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Conflit à la STM: à qui profite l'unanimisme contre les employéEs d'entretien?

Eric Smith, Lunes, Mayo 28, 2007 - 14:33

Arsenal-express

RéuniEs en assemblée générale après quatre jours de grève, les employéEs d'entretien de la Société de transport de Montréal (STM) ont donc été contraintEs de retourner au travail, sous la menace d'une loi spéciale et face au rouleau compresseur de l'appareil d'État, de la bourgeoisie et des médias qui se sont ligués pour faire apparaître une "opinion publique" unanimement hostile à leur endroit.

Il est toujours épeurant de voir avec quelle facilité l'appareil idéologique de la bourgeoisie réussit, quand il s'y met, à mélanger le vrai et le faux et à créer un "mouvement d'opinion" tel que le moindre argument rationnel se trouve désormais exclu du débat public. Ce phénomène, on l'a constaté jusqu'à en avoir la nausée au cours des derniers mois dans tout le "débat" sur la question des accommodements raisonnables. Le seul fait que ce soit les mêmes grandes gueules ayant alimenté pendant des mois la peur des immigrantEs qui ont sonné la charge contre les "privilégiéEs" de la STM devrait mettre la puce à l'oreille de quiconque possède encore des réflexes de classe quant aux enjeux du récent conflit.

Il suffit d'un bref coup d'œil au journal La Presse pour constater à quel point les médias ont façonné ce qu'ils appellent "l'opinion publique". Dans son édition de samedi, le quotidien présentait les résultats d'un sondage réalisé auprès de 1 029 personnes habitant sur l'île de Montréal ou dans ses banlieues nord et sud. On y apprenait que 68% des personnes interrogées n'ont subi aucun impact négatif pendant les quatre journées de grève à la STM. (Soit dit en passant, ce résultat fait ressortir toute la difficulté de l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic, compte tenu des exigences de la loi réactionnaire sur les "services essentiels" qui imposa en l'espèce la poursuite du service pendant pas moins de huit heures par jour: on ne peut plus tellement parler de "grève" dans de telles conditions!)

Ce résultat, plutôt surprenant pour quiconque a entendu les jérémiades de tous ceux qui ont parlé "au nom des usagers de la STM" au cours de la dernière semaine, est venu corroborer les propos de l'économiste en chef du Mouvement Desjardins, rapportés dans la même édition de La Presse, qui affirme que la grève n'a eu qu'un "faible impact économique". Cela n'a pourtant pas empêché le quotidien de coiffer l'article sur les résultats du sondage d'un titre ("Une grève contrariante") contraire à la nouvelle qu'il rapporte!

Si 68% des personnes sondées ont dit n'avoir subi aucun impact de la grève, 62% d'entre elles (une "très vaste majorité", selon La Presse) se sont néanmoins prononcées en faveur d'une loi d'exception pour forcer le retour au travail: trouvez l'erreur! Qu'en dépit de l'atmosphère hystérique ayant régné dans les médias, 38% des gens se soient quand même opposés à l'adoption d'une loi spéciale constitue une donnée appréciable.

Ainsi donc, bien des gens se sont improvisés porte-parole des usagers du transport en commun et des travailleurs à faible revenu. Bien sûr, parmi ces gens qui ont déversé leur fiel sur les "gras durs de la STM", bon nombre n'utilisent jamais le transport en commun et jouissent de revenus et de conditions de travail incomparablement supérieurs aux employéEs de la STM. Un morningman tel René Homier-Roy de la Société Radio-Canada, avec ses trois mois de vacances d'été, ses deux semaines de vacances aux Fêtes, sa semaine de vacances à Pâques, son vendredi de congé une semaine sur deux, et plus encore (on allait oublier la semaine de relâche!), gagne certainement un peu plus (sic) que le fameux 42 000$ par année des employéEs d'entretien qui entrent au service de la STM. C'est vrai que ce démagogue "respectable" (par opposition aux André Arthur et Jeff Fillion de ce monde) sait ce que c'est que la pauvreté et la précarité: n'anime-t-il pas une "guignolée" une fois par année? Comme disait l'autre, si les conditions de travail sont si bonnes à la STM, pourquoi ne va-t-il pas y faire application? Il pourrait enfin se rendre utile.

