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Les tortionnaires pleurent aussi : Mais ils ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendreAnonyme, Lunes, Septiembre 18, 2006 - 12:01 Par Jorge Majfud , pour plusieurs, est politiquement incovenable de reconnaître. Pour des raisons évidentes de mythologie nationale. On n’a pas entendu non plus le repentir public de ces hauts prêtres qui bénissaient les armes du dictateur Videla avant qu’il n’écrase son peuple; ou de ces autres prêtres qui légitimèrent de façons diverses et abondantes les dictatures de ce côté et de l’autre du Rio de la Plata. Ni de ces médecins qui collaborèrent dans des sessions systématiques de tortures. N’espérons pas un repentir des criminels afin de les humilier. Ils s’humilièrent eus-mêmes. Mais ils ne réclament ni l’oubli ni le pardon, ni même n’ont eu la valeur de se repentir des crimes les plus bas qu’à connus l’humanité. En 1979, Mario Benedetti publia au Mexique la brève oeuvre de théâtre Cependant, sur deux choses se trompèrent ceux qui pensèrent ainsi : premièrement l’impunité parfaite n’est pas possible; deuxièmement, ceux qui aujourd’hui interrogent ces monstres de notre civilisation jouissent de toutes les garanties d’une jugement avec défense, sans contraites physiques et sans menaces pour leurs familles – le point le plus faible de ceux qui supportèrent la torture jusqu’à la mort. La seule torture des hommes – pour les appeler de quelque façon -- comme le lieutenant colonel José Nino Gavazzo, comme le colonel Jorge « pajarito » Silveira, comme le colonel Giberto Vàsquez, comme le colonel Ernesto Ramas, comme le colonel Luis Maurente, et comme les ex-policiers Ricardo « Conejo » Medina et José Sande Lima, est l’exposition publique de leur manque de dignité, maintenant que nous écartons tout type de remord. Une autre oeuvre de théâtre a exprimé cette condition. Dans ‘’La Mort et la Jeune Fille’’ (1992), Ariel Dorfman réfléchit par la voix d’un de ses personnages. Pauline, la femme violée, qui reconnaît dans un médecin son tortionnaire, projette un jugement clandestin et à un moment le menace : ‘’Mais je ne vais pas vous tuer parce que vous êtes coupable, Docteur, je vais vous tuer parce que vous n’avez pas l’ombre d’un repentir. Je peux seulement pardonner à quelqu’un qui se repent véritablement, qui se lève devant ses semblables et dit : cela je l’ai fait, je l’ai fait et jamais plus je ne le referai’’. Le supposé tortionnaire est finalement libéré afin de convivre parmi ses victimes. Je ne prends pas un exemple réel : je prends un exemple vraisemblable qui inclue des milliers d’exemples réels. Cette obscène convivance de victimes et de victimaires a contaminé l’âme de nos sociétés. Ni la mort ni la réclusion du peu d’anciens assassins qui restent ne résolvent rien en soi. Mais la valeur de la justice est toujours absolue. Dans notre cas, au moins, suffirait quelconque des deux raisons : premièrement, l’impunité est un affront moral pour les victimes et le pire exemple pour le reste de la société ; deuxièmement, le soupçon et le présugé s’arrogent le droit de (pré) juger de la même façon tous ceux qui paraissent égaux, par quelque arbitraire ou circonstantielle condition, comme peut l’être le fait d’appartenir ou d’avoir appartenu à l’armée. Ceux qui sont libres de faute devraient être les premiers à se joindre à l’appel universellement légitime du reste de la société. Ou à se résigner à leur propre honte et à celle d’autrui. Six militaires et deux ex-policiers ont été envoyé en prison pour la disparition d’une seule personne dans un pays voisin. Sans doute c’est un échantillon disproportionné. Mais c’est déjà cela, et si les lois du passé doivent peser sur les nouvelles générations, ce devrait être les historiens qui prennent à charge le travail que jamais les juges ne purent réaliser dans quelconque démocratie minimum. Comme l’a si bien suggéré le gouvernement actuel de Tabaré Vàsquez, il n’y aura pas une « histoire officielle ». Cette réussite d’une démocratie mûre, est une possibilité qui n’est pas considérée par l’imagination de ceux qui s’indignent chaque fois qu’un professeur donne sa version des faits historiques les plus récents. Que préfèrent-ils, le silence complice? Ou peut-être la version unique, « officielle » des vieux terroristes d’état? Ou l’ingénue et machiavélique dialectique du ‘’je sais ce que je dis parce que je l’ai vécu’’ ? (comme s’ils n’y avaient pas autant d’expériences opposées d’un même fait, autant de ‘’je sais ce que je dis’’ contradictoires de personnes qui vécurent à un même époque). Quoique les nouveaux historiens – considérés dans toute leur diversité sociale – n’ont pas le pouvoir d’administrer le châtiment, déjà avec la vérité nous aurons presque toute la justice que réclament ceux qui perdirent en 1989 la lutte contre la Loi d’Impunité ; la vérité que réclament les nouvelles générations qui doivent souffrir de nos vieux traumas, parce que l’histoire n’est pas ce qui est écrit dans les « textes uniques » , mais les idées et les passions des morts qui survivent, inévitablement, pour le bien ou pour le mal, chez les vivants. Quoique les auteurs d’un terrorisme organisé sur tout un continent paient pour la disparition d’une seule personne et non pour la mort et la torture de milliers, c’est déjà cela ; parce que de cette façon, au moins, nous dérogeons à la vielle coutume selon laquelle un voleur de poules allait irrémédiablement en prison pendant que les génocides étaient toujours absous –comme si sur le marché du crime il y avait toujours un escompte pour les grossistes. Certains militaires devraient être reconnaissants qu’on puisse encore faire des discours publics en protestation à ceux qui réclament la vérité. La vaillance que la majorité d’entre-eux ne purent jamais mettre en preuve dans aucune guerre – exceptée celle dans les sessions de tortures et de viols de femmes – ressurgit avec tout l’orgueil de l’impunité. Ils jouissent d’un droit qu’ils nièrent violemment à un pays pendant plus d’une décade ; et stratégiquement, ils continuèrent à le lui nier vingt-cinq années de plus. Jusqu’à aujourd’hui. Un droit qui leur sert afin de protester à ce qu’ils entendent comme une « provocation », un dangereux « révisionisme », un incommode rappel, un affront à l’Institution. Un droit qui leur sert à démontrer qu’encore ils ne comprennent rien, ou qu’ils ne veulent rien comprendre. Ils ne comprennent pas que dans une démocratie minimum on ne peut vivre sans réviser le passé, sans exiger la vérité et la justice – selon une justice minimum. Encore, ils ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre. Ils se trompent, d’un autre côté, ceux qui croient que ces horreurs ne vont pas se répéter à l’avenir. Cela a été cru par l’humanité depuis des temps antérieurs aux césars. Depuis ces temps l’impunité ne les pas empêchées : elle les a promues, complice d’une lâcheté ou de la complaisance d’un présent apparemment stable et d’une morale apparemment confortable. Jorge Majfud Traduit de l’Espagnol par : |
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