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Ceux qui luttent contre la barbarie?

Anonyme, Sábado, Agosto 26, 2006 - 09:16

Quoique les discours officiels disent le contraire, nous pouvons voir, d’une certaine façon, une lutte contre les barbares. Mais, contre la barbarie? Serait-ce que nous devrions revenir aux valeurs originelles de Jésus lequel prôna l’amour universel afin de vaincre la mort et la haine, et jamais la guerre et la violence qu’aujourd’hui promeuvent avec orgueil ses propres adeptes?

Les discours officiels sont mono-thématiques et simplistes, comme la publicité : ‘’La lutte des gouvernements, depuis Athènes jusqu’à Sparte, est la lutte contre la barbarie’’. Éclairons les doutes : on ne peut rien objecter sur la poursuite de criminels concrets puisque ce n’est pas aisément qu’ils renonceraient à leurs propres maladies. Un violeur peut avoir été une victime dans son enfance, mais la véritable cause de son délit ne le libère pas de sa responsabilité : un violeur est, avant tout, un criminel, et comme tel doit être jugé. Mais avec la mort du violeur, l’individu difforme, on n’élimine pas un phénomène qui est métaphysique mais social. Peut-être que le reste de la population se sent soulagé – et confirmé dans sa bonne morale – tuant le monstre; mais ce soulagement est un piège qui empêche l’autocritique comme société qui produit systématiquement des milliers de monstres par quelque cause intérieure, et non comme si cela eut été des phénomènes climatiques.

La même simplification se répète à l’échelle internationale. Tous les leaders politiques insistent sur le fait du « comment » il faut combattre la barbarie, mais personne ne paraît s’intéresser sur le problème du « pourquoi » existe le problème. Les plus grandes énergies du monde (‘’civilisé’’) sont investies afin de combattre la barbarie, en même temps que les discours et les médias de communication prétendent nous en convaincre, non pas par les faits, mais par la débordante force du langage colonisé. Cependant, nous pouvons très bien voir, d’une certaine façon, une lutte contre les barbares; en échange nous pouvons regretter : et contre la barbarie? Qu’à t-on fait pour s’attaquer aux causes de ce malheur, de cette maladie de notre temps? Rien, ou presque rien.

Rien ou presque rien – toute proportion gardée – n’a été fait contre la misère des peuples périphériques (souvent en situation de servilité envers les centres, réelle ou psychologique); rien n’a été fait afin de respecter leurs cultures, rien n’a été fait afin d’ériger des ponts entre eux et nous; rien n’a été fait pour les comprendre et rien pour chercher qu’eux nous comprennent mieux. Rien n’a été fait afin de construire une association économique et culturelle qui bénéficie à tous. Rien n’a été fait pour un ‘’Dialogue des Civilisations’’ et tout reste à faire afin de vaincre ce stupide ‘’Choc des Civilisation’’, si satisfaisant à si peu. Rien n’a été fait afin de les conquérir – selon l’antique acceptation chrétienne de la parole, et non dans l’acceptation historique du christianisme -, et tout a été fait pour leurs imposer le Salut, commençant par la force.

Beaucoup a été fait d’un côté comme de l’autre, comme nous le développons dans un autre essai, afin d’alimenter la même la Culture de la Haine qui asphyxie notre humanité au bénéfice de quelques intérêts. Comme si la véritable peur fut que l’on découvre finalement la vérité : les peuples s’entendent facilement s’ils en ont l’opportunité, s’ils enlèvent beaucoup de frontières physiques que s’obstinent à conserver et à fortifier les plus radicaux réactionnaires de l’histoire.

On n’a pas construit un seul pont. On n’a seulement érigé d’épaisses murailles. On a seulement lancé des missiles et des bombes. On a seulement imposé des modèles politiques qui, s’ils nous servent à nous, ne doivent pas nécessaires apprécier des peuples ayant des histoires et des cultures différentes – modèles déjà obsolètes, de telle sorte qu’ils luttent afin de survivre dans le même centre de civilisation. Comme si la solution à toutes les différences fut que les autres se convertissent en nous ou nous en eux.

