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Qui contrôle les débats électoraux sur la Toile?usager-administré, Miércoles, Abril 11, 2007 - 20:51
Usager-administré
Les élections présidentielles françaises font depuis des mois l'objet d'une campagne d'une singulière opacité, autant sur le plan de l'exposé des enjeux que sur celui du programme défendu par chaque candidat. Ce simulacre de « démocratie » n'apportera, à la fin des courses, rien de bon aux citoyens. Ce n’est d’ailleurs pas le résultat d’une ou plusieurs élections qui détermine la politique réelle du système en place. Cependant, les péripéties d'une telle campagne peuvent s'avérer porteuses d'enseignements en ce qui concerne l'évolution du fonctionnement de ce système. L'un d'entre eux n'est pas une surprise, mais il est toujours utile de le constater de manière « visible », notamment avec le développement des échanges sur la Toile. Il s'agit de l'évidence du rôle croissant des médias privés conventionnels, et de l'absence d'emprise réelle des « petits internautes » sur la plupart des opérations de la campagne électorale sur Internet. Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou et Jean-Marie Le Pen sont invités « par les internautes » à un débat sur la Toile, en tant que « principaux candidats », dans le cadre de l'actuelle campagne pour les élections présidentielles françaises. Que faut-il penser de l'origine et des modalités d'une telle initiative ? Qui sont « les internautes » ? Qui sont « les candidats » ? « Invitation à François Bayrou, Jean-Marie Le Pen, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy Quatre candidats à l'élection présidentielle mobilisent, selon tous les sondages, plus de 80% des intentions de vote des électeurs depuis plusieurs semaines. Pour autant, ces quatre candidats n'ont jamais été confrontés ensemble, dans le cadre d'un débat, aux questions des électeurs. Cette carence est dommageable pour le déroulement normal d'une campagne électorale dans un pays démocratique. C'est pourquoi, nous, collectif de médias citoyens, de médias en ligne, de blogueurs et d'acteurs d'Internet, nous proposons d'organiser ce débat sur le web. Nous invitons donc Madame et Messieurs François Bayrou, Jean-Marie Le Pen, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy à venir débattre sur un plateau, le lundi 16 avril au matin. » (fin de citation) La liste des premiers signataires qui accompagne ce texte est la suivante : AgoraVox.fr , LaTeleLibre.fr , 20minutes.fr , Le Monde.fr , Rmc.fr Lesechos.fr , Liberation.fr , Le Dauphiné Libéré / quelcandidat.com , Marianne2007.info , Memoire-vive.org , Thierry Crouzet , Nicolas Voisin , Christophe Carignano , André Gunthert , Humains-associes.org , Vpod.tv , 2P2L L'appel ne semble pas envisager l'éventualité de débats entre les huit candidats qui ne sont pas favorisés par les sondages. Sur AgoraVox, Carlo Revelli présente l'appel avec un article intitulé: « Les internautes appellent les candidats à débattre le 16 avril ». Le chapeau de l'article invite « dans un premier temps, les quatre principaux candidats à participer à un débat qui sera retransmis sur Internet le 16 avril 2006 ». Il y a donc, d'emblée, « quatre principaux candidats » qu'AgoraVox désigne comme tels et invite à débattre séparément des autres. A la fin de son article, Carlo Revelli ajoute: « Cependant, animés d'un esprit sincèrement pluraliste, et en accord avec les signataires de cette première initiative, nous avons décidé de ne pas nous contenter de cette seule confrontation. C'est pourquoi AgoraVox, LaTeleLibre, le Politic'Show ainsi que plusieurs autres blogueurs (dont Thierry Crouzet, Christophe Carignano, etc...) invitent à deux autres débats qui suivront le premier, et qui réuniront les huit autres candidats le même jour (16 avril), dans les mêmes locaux, et dans les mêmes conditions techniques. » (fin de citation) Le décor est donc planté. Si cette initiative prospère, il y aura un débat auquel sont invités les quatre candidats jugés plus importants que les autres (« principaux »), et ensuite ceux qui ne sont pas « principaux » débattront entre eux s'ils le souhaitent dans un cadre moins « soutenu ». Le « Petit Larousse » donne bien pour "principal" la signification: « qui est plus important ». Telle serait donc la pensée « des internautes », et tant pis pour la rupture de l’égalité des candidats. Certes, ces élections ne sont en réalité qu'une mise en scène. Mais la situation est tout de même intéressante, d'autant plus qu'AgoraVox se présente comme un média citoyen. Un média militant ne trompe pas, il ne se prétend pas « impartial » dans l'abstrait. Un média conventionnel peut se dire « impartial », mais les citoyens ne manqueront pas de regarder qui le dirige, à qui il appartient, qui y écrit... Mais que penser lors qu'un média privé se dit « citoyen » ? De quel contrôle effectif disposent à son égard les « citoyens » dont il se réclame ? A fortiori si ce média « citoyen » signe un appel avec un certain nombre de « géants » des médias conventionnels. Carlo Revelli est le PDG de la société Cybion, qui se définit comme: « pionnier dans l'intelligence économique sur Internet en France » et qui offre, à ce titre, ses services aux entreprises. AgoraVox, l'un des principaux initiateurs de l’ « invitation » exposée plus haut, est un site qui se dit : « lancé à l'initiative de la société Cybion. Cybion est une société anonyme indépendante créée par Carlo Revelli et Joël de Rosnay, dont le capital appartient majoritairement aux fondateurs et qui n'est liée à aucun grand groupe industriel ou financier ». Cybion déclare donc n'être liée, directement, à aucun grand groupe industriel et financier. Mais sa clientèle parmi les entreprises n'a en principe aucune raison de répondre à ce critère. D'autant plus que, sur la même présentation d'AgoraVox, on peut lire: « Cybion (...) accompagne depuis 10 ans les organisations privées et publiques dans leur démarche d'intelligence économique ». Quant à la modération d'AgoraVox, on peut lire: « L'expertise de Cybion sera utilisée dans le cadre d'AgoraVox surtout pour identifier et valider des nouvelles sources d'information pertinentes (bloggeurs, associations, citoyens...) ». Et, à propos du comité de rédaction: « Ce comité est composé d'une part de rédacteurs indépendants qui participent volontairement à la modération, et d'autre part, des experts en veille et recherche d'information de la société Cybion ». Quelles sont, dans ces conditions, les garanties d'impartialité et d’indépendance d'AgoraVox ? En tout état de cause, les signataires de l'appel précité sont loin de pouvoir valablement s'intituler « les internautes ». Ces derniers sont autrement plus nombreux, et parmi les signataires de l'appel se trouvent des médias privés influents et parfaitement « conventionnels ». Pour clore. Sans doute, quelles que soient les modalités des débats d’une campagne électorale, les citoyens seront tenus à l’écart des débats réels sur les vrais problèmes, que ce soit à l’échelle française, continentale ou planétaire. Mais on peut, néanmoins, s’inquiéter de la détérioration de l’apparence d’impartialité de l’organisation des débats de l’actuelle campagne présidentielle. D’abord, même si dans la pratique les citoyens n’ont jamais pu exercer un contrôle réel sur les médias publics, il existe théoriquement pour ces médias une obligation d’impartialité. La situation est beaucoup moins nette pour les grands médias privés, malgré les règles affichées par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Ensuite, le choix de la Toile semble avoir été motivé par le fait que, comme le rappelle le Journal du Dimanche, « le CSA ne comptabilise pas le temps de parole des candidats ». C’est donc un pouvoir discrétionnaire que recherchent les grands médias privés. Enfin, l’histoire a souvent montré que, lorsque les détenteurs du pouvoir réel se débarrassent progressivement des apparences, on peut craindre des atteintes de plus en plus graves aux droits des citoyens ainsi qu’aux droits et libertés fondamentaux. Même si elle a lieu dans le cadre d’élections bourgeoises, la rupture de l’apparence d’égalité des candidats constitue une signe particulièrement inquiétant. Voir également mon article du 18 mars : « Contrôle de la Toile, intérêts privés et mythe du « pouvoir internaute » ». |
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