % en cinq ans, freiner la hausse du SMIC, voler un jour férié aux salariés, retirer de la durée du travail les astreintes et de nombreux déplacements, faire passer le contingent légal d’heures supplémentaires de 130 heures à 220 heures… La classe ouvrière a travaillé plus pour gagner moins. Alors que le progrès de l’humanité consiste à travailler moins, le capitalisme exige toujours plus de temps de travail de ceux qu’il exploite, tout en écartant des millions de travailleurs

Si le temps de travail est la mesure de la richesse, c'est que la richesse est fondée sur la pauvreté, et que le temps libre résulte de la base contradictoire du surtravail ; en d'autres termes cela suppose que tout le temps de l'ouvrier soit posé comme du temps de travail et que lui-même soit ravalé au rang de simple travailleur et subordonné au travail. C'est pourquoi la machinerie la plus développée contraint aujourd'hui l'ouvrier à travailler plus longtemps que ne le faisaient le sauvage ou lui-même, lorsqu'il disposait d'outils plus rudimentaires et primitifs. (K. Marx, Grundrisse, 1857-1858)
Sarkozy accuse « l’assistanat », non pas celui des milliardaires de l’assurance-vie, mais celui du salaire différé qui permet aux salariés de financer ceux d’entre eux qui sont inemployés, et qui établit une solidarité de classe. Il accuse « l’égalitarisme » en omettant de mentionner que la bourgeoisie française compte 378 000 millionnaires en euros, que les 500 plus riches ont gagné 30 milliards d’euros de plus en 2005, que les actionnaires du CAC 40 ont engrangé 100 milliards de profits, que sept millions de prolétaires sont des « travailleurs pauvres », c’est-à-dire que leur salaire ne suffit pas à leur assurer des conditions dignes d’existence. Sarkozy veut faire « travailler plus » la classe ouvrière pour faire « gagner plus » la bourgeoisie.

La haine de la bourgeoisie française pour Mai 1968

L’élection de Sarkozy suscite l’approbation de la réaction mondiale. Quelques minutes après les résultats, il recevait un appel téléphonique de Bush pour le féliciter. La bourgeoisie française, en occupant l’Afghanistan, le Liban, l’ex-Yougoslavie, soulage l’impérialisme américain et lui permet de concentrer son armada militaire en Irak.

Sarkozy a présenté sa victoire comme une revanche contre les dix millions de salariés qui, en mai 1968, ont fait grève et ont défié l’ordre capitaliste, alors qu’il n’avait que 13 ans, trop jeune pour être autorisé à participer à une manifestation contre la lutte des salariés et des étudiants. Alors que tout pouvait basculer, alors que les travailleurs avaient réussi à imposer la grève générale, accompagnés par la jeunesse, il les accuse d’avoir « imposé le relativisme intellectuel et moral… liquidé l’école de Jules Ferry… introduit le cynisme dans la société et dans la politique… abaissé le niveau moral de la politique ». Il assimile les grévistes à des délinquants : « Les héritiers de ceux qui, en mai 68, criaient CRS = SS prennent systématiquement le parti des voyous, des casseurs et des fraudeurs contre la police ». Il rajoute vouloir « tourner la page de mai 68 une bonne fois pour toute » (29 avril 2007).
La vérité est qu’en 1968, les gangsters étaient avec le SAC, la milice gaulliste dirigée par Pasqua, ministre de l’Intérieur, qui fut le parrain politique de Sarkozy. Nul doute qu’il dirait la même chose de toutes les luttes sociales, de mai-juin 1936, de la Commune de Paris, des combats pour les journées de 10 h puis de 8 h, pour les 40 h… Son objectif ainsi avoué est d’écraser les luttes telles que celles de mars 1994, de novembre-décembre 1995, du printemps 2003, du printemps 2006.

Une victoire de la bourgeoisie facilitée par les directions traîtres de la classe ouvrière

Le capital ne doit pas cette victoire à une « droitisation de la société française », il la doit avant tout aux partis ouvriers dégénérés et aux directions des centrales syndicales, qui ont tout fait pour maintenir en place Chirac et son gouvernement, désavoués et battus à plusieurs reprises, et dont Sarkozy était une pièce centrale.
Au printemps 2003, les salariés engagent une lutte massive pour défendre leurs retraites : ils ont été entravés par le refus des directions syndicales d’appeler à la grève générale, employant la tactique déstabilisatrice des « grèves reconductibles ». Un an plus tard, le gouvernement Chirac-Raffarin est largement battu aux élections régionales et cantonales, puis européennes. À l’automne 2005, les quartiers populaires s’embrasent en réponse aux provocations de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, à la suite du décès de deux jeunes pourchassés par la police. Ces révoltes sont unanimement condamnées par les directions ouvrières, qui vont jusqu’à réclamer plus de flics. Au printemps 2006, des centaines de milliers de jeunes et de salariés défilent contre la loi Villepin. Là encore, les directions ont tout fait pour limiter la lutte à un article de cette loi, celui instaurant le CPE, se satisfaisant en creux de l’instauration de l’apprentissage dès 14 ans.

