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Comment cultiver la sauvagerie au Brésil

Anonyme, Miércoles, Julio 19, 2006 - 05:25

RUBY BIRD

Par Ruby BIRD - Journaliste

Ce qui suit est une partie infime d’études sur les relations entre l’Occident et l’Amérique latine. C’est un des textes qui a fait partie d’une sélection au sein de 500 autres. Des essais de penseurs français et brésiliens qui ont fait partie d’intellectuels invités au cours des vingt dernières années à participer à des Conférences à travers le Brésil et organisées par le Ministère de la culture du Brésil. Les thèmes traités ont permis à travers le temps d’ouvrir des espaces de réflexion philosophiques et anthropologiques qui sont ouverts au grand public. Tous les thèmes d’actualité sont traités.

Quelques très courts extraits suivent et qui donneront l’envie d’en savoir plus sur les réflexions et pensées venant non pas de l’Occident, comme toujours, mais de sud-américains et de spécialistes de cette partie du monde. Les avis sont extrêmement intéressants et productifs quant à l’évolution des mentalités pour mieux appréhender la globalisation telle qu’on la conçoit malheureusement aujourd’hui.

------------L’AUTRE RIVE DE L’OCCIDENT
Par Philippe Descola du Collectif du Dialogue Brésil – France. Collection Sciences Humaines (Editions Métailié)

« Lorsqu’ils découvrent les Amérindiens des basses terres de l’Amérique du Sud, les Européens sont plus frappés par la sauvagerie des lieux. Des guerres incessantes et sans motifs apparents, le cannibalisme rituel, le polygamie, tout cela frappe l’imagination d’observateurs déroutés qui peinent à reconnaître dans ces pratiques un dispositif social dont le Vieux Monde n’offrait pas d’équivalent. »

« Or, curieusement, c’est l’incapacité des Européens à comprendre la vie sociale des Amérindiens qui va donner à la nature tropicale un statut d’altérité exotique qui se perpétue jusqu’à présent. Car le meilleur moyen de résoudre l’énigme de ces hommes apparemment dépourvus d’institutions politiques est de les concevoir comme entièrement soumis aux décrets d’une nature dont ils n’auraient pas su se détacher. »

« L’intensité et la permanence des affrontements belliqueux, de même que les sciences d’anthropologie rituelle, font douter Vespucci du caractère vraiment humain des Amérindiens…..Mais il ne perçoit pas que la guerre est une institution sociale originale, nécessaire à la construction des identités individuelles et collectives, et il l’interprète donc comme le résultat d’un mode de vie spontané et naturel, étranger à toutes les normes connues de la civilisation. Vespucci inaugure ainsi un préjugé qui va dominer pendant longtemps la réflexion philosophique sur les « sauvages »……C’est l’anarchie apparente de la vie sociale des Amérindiens, ces gens « sans foi, ni loi, ni roi », qui va donc les renvoyer pour quelques siècles dans l’état de nature ; »

« Ainsi se met en place, dès la fin du 16ème siècle, une vision très particulière de la connexion entre les Indiens tropicaux et leur environnement : tandis que certains auteurs Européens se faisaient les propagandistes d’une image idéalisée du Sauvage vivant sans travail des fruits qu’une nature généreuse lui dispense, des esprits moins optimistes soulignaient au contraire son existence misérable, en bref sa soumission trop exclusive à une nature réputée ingrate. »

« C’est à Alexandre de Humboldt, grand naturaliste et remarquable ethnologue, que revient le mérite d’avoir totalement invalidé la théorie de la dégénérescence des Amérindiens et l’idée concomitante qu’ils constituent une espèce uniforme…..Cette approche possibiliste contraste fortement avec le déterminisme de principe des philosophes, mais elle n’enlève rien au fait que Humboldt continue à envisager les Amérindiens en naturaliste plutôt qu’en ethnologue.….Mais si son admiration pour les civilisations aztèques et inca est perceptible, il n’hésite pas, en revanche, à placer certaines tribus de la forêt tropicale « au plus bas niveau de l’avilissement bestial. »

« Les travaux de Humboldt n’exercent d’ailleurs pas une influence immédiate. On sait en effet que Hegel va donner à la thèse de l’Amérique impuissante sa formulation la plus fameuse et la plus tardive…..L’environnement de chaque peuple influe en effet sur la façon dont il va incarner son Esprit car toute évolution implique que l’Esprit se dresse contre la nature..…..Leur immaturité psychologique et politique est le produit direct de l’immaturité géographique du Nouveau Continent……. »