Sur la scène politique, sans aucune surprise, l'ADQ de Mario Dumont, qui possède une habileté remarquable pour flairer l'odeur de fumier dès qu'il s'en présente une, fut le premier parti à appeler à l'adoption d'une loi d'exception. Le premier ministre Charest, qui, a-t-on appris, aurait subi une délicate opération après sa réélection lors de laquelle on lui aurait retiré la colonne vertébrale, lui a tout de suite emboîté le pas. Quant au PQ, eh! bien il semble qu'il ait été trop occupé à faire semblant de vouloir renverser le gouvernement Charest sur le budget et à dérouler le tapis rouge pour sa "chère Pauline" pour daigner s'opposer à la menace d'une loi spéciale.

Les grands médias, les partis bourgeois, les organisations patronales, les "think tank" néo-libéraux et les crosseurs de toute espèce: tout ce beau monde qui, en tant normal, n'hésite jamais à chier sur les plus démuniEs, s'est soudainement porté à leur rescousse. Étrange que tout cela... Comme si le fait de geler les salaires des employéEs d'entretien de la STM allait améliorer un tant soit peu la condition des travailleurs et travailleuses les plus pauvres. Voyons donc... Si la bourgeoisie trouve que les employéEs de la STM sont trop bien payés, c'est précisément parce que cela crée une pression à la hausse sur les salaires de tous et toutes; si elle rêve de démanteler le syndicat et la STM comme service public, c'est parce qu'elle sait que cela facilitera la poursuite de son offensive visant à appauvrir la totalité du prolétariat -- à commencer par ceux et celles qui sont déjà les plus exploitéEs.

En s'attaquant aux grévistes de la STM, les élites bourgeoises ont affiché tout leur mépris à l'endroit des ouvrières et ouvriers -- ces individus méprisables qui n'ont même pas de diplôme universitaire (quelle horreur!). Ce sont "ces gens-là", pourtant, qui assurent le fonctionnement d'un service essentiel aux profits des capitalistes: un service qui permet d'entasser et de conduire dans les parcs industriels les milliers de prolétaires dont le travail va enrichir le capital, à chaque jour; un service dont la planification est conçue sur mesure pour satisfaire les besoins des gros commerçants qui dépendent de la clientèle qui utilise les transports en commun (vous en connaissez beaucoup, vous, des grands édifices à logements et des HLM dans les quartiers pauvres qui ont une station de métro directement dans leur sous-sol?). Pourquoi ces travailleurs et travailleuses, qui entretiennent le matériel et les infrastructures de la STM et qui ramassent les déchets (et parfois même la merde, littéralement) qu'entraîne l'opération du système, n'auraient-ils pas droit à un salaire décent et à une protection minimale contre la hausse du coût de la vie?

Avec tout ce battage médiatique, on en est donc arrivé à cette navrante situation qui voit les assistées sociales et les travailleurs au bas de l'échelle (du moins, une partie d'entre eux) se plaindre de ce que les employéEs d'entretien ont "trop de privilèges". Parallèlement, il est probable qu'une partie de ces derniers trouvent que les assistés sociaux ne sont que des fainéants! Et d'un côté comme de l'autre, il y en a pour penser que les immigrantEs viennent voler nos jobs et troubler nos "bonnes vieilles valeurs canadiennes françaises".

Est-ce trop demander de s'arrêter et de se poser la question, à savoir qui gagne et qui perd, dans tout ça? À qui profitent toutes ces divisions? Qui, au fond, avait intérêt à mépriser et écraser les employéEs d'entretien de la STM, qui sont des travailleurs et des travailleuses comme nous tous et nous toutes?

Il est temps pour nous, travailleurs et travailleuses, de commencer à penser et à agir comme une classe, tous et toutes uniEs contre notre ennemi commun, la bourgeoisie!

- Un prolétaire de Montréal

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Article paru dans Arsenal-express, nº 140, le 27 mai 2007.
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