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ATLANTICA ou l’intégration subtileAnonyme, Miércoles, Junio 13, 2007 - 21:53
David Murray
ATLANTICA. Détrompez-vous, il n’est pas question ici d’un nouveau groupe heavy metal. Connu aussi sous le nom d’International Northeast Economic region, il s’agit en fait d’un espace économique qui rassemblerait les provinces canadiennes de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve avec les États de la Nouvelle-Angleterre du Maine, du New Hampshire, du Vermont et la partie supérieure de l’État de New York. Jamais entendu parler? C’est un peu normal puisqu’à l’image des initiatives économiques de ce genre, le projet est discuté derrière des portes closes. S’inscrivant dans la lignée de l’ALÉNA et du projet de Partenariat pour la sécurité et la prospérité, Atlantica se veut un prototype ou un laboratoire d’intégration économique accrue. Ses principaux promoteurs sont issus du milieu des affaires, mais son plus ardent défenseur est l’Atlantic Institute of Market Studies (AIMS), un think thank du même type que l’Institut économique de Montréal pour qui Atlantica est déjà une réalité. Diverses rencontres ont déjà eu lieu autour du projet, dont l’une fut tenue en juin 2006, à Terre-Neuve, sous le thème : « Reaching Atlantica : Business without borders », un événement financé en grande partie par de grandes corporations canadiennes telles que JD Irving et la Banque de Montréal. Devant la montée de plus en plus insistante d’opposition au projet, ses défenseurs tentent de se faire rassurant. Charles Cirtwill, président actuel de l’AIMS, dans un texte d’opinion paru dans le Chronicle Herald d’Halifax (8 mai 2007) insistait, à propos d’Atlantica, sur le fait que celui-ci n’est pas un accord commercial ou bien une union politique, mais plutôt une région qui a d’incroyables possibilités en terme de croissance économique. Selon lui, ce projet d’intégration économique va permettre aux négligés d’avoir leur part du gâteau. Karen Blotnicky de The Marketing Clinic, ajoutant sa « voix indépendante » à celle de Cirtwill, toujours dans les pages du Chronicle Herald (13 mai 2007) abondait dans le même sens en y voyant là une opportunité unique pour les petites et moyennes entreprises. Comment? Là-dessus, aucune réponse claire, si ce n’est qu’elle parle d’une certaine prédestination pour la région, d’un axe naturel qui irait de la Nouvelle-Angleterre à Terre-Neuve. Mais qu’en est-il vraiment? Selon Stuart Neatby, activiste et journaliste indépendant des Maritimes, le facteur-clé du concept Atlantica est de s’assurer que les Maritimes et la Nouvelle-Angleterre agissent principalement comme point de transit pour les biens et services qui sont acheminés pas camion à travers la région. Le Centre canadien de politique alternatives, qui a publié quant à lui un rapport sur la question en février dernier, doute fortement qu’une telle approche puisse résulter en bénéfices réels pour la région. Cet accent sur la région comme point de transit nécessitera entre autres une harmonisation des législations en ce qui concerne le camionnage des deux côtés de la frontière, pour éventuellement permettre entre autres choses ce qu’on appelle les « truck trains », ces véhicules de transport à remorques multiples qui peuvent atteindre 125 pieds, qu’on peut entre autres apercevoir sur les autoroutes du Mexique avec les effets néfastes que cela entraîne. Dans ce projet, aussi, le port d’Halifax est appelé à jouer un rôle de premier plan. Les promoteurs mentionnent ouvertement qu’ils aimeraient que celui-ci devienne le point d’entrée pour le pétrole provenant des forages marins, pour les voitures européennes et autres biens du vieux continent et pour les autres marchandises à bon marché fabriquées en Asie. Ces marchandises asiatiques traverseraient l’Atlantique après avoir passé par le Canal de Suez, alors que la plupart de ces produits transitent actuellement par la côte Ouest. Les promoteurs du projet versent également dans le zèle lorsqu’il est question de libre-échange et d’harmonisation des lois du travail. Des documents de travail font état de cinq facteurs politiques affligeants auxquels il faudra s’attaquer pour qu’Atlantica aille de l’avant. Premièrement, la taille du gouvernement relativement à l’économie, en quelque sorte une mesure du fardeau que représente le secteur public par rapport au secteur privé. En deuxième lieu, la taille de la fonction publique en pourcentage du total d’emplois dans les provinces ou États concernés, ou si l’on veut une mesure de l’efficacité du secteur public. Ensuite, le revenu total du gouvernement provenant de ses propres sources en pourcentage du PIB. Finalement, les législations sur le salaire minimum et ce qu’ils appellent la « densité syndicale » (union density, ou en terme plus simple le taux de syndicalisation), qui sont toutes deux en quelque sorte des mesures de la flexibilité du marché du travail. Évidemment, le projet suscite de plus en plus d’opposition malgré qu’il soit encore assez méconnu du grand public. Al Giordano, sur Narconews.com, s’inquiète du sort que pourrait connaître la région et qui pourrait ressembler à celui du Mexique, un pays qui est loin d’avoir récolté les fruits escomptés de l’ALÉNA. Certains dressent même des parallèles avec le Plan Puebla Panama, qui vise à créer une vaste zone de transit ainsi qu’une nouvelle zone franche pour le pillage des ressources naturelles et l’implantation de maquiladoras en Amérique centrale. On s’inquiète aussi parce que le langage utilisé est le même que celui dans le cadre de l’ALENA ou de la ZLEA. On parle d’intégration économique au détriment des acquis sociaux et des mesures régulatoires et législatives (surtout au niveau environnemental et des lois du travail), une intégration dont on sait pertinemment qu’elle ne profitera qu’à une minorité. De ce fait, certains s’inquiètent évidemment des prévisibles conséquences environnementales du projet, qui donne une large place au transport routier de gros camions. Au niveau de certains syndicats canadiens on s’inquiète aussi des répercussions envisagées sur les salaires et les conditions de travail en général. On craint un nivellement par le bas avec les visées d’harmonisation des lois du travail. Le projet est toutefois loin d’être enterré. Mais ses opposants quant à eux ne cessent d’augmenter. Halifax sera d’ailleurs l’hôte cette fin de semaine (14-16 juin) de trois journées de manifestations, conférences et autres activités pour demander que soit abandonné le projet Atlantica. Une rencontre des tenants du projet est d’ailleurs prévu simultanément dans la capitale néo-écossaise. Pour plus d’informations sur le projet, voir le site d’Atlantica Watch
David Murray
Atlantica Watch
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