La campagne de Royal (PS) visait à nier toute frontière de classe. Qu’il s’agisse de l’embrigadement de la jeunesse, du drapeau français, des insultes au corps enseignant… rien ne distinguait son discours de celui d’un candidat d’un parti bourgeois traditionnel. Elle a également appartenu à plusieurs gouvernements vertébrés par le PS, qui n’ont abrogé aucune mesure réactionnaire adoptée auparavant, notamment le plan Juppé, pourtant combattu par la classe ouvrière. Ainsi, c’est sans aucune honte qu’elle a commencé à courtiser François Bayrou, d’abord dès le lendemain du 1er tour de la présidentielle, en l’invitant à un débat télévisé, puis après le 1er tour des législatives, en lui laissant un message.
Au premier tour des élections législatives, le PS a souffert de la déception des travailleurs les plus pauvres et a été la première victime du retour de l’absentéisme électoral : « Le score du PS, comparé à celui de Mme Royal, s’est effondré dans les banlieues sensibles. » (Le Monde, 13 juin 2007)
La campagne présidentielle de l’ex-ministre du gouvernement Gauche plurielle Buffet (PCF) était fort semblable, bien que son christianisme fût plus pleurnichard. Quant à Laguiller (LO) et à Besancenot (LCR), ils ont expliqué tout le long de la campagne, à qui voulait l’entendre, que leur programme n’était pas révolutionnaire. Pour eux, les revendications du « monde du travail » pourraient être satisfaites sans mettre en cause le capitalisme, ni l’État bourgeois. Tous ces réformistes mystifient les travailleurs :
Quiconque se prononce en faveur de la réforme légale, au lieu et à l’encontre de la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus paisible, plus sûre et plus lente conduisant au même but ; il a en vue un but différent : au lieu de l’instauration d’une société nouvelle, il se contente de modifications superficielles apportées à l’ancienne société.

Ainsi les thèses politiques du révisionnisme… ne visent pas, au fond, à réaliser l’ordre socialiste, mais à réformer l’ordre capitaliste, elles ne cherchent pas à abolir le système du salariat, mais à doser ou à atténuer l’exploitation, en un mot elles veulent supprimer les abus du capitalisme et non le capitalisme lui-même. (R. Luxemburg, Réforme sociale ou révolution ? 1898)
C’est donc sans aucune illusion que le Groupe bolchevik a appelé à voter pour leurs candidats quand ils s’opposaient à des candidats des partis bourgeois au premier tour, pour le mieux placé d’entre eux au second tour et, faute de candidat d’organisation ouvrière, à ne pas voter. Toute illusion à l’égard de ces élections relève de la mystification, car leur résultat est un reflet —particulièrement déformé— des rapports de classe réels. Que les programmes de Royal, de Buffet, de Besancenot, de Laguiller soient réformistes, voire ouvertement bourgeois, que la candidate du PS soit soutenue par les petites organisations bourgeoises –le MRC et le PRG–, que Buffet ne soit pas la candidate du PCF, mais d’une coalition d’organisations ouvrières, petites-bourgeoises et bourgeoises, les « rassemblements anti-libéraux », ne change rien au fait que la classe ouvrière a voté pour ces candidats, tandis que la bourgeoisie a massivement voté pour son principal candidat, Sarkozy.

Il était d’ailleurs prévisible que le Parti socialiste recueille beaucoup plus de voix que les autres organisations ouvrières, en conséquence de l’élection présidentielle de 2002, qui a vu le candidat du Front national atteindre le deuxième tour au détriment du candidat du PS, et le PS, le PCF, la LCR appeler comme un seul homme à voter Chirac. Le PS a rassemblé, au premier tour, 3 millions de suffrages de plus qu’il y cinq ans : Jospin avait obtenu 6,5 millions de voix le 21 avril 2002 (16,18 % des suffrages exprimés) ; Royal a recueilli 9,5 millions le 23 avril 2007 (25,87 %). Pour le reste du mouvement ouvrier, le candidat du PCF Hue avait obtenu 0,9 million en 2002 (3,37%), Buffet a obtenu 0,7 million en 2007 (1,93 %) ; la candidate de LO Laguiller avait obtenu 1,6 million en 2002 (5,72 %), 0,5 en 2007 (1,33 %) ; le candidat de la LCR Besancenot avait obtenu 1,2 million en 2002 (4,25 %), 1,5 million en 2007 (4,08 %). Le PCF poursuit son inexorable déclin engagé avec la dislocation de l’URSS, qui implique qu’il n’y a pas de place pour deux partis réformistes. Il en est même prêt à s’allier avec un petit parti bourgeois (Les Verts) pour constituer un groupe à l’Assemblée nationale.

