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LA FRANCE DE ZEBDA

Anonyme, Jueves, Abril 13, 2006 - 07:35

RUBY BIRD

LA France DE ZEBDA –1981-2004
Faire de la musique un acte politique (Editions Autrement)

ZEBDA, groupe de rock toulousain a annoncé prendre une pause à l’automne 2003, période à laquelle ils s’étaient engagés avec le groupe NOIR DESIR à faire des concerts citoyens à Bordeaux et Toulouse. Ces deux groupes phares « explosent » pour des raisons différentes mais presque similaires à la fois. Désillusion, l’atmosphère, la colère…. Une pause !

Mustapha Amokrane, l’un des chanteurs a déclaré à l’époque « On peut assumer l’idée de la fin du groupe, mais on envisage d’abord cette « pause » comme une façon de maintenir Zebda en vie, et non l’inverse. L’idée de se retrouver un jour est bien réelle, mais personne ne sait le temps que prendra cette émancipation tardive de trentenaires (et quadragénaires) qui ont longtemps évolué dans une espèce de cocon collectif, à la fois difficile et protecteur. »

Mustapha Amokrane, l’un des chanteurs a déclaré à l’époque « On peut assumer l’idée de la fin du groupe, mais on envisage d’abord cette « pause » comme une façon de maintenir Zebda en vie, et non l’inverse. L’idée de se retrouver un jour est bien réelle, mais personne ne sait le temps que prendra cette émancipation tardive de trentenaires (et quadragénaires) qui ont longtemps évolué dans une espèce de cocon collectif, à la fois difficile et protecteur. »

Les sept membres du groupe font dorénavant une carrière solo. Groupe toulousain qui accompagnait la trajectoire socialiste de la France des années 1980 et 1990. C’est la période où l’immigration et l’identité nationale sont des thèmes centraux dans les débats politiques. On y décèle l’exclusion, l’insécurité, la chômage, jusqu’aux meurtres racistes à répétition sur les minorités visibles, et plus particulièrement celle d’origine maghrébine. Cette dernière souffrira des enjeux politiques allant de la gauche socialiste à l’extrême droite. Tout est bon pour se faire « du beurre sur le dos des beurs ». Face à tout cela, il y a une réponse culturelle, venant de ceux que les médias appellent « la génération 1980 » ou « la génération métissée » et 10 ans plus tard deviendra « la génération black, blanc, beur ». il faudra se battre extrêmement durement contre le climat raciste qui persévère avec force en France. Sur le plan politique, social, économique, intellectuel et culturel. Nous pouvons y voir aussi une décentralisation de la culture qui était prônée par les socialistes au pouvoir.

« Avec la libération des droits d’association et la floraison des radios libres, les « immigrés » vont acquérir une force et une place à l’intérieur d’un débat national qui les concerne directement ».

Les radios libres joueront un rôle essentiel dans la découverte et l’évolution de la musique hybride, métissée et provinciale,. Les villes, grâce à la décentralisation feront émerger des talents et des styles différents. Des mouvements associatifs pousseront comme des champignons dans ce contexte favorable à toutes sortes de nouveautés. Les groupes dorénavant mêleront musique et action sociale.

« Faire de la musique, c’est un acte politique » dit Mustapha Amokrane, chanteur de Zebda. Avant de trouver sa voie en tant que groupe de rock toulousain avec une bande d’origines diverses, on classait le groupe dans la catégorie « variétés françaises ». Maintenant, on sait qu’il reflète un mélange de ragamuffin, rock, rap, ska, raï, musette et sons arabo-andalous, les textes parlant surtout d’immigration, misère, discriminations et la résistance au racisme.
« L’engagement associatif précède la musique de Zebda ; la politique la suit ».

