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Allocution cubaine au Conseil des droits de l'Homme

Anonyme, Viernes, Junio 23, 2006 - 15:33

ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE CUBA, M.FELIPE PEREZ ROQUE,
A L'OCASSION DE LA TENUE DU SEGMENT DU HAUT NIVEAU
DU CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME.
Genève, le 20 juin 2006.

Avant-propos de Jacques-François Bonaldi (La Havane)

Comme vous le constaterez, c'est une déclaration de principes qui est quasiment une déclaration de guerre. Le ton est mordant, tranchant et carré. C'est, somme toute, une « félipique ».

Quand on lit entre les lignes, on comprend les sous-entendus. En ce qui concerne l'Union européenne, il est évident que la Révolution cubaine en a plein le dos de cette donneuse de leçons et de son deux poids deux mesures permanent et de son hypocrisie. L'allusion au pacte secret indique bien que Cuba est au courant de ce qui s'est passé en coulisses. (Ce qui indique, entre autres, que le gel des contacts entre Cuba et l'UE se maintiendra, et que Cuba ne fera aucun effort pour se plier aux injections coloniales émanant du Vieux Monde.)

Et puis, la Révolution cubaine sait bien que Commission ou Conseil, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, le « même chien avec un autre collier », selon le dicton espagnol, et que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le Conseil tombera dans les mêmes travers que la Commission, parce que, pour les Grands et moins grands, les droits de l'homme (compris d'une manière tout à fait restrictive) ne sont guère plus qu'un instrument de politique étrangère. Cuba sait bien que les accusations reprendront très vite, d'autant que les USA sont parvenus, avec la complicité de l'UE et d'autres alliés, à introduire la mesure d'évaluation des membres du Conseil (dont ils ne font pas partie, ce qui les arrange bien !).

A propos de bonne conscience européenne, j'ai été sidéré hier de celle des dirigeants français en la personne de leur plus haut représentant, monsieur Chirac. Ceux qui lui rédigent ses discours sont très bons, pas de doute, et le ton de son allocution d'inauguration du musée du Quai Branly émettait une hauteur de vue sublime sur les civilisations toutes égales, sur les cultures méritant les mêmes applaudissements, etc. Très beau, pas de doute. J'avoue ne pas avoir lu le discours entier, juste ce qui apparaissait dans l'article du Monde, mais je doute fort que le représentant de la France ait rappelé que s'il existait ce qui était autrefois un musée des arts coloniaux dans le bois de Vincennes et d'autres similaires, c'est bien parce que ce noble pays a eu tout de même des colonies pendant cent cinquante ans et a participé à la curée envahisseuse pendant quelques bons siècles... Mais enfin, cette mauvaise mémoire est dans le droit fil de celle dont on fait preuve d'autres représentants de la France quand ils ont adopté à l'Assemblée nationale la fameuse loi faisant l'éloge de la mission civilisatrice de ladite colonisation. Ce n'est demain la veille que les victimes coloniales auront droit, sinon à des réparations, du moins à un petit mea culpa.

Jacques-François Bonaldi (La Havane)
jado...@ifrance.com

Juste une autre réflexion :
les rédacteurs de ses discours font dire à Chirac dit qu'il n'y a pas de hiérarchie en arts et en cultures, mais son musée est tout de même celui des « arts premiers ». L'inconscient collectif continuera donc d'associer le concept à « primitifs », comme jadis. Ou alors au fameux concept économique de « secteur primaire, secondaire, tertiaire », le tertiaire étant synonyme de progrès et de pointe, tandis que le primaire est associé au retard. Alors !

* * * * *

ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE CUBA,
M.FELIPE PEREZ ROQUE, A L'OCASSION DE LA TENUE DU SEGMENT DU HAUT NIVEAU DU
CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME.

Genève, le 20 juin 2006

Excellences,

Aujourd'hui est un jour hautement symbolique. Cuba est membre fondateur du
Conseil des droits de l'homme ; les Etats-Unis, non. Cuba a été élue par cent
trente-cinq pays, plus des deux tiers de l'assemblée générale des Nations Unies
; les Etats-Unis n'ont même pas osé présenter leur candidature. Cuba avait des
raisons de faire confiance au vote secret ; les Etats-Unis en avaient peur, pour
les mêmes raisons.