Le gouvernement Sarkozy-Fillon, un gouvernement de combat
Le gouvernement composé par Sarkozy comporte des ministres qui ont déjà rendu de bons services à la bourgeoisie dans les précédents gouvernements : Borloo, Bertrand, Darcos, Boutin…. Il comprend aussi Alliot-Marie, qui venait de décorer, en tant que ministre de la Défense, de la légion d’honneur les militaires qui avaient, 50 ans auparavant, arrêté, torturé et assassiné Maurice Audin, militant du Parti communiste algérien. Dans le nouveau gouvernement, figurent toutes les fractions de l’UMP, de manière à éviter une opposition fractionnelle. C’est également dans cet objectif que Sarkozy a transformé la direction de l’UMP en une direction collégiale. Il le présente même comme un gouvernement « d’ouverture », puisqu’il a intégré plusieurs ministres ou secrétaires d’État issus du Parti socialiste (Kouchner, Besson, Bockel, Jouyet) dans le but, là aussi, d’avoir une marge de manœuvre plus ample. Sarkozy ne perd pas de temps et, pour que la politique de son gouvernement soit rapidement mise en œuvre, il a décidé que l’Assemblée nationale se réunira en session extraordinaire dès le mois de juillet. D’ailleurs, certains projets de loi ont déjà été présentés, en particulier celui sur la fiscalité.
Fillon et Juppé sont les noms-clés du 1er gouvernement constitué par Sarkozy au lendemain de sa victoire : ils signifient la réaction contre les conquêtes sociales du siècle dernier. La « rupture » réside ici dans la continuité réaffirmée du choix de ces noms : ils veulent continuer la casse, battre les salariés, achever leur œuvre. Fillon a donné son nom à plusieurs lois visant à liquider les droits sociaux conquis au XXe siècle : loi contre les retraites, loi contre l’école, loi contre les conventions collectives de branche au profit des accords d’entreprises. Juppé, quant à lui, a donné son nom au « plan Juppé » qui avait produit, en 1995, la première de ces poussées vers la grève générale qui ont marqué l’histoire récente du pays.

Sarkozy a pour ambition de porter à la classe ouvrière et à la jeunesse un coup sévère, sur le modèle de Thatcher qui, en 1984-1985, avait infligé une défaite majeure aux mineurs britanniques, une défaite qui a durablement affaibli le mouvement ouvrier dans ce pays. Sous son gouvernement, se sont multipliées les lois contre le droit de grève, parmi les plus restrictives dans les centres impérialistes (Trade Union Act en 1984, Employment Acts en 1988, 1990 et 1993). Depuis, les salariés doivent voter la grève à bulletin secret, informer leur employeur de la date de leur action et en préciser les motifs. La validité de leur vote est limitée à quatre semaines, sauf accord contraire avec l’employeur. Ce dernier peut demander à la justice de s’opposer à la grève. Si celle-ci est déclarée illégale, l’employeur peut licencier les responsables. Les grèves sont un motif de licenciement. Elles sont devenues fort rares et surviennent lorsque tout est perdu, comme à l’usine General Motors près de Liverpool, juste avant la suppression de 900 emplois.

Feu contre les salariés et les chômeurs

La clé de voûte du programme de ce gouvernement est le nouveau contrat unique de travail, qui vise à augmenter sensiblement la plus-value relative : il s’agit de modifier brutalement les rapports sociaux, en faveur des patrons et contre leurs salariés. Sarkozy a présenté par petites touches les contours exacts de ce nouveau contrat « plus souple en matière de licenciement économique » (Charleville-Mézières, le 18 décembre 2006). Il « pourrait être rompu par consentement mutuel ». Le programme de l’UMP précise (p. 28) que « les procédures de licenciement [seront] moins longues ». En clair, Sarkozy déclarait lors d’une rencontre avec des patrons de PME le 21 janvier 2007, qu’il entendait s’inspirer du contrat nouvelle embauche : « Le CNE c’est un progrès, il ne faut pas y toucher ». Il s’agit d’instaurer une précarité supplémentaire dans les conditions de travail des salariés, ce qui correspond aux désirs du Medef de mettre en œuvre un « CDI de mission » assorti d’« une modalité de séparation à l’amiable » (Le Monde, 20 juin 2007).

Pour y parvenir, la bourgeoisie doit s’en prendre au droit de grève. Il s’agit de mettre fin aux mouvements de la classe ouvrière et de la jeunesse de France qui, cherchant à se centraliser contre le pouvoir, ont régulièrement affronté les gouvernements bourgeois au cours de la période récente (1995, 2003, 2006). Le projet est d’instaurer, à la mode de Thatcher, un vote secret sous contrôle d’huissier dans les entreprises au bout d’un certain nombre de jours de grève. Il est question d’interdire les assemblées générales, les comités de grèves élus, les piquets de grèves, de réduire l’indépendance, voire l’existence, des sections syndicales.

À celui qui est contre la grève obligatoire imposée par une minorité, je propose la démocratie par l’organisation obligatoire d’un vote à bulletin secret dans les 8 jours qui suivront tout déclenchement de mouvement social. (N. Sarkozy, meeting à Agen, 22 juin 2006)
Sur la radio RTL, le 28 mai dernier, entre les deux tours de l’élection présidentielle, à la question « Y aura-t-il un service minimum à la SNCF dès le 1er janvier 2008 ? », Sarkozy répondait : « Bien évidemment… Tout simplement parce que les Français ont besoin et envie de ce service minimum ». Comprendre « la bourgeoisie française en a besoin ». Une telle mesure affaiblirait non seulement les travailleurs des transports, mais l’ensemble de la classe ouvrière, dans la mesure où leur position stratégique, leur capacité à paralyser l’économie, traduisent la puissance sociale du prolétariat et menacent le pouvoir des patrons.