Serait-ce que la fameuse défenses de « nos valeurs » a pour objectif principal de conserver des valeurs qui maintenant ne sont plus les nôtres? Serait-ce que « nos valeurs » commencent à ne plus être la fameuse ‘’démocratie représentative’’ (dont les « représentants » ont l’habitude d’être millionnaires ou puissants, et dont les classes moyennes ou basses ne représentent seulement que de vains rêves)? Ne serait-ce pas que notre occident inévitablement se dirige vers une démocratie directe, c’est-à-dire vers la Société Désobéissante? Ne serait-ce pas que les antiques classes (estamentos) sociales qui ne veulent pas perdre le contrôle des peuples « démocratiques » ont trouvé chez de lointains ennemis du Moyen-Âge une forme d’insoupçonnables alliés? Sinon, comment explique-t-on les variations dans les enquêtes chaque fois que la peur nous tenaille?

Avec le coût d’un seul missile lancé sur un village, on pourrait ériger une école. Pendant que cette bombe supprime trente enfants et crée trente autres futurs fanatiques, une humble école pourrait être le début de la réconciliation entre les peuples épuisés par la haine, la violence et la mort – à part le fait de conserver la vie à ces trente enfants, si cela intéresse quelqu’un. Mais non : la millionnaire mort pleut par ici et par-là, en même temps qu’à partir de là se recrute dans la même proportion des jeunes en furie, humiliés par l’impuissance d’une carrière déshumanisée et pratiquement inépuisable. Ou quelqu’un pense-t-il que les barbares naissent d’une feuille de chou?

Pendant que dans certaines parties du monde pleuvent des bombes intelligentes qui n’atteignent presque jamais leur but, les moralistes s’opposent furieusement à l’utilisation de cellules afin de chercher le traitement à de terribles maladies, sous l’orgueilleuse bannière d’être les champions du mouvement « pro-vie ». Le fait est paradoxal que ce sont ces mêmes groupes religieux qui appuient inconditionnellement les bombardements d’enfants étrangers au nom même de la vie. Et, ceux qui ne les appuient pas directement, se limitent à déplorer ces morts sous l’éternelle excuse « d’effets collatéraux » - c’est-à-dire, d’innocentes morts dont ne se préoccupe même pas la ligue de la protection animale. Des cellules ont plus d’importance que des jeunes et des enfants ayant des yeux, des bouches, des bras, des intestins, des jambes – et peut-être une âme et un esprit.

Si les barbares agissent comme des barbares c’est compréhensible. Mais cela ne l’est pas tant lorsqu’au nom de la civilisation on emploie des méthodes propres à la barbarie. N’apparaît-il pas plus chaque jour d’ennemis qu’ils combattent à mort, et au passage rasent ceux qui ont la malchance d’être entre les deux? Comme ces dictateurs latino-américains qui violaient tous les droits humains, la constitution de leur pays, et supprimaient ces démocraties naissantes par des décades de barbarie au nom de la Démocratie et de la Liberté.

Affrontement, haine et plus de haine – cela a été l’unique recours : la haine vers l’intérieur, la haine vers l’extérieur. La discrimination, le racisme, le mépris ou l’indifférence devant la tragédie et la douleur des peuples étrangers. On sème la mort et la haine pour récolter la vie et l’amour. Et quel en a été le résultat? Est-ce combattre la barbarie ou la promouvoir? Où est la seule arme de Jésus, l’Amour du prochain? Recours fondamental de tout salut – de la civilisation et de l’âme humaine – qui systématiquement est méprisé par l’orgueil, l’ignorance des peuples et les intérêts des patriciens et des pharisiens. Où est l’exemple, enragés chrétiens et musulmans, de ce pauvre juif de Nazareth que tous deux vénèrent, qui pouvant annihiler ses tortionnaires du seul mouvement de la main, reprit un disciple pour avoir couper l’oreille d’un soldat ennemi? Où est-ce Jésus qui démontra que personne n’est suffisamment pur pour s’ériger en juge absolu? Où est ce messie qui s’entourait de pauvres, de malades et de marginalisés de toutes sortes, et moins de riches et de puissants? Où est ce Jésus qui recommandait de ne pas se vanter en public de sa foi? Où est le Nazaréen que l’on ne trouva pas entre tant de pharisiens enragés, entre tant de soldats romains, entre tant de Césars excités par le succès de leur empire? Devant cette escalade imparable d’absurdes, ne serait-il pas que nous devrions revenir aux valeurs originelles de Jésus, lequel préconisait l’amour universel afin de vaincre la mort, et jamais la guerre, la violence ou la haine?