L'élection de Cuba est la victoire des principes et de la vérité, la
reconnaissance du courage de notre résistance. L'absence des Etats-Unis est la
déroute du mensonge, la punition morale de l'arrogance impériale.

L'élection a supposé une évaluation exigeante. Chacun a reçu ce qu'il méritait
: Cuba a été récompensée ; les Etats-Unis ont été châtiés. Chacun avait son
histoire, et les pays qui votaient la connaissaient pertinemment.

Les pays africains se rappelaient que plus de deux mille combattants cubains ont
versé leur sang généreux dans la lutte contre le régime ignominieux de
l'apartheid, celui-là même que les Etats-Unis soutenaient et équipaient, y
compris d'armes atomiques.

Cuba, au jour de l'élection, pouvait faire état de presque trente mille médecins
en train de sauver des vies et de soulager la douleur dans soixante-dix pays ;
les Etats-Unis pouvaient faire état, eux, de cent cinquante mille soldats
envahisseurs, envoyés pour tuer et mourir dans une guerre injuste et illicite.

Cuba, au jour de l'élection, pouvait faire état de plus de trois cent mille
patients de vingt-six pays latino-américains et caribéens ayant retrouvé la vue
grâce aux opérations réalisées gratuitement par des ophtalmologues cubains ; les
Etats-Unis pouvaient faire état, eux, de plus de cent mille civils assassinés et
de deux mille cinq cents jeunes étasuniens morts dans une guerre ourdie pour
voler le pétrole d'un pays et faire cadeau de juteux contrats aux petits amis du
président de la seule superpuissance de notre planète.

Cuba, au jour de l'élection, pouvait faire état de plus de vingt-cinq mille
jeunes de cent vingt pays du tiers monde faisant des études gratuites dans ses
universités ; les Etats-Unis pouvaient faire état, eux, d'un camp de
concentration à Guantánamo où l'on torture les prisonniers et où les geôliers
déclarent officiellement que le suicide de trois hommes « n'est pas un acte de
désespoir, mais un acte de guerre et de propagande ».

Cuba, au jour de l'élection, pouvait faire état d'avions transportant ses
médecins et ses hôpitaux de campagne là où étaient survenues des catastrophes
naturelles ou des épidémies ; les Etats-Unis pouvaient faire état, eux, d'avions
transportant en secret d'une prison à une autre des prisonniers drogués et
menottés.

Cuba, au jour de l'élection, proclamait la primauté du droit sur la force,
défendait la Charte des Nations Unies, réclamait un monde meilleur et se battait
pour ; les Etats-Unis proclamaient, eux : « Qui n'est pas avec moi est contre
moi. »

Cuba, au jour de l'élection, proposait d'allouer le billion de dollars gaspillé
tous les ans en armes à la lutte contre la mort qui frappe, pour des causes que
l'on pourrait prévenir, onze millions d'enfants de moins de cinq ans et six cent
mille femmes pauvres en couches ; les Etats-Unis proclamaient, eux, leur droit
de bombarder et de raser « à titre préventif » ce qu'ils ont appelé d'un ton
méprisant « n'importe quel trou perdu de la planète » au cas où l'on résisterait
à leurs visées, y compris La Haye si le Tribunal pénal international prétendait
juger un de leurs soldats.

Tandis que Cuba défendait les droits du peuple palestinien, les Etats-Unis
étaient, eux, le principal soutien des crimes et des atrocités d'Israël.

Tandis que le gouvernement des Etats-Unis livrait des centaines de milliers de
personnes, la plupart des Noirs et des pauvres, à la furie du cyclone Katrina,
Cuba offrait, elle, d'envoyer sur-le-champ mille cent médecins qui auraient pu
sauver des vies et soulager des souffrances.