Alors que les salariés à temps complet ont travaillé en moyenne 38,9 heures par semaine (Enquête emploi, ministère du Travail, 2004), que la majorité des 3,7 millions de travailleurs à temps partiel ne demandent qu’à travailler à temps plein, un slogan central de la campagne exprime le souhait du président Sarkozy : que la classe ouvrière travaille plus, ainsi la bourgeoisie gagnera plus. Cela revient également à mépriser 4 millions de chômeurs (en additionnant toutes les catégories de l’INSEE), 1,25 million de RMIstes, un million de stagiaires non ou très peu rémunérés. D’abord, il est évident que les salariés n’ont pas choisi de faire les quelque 900 millions d’heures supplémentaires déclarées l’an dernier, sans compter celles qui ne le sont pas ; elles leur sont imposées par leur employeur. Ensuite, toute heure travaillée au-delà de la reproduction de la force de travail des salariés est une plus-value. Cette plus-value gratuite, Sarkozy veut en faciliter l’extraction, puisque le projet de loi de son gouvernement prévoit l’exonération totale de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, ce qui correspond à environ six milliards d’euros, qui servaient à financer le salaire différé, et qui ne seront plus versés par les patrons.
Dans le but de contrôler les chômeurs, le gouvernement a pour objectif de fusionner l’ANPE et l’Unedic. En outre, les salariés de l'ANPE sont des agents de l'État, alors que ceux de l'Unedic relèvent du privé. Cette mesure reviendrait à privatiser l’ANPE.

Sarkozy vise à parachever la loi Fillon de 2003 en liquidant les régimes de retraite des salariés d’EDF, de la SNCF, de la RATP… sous prétexte qu’« il n'y a pas de raison que certains cotisent 40 ans et d'autres 37,5 ans, c'est une question d'équité », ce qui pour Sarkozy signifie « alignement sur le pire ». En revanche, les primes scandaleuses que s’octroient les bourgeois en partant à la retraite, les « parachutes dorés », seraient « subordonnées à certaines conditions de performance » (Le Monde, 8 juin 2007), c’est-à-dire les bons services rendus au capital. À la cantine d’Airbus, à Toulouse, Sarkozy n’a pas manqué de rappeler qu’il n’est « pas choqué par les rémunérations très élevées des grands patrons ».

Contre le droit à l’éducation

Loin d’être une garantie, la carte scolaire évite cependant une complète ghettoïsation. « J'ai indiqué qu'entre 10 % et 20 % des élèves ne seront plus soumis à la carte scolaire à la rentrée, cela équivaut à doubler le nombre de dérogations existantes », a déclaré Xavier Darcos, le ministre de l’Enseignement scolaire (Le Monde, 31 mai 2007). Darcos compte « engager [sa] suppression progressive » ajoutant qu'« il faudra bien trois rentrées scolaires pour que la carte scolaire actuelle ait disparu ». Il demandera « aux établissements scolaires de veiller à une plus grande diversité sociale et géographique de son recrutement » (Libération, 29 mai 2007). Tout le pouvoir sera laissé à l’arbitraire des chefs d’établissement, alors que, depuis la loi de décentralisation de 2004, la sectorisation ne relève déjà plus de l'État mais des conseils généraux. En liquidant les quelques limites à la ségrégation sociale, déjà à l’œuvre dans le logement, les bourgeois veulent s’octroyer la liberté de grouper leurs enfants entre eux, dans les lycées prestigieux. Que les autres se débrouillent avec l’école sans moyen et le socle minimum de connaissances cher à Fillon.
Le gouvernement veut aussi porter un coup décisif à l’enseignement supérieur public :
Nous allons engager une réforme très, très importante pour l'avenir de notre pays, peut-être l'une des plus importantes : la réforme de l'université… Il est question de donner de l'autonomie aux établissements pour qu'ils puissent s'organiser comme ils l'entendent, recruter comme ils l'entendent, créer les enseignements qu'ils veulent. (F. Fillon, Europe 1, 23 mai)

Il est indispensable que les universitaires soient autonomes dans l’exercice de leur profession, mais ce n’est pas ce que veut Sarkozy, qui s'est engagé clairement pour une « autonomie réelle pour les universités… libres de disposer de leur patrimoine et de diversifier leurs financements » (Lettre aux présidents d’université, le 14 février 2007). Le gouvernement a beau déclarer qu’il n’augmentera pas les droits d’inscription, il pourra ainsi en laisser le soin aux présidents des universités qui, pour beaucoup, réclament la hausse. D’ailleurs, en octobre 2006, devant l’UMP, Fillon déclarait :
Le problème des droits de scolarité devra être franchement posé… Il est temps de comprendre que l’université pour tous a une contrepartie. Et cette contrepartie est notamment financière… Il est tout de même stupéfiant de voir que personne ne s’offusque à l’idée de payer davantage pour son téléphone portable, son ordinateur portable ou l’achat de DVD, mais que chacun semble s’inquiéter à l’idée de payer un peu plus pour ses études supérieures.

