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Sarkozy, opium du « peuple français de gauche » : 2 – Le buffet sans frontières de Bernard KouchnerDe ço qui calt, Miércoles, Mayo 30, 2007 - 06:24 (Analyses | Democratie | Elections & partis | G8-G20 | Globalisation | Guerre / War | Imperialism | Politiques & classes sociales)
De ço qui calt ?
Après l’élection de Nicolas Sarkozy, le « socialiste » Bernard Kouchner est devenu ministre du gouvernement de François Fillon au même moment où le « travailliste » Tony Blair se répandait en éloges du nouveau président de la République Française : « il sera très bien » (11 mai), une « occasion fantastique » et une « grande opportunité » pour « moderniser » la France (22 mai), et ainsi de suite... Et si l’UMP est censée incarner la, « droite décomplexée », Laurent Fabius souhaite à son tour une « gauche décomplexée » qui sache « adapter ses propositions à un monde qui a changé ». Il appelle même le Parti Socialiste à « tirer les leçons de ce qu'a fait Nicolas Sarkozy à droite ». Quant au Maire de Paris Bertrand Delanoë, il propose d’aider le nouveau Président de la République avec une « opposition intelligente et constructive »... Au juste, à quoi servent vraiment les élections dites « démocratiques » dans le fonctionnement du système capitaliste ? Pas de buffet Royal à l’Elysée, mais Bernard Kouchner pourra offrir un buffet sans frontières au Quai d’Orsay, Martin Hirsch un buffet du cœur Avenue de Ségur... C’est ce que l’on appelle l’ouverture, qu’il s’agisse du ministre et secrétaire d’Etat « de gauche » qu’a été à plusieurs reprises Bernard Kouchner en 1988-2002, ou du conseiller ministériel et directeur de cabinet sous le gouvernement Jospin que fut Martin Hirsch. Ce ne sont que deux exemples au niveau gouvernemental et assimilé, mais le phénomène est plus général. Les modérateurs du site Bellaciao, proche de la ligne de l’actuelle direction du Parti Communiste Français (PCF) et qui a soutenu la candidature de Marie-George Buffet aux présidentielles, semblent censurer avec une certaine assiduité des articles faisant référence au « think tank » Confrontations Europe et à son président Philippe Herzog. C’est vrai que Confrontations Europe, qui se définit comme « un mouvement civique », « un think tank » et « un lobby d’intérêt général », ne fait pas partie des « relations » dont la direction du Parti Communiste aime discuter avec les militants « de base », les sympathisants, les citoyens... encore moins, avec les électeurs. Pourtant, Philippe Herzog fut député européen apparenté PCF jusqu’en 2004, après avoir longtemps été membre de la direction de ce parti. Parmi les fondateurs de Confrontations Europe figurent également le dirigeant de la CGT Jean-Christophe Le Duigou, membre à ce jour du Conseil de Direction de l’association, et l’actuel membre du Groupe parlementaire des Député-e-s Communistes et Républicains de l’Assemblée Nationale française Jean-Pierre Brard, membre à son tour (comme Le Duigou) du Conseil d’Administration. Un sénateur du Groupe Communiste Républicain et Citoyen, l’ancien ministre Jack Ralite, fait partie (comme Brard et Le Duigou) du Comité de Parrainage de Confrontations. Ce ne sont que des exemples de « grands progressistes », « grands syndicalistes », etc... que l’on retrouve dans ce montage. A côté de notables « socialistes », « centristes » ou « de droite », de membres de la Commission Trilatérale, de hauts responsables de banques, de multinationales et de l’eurocratie... De la politique « constructive », quoi ! Dans un éditorial diffusé après l’élection de Nicolas Sarkozy, Philippe Herzog parle ouvertement de « volonté de changement » et analyse « les opportunités à saisir avec Sarkozy ». Il écrit notamment : « L’élection de Nicolas Sarkozy conclut une campagne électorale passionnée, avec une participation massive, où les Français ont montré tout l’intérêt qu’ils portent à la politique. Notre société confirme ses potentiels démocratiques : c’est une bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe. (...) Le vote en faveur de N. Sarkozy est largement un vote d’adhésion pour un projet de changement en France, qui a sa cohérence et est conduit avec une grande détermination. (...) Marier une nouvelle conception de la solidarité à une nouvelle dynamique de progrès économique : cet enjeu