Je pourrais égrener ainsi des raisons à l'infini. Je voudrais juste ajouter que
c'est le gouvernement des Etats-Unis qui n'occupe pas son siège comme membre du
Conseil, non le peuple étasunien. Celui-ci sera représenté par les autres, Cuba
comprise. Notre délégation se constituera aussi en porte-parole des droits du
peuple étasunien, en particulier de ses secteurs les plus discriminés et
marginalisés.

Le fait est, toutefois, que les Etats-Unis n'ont pas été seuls dans leurs
manigances et pressions grossières et désespérées pour empêcher l'élection de
Cuba. Un petit groupe d'alliés les a accompagnés jusqu'au bout. Ceux de
toujours. Pour la plupart, des bénéficiaires de l'ordre mondial injuste et fondé
sur l'exclusion, d'anciennes métropoles coloniales qui n'ont toujours pas payé
leur dette historique envers les pays qui furent leurs colonies.

Cuba connaît parfaitement, jusque dans ses moindres détails, l'accord secret
négocié à Bruxelles aux termes duquel l'Union européenne s'est engagée à ne pas
voter pour notre pays et à travailler étroitement de concert avec les États-Unis
à bloquer notre candidature. Mais l'échec a été total. Il s'avère que Cuba a été
élue sans son soutien, tandis que son allié incommode, dont elle a besoin comme
gendarme qui garantisse ses privilèges et son opulence gaspilleuse, n'a même pas
pu se présenter aux élections.

On entend s'élever maintenant dans les couloirs et les salles de cet édifice des
appels réitérés à « commencer de nouveau », à « faire souffler un vent nouveau
sur le Conseil », de la bouche même des responsables de la manipulation, de
l'hypocrisie et de la sélectivité qui ont fait naufrager la Commission
antérieure. Je tiens à souligner qu'il ne suffit pas de biffer le passé pour
repartir du bon pied ou de lancer quelques fleurs de rhétorique édulcorée pour
régler les problèmes. Nous avons besoin de faits, non de belles paroles.

Si les déclarations des porte-parole de l'Union européenne sont sincères et si
nous assistons vraiment à un mea culpa, nous attendons toujours, néanmoins, une
rectification de sa part. Non pour Cuba. Non parce qu'elle s'est acoquinée avec
les Etats-Unis pour tenter d'empêcher notre élection. Non parce qu'elle n'a même
pas été capable de se doter d'une politique fondée sur la morale et indépendante
envers Cuba.

Si nous attendons une rectification de l'Union européenne, c'est parce qu'elle a
empêché l'an dernier la Commission des droits de l'homme de se prononcer sur
l'ouverture d'une enquête concernant les violations massives, flagrantes et
systématiques des droits de l'homme commises dans la base navale de Guantánamo.

C'est parce qu'elle a gardé un silence complice devant les centaines de vols
secrets réalisés par la CIA pour transporter des personnes séquestrées et
l'établissement de prisons clandestines en Europe même, où l'on torture et
humilie les prisonniers, et qu'elle a continué à ce jour d'empêcher
hypocritement que l'on enquête sur ces faits et qu'on les éclaircisse.

Parce que l'Union européenne n'a pas eu le courage de punir exemplairement les
misérables manifestations d'irrespect envers d'autres religions e d'autres
coutumes.

Parce que l'Union européenne a été le complice des Etats-Unis dans la conversion
de l'ancienne Commission en une sorte d'inquisition contre les pays du Sud, et
que nous espérons que ce scénario ne se répétera pas.

Parce que l'Union européenne n'a même pas reconnu sa dette historique envers la
centaine de pays, aujourd'hui nations indépendantes au bout d'années de lutte et
de sacrifices, qui étaient ses colonies exploitées quand, voilà cinquante-sept
ans, le reste de l'humanité adoptait la Déclaration universelle des droits de
l'homme où il est affirmé paradoxalement : « Tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits."

Excellences,

Cette session peut marquer le début d'une nouvelle étape dans la lutte pour
créer un système véritable de promotion et de protection de tous les droits de
l'homme étendus à tous les habitants de la planète, et non aux seuls riches et
privilégiés. Mais il y faudra un changement radical, une vraie révolution des
conceptions et des méthodes qui ont entravé l'ancienne Commission.