La façon la plus efficace de ne pas voir une implication globale, structurelle, dans chaque phénomène, c’est de mettre Dieu et la religion en avant : ‘’nous ne sommes pas coupables de quelconque mauvaise chose qui se passe dans le monde; nous luttons du côté de Dieu et eux du côté du Mal. Mais le monde n’est pas une bande dessinée de Batman ou de Superman, ni un téléroman latino-américain où le mal est confiné dans une paire de vilains, source personnelle de toute la peur et la douleur des bons citoyens. Ainsi, tant dans Superman que dans les téléromans, à réduire le Monde à quelques vilains, on cache ainsi les raisons structurelles d’un monde malade et complice. La propagande et la politique ont fait de l’histoire une historiette, et dans ce degré de simplification et d’oubli, c’est comme s’ils nous obligeaient à en lire la réalité.

Notre culture, l’occidentale, celle qui a impulsé la dernière globalisation de l’histoire, est ‘’conduite’’ par ceux qui ignorent – peut-être délibérément – la dynamique même de la globalisation. Parce que affirmer que la lutte contre la barbarie se réduit à l’élimination de groupes minuscules de barbares, est une monstrueuse ingénuité – ou une nouvelle stratégie de l’ignorance organisée.

Jorge Majfud, août 2006
Université de Géorgie

* Jorge Majfud. Écrivain uruguayen (1969). Il étudia l’architecture à l’Université de la République où il gradua. A l’heure actuelle, il se dédie intégralement à la littérature et à ses articles dans différents médias. Il enseigne la littérature latino-américaine à l’Université de Géorgie, aux États-Unis. Il a publié « Hacia qué patrias del silencio » (roman, 1996), « Crìtica de la pasiòn pura » (essai, 1998), « La reina de America » (roman, 2001), « El tiempo que me tòco vivir (essai, 2004). Il est collaborateur à La Repùblica, à La Venguardia, à Rebellion, à Resource Center of The Americas, à Revista Iberoamericana, à Eco Latino, au Centre des Médias Alternatifs du Québec, etc. Il est membre du Comité Scientifique de la revue Araucaria de Espana. Ses essais et articles ont été traduits en anglais, français, portugais et en allemand.

1) Vers quelles patries du silence
2) Critique de la passion pure
3) La reine de l’Amérique
4) Le temps qu’il m’appartient de vivre

traduit de l’Espagnol par :
Pierre Trottier, août 2006
Trois-Rivièrs, Québec, Canada



Asunto: 
Animal, mon prochain
Autor: 
Annie Malle
Fecha: 
Jue, 2006-08-31 03:55

"Et, ceux qui ne les appuient pas directement, se limitent à déplorer ces morts sous l’éternelle excuse « d’effets collatéraux » - c’est-à-dire, d’innocentes morts dont ne se préoccupe même pas la ligue de la protection animale."

Faut vraiment ignorer - ou feindre d'ignorer - l'état de la condition animale dans le monde actuel pour se permettre ce genre de propos faux et méprisants. Les animaux humains sont de fait moins à plaindre que les "autres" animaux (spécisme: discrimination selon l'espèce), ils sont responsables chaque année de la souffrance et de la mort de dizaines de milliards d'animaux. Ce qui est infligé aux animaux n'est pas barbare peut-être? Dans son roman La Peste, Camus disait en substance qu'on est humain quand on se range toujours du côté des victimes, et les victimes ne sont pas qu'humaines, bien loin de là. La protection animale est dédiée aux animaux. Il existe une multitude de ligues de protection humaine (leur reproche-t-on de ne pas se préoccuper du massacre des animaux?...), alors que pour les animaux, il n'existe pas encore beaucoup d'organisations se portant à la défense de leurs droits. Les humains qui se préoccupent du sort des animaux sont généralement aussi préoccupés par celui des membres de leur espèce. Mais les humains qui se préoccupent du sort des membres de leur espèce ne sont généralement pas préoccupés par celui des animaux. Alors l'accusation présente dans cet extrait n'est pas fondée. Non, les animaux non-humains ne sont pas mieux considérés que les "dommages collatéraux", ils le sont beaucoup moins et font eux-mêmes partie de ces fameux dommages collatéraux, mais eux ils ne comptent pas, n'est-ce pas?

Vive l'amour "universel" prôné par Jésus! Amen!

Annie Malle


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