Maintenant que la saison de hockey est à toutes fins pratiques terminée (du moins, pour les partisanes et partisans du Canadien de Montréal!), la campagne électorale actuelle au Québec vient combler un immense vide.

On sait que la classe dominante a toujours su utiliser à son profit la bonne vieille formule du pain et des jeux, pour prévenir les révoltes et réduire le peuple à l'inaction. Pour ce qui est du pain, disons qu'elle ne s'en formalise pas trop en ces temps de compétitivité et de flexibilité accrues, comme on a pu le voir il y a quelques semaines chez Olymel et encore plus récemment chez Expertech, où les patrons ont exigé (et obtenu, grâce à la collaboration des grands bonzes syndicaux) de fortes baisses de salaires. Mais pour ce qui est des jeux, on ne peut certes pas dire que la bourgeoisie est regardante sur la dépense...

À cet égard, la campagne électorale actuelle, qui prend l'allure d'un match sportif, constitue presque un cas d'espèce, avec la lutte spectaculaire que se livrent les trois principaux partis et les coups bas qu'ils se portent les uns les autres.

Au départ, la bourgeoisie québécoise a choisi de miser sur son bon vieux Parti libéral, lequel, à défaut d'afficher un visage emballant pour les masses populaires (c'est le moins qu'on puisse dire!) présente tout de même les caractéristiques d'un parti apte à gouverner la province pour le compte de la bourgeoisie tout en maintenant la paix sociale, i.e. sans faire trop de vagues. C'était toutefois sans compter sur le "monstre" que constitue l'Action démocratique du Québec de Mario Dumont, que la bourgeoisie a créé, et dont le discours populiste échappe en partie au consensus politique dominant.

Il y a quelques mois à peine, personne n'aurait cru que l'ADQ talonnerait les deux grands partis qui se sont échangés avec succès la gestion de l'État bourgeois québécois depuis maintenant 37 ans -- sans doute pas même Mario Dumont! Toutefois, le débat sur les accommodements raisonnables, alimenté par les grandes gueules qui sévissent sur les ondes des différentes radios poubelles qui polluent le Québec, a permis à l'ADQ de mobiliser et de solidifier sa base sociale, bien au-delà des soutiens que ce parti a toujours su obtenir, avec un degré d'engagement plus ou moins marqué selon les circonstances, du côté de la grande bourgeoisie.

Alors qu'en 2003, des capitalistes bien en vue comme Marcel Dutil et l'économiste Diane Bellemarre du Conseil du patronat avaient travaillé fort (mais sans succès) à favoriser l'élection de ce qu'on appelait à l'époque l'Équipe Mario Dumont, il semble bien que cette année, les ténors de la grande bourgeoisie -- exception faite de Gilles Taillon -- ont fait le calcul que l'heure de Dumont n'était pas venue, ce qui constitue à l'évidence une nouvelle erreur de leur part.

C'est ainsi qu'à mi-chemin de la campagne, alors qu'il est à peu près sûr que l'ADQ aura un rôle important à jouer dans le prochain parlement, la direction de ce parti tente de recoller les morceaux et de présenter une "équipe" apte à gérer l'État bourgeois. D'où la décision sans précédent, prise par son chef, de destituer d'autorité son candidat misogyne et homophobe dans le comté de Deux-Montages, ainsi que l'autre trou-du-cul raciste qui souhaitait se faire élire dans le comté de Prévost: il y a des choses qu'on peut penser mais qu'on ne peut pas dire quand on aspire à la responsabilité publique!

S'il est donc difficile de prévoir quel sera le résultat du scrutin, une chose reste certaine: c'est que dans ce contexte de démagogie populiste et de promesses invraisemblables, les travailleurs et les travailleuses ne trouveront jamais leur compte. Le système est ainsi fait qu'il exige, de la part de ceux et celles à qui la gestion de l'État est confiée, qu'ils agissent en fonction des besoins des capitalistes. N'en déplaise à ceux et celles, comme Québec solidaire, qui se pensent plus "smattes" que les autres et croient pouvoir gouverner "pour tout le monde".

Dans un rare moment de lucidité, l'ancien trotskiste Alain Dubuc, désormais "super-éditorialiste" pour les journaux du groupe Gesca, a avoué, dans La Presse de ce matin, ce que plusieurs savent déjà. Justifiant l'exclusion de Françoise David du débat des chefs, il a écrit: "La démocratie électorale n'est pas un exercice égalitaire. [...] C'est le triomphe de la loi du plus fort. Les candidats, les chefs et les partis ne sont pas égaux à l'arrivée. Mais ils ne le sont pas davantage au départ." Ce renégat de toujours n'a jamais si bien dit! Et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous boycottons leurs élections...

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Article paru dans Arsenal-express, nº 132, le 11 mars 2007.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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