En parallèle de leurs activités artistiques, ils s’attaquent au concret avec tout un programme d’actions sociales liées à la banlieue provinciale et aux jeunes défavorisés. Les associations se nomment d’abord Vitécri puis Tactikollectif et enfin les Motivé-e-s. Ils feront la Une des quotidiens en mars 2001. A ce moment de campagne municipale, Philippe Douste-Blazy (actuel ministre des Affaires Etrangères) dira « Pas d’Arabes et d’extrême gauche au Capitole ». Le second tour se fera sous tension. Zebda créera pour l’occasion le 1er tube électoral français, ils deviennent un phénomène unique en France.

« Douste-Blazy n’aurait jamais pu gagner le second tour sans une campagne xénophobe et sans brandir le spectre de l’extrême gauche. En effet, Douste-Blazy a puisé ses votes supplémentaires au second tour non seulement à droite et l’extrême droite, mais aussi au sein de la gauche traditionnelle, qui soit ne voulait rien savoir d’un mouvement citoyen appelé OPNI (objet politique non identifié), soit ne se reconnaissant pas dans ces « bandes pas très celtes » (selon le mot de Christian Duplan)… »

« L’intérêt de la presse s’était déjà éveillé en 2000 quand certains Zebda avaient déclaré qu’ils allaient se présenter, d’une manière ou d’une autre, aux municipales de 2001… Pourquoi les slogans et propos racistes lancés par Douste-Blazy et ses colistiers n’ont-ils visé qu’Amokrane et les quartiers difficiles, et pas certains Zebda qui soutenaient cette liste ? Des chanteurs rock au pouvoir, dont 3 d’origine beur, cela avait de quoi alarmer un public traditionnel. Car les Zebda avaient exploité leur notoriété pour que la presse s’intéresse à cette liste citoyenne… D’ailleurs, en exploitant la xénophobie qui faisait l’amalgame entre le Français Amokrane et la délinquance des cités, amalgame dont les Zebda semblent exclus, la droite (mais aussi un certain électorat de la gauche traditionnelle) a dévoilé combien l’universalisme de la République est relatif… On pouvait donc comprendre la profonde déception de certains Zebda…. Ecoeurés par le déploiement du racisme après le 1er tour, mais surtout, ils devaient accepter que leur politique culturelle qui s’appuyait sur les valeurs de la République (démocratie, laïcité, citoyenneté) ne pouvait mener à rien… »

Selon Yazid et Yacine Sabeg « En rattachant les jeunes nés en France à la migration de leurs parents, en les renvoyant sans cesse à leurs origines, la France maintient ces citoyens dans un statut d’allogènes… Jusqu’à quand allons-nous continuer à renvoyer symboliquement une partie de la population à une appartenance étrangère ? »

Yazid Sabeg « La focalisation sur le vocabulaire de l’intégration ne sert qu’un objectif : le refus de s’interroger sur la capacité du pays à assimiler cette population. Tout l’effort est censé reposer sur la bonne volonté des immigrés, qui sont désignés seuls coupables de leur marginalisation, deux voire trois générations après l’arrivée de leurs ascendants sur le territoire…. Cette entreprise systématique de dénégation et de refoulement est à l’œuvre dans toute la société française aujourd’hui… En France, un Noir ça n’existe pas. Un Maghrébin, ça n’existe pas. La différence ethnique n’existe pas… »

Aussi d’après Azouz Begag et Abdellatif Chaouite « On ne peut pas décliner à l’infini les générations issues de l’immigration, de la première à la énième. Un jour, il faut savoir dire « Ils sont français ». Et ce jour est arrivé depuis quelques temps déjà. »

Magyd Cherfi, l’un des chanteur de Zebda « La France aime Zizou, pas les Arabes ; la France aime Khaled, pas les Algériens ; la France aime Zebda, pas les Beurs. »

Hakin avoue que leur image exemplaire le dérange « On parle bien, on n’est pas agressifs, on défend des valeurs positives. Cette image de Zebda, groupe tellement cool, constitué de gens si formidables, nous pèse. Des fois, on peut être aussi sacrément méchants ! » Les Zebda ont réussi, donc l’intégration ça marche. La violence des banlieues n’avait rien à voir avec le chômage et l’exclusion !