n’est pas simple et la démarche n’est pas exempte de contradictions. Le marché du travail va être réformé, avec plus de flexibilité tant pour les horaires de travail que pour l’emploi. En compensation, une sécurité professionnelle visera à accompagner chacun, qu’il s’agisse des jeunes des banlieues ou des travailleurs subissant des restructurations, en leur offrant une nouvelle formation devant déboucher sur un emploi. Encore faut-il que l’économie française redevienne capable de créer beaucoup d’emplois marchands, en combinant une politique de l’offre au soutien de la demande. Le salaire sera revalorisé et les charges sociales abaissées en fonction du souci de compétitivité, ce qui nécessitera un recours accru à la TVA, y compris sur les importations, pour financer la sécurité sociale. En bref la France s’engage dans une voie de réformes... déjà empruntée en Allemagne. » (fin de citation) C’est donc bien la casse sociale et le dumping du « grand marché européen de la main d’œuvre » que préconisent Confrontations et son président. Herzog ajoute : « Encore faut-il qu’une profonde réforme de l’Etat soit entreprise, en particulier pour réhabiliter sa relation à l’Europe. A force de faire de l’Union un bouc émissaire, à force de rivalités au Sommet de l’Etat et dans l’administration, la France a perdu sa capacité d’anticipation stratégique, ainsi que beaucoup de son crédit et son influence en Europe. Le nouveau Président connaît-il et saura-t-il traiter ce problème ? Il faudra aussi que le pays essaie de sortir de la guérilla gauche-droite incessante qui a contribué à faire perdre le sens des réalités depuis tant d’années. C’est trop facile de dire « ce n’est pas moi, c’est l’autre qui est coupable » quand ça va mal. Il faut exiger que l’émulation et la tension entre les forces politiques en recomposition soient constructives. Telles sont à mon sens les opportunités à saisir et les conditions à réaliser pour que la France se réinvestisse très activement dans la construction de l’Europe. » (fin de citation) Dans l’ensemble, un clair éloge de Nicolas Sarkozy et de l’esprit de la « droite décomplexée », avec une défense tout aussi directe des intérêts du capitalisme et de l’impérialisme à l’échelle européenne. Herzog est loin d’être le seul à tenir ce langage, que l’on entend également dans les états-majors de la « gauche » française. En réalité, le programme « terre à terre » de Ségolène Royal, qui en 2005 avait soutenu le Traité Constitutionnel Européen (TCE), n’était pas (n’est pas) différent, à des apparences près. Des apparences destinées à ne pas trop repousser l’électorat populaire, même si la dernière campagne présidentielle a plus que jamais relevé du marketing, de l’intox médiatique à fond la caisse et de l’iconographie. Quant aux alliés de Ségolène Royal à la « gauche de la gauche » et à la « gauche toute », ils ont à l’unisson réclamé un Etat européen fort, sous couvert d’Europe « sociale ». Pas de fausse note, donc. Et, lors du débat du 3 mai, la candidate du Parti Socialiste aux présidentielles appelait à « faire que l'Europe revienne, une Europe forte, la France forte dans une Europe qui a besoin de la France, et d'une France qui a besoin de l'Europe ».Un objectif devenu prioritaire dans les démarches récentes de Nicolas Sarkozy une fois élu. Avait-on jamais vu un tel consensus au sein du monde politique français, depuis 1914 et l’Union Sacrée ? C’est que la mise en place d’une superpuissance européenne est devenue une véritable urgence pour les milieux financiers, inquiets des signes de faiblesse de l’actuel gendarme mondial, la superpuissance US. Certes, « il y a avait eu un vote » lors du référendum de 2005 à propos du TCE. D’après le résultat du dépouillement, le NON avait été largement majoritaire. Mais, dès le lendemain du scrutin, on a entendu dire que « ça allait s’arranger » avec les présidentielles. En effet, les trois partis politiques les plus influents (UMP, PS, UDF) étant officiellement pour le OUI, « les choses allaient se faire » d’une manière ou d’une autre. « On n’allait tout de même pas renoncer » à la « construction européenne » à cause du résultat d’un référendum. D’autant plus que les manitous de la « gauche de la gauche » étaient, tout compte fait, pour « une autre Europe »... A savoir, pour le même Etat Européen à peu de chose