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Il est minuit moins cinq pour le mouvement étudiantPierre-Luc Daoust, Jueves, Abril 26, 2007 - 21:21
Pierre-Luc Daoust
Tel que promis en campagne électorale, le gouvernement libéral a annoncé le dégel des frais de scolarité. Ceux-ci augmenteront, en théorie, de 500$ par année sur 5 ans. J'insiste sur le «en théorie», car il existe un énorme flou autour de la proposition libérale de la campagne électorale, comme j'en parlais il y a quelques temps. En effet, il se peut que l'augmentation à prévoir soit plutôt de 1000$ par année. Le gouvernement n'a fait qu'officialiser ce qu'on savait déjà, ce n'était qu'une question de temps avant que cette annonce soit faite. Mais qu'importe le chiffre final, cette augmentation ne fait que s'ajouter à celles des frais afférents qu'imposent collèges et universités pour contourner le gel. D'ailleurs, avec une opposition officielle pro-dégel à l'Assemblée nationale, le Premier ministre Jean Charest et son pantin Michelle Courchesne peuvent bien annoncer ce qu'ils veulent en la matière. Même si Mario Dumont et ses quarante enfants insistent sur la contrepartie d'un investissement dans les prêts et bourses, Mme Courchesne n'a pas à s'en soucier. Après tout, ce ne sont pas les députées et les députés qui auront le dernier mot sur ce dossier, mais le Conseil des ministres, dont les membres sont fraîchement choisis par M. Charest. Aucun danger de dissidence dans l'immédiat. Le gouvernement n'aurait pas pu choisir meilleur moment pour faire cette annonce: les universités sont en fin de session, les cégeps le seront bientôt. Mobiliser les étudiantes et les étudiants est une tâche presque impossible à cette période de l'année, le travail militant se fera donc à l'automne, après que les cours aient déjà subi une première hausse de frais de 50$. Le proche passé sera-t-il garant de l'avenir? Si on regarde les grèves étudiantes les plus récentes, on constate que, malgré qu'elles aient eu un impact significatif, les choses ne vont pas très bien. Tout d'abord, en 1990, la grève devant s'en prendre au dégel des frais de scolarité initié par Robert Bourassa, alors Premier ministre, fut un échec total. Résultat, les frais furent triplés, de 500$ à 1200$ plus 300$ de marge de manoeuvre (que toutes les universités ont prise), dont 1500$. Vient ensuite 1996, où le gouvernement péquiste et sa ministre de l'Éducation, Pauline Marois, coupent 700 millions de dollars dans l'éducation post-secondaire et menacent de dégeler les frais de scolarité. Le Mouvement pour le droit à l'éducation, aujourd'hui un souvenir, organisa une grosse mobilisation, qui fut récupérée par les deux fédérations étudiantes collégiales et universitaires du Québec (FECQ et FEUQ). Résultat, on a le gel, mais on laisse Mme Marois sortir de son chapeau une taxe à l'échec, complètement à la fin des négociations. Arriva 2005, avec la coupure de 103 millions de dollars dans l'aide financière aux études, qui entraîna un mouvement de mobilisation inégalé chez les étudiants de toutes les allégeances... une fois de plus récupéré par les fédérations, malgré le fait que le mouvement soit principalement l'oeuvre de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) et d'associations étudiantes indépendantes. L'argent revint, mais au prix d'un transfert fédéral, et la réforme qui accompagnait cette coupure ne fut pas retirée. L'avenir augure mieux aujourd'hui. L'ASSÉ a grandi, tant en nombre de membres qu'en mentalité. Ses membres ont vu l'importance d'être stratégiques et de se servir des médias, tout en conservant l'intégralité du message véhiculé. La FEUQ a perdus de gros morceaux (les étudiantes et étudiants des universités Laval et McGill n'en sont plus membres). La FECQ a acquis une association de collège privé, ce qui la déstabilise quand vient le temps de défendre l'éducation publique. Bref, les fédérations pourraient ne pas jouir aussi facilement d'un monopole de la négociation qu'en 1996 ou 2005, et le point de vue beaucoup moins mou qu'apporte l'ASSÉ sera représenté sur la place publique. Si grève générale illimitée il y a à l'automne, elle aura une importance autre que celle de lutter contre le dégel des frais de scolarité. Oui, d'une part, elle sera le gros moyen de pression contre l'État. Mais d'autre part, ça sera le moment ou jamais pour le mouvement étudiant de montrer qu'il sait se battre. En 2005, le gouvernement a su profiter de la mollesse des fédérations étudiantes pour sortir gagnant du conflit, malgré qu'il s'était écoulé près de dix ans depuis la grève de 1996. Cette fois, le mouvement ne devra surtout pas tomber dans le piège de la division, car si l'État l'emporte encore, le gouvernement et ses prochains successeurs sauront qu'ils ont le champ libre pour faire ce qu'ils veulent en éducation. Quand la démagogie s'en même Il ne faut pas s'étonner de voir les éditorialistes de droite comme ceux de La Presse remastiquer constamment les pseudo-arguments faciles. Une bière de moins par semaine, qu'ils nous répètent et répètent. Au bout de cinq ans, on est rendus à cinq bières de moins par semaine. Ça commence à être beaucoup de bières en moins. Surtout que les étudiants ne boivent vraiment pas tous cinq bières par semaine. Il serait temps de sortir de ces préjugés où on croit que la population étudiante en est une qui se saoule deux fois par semaine et qui voyage en voiture en tout temps. Et s'il fallait que le dégel soit de 1000$ par année, on serait rendus à 10 bières par semaine! En fin de compte, exit les thérapies contre l'alcoolisme, le dégel des frais pourrait bien régler ce problème... Après tout, tant qu'à se désengager, l'État pourrait le faire pour vrai! Un automne chaud en perspective L'automne s'annonce très chaud. Un gouvernement minoritaire mais élu malgré sa promesse du dégel, et qui se sentira donc légitime d'agir. Un mouvement étudiant divisé et rongé par deux fédérations trop molles pour êtres réellement productives. Et par-dessus tout, des étudiantes et des étudiants qui devront choisir comment ils réagiront face au dégel des frais de scolarité. Il est minuit moins cinq pour le mouvement étudiant. Cet automne, ça passe ou ça casse. Le mouvement étudiant se solidifie ou s'effondre. Et les étudiantes et les étudiants sauront ce que l'avenir réservera en éducation. Préparez votre maïs soufflé.
Article publié sur mon blogue personnel
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