Zebda veut cependant prendre ses distances sur l’étiquette Beur qu’on leur a collé intentionnellement « On ne veut pas tomber dans le piège de la défense des « Beurs », car, pour nous, les « Beurs » sont des Français. » Ils veulent seulement assumer les valeurs républicaines et ne tiennent pas à être récupérés par qui que ce soit, ils marcheront donc longtemps sur une corde raide. On leur reprochera même d’avoir récolté (sous l’emblème associatif des Motivé-e-s engagés politiquement aux élections municipales) plutôt les votes du centre-ville que des banlieues nord. Les médias sont obsédés par la dimension arabe de l’engagement politique d’un groupe musical à travers une association-politique. Ils veulent à tout prix leur plaquer une étiquette Arabe-Beur sur le front quand ils ne revendiquent que la citoyenneté française. On réduit les Motivé-e-s au seul visage beur et la classe politique (de gauche et de droite) va même les traiter d’être récupérés dès qu’ils ne mentionnent pas le côté Beur, Arabe, Fils d’immigrés, Musulmans… On leur refuse catégoriquement leur francité.

« Zebda s’est toujours considéré comme un groupe rock « coloré », « métissé » ou « nuancé ». Il reflète la diversité ethnique et linguistique de Toulouse, une ville composée de plus de 80 ethnies différentes. Il s’agit de construire une pluralité culturelle de la France à partir de Toulouse. » C’est une façon de lutter contre la xénophobie et l’uniformité de la mondialisation.

Zebda se créera à travers Vitécri, un mouvement associatif qui donnait la parole aux jeunes des quartiers défavorisés par les voix de la vidéo, le théêtre et l’écriture (Vi-Té-Cri). Le groupe émergera de ce militantisme associatif « on s’est trouvés chanteurs comme on aurait pu être peintres en bâtiment » Leurs rapports avec la municipalité et en particulier avec Dominique Baudis qui fut maire de 1983 à 2001 (ancien journaliste télé et actuel président de l’autorité audiovisuelle CSA) se dégradèrent très rapidement et ils durent abandonner Vitécri pour former une association autonome, le Tactikollectif, subventionné en grande partie par la vente du CD Motivés (1997). La liste Motivé-e-s dérange, c’est une liste de gauche associative, ouverte à tous et métissée, mettant la culture comme moyen d’accès à la démocratie. Cette liste reflète l’immense déception de l’époque face aux promesses non tenues de l’ère socialiste. Quatre des membres de Motivé-e-s furent élus au Conseil municipale de Toulouse en mars 2001. Ils revendiquent la démocratie participative où chaque citoyen pourrait faire entendre sa voix aux assemblées. Ils veulent être avant tout un mouvement citoyen.

« Les membres du groupe disent vivre en état d’urgence, parce que vivre ensemble avec leurs differences, c’est intellectuellement exigeant. »

En 2003, Magyd Cherfi, face au Tube « Tomber la chemise » et les Victoires de la Musique en 2000, dira « 80 chansons, 2 000 concerts, 800 000 kms au compteur…. Tout ça pour un seul titre retenu. Chaud l’addition. »

« En dehors des trois chanteurs d’origine algérienne, Zebda est composé de quatre musiciens aux origines diverses. Vincent Sauvage, le batteur, qui rejoint le groupe en mais 1988, est né en 1967 à Bordeaux mais il a passé ses cinq premières années à Oran (« Je suis finalement le seul de Zebda à avoir vécu en Algérie ! ») a vécu à Reims de 6 à 13 ans, puis à Perpignan où il a passé toute son adolescence. En 1987, il est venu à Toulouse pour faire de la musique. Joël, le bassiste, a des origines italiennes du côté maternel. Pascal, le guitariste, est d’origine française, italienne et espagnole (deux de ses grands-parents ont fui le régime franquiste). Il souligne avec fierté que ses grands-parents ont toujours voté communiste. Né à Aix-en-Provence en 1969, Rémi Sanchez (claviers, accordéon, ingénieur du son), d’origine espagnole et pied-noire, a rejoint Zebda en 1991. »