Cuba ne se fait pas d'illusions quant à la disposition réelle des pays
développés, alliés des Etats-Unis, à faire ce pas capital et historique. Elle
leur concédera toutefois le bénéfice du doute. Elle attendra et les observera.

Si le Conseil ouvre pour concrétiser les promesses proclamées aux quatre vents,
alors, il pourra compter sur Cuba. Si le passé se répète et si le Conseil
redevient un champ de bataille, soyez sûrs que Cuba reprendra sa place dans les
tranchées d'idées du tiers monde.

Mais que l'on ne compte pas sur Cuba pour transformer le Conseil en tribunal
exclusif contre les pays sous-développés et pour assurer l'impunité des pays du
Nord. Ni pour utiliser contre des pays rebelles la clause permettant
l'expulsion du Conseil, ni pour recourir encore et toujours, d'une manière
politisée et sélective, à des résolutions pour punir des pays qui refusent de
courber le front.

Que l'on ne compte pas non plus sur Cuba pour utiliser le nouveau mécanisme de
révision périodique universelle en tant qu'instrument de nouvelles pressions et
campagnes médiatiques.

Que l'on ne compte pas non plus sur Cuba pour défendre le mensonge et agir
hypocritement.

Mais s'il s'agit de lutter pour la vérité et la transparence, de défendre la
droit à l'indépendance, à l'autodétermination, à la justice sociale, à
l'égalité, alors, oui, l'on pourra compter sur Cuba. Ainsi que de défendre le
droit à l'alimentation, à l'éducation, à la santé, à la dignité, à une vie
décente.

S'il s'agit de défendre la démocratie réelle, la participation véritable, la
vraie jouissance de tous les droits de l'homme, l'on pourra compter sur Cuba.

Mais que l'on ne compte pas sur Cuba pour coopérer avec n'importe quel envoyé,
représentant ou rapporteur dont le mandat aurait été imposé de force ou après
chantage. En revanche, s'il s'agit de coopérer sur un pied d'égalité avec le
Conseil et ses mécanismes non sélectifs, l'on pourra compter sur Cuba.

S'il s'agit de faire silence et de ne pas dénoncer le blocus économique cruel
dont nous sommes victimes depuis plus que quarante ans, ou de ne pas réclamer
le retour dans leur patrie de cinq jeunes Cubains, combattants antiterroristes
purs et courageux, incarcérés injustement et illégalement aux Etats-Unis, que
l'on ne compte pas sur la coopération de Cuba.

S'il s'agit de renoncer à un seul principe, que l'on ne compte pas sur Cuba.
Mais s'il s'agit de défendre le noble idéal d'un monde meilleur pour tous, alors
l'on pourra toujours compter sur Cuba.

Je tiens finalement, au nom du peuple cubain qui là-bas, dans notre patrie,
rêve, bâtit et défend sa Révolution, à remercier tout spécialement nos frères du
tiers monde d'avoir soutenu décisivement l'élection de Cuba au Conseil des
droits de l'homme et à leur redire que les Cubains ne trahiront jamais la
confiance qu'ils ont déposée en nous.

À l'adresse de ceux qui soutiennent la lutte de Cuba pour ses droits, qui est
aussi la lutte pour les droits de tous les peuples du tiers monde et des forces
progressistes et démocratiques du premier monde, voici notre message : Jusqu'à
la victoire à jamais !

À l'adresse de ceux qui attaquent Cuba et de leurs complices, voilà notre
message : La patrie ou la mort ! Nous vaincrons!
--

Ce texte a été partagé ici par Stéphane Chénier:
« Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba,
nous n'avons rien dit, nous n'étions pas Cubains.»

CUBA SOLIDARITY PROJECT
vdedaj.club.fr/spip/


Asunto: 
Ok, no problemo
Autor: 
Michael Lessard...
Fecha: 
Lun, 2006-07-03 17:31

Pas de trouble: j'ai fait la correction.

En passant, avec un compte (une session ouverte), vous pouvez corriger vos envois.

Michaël Lessard [pour me laisser un message]
Militant pour les droits humains.
Siriel-Média: média libre sur les 'politiques de destruction massive'.


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