« On sait que l’Allemagne va devenir au 19ème siècle un important foyer d’études américanistes. Faute, sans doute, d’un empire colonial propre, les naturalistes allemands jettent leur dévolu sur l’Amérique du Sud, et tout particulièrement sur la zone tropicale……Le corpus ethnographique qu’ils vont accumuler au cours de leurs expéditions va constituer la principale source de référence sur les Indiens d’Amazonie jusqu’au début du 20ème siècle. »

« Une quarantaine d’années après que Hegel eut développé sa thèse sur la débilité de l’homme américain et que Humboldt eut introduit une perspective possibiliste dans son analyse de l’adaptation des Amérindiens à leurs milieux, Adolf Bastian va opérer une synthèse des deux points de vue. »

« Caractéristique de l’anthropologie allemande au 19ème siècle suivant l’apanage de l’école américaine d’écologie culturelle, on peut sans doute voir en Friedrich Ratzel, fondateur de l’anthropogéographie, le pivot de cette transition. »

« cherchant à établir une typologie évolutionniste des cultures sud-américaines en fonction de leurs habitats, Steward utilise les notions d’aires culturelles et d’aires marginales, directement issues de la tradition allemande et réaménagées par des diffusionnistes américains tels Kroeber et Lowie. »

« De multiples tentatives ont été ainsi faites pour montrer comment des institutions aussi diverses que la guerre, la polygamie, les tabous alimentaires ou les classes d’âge étaient les produits de l’adaptation à une rareté des protéines animales dans le bassin amazonien. »

« Commençons par rappeler que la physionomie actuelle de la forêt amazonienne est en partie le résultat de plusieurs millénaires d’occupation humaine qui l’ont profondément transformée : produite par les Amérindiens suite à un long façonnement culturel, cette nature n’est vierge que dans l’imagination occidentale…….Dans cette région, la nature est donc en vérité fort peu naturelle, mais peut être considérée au contraire comme le produit culturel d’une manipulation très ancienne de la faune et de la flore. »

« Rappelons également, s’il en était encore besoin, que les populations indigènes de l’Amazonie et des Guyanes ont su mettre en œuvre des stratégies d’usage des ressources qui, tout en transformant de manière durable leur environnement naturel, ne bouleversèrent pas pour autant ses principes de fonctionnement ni ne mettaient en péril ses conditions de reproduction. »

« On sait en effet que les sols de la région amazonienne sont pauvres, acides et fragiles, à l’exception des grandes vallées alluviales de l’Amazone et de ses principaux affluents. La forêt ne peut donc se perpétuer que grâce au dépôt de matière organique qu’elle produit elle-même en se décomposant : en Amazonie, un jeune arbre ne peut pousser que sur le cadavre d’un arbre mort. »

« De faibles densités de populations combinées à des techniques sophistiquées de culture et de chasse sélective ont permis aux Amérindiens d’exploiter cet écosystème fragile depuis des milliers d’années sans en bouleverser les équilibres……. On estime en effet que la patate douce, le manioc et l’igname américain ont été domestiqués il y a près de 5 000 ans, et le taro xanthosoma sans doute bien plus tôt. »

« Rappelons surtout que les Indiens d’Amazonie, loin d’être les jouets ou les protecteurs d’une nature étrangère, ont su intégrer l’environnement à leur vie sociale de telle façon que les humains et les non-humains soient traités sur un pied d’égalité. »

« Les rapports entre humains et non-humains apparaissent en effet comme des rapports de communauté à communauté, en partie définis par les contraintes utilitaires de la subsistance, mais qui peuvent prendre une forme particulière à chaque tribu et servir ainsi à les différencier. »

« L’identité des humains, vivants ou morts, des plantes, des animaux et des Esprits est tout entière relationnelle, et donc sujette à des mutations ou à des métamorphoses selon les points de vue adoptés. »

« Contrairement au dualisme moderne, qui déploie une multiplicité de différences culturelles sur le fond d’une nature immuable, la pensée amérindienne envisage le cosmos tout entier comme animé par un même régime culturel que viennent diversifier non pas tant des natures hétérogènes que des façons différentes de s’appréhender les uns les autres. Le référent commun aux entités qui habitent le monde n’est donc pas l’homme en tant qu’espèce, mais l’humanité en tant que condition. »

Journaliste Indépendante


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