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Beautés de la Disconvenance suivi de Splendeurs et misères des luttes étudiantesAnonyme, Lunes, Abril 10, 2006 - 12:11
le CUL
À l'occasion de la veillé autour de la grève étudiante, voici deux textes écrits par le Comité Universitaire de Libération qui sont très inspirants. Beautés de la Disconvenance ainsi que Splendeurs et misères des luttes étudiantes Extraits du papier CUL http://infokiosques.net/spip.php?article=331 Extraits du papier CUL par Le CUL *** Ce texte ne dit pas de vérité. Il ne s’oppose pas, ne propose pas, n’impose pas. Il ne cherche pas ceux qui le comprennent, mais parle à ceux qui lui conviennent. Ce texte n’a pas de sens a priori, il tâtonne. Ce texte exprime des énergies qui se rencontrent dans les auteurs et les tourmentent, au point d’exploser péniblement sous la forme de caractères alphabétiques. Ce texte cherche des rencontres, celles qui aideront par leurs conflits et leurs associations la poursuite des théories et des pratiques convenant aux volontés d’autonomie et d’interdépendance. « Chaque génération vit dans l’illusion de supériorité par rapport à la précédente. » « Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Sa tâche est bien plus grande, elle consiste à empêcher qu’il ne se défasse. » Nous(A) ressentons une disconvenance. Nous ne l’interprétons pas comme grave, désespérante, négative...tout au plus négative comme révélateur de positivité. La sensation de la disconvenance exprime une beauté de vivre. Chaque génération ressent ses disconvenances. Chaque génération provient d’une nouvelle donne sociale, familiale, économique, etc. , psychophysiologique. Ces nouvelles donnes signifient une originalité pulsionnelle irréductible aux configurations passées. Chaque génération exprime un quantum original de puissances intensives : dès lors, elle émerge avec son problème : comment exprimer cette nouvelle configuration de puissances dans des champs d’expression élaborés par et pour les énergies de la génération précédente ? Nos parents veulent nous apprendre comment nous débrouiller dans leurs mondes, mais nous ne retenons comme leçon que ce qu’ils font, ce qu’ils nous donnent et non ce qu’ils auraient aimé nous léguer ; et ne gardons en héritage que les mondes qu’ils ont bâtis, pas ceux qu’ils auraient aimé vivre... Comment nous exprimer dans les champs que nos parents ont construits ? De ce décalage nécessaire entre nos types originaux d’énergies qui cherchent à s’exprimer et le terrain d’expression déjà-là, naît un malaise que nous nommons disconvenance. Chaque génération, dans ses modes de conflits et d’associations, cherche ses réponses et ses remèdes. Donc nous ne situons pas le problème dans la disconvenance, mais dans le : « Qu’en faisons-nous ? ». Nous avons repéré notre disconvenance. Nous l’interprétons comme nôtre, dans le sens où nous n’en repérons dans l’histoire que la genèse et non la manifestation. Nous étudions la provenance et assumons la rupture, car nous exprimons les deux...et beaucoup plus. Passer derrière le pot d’échappement d’une voiture : disconvenance de respiration. Boire un verre d’eau chloré : disconvenance d’hydratation. Manger un aliment sans forme, sans saveur, sans sensation : disconvenance de la nutrition. Ne pas habiter nos logements, ne pas les aimer, les trouver laids et inhumains : disconvenance de nos lieux de vie. Ne croire à rien et ne rien défendre, se complaire dans la matérialité, dans un imaginaire artificiel et impersonnel : disconvenance de sens. Sentir ces disconvenances en deçà des discours écologiques. Les produits de luxe ont toujours exprimé des privilèges, par définition. Mais on pouvait combattre pour acquérir ces privilèges. Les conditions d’existence ont aussi exprimé des privilèges, selon la définition économique. Le pain ou l’eau ne remplissaient pas les mêmes ventres, mais on pouvait combattre pour les acquérir. Aujourd’hui, la nourriture, l’eau, l’air, l’habitat, [...], sortent de la sphère des conflits. Explication. Crever de faim ou de soif ne provoque pas de disconvenance. Cela implique seulement douleur et mort. Or nous aimons douleur et mort autant que plaisir et vie, nous ne les séparons pas. En revanche, nous n’aimons pas la destruction ou la privatisation des conditions de possibilité de l’alimentation, de