Magyd Mustapha et Hakim, à leur sujet Magyd dira « Nous sommes les héritiers de la déflagration arabe;.. Notre histoire est complètement là-dedans. Moi, d’aussi loin que je remonte, que j’allume la télé ou que j’ouvre un journal…, il y a mon problème qui est posé tous les jours. Ca peut être via la Palestine, via l’Algérie, via la banlieue, c’est pour moi une espèce de même mécanique, une même humiliation, une même source historique, culturelle de la déflagration de la culture musulmane, de la déflagration de l’islam au cours des siècles, de celle de l’Afrique, du monde et de la culture arabe. On se vit un peu comme les héritiers d’une déflagration et donc on peut difficilement s’en passer tous les jours, sous peine de ne plus être nous-mêmes. Puisque dès qu’on entend un prénom arabe on a un sursaut, un frémissement. Quelque chose qui touche à l’Afrique, à l’Islam, à l’immigration, c’est de suite un sursaut, donc un besoin que tout soit dans tout. »

Zebda fait ses adieux lors de la tournée de 2003 avec l’album live La Tawa et le film « Zebda par Zebda- Les bonshommes derrière » passé à la télévision en juin 2004. Magyd Cherfi en mars 2004 « Aujourd’hui, Motivé-e-s est un animal blessé sur le bord du trottoir, qui attend que passe un vétérinaire, en espérant qu’il s’arrêtera pour panser ses blessures et lui permettre de repartir »

Néanmoins, quelques semaines avant la fermeture du Site Web Officiel de Zebda, des commentaires extrêmement favorables apparaissent provenant du monde entier montrant la formidable richesse apportée par ce groupe hors-norme. Par exemple : « Ben pour moi Zebda, c’est une réelle lueur d’espoir… En effet, ils me donnent envie de m’accrocher, de croire en l’avenir, on se sent moins seul. Ils ont la chance de vivre de leur passion, ils ont le talent pour en vivre et ils en profitent pour faire passer des messages, pour dénoncer ; tout ça sans se prendre non plus trop la tête et en gardant toujours ce côté très festif. Zebda c’est pas seulement pour moi un groupe de musique mais aussi je suis d’accord avec eux, et ça a aussi un côté assez rassurant. Et puis Zebda, c’est aussi plein de très bons souvenirs, des concerts, des rencontres ;… » (18 juin 2004).

Les Zebda ont produit 5 albums, dont un Live, entre 1992 et 2003 : l’Arène des rumeurs (1992), Le Bruit et l’odeur (1995), Essence Ordinaire (1998), Utopie d’Occase (2002) et La Tawa (1002). Les concerts qu’ils ont donné allaient de la France, Italie, Belgique, Espagne, Royaume-Unis, Suisse, Jordanie, Syrie, Canada et Liban. Ils ont participé au film d’Eric Pittard « Le Bruit et l’Odeur et quelques étoiles » (2002).

Mustapha Amokrane, à la fête de l’Humanité, en septembre 2004 « Depuis quelques temps, nous réfléchissons sur un travail lié à la mémoire de l’immigration et de la colonisation. Ces mémoires traversent les inconscients de chacun de nous dans notre rapport à l’autre. Elles sont les nôtres en tant qu’enfants de l’immigration et citoyens français avec une histoire particulière comme d’autres centaines de milliers de nouveaux Français. Nous avons envie de travailler cette mémoire-là en disant : « Voilà qui nous sommes, voilà les parcours et les vécus des gens qui sont de cette histoire-là »… Nous souhaitons réaliser un travail de fond sur l’antiracisme. Un travail de réflexion que nous considérons d’autant plus utile qu’il est possible de le transmettre et de le faire partager, non dans ses données techniques, mais grâce à la communication d’émotions artistiques. »
Selon Gérard Noiriel, la notion de deuxième génération a émergé à la fin des années 1970 pour désigner les enfants immigrés maghrébins.

Journaliste indépendante


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