Pour Fillon, il n’existe pas de droit aux études et la ministre Pécresse a fini par lâcher le morceau : « Il est normal que les frais d'inscription augmentent en fonction du coût de la vie, c'est possible d'augmenter les frais d'inscription » (Europe 1, 23 juin). Selon eux, il faut que les jeunes paient pour apprendre. Pendant des générations, le prolétariat s’est battu pour que ses fils et filles accèdent aux savoirs que dispense l’école ; pour garantir cette émancipation, la gratuité des cours est décisive.
Quant au choix du domaine étudié, le programme de l’UMP indique que « le nombre d’étudiants dans les différentes filières dépendra des réalités du marché du travail » (Programme UMP). Cela passerait par la possibilité de nommer des patrons à la tête des universités, puisqu’il suffira d’« appart[enir] à une des catégories de personnels qui a vocation à enseigner dans les établissements d’enseignement supérieur » (Projet de loi d’autonomie des universités, art. 5), patrons qui pourront eux-mêmes « recruter, sur les ressources propres de l’établissement, des agents contractuels » (art. 16). Le projet autorise les établissements à établir à l’entrée du master une sélection supplémentaire (art. 19).

Contre le droit à la santé

L’État doit 11 milliards d’euros à la Sécurité sociale : à coups d’exonération de « charges sociales », de ponctions incessantes dans les caisses de Sécurité sociale, les gouvernements successifs ont organisé le déficit. Sarkozy entend continuer : la santé coûtera de plus en plus cher aux travailleurs. Alors que le forfait hospitalier a été relevé, que chacun paie un euro par consultation de son médecin, que de nombreux médicaments ont été « déremboursés », Sarkozy et l’UMP envisagent d’instaurer une franchise annuelle non remboursable de 50 à 100 euros sur les soins.

Poursuite de la chasse aux immigrés

Ministre de l’Intérieur, Sarkozy a considérablement aggravé les conditions de vie des immigrés. Le droit au séjour régulier après 10 ans de présence sur le territoire français est supprimé. Le regroupement familial est soumis à des conditions de salaire et de logement. La « validité » du mariage est contrôlée en fonction de son « intensité » et de son « ancienneté ». Les expulsions, les rétentions administratives ont été systématisées. Aux rafles (arrestations massives) s’ajoutent les arrestations à domicile, en préfecture (au moyen de convocations pièges), aux abords des Restos du cœur et jusque devant les écoles.
Sarkozy président veut aller encore plus loin dans la répression et la stigmatisation des immigrés. Il annonce qu’il fera voter dès juillet 2007 une loi qui durcirait les conditions du regroupement familial, en obligeant, notamment, les étrangers à connaître la langue française avant leur entrée sur le territoire. S’y ajoutent les quotas par profession et par pays d’origine. Son tout nouveau ministre de l’Immigration ne se sent plus :
Nous resterons très fermes : pour 2007, l'objectif est de 25 000 éloignements. Les étrangers 'sans papiers' n'ont pas vocation à rester en France, mais à être raccompagnés dans leur pays d'origine, de manière volontaire ou contrainte. (B. Hortefeux, Le Figaro, 1er juin 2007).

Cette politique vise également à consolider un marché du travail parallèle. Dans de nombreux secteurs (BTP, confection, agriculture, restauration, hôtellerie, services à la personne…) ces travailleurs sans papiers pèsent sur les conditions de salaire et de travail de l’ensemble des salariés de ces secteurs, pour le plus grand profit des employeurs. C’est la délocalisation sur place. Les capitalistes ne sont pas racistes, peu importe la couleur de peau ; tout ce qui leur importe est d’accroître la plus-value extraite.
Le Robin des Bois de la bourgeoisie : voler aux pauvres pour donner aux riches

Le projet de loi proposé par Sarkozy exonère de droits de succession 95 % des ménages, ce qui correspond à une somme de 7,3 milliards d’euros, il facilite la donation, permettant à ceux qui en ont les moyens de verser jusqu’à 150 000 euros tous les six ans (au lieu de 50 000 auparavant) à chacun de leurs enfants sans taxation –un cadeau de 1,4 milliards d’euros supplémentaires pour les riches.

Créé en 2006, le bouclier fiscal permet aux 450 000 plus riches d’être exonérés d’une partie des impôts qu’ils doivent, et il passera début 2008 de 60 % à 50 % du revenu imposable. Il veut donner le coup de grâce à l’ISF et le rendre purement symbolique.

Sarkozy annonce qu’il ne remplacera qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette mesure équivaut à la suppression de 150 000 emplois sur 5 ans. Il ne s’agira certainement pas de militaires ni de policiers, mais plutôt d’enseignants et d’infirmières, qui risquent de voir leurs statuts liquidés et remplacés par des statuts de droit privé.
L’Institut de l’entreprise (debat2007.fr), proche du MEDEF, évalue la mise en œuvre de ces mesures à 15,6 milliards d’euros : 5 pour les droits de succession, 4,6 pour les heures supplémentaires, 4 pour le bouclier fiscal et l’ISF et 2 pour les déductions d’intérêts. Le déficit ainsi créé sera très certainement financé par une augmentation de la TVA, un impôt scandaleux surtout payé par la classe ouvrière, par de nouvelles coupes sombres dans le salaire différé et le pouvoir d’achat des travailleurs.