l’hydratation, de la respiration, etc. . Comment aimer les directions qui détruisent le tout ? Nous voilà en passe de perdre tout accès à nos conditions de vie : de nombreux processus nous ôtent la maîtrise de nous-mêmes : - par une transformation insidieuse de la nourriture en produit manufacturé, plastique, chimique, purement nourricier, - par la mutation de l’eau en composé chimique hygiénique et médicamenteux, - par le remplacement de l’habitat par des casiers, des tiroirs classables et contrôlables, - par l’échange de l’air contre un gaz lénitif et pathogène, Selon le concept d’Ivan Ilich, nous nous dirigeons vers la constitution d’espaces humano-immunes. Les villes construites par l’homme entrent dans un rapport d’hostilité envers les caractéristiques de l’animal humain : les muscles s’atrophient, les odeurs disparaissent, l’eau ne se trouve pas hors des espaces payants comme les bars, les voitures mettent les piétons en danger, le bruit dévore les oreilles, [...], autant d’aspects qui tendent à faire penser que l’homme construit un espace anti-humain. Manger fast-food, boire javel, respirer plus de monoxyde de carbone que d’oxygène, se loger dans des cages, [...], : nous pensons que l’entité qui agit ainsi exprime autre chose que l’humain-animal. Nous aimons notre animalité, notre irrationalité, nous interprétons les poils sous les bras comme la condition de possibilité de la littérature, des mathématiques ou de Mozart... Nous préférons la bêtise et l’idiotie(B) humaine plutôt que les ordinateurs stéréotypés et policés ou que l’intelligence artificielle. Seuls demeurent humains ceux qui peuvent se battre ou non pour avoir de la bonne nourriture, de l’eau saine, etc. . Insistons : les conditions de possibilité des conflits se rarifient ; certains hommes(C) s’accaparent irréversiblement les conditions d’existence. Ce qu’ils laissent n’a plus rien d’humain : certains continuent l’évolution humaine en nous transformant en machine, en carburant. Des pressions discrètes et efficaces s’exercent sur nous et nous donnent forme machinale. On nous ôte consciences et luttes, nous pensons et combattons de plus belle. Nous pensons que nos pratiques quotidiennes s’attaquent trop à la possibilité d’avoir des pratiques, à nos conditions de vie. Notre croissance détruit parfois nos racines. Nous cherchons un mouvement différent. Les pratiques nihilistes de l’énergie atomique, pétrolière, celles des sciences génétiques,robotiques,nanotechnologiques, « nécrotechnologiques », les processus d’uniformisation, de machinisation, d’économisation, de fonctionalisation, etc., s’incorporent en nous et nous choquent et nous perturbent. Et pourtant... Au final nous laissent indifférents. Notre expression commence par le refus de donner prise à ces cadres de pouvoir. Donc sentir ces disconvenances, cela veut dire sentir que nous ne pouvons pas nous exprimer avec l’automobile, le plastique, l’électricité, l’ordinateur, les hôpitaux, les « cages » d’escalier, le travail salarié, la mode de l’identique, tels que nous les pratiquons. Cela ne signifie pas changer le monde, ni changer les autres, mais nous changer nous-mêmes. Cependant, chercher des convenances ne veut pas dire nous conformer à « l’ordre des choses », à ce qui entrave notre expression : cela signifie expérimenter pour trouver des voies propices à notre expression. Nous ne comprenons pas le sens de cette devise d’Attac, organisation gouvernementale dont le logo représente un pourcentage : « Un autre monde est possible. ». Nous pensons avec gaieté que d’autres mondes ne « sont » pas possibles : de multiples autres mondes s’expriment déjà...et nous créons sans cesse d’autres mondes. LE monde en tant qu’unité universelle exprime une construction fictive visant à disperser et épuiser les forces des hommes. Nous vivons en rapports plus ou moins intenses avec des multiplicités incalculables de mondes qui tournent autour des familles, des amis, des rues traversées, des pommes croquées, des fleurs humées, des rencontres charnelles ou discursives, [...], des espaces et des sentiments quotidiennement vécus. Ces mondes ne se calculent pas car ils expriment des puissances relationnelles, des intensités relatives et non des sommes algébriques. Nous n’appelons pas ces mondes « réels » par rapport au monde fictif, nous les nommerions plutôt