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Pérou: La révolution, ce n'est pas le terrorisme!Anonyme, Domingo, Mayo 28, 2006 - 22:29
A World to Win News Service
Le 22 mai 2006. A World to Win News Service. Même si la loi péruvienne dispose que personne ne peut être emprisonné pendant plus de trois ans s'il n'a pas été jugé et condamné par les tribunaux, le tribunal spécial "anti-terroriste" formé pour décider du sort du président Gonzalo (Abimael Guzmán) et de 23 autres dirigeantEs présuméEs du Parti communiste du Pérou (PCP) vient de statuer que les accuséEs pourront être gardéEs en prison pour quatre mois additionnels. Ceux-ci et celles-ci ont déjà passé de 10 à 15 ans dans les geôles péruviennes. Ironiquement -- ou, devrait-on dire, de façon éhontée -- cette décision, que le tribunal a justifiée comme étant "exceptionnelle", confirme ce que les prisonniers, les prisonnières et leurs avocats ont soutenu depuis que ce procès a commencé en septembre dernier: à savoir qu'ils et elles ont été contraintEs de faire face non seulement à un tribunal spécial, mais à un environnement légal lui-même "exceptionnel", qui se situe en-dehors des règles et des droits prévus par la loi péruvienne et la constitution du pays -- cela, pour des raisons purement politiques. Avant même que ce soi-disant méga-procès pour "terrorisme aggravé contre l'État" ne débute, les autorités ont établi très clairement que leur unique objectif était de conférer un caractère légal aux sentences à vie prononcées contre le président Gonzalo et la plupart des autres accuséEs, lors des procès militaires secrets et expéditifs de 1992. Rappelons qu'il y a trois ans, après la chute du régime ouvertement dictatorial d'Alberto Fujimori, le tribunal constitutionnel du Pérou avait annulé ces condamnations sur la base que les tribunaux militaires n'avaient pas juridiction sur les civilEs. Ce qui n'a pas changé toutefois, c'est l'environnement légal qui veut que ceux et celles qui sont accuséEs de "terrorisme" ne jouissent d'aucun droit; de fait, les autorités politiques sont déterminées à ce que le président Gonzalo, qui est maintenant âgé de 70 ans, ne puisse jamais quitter la prison militaire spécialement construite pour lui, dont le régime péruvien souhaite qu'elle deviendra son tombeau. Tout comme lors du procès original devant le tribunal militaire, le procès actuel n'est rien d'autre qu'un acte flagrant de revanche de la part des défenseurs de l'ordre ancien. Une rébellion de masse de l'ampleur de la guerre révolutionnaire qui a débuté en 1980 sous la direction du PCP, ne peut être considérée comme du terrorisme. Toute personne éprise de justice ne peut accepter cette nouvelle tentative de la part du gouvernement péruvien et appuyée par les USA, de punir le président Gonzalo et les autres dirigeantes et dirigeants qui ont mené la guerre populaire; la lutte armée dirigée par le PCP était profondément enracinée auprès des millions d'oppriméEs dans ce pays. C'est là le vrai fond de l'affaire -- cela, indépendamment des positions maintenant défendues par les accuséEs. La plupart des accuséEs qui sont présentEs devant le tribunal (une douzaine d'autres sont jugés in abstentia) sont des partisanes et partisans bien connuEs d'une position ayant surgi à l'intérieur du PCP après l'arrestation du président Gonzalo, à savoir qu'il fallait cesser la guerre populaire. Les tenantes et tenants de cette position affirmaient qu'en échange d'un accord de paix avec le gouvernement Fujimori, le Parti devait dissoudre ses forces armées et les bases d'appui révolutionnaires qui avaient été constituées dans le cours de la guerre populaire (ces bases d'appui représentaient les organes du pouvoir politique révolutionnaire, grâce auxquels les paysans et paysannes avaient commencé à construire une nouvelle société dans les campagnes). Malgré le fait qu'il soit demeuré relativement isolé dans une cellule souterraine, il y a des preuves solides à l'effet que le président Gonzalo était effectivement à l'origine de cette position, et qu'il continue à la soutenir aujourd'hui. Chose certaine, il n'a pas utilisé les occasions qui se sont présentées, lors de ses différentes apparitions publiques (tant cette fois-ci que lors d'un procès précédent), pour s'en dissocier. Mais évidemment, ce n'est pas parce qu'ils ont voulu abandonner la guerre populaire que ces prisonniers et prisonnières sont présentement en procès: c'est parce qu'ils l'ont déclenchée, en tout premier lieu. Une autre décision rendue il y a peu de temps par le tribunal a fait ressortir de manière encore plus évidente le caractère vindicatif du gouvernement. Quand ils et elles ont été capturéEs, le président Gonzalo et les autres dirigeantEs du PCP vivaient clandestinement dans un appartement situé au-dessus d'un studio de ballet appartenant à la danseuse Maritza Garrido. L'année dernière, elle a été jugée de nouveau par un tribunal civil "anti-terroriste", tout comme quelque 2 000 autres prisonniers et prisonnières politiques. Le président du tribunal, formé de trois juges, argua qu'elle devait être libérée, en raison de ce qu'il considérait comme des déclarations conciliantes de sa part, qui indiquaient qu'elle aurait changé