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Le "président Gonzalo" condamné à la prison à vie

Eric Smith, Domingo, Octubre 15, 2006 - 12:23

Arsenal-express

Le président du Parti communiste du Pérou (PCP), Abimael Guzmán, et onze autres dirigeantes et dirigeants présuméEs du parti ont finalement reçu le verdict du tribunal au terme du "méga-procès" que l'État péruvien leur a intenté il y a de ça un an: celui qu'on connaît mieux comme le "président Gonzalo" et sa compagne, Elena Iparraguirre, se sont vus imposer une sentence à vie -- la peine maximale prévue au code pénal péruvien pour les crimes de "terrorisme aggravé contre l'État" et d'homicide dont on les a tenus coupables. Quant aux 10 autres accuséEs jugéEs dans le cadre de la même procédure, leurs peines varient entre 24 et 35 ans de prison. En outre, ils et elles ont été condamnéEs à payer plus d'un milliard de dollars de dommages à leurs "victimes" - principalement à l'État péruvien. Au départ, 24 accuséEs avaient été citéEs à procès; parmi elles et eux, seulement la moitié ont finalement été jugéEs, les autres étant toujours en liberté, en exil ou portéEs disparuEs.

L'accusé ayant reçu la peine la moins sévère, Oscar Ramírez Durand (le "camarade Feliciano"), était en l'occurrence le principal témoin à charge de la poursuite. Ramírez avait retourné sa veste et accepté de témoigner contre ses ex-camarades après son arrestation en 1999. En se voyant infliger une peine inférieure à 25 ans, il a automatiquement obtenu d'être transféré de la prison militaire où il était détenu vers une prison régulière. C'est lui, rappelons-le, qui avait assumé la direction du PCP après l'arrestation du président Gonzalo en 1992. Étant donné l'âge des autres accuséEs, les différentes peines qui ont été infligées équivalent toutes à une sentence à vie.

Amorcé le 26 septembre 2005, l'actuel procès avait été rendu nécessaire suite à la décision de la Cour suprême du Pérou, rendue en 2003, d'annuler les condamnations déjà prononcées par les tribunaux militaires à l'époque du régime de l'ex-président Fujimori. Cette décision faisait suite à un avis de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui avait conclu au caractère illégal des tribunaux d'exception. Le président Gonzalo, pour un, avait été condamné à la prison à vie quelques semaines après son arrestation en septembre 1992, au terme d'un procès secret et expéditif d'à peine deux jours, devant un tribunal militaire formé de juges anonymes et encagoulés. Son avocat de l'époque, Alfredo Crespo, avait lui-même été arrêté peu de temps après et condamné à une lourde peine de prison pour avoir fait "l'apologie du terrorisme". Me Crespo n'a d'ailleurs fini de purger sa sentence qu'en décembre dernier, après avoir passé 13 ans dans les geôles péruviennes. Il s'est dès lors joint à l'équipe de défense d'Abimael Guzmán et d'Elena Iparraguirre, dirigée par l'avocat Manuel Fajardo.

Une première tentative de reprise du procès à l'automne 2004 avait avorté lorsque les accuséEs avaient bruyamment contesté la légitimité du tribunal, au vu et au su des nombreux journalistes qui y assistaient. Cette fois-ci toutefois, le procès s'est déroulé dans des conditions beaucoup plus strictes. Bien que public, les journalistes se sont notamment vus interdire d'entrer dans la salle d'audience avec des caméras ou des appareils audio.

Guzmán et Iparraguirre ont choisi de ne pas témoigner et de ne pas présenter de défense systématique, sachant que les dés étaient pipés d'avance. En effet, il était clair dès le début que le procès visait uniquement à "légaliser" une décision déjà prise au plus haut niveau. Le procès des dirigeantEs du PCP (dont la plupart -- y compris, selon toute vraisemblance, le président Gonzalo lui-même -- soutiennent désormais la position favorable à la fin de la guerre populaire qui a surgi au sein du PCP après leur arrestation) était en fait le procès de la révolution elle-même. L'enjeu, pour la classe dominante péruvienne, était de délégitimer le droit, pour les masses populaires, de se révolter contre l'oppression. Pendant toute la période qui s'est étendue du début des années 1980 jusque vers la fin des années 1990, la guerre populaire dirigée par le Parti communiste du Pérou a mobilisé des millions de travailleurs, de paysannes et de pauvres, au point où on a cru, y compris à Washington, qu'un nouveau régime communiste allait possiblement être mis en place à Lima. Cela, le régime péruvien actuel et l'impérialisme US qui le soutient toujours ne pourront jamais l'accepter -- indépendamment des positions que soutiennent désormais les dirigeantEs du PCP qui viennent d'être condamnéEs.

Vendredi dernier, donc, c'est sans surprise aucune que le tribunal a rendu son verdict. Selon ce que rapportent les médias qui ont assisté au prononcé du verdict, les accuséEs semblaient plutôt sereinEs. Au moment de quitter le tribunal, Guzmán a fait le baisemain à sa compagne, avant de l'étreindre longuement. Selon leur avocat, la sentence qui leur a été imposée constitue ni plus ni moins qu'une "décoration". Manuel Fajardo a en outre annoncé son intention de porter le jugement en appel devant la Cour suprême et la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 115, le 15 octobre 2006.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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