près, mais avec des affiches disant « social », « des citoyens », etc... Aux présidentielles, les électeurs se sont tout naturellement retrouvés pris au piège du grand consensus. Dans un tel contexte, la désignation récente à la fonction de ministre des affaires étrangères de l’apôtre des « ingérences humanitaires » et des interventions globales « contre les dictatures » qu’est Bernard Kouchner n’a rien d’étonnant. Intervenue peu avant la réunion du G8, elle ne fait que refléter une « transversalité » qui était courante sous la Quatrième République et qui a repris une importance croissante depuis les années 1970, comme en témoignent des organisations telles que la Trilatérale à l’échelle internationale ou le Siècle à l’échelle française. Confrontations Europe n’est qu’un autre exemple de cette « transversalité » lobbiste où les grands financiers exercent la direction réelle. Les changements de président, de majorité parlementaire, de gouvernement, voire même le résultat d’un référendum... n’ont pas de véritable incidence sur les grandes lignes de la politique que les citoyens subissent. Lorsque l’oligarchie décide de favoriser tel ou tel candidat, la question qu’elle se pose n’est pas de savoir quel programme il appliquera mais s’il est le plus apte à « faire passer » auprès de la population ce qui, de toute façon, « va se faire ». Pour le reste, le verrouillage du système est total, à quelques « modalités d’application » près. Les patients malgré eux que sont les électeurs ont tout juste le droit de choisir entre le docteur qui « fait très mal » et celui qui « fait moins mal ». Les élections sont, si on va au fond des choses, un programme de télé comme un autre. Avec ses présentateurs, ses acteurs, des prix à la fin pour certains participants... Les enfants peuvent aussi « jouer aux élections ». Par exemple, en sautant à la corde avec une chanson comme celle-ci :
la perdante rate le coche... » Le coche étant, en l’occurrence, un carrosse d’or comme celui d’Anna Magnani mais qui, à la place du métal précieux, est porteur d’autres richesses de ce monde. Notamment, des postes bien rémunérés, des « carrières », des « relations », de l’influence... pour les troupes de la comédie de l’art qu’est la politique de façade à laquelle les citoyens sont invités en tant qu’électeurs. Une farce qui banalise les problèmes de la société et génère des illusions toujours déçues. Mais les élections sous le capitalisme ont un autre effet pervers : théoriquement, les citoyens « ont choisi » et, par là, conféré une « légitimité » à ce qui arrivera par la suite. C’est en réalité leur rôle. Et c’est pourquoi, le 6 mai au soir, la « classe politique » française s’est unanimement félicitée du taux très élevé de participation aux élections présidentielles. Signe, d’après ces représentants du système, que la « démocratie » bourgeoise fonctionne bien. Le tricycle Sarkozy – Royal – Bayrou avait pour mission essentielle de faire avaler ce suppositoire, et le faible taux d’abstentions est considéré comme une réussite de l’opération. Les incroyables mises en scène médiatiques, mais aussi la complicité active des « gauches de la gauche » qui ont d’emblée hurlé « s’abstenir, c’est voter Sarkozy », y ont bien aidé. On pouvait même lire dans la déclaration de candidature de José Bové : « Nous voulons leur dire [aux citoyens « qui souffrent »] que l’abstention ou le vote Le Pen conduisent tout droit à l’élection de Nicolas Sarkozy ». L’abstention étant donc d’emblée comparée au « vote Le Pen » par José Bové et son équipe de campagne. Il reste que, cette fois-ci, le système a été obligé de déployer des moyens publicitaires et d’intox médiatique sans précédent pour amener les électeurs aux urnes. Au point d’avoir passablement grillé et démasqué un certain nombre de fausses « oppositions » qu’il a mises à contribution beaucoup plus que d’habitude. Après la boverie électoraliste de la « gauche de la gauche », la gueule de bois risque de ne pas être triste et le plus aveugle des militants des mouvances « alter » devra se poser un certain nombre de questions. La partie n’est pas finie. Dans l’immédiat, la montée de l’euronationalisme, que personne ne dénonce vraiment, devient de plus en plus inquiétante. Y compris, au sein de la « gauche de la gauche ».
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