Avant même les législatives, le gouvernement n’hésitait pas à dévoiler son projet d’augmenter la TVA pour financer la baisse des cotisations patronales. Outre une diminution du salaire différé, il s’agit de prendre aux pauvres pour donner aux riches. Arthuis, qui fut ministre de l’Économie dans le gouvernement Juppé de 1995 à 1997, justifie cette mesure en assurant, sans rire, que les entreprises « auront l'élégance de ne pas augmenter leurs prix de vente » (AFP, 12 juin). Aux lendemains des législatives, Sarkozy a confirmé qu’il mettrait en œuvre cette mesure.

Face à la voracité capitaliste, aux attaques incessantes contre ceux qui produisent toutes les richesses, la mobilisation du prolétariat pour se défendre est une impérieuse nécessité.

Le gouvernement Sarkozy-Fillon table sur la collaboration des directions syndicales
Ni le président, ni ses ministres, n’ont oublié que par centaines de milliers les travailleurs, les jeunes, ont manifesté, ont fait grève pour repousser les attaques contre la Sécurité sociale, les retraites, l’école publique. Y compris pendant la période électorale, chez Citroën, Airbus, Kronenbourg, Lucent… des luttes ouvrières ont rappelé que le prolétariat n’est pas écrasé. S’il a été sonné par la défaite électorale, ses capacités à réagir spontanément aux agressions de l’équipe Sarkozy n’ont pas été pour autant anéanties. Ni le « gouvernement d’ouverture », ni la majorité à l’Assemblée nationale ne suffiraient à étouffer toute résistance dans les entreprises, dans les universités ou dans les hôpitaux.
De là provient le goût du petit Bonaparte pour le « dialogue social ». La bourgeoisie cherche la collaboration, au premier chef, des dirigeants des syndicats pour que ces derniers vendent sa marchandise au sein du prolétariat. Et parce qu’ils sont largement payés depuis des décennies, dans les conseils d’administration des entreprises, le conseil économique et social, dans les milliers d’organismes qui participent de l’État bourgeois, parce qu’ils sont liés au PS, au PCF qui défendent le capitalisme et les gouvernements à sa botte, les bureaucrates syndicaux répondent présents.

Ils se sont précipités chez Sarkozy avant même son intronisation officielle ! Ils ont assuré qu’ils le jugeraient « sur les actes », comme si son bilan, ses soutiens, son programme, laissaient place au moindre doute.
Mailly (FO) espère que le ministère des Comptes publics du gouvernement Fillon sera au service de la politique économique et de l'emploi. (AFP, 18 mai 2007)

« Espérance » vite douchée par Fillon :
Le budget 2008 respectera les engagements de réduction du déficit, de la dette et du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. La chasse au gaspillage dans les politiques publiques sera pilotée dès cet été par le président de la République et moi-même. Pour restructurer l’administration, des pistes sont explorées comme des fusions de services, ceux de la Direction des impôts et de la Comptabilité publique par exemple. (Le Figaro, 22 mai 2007)
Le secrétaire national de FO s’est dit « satisfait qu'il y ait un ministère du Travail de plein exercice dans un gouvernement resserré, avec à sa tête un homme de dialogue » (Le Monde, 18 mai 2007). Il parle de Xavier Bertrand, l’organisateur du travail entièrement gratuit le lundi de Pentecôte…
Thibault, secrétaire national de la CGT, a offert ses services zélés :
Les attentes sociales sont fortes, et naturellement les organisations syndicales sont aussi des interlocuteurs avec lesquels il faut prendre le temps du dialogue et de la négociation. J’attends que Nicolas Sarkozy précise les modalités par lesquelles il entend, au moins, mener une concertation et, au mieux, une négociation sur un certain nombre de sujets. (7 mai 2007)

Il est pourtant clair que les seules attentes sociales auxquelles Sarkozy est prêt à répondre sont celles de la bourgeoisie. Son objectif, c’est détruire les acquis sociaux, alors, que négocier sinon les modalités de la régression sociale ?

Ainsi, à l’annonce de l’instauration du service minimum dans les transports, les directions syndicales ont exigé… que les « négociations » aient lieu par entreprise ou par branche ! Loin de rejeter en bloc ce projet et de mobiliser les travailleurs pour qu’il soit abandonné, les bureaucrates qui tiennent les syndicats vont organiser directement sa mise en place.
Les syndicats veulent que ce problème soit réglé sans perdre la face, commente-t-on à l’Élysée. La Poste et l’Éducation nationale sont écartés du projet, « pour l’instant », mais X. Bertrand compte s’y atteler rapidement. (Le Monde, 2 juin 2007)
Le gouvernement plastronne : la loi-cadre sera votée dès juillet, « garantissant la continuité du transport en cas de grève ». Thibault bredouille : « Nous serons très attentifs sur la rédaction du projet de loi » (29 mai 2007).

