Reporters sans frontières silencieuse au sujet d'un journaliste incarcéré par les troupes militaires étasuniennes en Irak
( Envoyé par Stéphane Chénier )
Reporters sans frontières silencieuse au sujet d'un journaliste incarcéré par
les troupes militaires étasuniennes en Irak
L'organisation française Reporters sans frontières reste étrangement silencieuse
au sujet du calvaire que vit Bilal Hussein, photographe de l'agence Associated
Press (AP). Arrêté le 12 avril 2006 à Ramadi, Bilal Hussein est actuellement
détenu à Camp Cropper, dans les environs de la capitale irakienne Bagdad, par
l'armée d'occupation étasunienne1.
A ce jour, aucune charge n'a été retenue contre lui et aucun procès n'est prévu
en ce qui le concerne. La raison est relativement simple : les forcés armées
étasunienne, qui l'ont arrêté pour « des raisons impératives de sécurité » sans
donner plus de détails, ne disposent pas de preuves à son encontre2.
Le président de l'agence AP, Tom Curley, a dénoncé une détention arbitraire : «
La loi doit prévaloir. Il doit être mis en examen ou être relâché. La détention
illimitée n'est pas acceptable [.]. Cela est inacceptable aux yeux de la loi
irakienne, des conventions de Genève ou de toute procédure militaire3 ».
Bilal Hussein fait partie des quelques 13 000 Irakiens détenus, sans accusation
formelle et sans être poursuivi devant la justice. Le major de l'armée
étasunienne, Jack Gardner, a tenté de justifier l'incarcération du photographe :
« Il a des rapports très étroits avec des personnes responsables [.] d'attaques
contre les forces de la coalition ». En réalité, les Etats-Unis reprochent à
Bilal Hussein son indépendance et sa liberté de mouvement, alors que les
photographes occidentaux ne travaillent que sous les ordres des troupes
d'occupation4.
Il s'est surtout fait remarquer par ses photos de la rébellion irakienne, dont
plusieurs lui ont valu le prix Pulitzer, qui mettent à mal la propagande de la
Maison-Blanche sur la pacification du pays. La rédactrice en chef d'AP, Kathleen
Carroll a été claire à ce sujet : « Nous avons passé en revue toutes ses photos.
Nous avons parlé à tous ceux qui ont travaillé avec lui. Et nous n'avons rien
trouvé d'autre qu'un travail de journaliste, effectué dans des conditions très
dangereuses. Quant aux photos d'insurgés, elles ne sont pas majoritaires. Et
c'est notre travail de montrer les deux côtés du conflit5 ».
C'est également l'avis de l'avocat Badie Arief Izzat qui est convaincu que son
client a été ciblé par les forces de la coalition à cause de ses photos prises à
Ramadi et Falloujah. Après avoir approché en vain les autorités étasuniennes,
les dirigeants d'AP ont décidé d'attirer l'attention de l'opinion publique sur
ce cas et, par la même occasion, sur les milliers d'autres prisonniers retenus
sans preuves ni accusation6.
Les véritables raisons de l'arrestation de Bilal Hussein sont autres. En
réalité, la vaste majorité de ses 420 photos publiées montrent les massacres
commis par l'armée étasunienne sur la population civile, des personnes mutilées
et des maisons détruites. Il était devenu la cible des néo-conservateurs
étasuniens sur Internet, qui critiquaient ses clichés7.
Mais le cas de Bilal Hussein n'est que la pointe émergée de l'iceberg. En effet,
selon l'avocat new-yorkais d'AP, Scott Horton, plusieurs centaines de
journalistes en Irak ont été arrêtés et détenus pendant plusieurs semaines et
parfois même un an. C'est le cas du caméraman de la chaîne de télévision
étasunienne CBS, Abdul Ameer Younis Hussein, qui a été arrêté, accusé d'être
membre de la rébellion et séquestré pendant près d'un an avant d'être envoyé
devant un tribunal irakien qui l'a acquitté par manque de preuves8.
Ce n'est pas la première fois que Reporters sans frontières « oublie » les
journalistes arrêtés par les troupes d'occupation étasuniennes. Cela avait déjà
été le cas pour le caméraman soudanais Sami Al-Haj torturé à Guantanamo.
Beaucoup de critiques ont été émises quant à l'indépendance et l'impartialité de
RSF, qui est financé par le Congrès étasunien, et dont les rapports sur certains
pays ont curieusement un lien avec l'agenda politique de l'administration Bush9.
Mais comment RSF peut être objective et impartiale lorsqu'elle cite parmi « les
organisations nationales et internationales de la liberté d'expression [et] les
sites partenaires de Reporters sans frontières » le site Internet du .
Département d'Etat étasunien et celui de la Section des intérêts nord-américains
à Cuba10 ?
Salim Lamrani
Notes
1 Claire Guillot, « En Irak, photographier la rébellion conduit dans les camps
américains », Le Monde, 24 septembre 2006.
2 Robert Tanner, « U.S. Holds AP Photographer in Iraq 5 months », Associated
Press, 17 septembre 2006.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Claire Guillot, op.cit.
6 Robert Tanner, op.cit.
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Salim Lamrani, « Reporters sans frontières et ses contradictions », Réseau
Voltaire, 27 septembre 2006. http://www.voltairenet.org/article143601.html (site
consulté le 29 septembre 2006).
10 Reporters sans frontières, « Les organisations nationales et internationales
de défenses de la liberté d'expression, les sites partenaires de Reporters sans
frontières ». http://www.rsf.org/rubrique.php3?id_rubrique=`6 (site consulté le
26 septembre 2006).
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"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba,
nous n'avons rien dit, nous n'étions pas Cubains."
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