d'opinion depuis son arrestation. Néanmoins, les deux autres juges ont majoritairement décidé de la condamner à 20 ans de prison. Puis, le jour même où les tribunaux ont statué que le président Gonzalo et les autres accuséEs au méga-procès allaient rester détenuEs en violation de la loi péruvienne, le procureur général a annoncé qu'il en appellerait de la décision rendue dans le cas de Maritza Garrido, non pas parce qu'il la trouve trop sévère, mais parce qu'elle ne l'est pas assez à son goût. Le représentant du ministère public souhaiterait qu'elle ne soit pas sanctionnée uniquement pour avoir aidé les "terroristes" mais pour avoir été elle-même une "terroriste", ce qui lui vaudrait une sentence minimale automatique de 25 ans. Ironiquement, au moment où l'ensemble de l'establishment péruvien en appelle farouchement à un châtiment sévère pour les membres et supporters du PCP parce qu'ils auraient fait la promotion de la violence, les deux candidats au deuxième tour des élections présidentielles prévues pour juin ont les mains tachées de sang. Président de 1985 à 1990, Alan Garcia est celui qui supervisa le massacre de centaines de prisonniers et prisonnières de guerre dans les prisons de Callao, El Fronton et Lurigancho, le 19 juin 1986, pour ne citer qu'un seul des crimes dont il est personnellement responsable -- celui-là étant particulièrement odieux. Son opposant, Ollanta Humala, commandait quant à lui un bataillon de l'armée dans la ville de Madre Mia au début des années 1990. Quand ses adversaires lui reprochèrent d'être "indulgent face au terrorisme", Humala fanfaronna en racontant comment il avait impitoyablement capturé, torturé et tué de nombreux "éléments subversifs". Cela montre bien que le procès actuel n'a rien à voir avec un débat sur la violence versus la non-violence; la vraie question en jeu est de savoir si les oppriméEs ont le moindre droit de se révolter. La frénétique soif de vengeance de la part de l'ensemble de l'establishment péruvien relève d'un objectif politique calculé. Les conditions de vie de la vaste majorité du peuple du Pérou restent aussi épouvantables qu'avant. Les explosions de colère et même de violence de masse qui se sont succédées depuis quelques années montrent que les masses ne se résignent pas volontairement à leur sort. Le déclin de la guerre populaire n'est pas principalement dû à un changement dans les conditions objectives. On comprendra facilement pourquoi les dirigeants péruviens veulent écraser et criminaliser l'idée même de la rébellion armée de masse et d'un changement révolutionnaire. Pour le peuple du Pérou et les peuples du monde, il est important que cette tentative d'étiqueter la révolution comme du "terrorisme" soit battue en brèche. En outre -- et bien qu'on ne devrait jamais confondre une authentique guerre populaire et les actes anti-peuple perpétrés par les fondamentalistes islamiques réactionnaires, il faut reconnaître que les événements qui se déroulent en ce moment au Pérou s'inscrivent dans le cadre de l'actuelle offensive mondiale anti-populaire, dont George Bush est le fer de lance. Ceux qui se prétendent les maîtres du monde et qui se cachent derrière les dirigeants du Pérou revendiquent en effet le droit de faire ce qu'ils veulent, n'importe où et contre n'importe qui. Selon eux, les bombardements aériens, les invasions massives, la situation qu'on connaît dans les prisons de Guantanamo et d'Abu Ghraib et "l'extraordinaire efficacité" de leurs salles de tortures -- qui sont pourtant autant de formes de ce qu'est réellement le terrorisme -- constituent l'ordre normal et légal des choses et l'essence même de ce qui est juste. Les avocats du président Gonzalo ont déclaré au tribunal que lui-même et la plupart des accuséEs ont choisi de garder le silence lors du procès, car ils et elles ne reconnaissent pas la légitimité du tribunal. Avant même le prononcé des condamnations et des sentences attendu dans quelques mois, les accuséEs ont porté leur cause en appel auprès du Tribunal interaméricain des droits de la personne situé à San José, au Costa Rica, car l'issue du procès semble désormais inéluctable. Les révolutionnaires et toutes les personnes éprises de justice doivent briser le silence et dénoncer les atrocités qui se produisent actuellement autour du méga-procès à Lima. Avec l'appui des fabricants de ce qu'on appelle l'"opinion publique mondiale", les classes dominantes péruviennes ont essayé de créer un climat d'hystérie et d'intimidation, dans lequel personne n'osera élever la voix et réclamer que ces accuséEs, et tous les autres qui sont emprisonnéEs pour "terrorisme", soient libéréEs. Il est pourtant possible de changer cette situation. Plus il y a de gens qui prendront publiquement position à l'étranger, et plus la situation deviendra favorable pour que les personnes les plus courageuses au Pérou fassent de même. Il faut dénoncer et combattre l'hypocrisie sanguinaire et les politiques réactionnaires qui sous-tendent ce procès. _____ Article paru dans Arsenal-express, nº 103, le 28 mai 2006. Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation). Pour vous abonner: faites parvenir un courriel à
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