À l’université, la direction de l’UNEF, principal syndicat étudiant, s’est dans un premier temps plaint de ne pas avoir le temps de négocier : « il serait irresponsable de faire une loi en juillet, cela voudrait dire qu'il n'y aurait le temps pour aucune concertation, aucune négociation », estime Bruno Julliard, président de l’UNEF (Le Monde, 15 mai 2007). La direction de l’UNEF a alors été reçue, le 24 mai, par Valérie Pécresse, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, si bien qu’elle s’est estimée satisfaite que ses « exigences [soient] entendues » (Communiqué, 28 mai 2007).
On a demandé que d'autres groupes de travail soient installés en parallèle sur les bâtiments universitaires et les conditions de vie étudiante, la ministre nous a dit qu'ils seraient ouverts (AFP, 31 mai 2007).

D’ailleurs, quatorze organisations intervenant à l’université, parmi lesquelles l’UNEF, la FSU, la CGT, ont annoncé leur intention d’organiser « rapidement » des « Assises de l’enseignement supérieur » (Communiqué, 24 mai 2007). La direction de l’UNEF veut aller plus loin que le gouvernement : « La modernisation nécessaire de nos universités exige davantage que la seule question de l'autonomie » (UNEF, 30 mai 2007). Le terrain des Assises, c’est celui de la « réforme nécessaire », celui du « diagnostic partagé » : une aide pour le gouvernement.
L’UNEF n’a cessé de rappeler qu’elle partageait la volonté de réformer l’enseignement supérieur dans notre pays… que [la direction de l’UNEF a] donné de nombreux gages ces dernières semaines quant à [son] souhait d’aborder cette réforme de manière constructive. [Elle a] répété, à plusieurs reprises, [aux] conseillers [de Sarkozy] ainsi qu’à Madame la ministre, [qu’elle était prête] à s’engager dans des compromis… [Elle] demande, dans l’intérêt de notre université, d’ouvrir de réelles concertations. (Lettre de Julliard à Sarkozy, 21 juin 2007).

Quant aux directions des fédérations de l’enseignement public, elles ont adoré être reçues à l’Élysée. Elles ont accueilli avec enthousiasme l’abrogation des décrets Robien, en se gardant bien de dire la vérité : le gouvernement peut lâcher aujourd’hui sur les décharges de quelques catégories, parce qu’il a le projet de revoir le temps de travail de tous les enseignants. Il engage d’ores et déjà la multiplication des heures supplémentaires à cette rentrée, tout en supprimant 30 000 à 40 000 postes de fonctionnaires au budget 2008, dont des milliers dans l’enseignement public. Cela n’empêche pas les dirigeants du SNES-FSU, du SE-UNSA, de déclarer qu’ils participeront à la « mission » intitulée « qu’est-ce qu’enseigner au XXIe siècle ? » que Fillon et Darcos vont piloter.

De même, les confédérations ont annoncé leur participation aux trois « conférences sociales » que le gouvernement entend réunir à l’automne : conditions de travail et emploi, égalité hommes femmes, pouvoir d’achat. Les Sarkozy, Fillon, Borloo, Hortefeux et consorts sont des ennemis jurés du prolétariat et de la jeunesse. Accepter le titre et le rôle de « partenaires » d’un tel gouvernement, c’est accepter de l’aider à porter ses coups. Sarkozy s’est évidemment félicité d’une aussi large collaboration :
J'ai été heureux de constater que ma démarche, qui privilégie le dialogue social, a recueilli un assentiment général. (Lettre au Premier ministre, 31 mai 2007)
Les syndicats ont été créés pour défendre les travailleurs contre les patrons ; ils ont été construits pour que la classe ouvrière oppose sa force collective aux attaques de la classe capitaliste. La politique de collaboration des Thibault, Mailly, Aschieri... est une politique traître. Elle vise à paralyser le prolétariat qui voit ses prétendus dirigeants pactiser, discuter sans fin avec l’ennemi.

Face au MEDEF qui se frotte les mains en entamant les « discussions sur la flexicurité » avec les directions syndicales, face au gouvernement qui n’a rien caché de ses ambitions, imposer le front unique des organisations ouvrières, syndicats et partis, telle est l’urgence.
Pour bloquer les attaques du gouvernement Sarkozy-Fillon, pour le battre, il faut la mobilisation des travailleurs, de la jeunesse à ses côtés, exigeant des dirigeants des syndicats qu’ils rompent avec le gouvernement. Boycott de toutes les « concertations » qui avalisent le programme UMP, à commencer par le service minimum et la privatisation de l’université ! Pas un représentant syndical dans les « conférences » et les « groupes de travail » chargés de faire passer les mesures anti-ouvrières ! C’est nécessaire, c’est possible.

Pour le retrait du projet de loi de privatisation de l’université

Le 22 juin, s’est tenue une réunion du CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche), instance de collaboration gouvernement, présidents d’universités et syndicats, dans laquelle la ministre a présenté le projet de loi dit d’autonomie des universités. Le SNESup-FSU a refusé d’y siéger. L’UNEF et la CGT ont quitté la séance. Parce que la jeunesse en 2006 et 2007 est descendue dans la rue, en France (mais aussi en Grèce ou au Chili), parce qu’elle est disponible pour combattre les plans du gouvernement, les dirigeants syndicaux n’ont pu s’aplatir à la lecture du projet de loi. Maintenant, qu’ils annoncent leur refus de « négocier » le texte, leur rejet pur et simple. Qu’ils s’adressent aux étudiants, aux travailleurs, à toutes les confédérations et fédérations syndicales pour qu’elles appellent à manifester à l’Assemblée nationale le jour du vote. Si le gouvernement passait outre, qu’elles organisent les assemblées générales à la rentrée universitaire pour battre Sarkozy-Pécresse et leur loi.

Pour arracher la victoire, le prolétariat a besoin d’un parti ouvrier révolutionnaire

Les partis ouvriers traditionnels, le PCF et le PS vont entrer en crise. Pour la deuxième fois, le PS a échoué à l’élection présidentielle, a perdu les législatives. Le PCF est menacé comme parti de masse. Respectueux l’un et l’autre de la Ve République et de la démocratie bourgeoise, les deux partis ouvriers bourgeois s’apprêtent à laisser les mains libres au président élu et à la chambre bleu CRS durant cinq ans.
Après des décennies de capitulation devant la classe dominante, les vieux partis entendent redoubler dans la collaboration de classes. Buffet a lancé « un appel à un grand débat populaire et citoyen sur l’avenir de la gauche et du parti communiste » (Le Monde, 22 juin 2007). Ses détracteurs dans le PCF se prononcent pour « un rassemblement antilibéral large » ou « une nouvelle formation politique de transformation sociale » (Le Monde, 9 juin 2007). Royal « revendique un PS ouvert, sans frontière » (Le Monde, 2 juin 2007). Plus d’un dirigeant du PS a les yeux tournés vers la fusion en cours de l’ancien Parti communiste italien (DS) et des débris du Parti démocrate chrétien (La Margherita). La direction du PCF annonce qu’elle est prête à constituer un groupe parlementaire avec les réactionnaires Verts.
Les organisations qui se réclament frauduleusement du trotskysme, loin d’ouvrir une autre voie, celle du bolchevisme, marchent sur les traces du stalinisme et de la sociale-démocratie. Le plus grotesque et le plus répugnant est sans doute la « 4e Internationale » de Lambert et Gluckstein qui veut construire un parti encore plus large que le « Parti des travailleurs », avec l’aide des maires qui sont « aux avant-gardes du combat »… pour le social-patriotisme :
En un mot, nous avons dit : la nation veut vivre, la nation doit vivre… (Gérard Schivardi & Daniel Gluckstein, L’heure n’est-elle pas venue de reconstruire un authentique parti ouvrier ? 10 avril 2007)

La « 4e Internationale » de Krivine et Besancenot, veut à peu près tout le monde, sauf le PS.
Le jeune postier, qui a obtenu le meilleur score de la gauche radicale (4,08 %), juge nécessaire la constitution d'un "nouveau parti" de la gauche radicale "sur une base politique claire" qui doit être "l'anticapitalisme et l'indépendance politique" vis-à-vis du PS. (AFP, 29 mai 2007)
La direction de LO, elle donne pour perspective —lointaine— à ses militants un parti dont les contours omettent aussi l’essentiel : la destruction de l’État bourgeois, l’insurrection, la prise du pouvoir.

Un changement de société nécessite d’enlever des mains des conseils d’administration des grandes sociétés… Être révolutionnaire, c’est œuvrer à la préparation d’un tel changement de société, d’une telle révolution. Pour cela, il faut des instruments, des partis qui représentent l’expérience des classes populaires, la mémoire de leurs luttes, qui en tirent les leçons, qui forment politiquement leurs membres. Il faut donc créer au moins un tel parti… (« Que signifie politiquement le camp des travailleurs ? », Lutte de Classe, mai 2007)

Comme Blum et Thorez, Mitterrand et Marchais, Royal et Buffet, LO noie le prolétariat dans le peuple. La pluralité invoquée des partis indique que LO a l’intention de coexister pacifiquement avec le PCF, alors qu’un parti véritablement révolutionnaire ne peut se construire que contre les partis « réformistes », qu’en détruisant l’influence des agents de la bourgeoisie dans la classe ouvrière :
La crise mortelle du capitalisme impérialiste… pose impérieusement la question de la rupture avec la politique réformiste, la mise à l’ordre du jour de la lutte révolutionnaire pour la conquête du pouvoir et l’établissement de la dictature du prolétariat comme unique moyen de transformation de la société capitaliste en société socialiste. (L. Trotsky, La Construction de la nouvelle internationale et la politique du front unique ouvrier, août 1933)

L’avant-garde radicale et internationaliste doit se regrouper, construire un nouveau parti sur la base du marxisme, pour sortir de l’éclatement du mouvement ouvrier entre une multitude de courants qui rivalisent en chauvinisme ou en réformisme, pour réaliser le front unique ouvrier, pour renforcer la solidarité des opprimés et des exploités, faciliter la contre-attaque face aux mesures du gouvernement Sarkozy-Fillon, ouvrir la perspective d’un gouvernement ouvrier et des États-Unis socialistes d’Europe.
23 juin 2007



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