les mondes vécus, sentis, partagés ou combattus... Nous exprimons notre présence comme altérité et différence. Prévert : « J’ai vu des hommes s’entretuer, Même en refusant la démesure destructrice, nous vivons en rapport nécessaire avec ces destructeurs actifs et passifs. Cependant, nous ne réagissons plus par rapport à eux. Nous agissons par rapport à nos vies. Nos énergies ne combattent pas pour les renforcer, elles nous construisent avec joie. Ils devront agir ou réagir par rapport à nous, ils devront nous aider, nous imiter ou nous tuer pour vivre et mourir encore. Nous entendons des réponses : détruire les destructeurs, la révolution, une révolution, des réformes, des violences rétroactives, un départ, une fuite, une attente, rien, etc. . Nous ne nous positionnons pas contre. Nous les aimons toutes si elles vous permettent de vous exprimer. Mais elles ne conviennent pas à nos expressions, à nos disconvenances, on reste sur notre faim. Nous cherchons d’autres types d’expression : ceux que vous nous proposez nous semblent trop réactifs, pas assez risqués, voire bien machiavéliques comme il faut. Nous pensons aux militants qui ne luttent contre le pouvoir qu’en imposant eux mêmes des pouvoirs(D). Nous nous sentons forts et vigoureux. Nous voulons par nécessité risque et action. Nous réagissons aussi. A des disconvenances comme celle provenant du viol d’espace-temps de nos consciences par la publicité, nous ne pouvons que réagir. Nous agissons plus que nous ne réagissons. Nous créons plus que nous ne détruisons. Nous voulons par nécessité risque et action. L’action crée sa morale à mesure de sa pratique. La réaction exprime une morale toute faite, bigote en pleine laïcité, en attendant que des guerres se déclenchent pour faire la guerre à la guerre, elle regarde se monter des « sommets » pour monter des « collines » encerclées de zones rouges. Créations des pratiques sociales et individuelles nouvelles ou minoritaires, propices à notre type d’expression. Expérimentations. Nous ne retournons pas dans le passé et ne renions pas notre héritage. Nous ne conservons pas et n’oublions pas, nous sublimons. Nous n’avançons pas ni ne progressons, nous croissons. Nous nous rapprochons d’abord de nos conditions amicales de vie : eaux, feux, terres, airs, animaux, herbes, roches, humains, etc. L’autonomie ne commence-t-elle pas par là ? Nous ne renions pas les techniques passées ni présentes et refusons sereinement celles qui détruisent plus qu’elles ne créent, quantitativement, mais surtout qualitativement. Nous voulons nécessairement ce qui favorise les vies, les expressions et les consciences, les affects et les conflits, les amours, les amitiés, les gaietés et les incompréhensions, [...]. Nous avons la chance de pouvoir prendre des risques et d’instaurer des relations autres que celles de pouvoir et de frontières(E). Nous discutons, expérimentons, apprenons, etc. mais pas seul. Nous commençons par quelques valeurs friables : nous aimons l’autonomie, la convivialité, les arts, les corps, les imperfections... Nous ne donnons pas de sens à « LE monde », l’universalité signifie peu : une illusion imposée pour établir un pouvoir grâce à des satellites : regardez ceux qui ont du pouvoir sur vous, ils ne croient pas à l’universalité et en font propagande. Nous ne rentrons pas dans leur jeu. Nous ne donnons pas de sens à « L’individu », l’ego n’exprime qu’un raccourci théorique commode et dangereux : regardez ceux qui détruisent plus qu’ils ne créent, ils ont foi en l’ego. Ils ignorent leur dépendance envers ce qu’ils détruisent. Nous ne donnons pas de sens à « L’être », l’affirmation du stable indique une faiblesse qui a peur et qui cherche à dominer : pour imposer un pouvoir, il faut définir. Nous aimons la localité, car nous aimons méditer ce que nous faisons. Nous refusons la volonté de tout savoir, de tout connaître et de tout contrôler. Mais nous recherchons un brin de maîtrise : nous agissons en pensant, et nous rions de cette science qui produit d’abord et donne sens ensuite. Avoir conscience de nos actes et de leurs liens avec l’autre. Nous aimons la joie qui vient avec : nous exprimons nos nuances des joie avec le discours, la rencontre, le rire, l’entraide, le sentiment d’amitié et de convenance, la création, la maîtrise, la sauvagerie, [...]. Nous refusons la pseudo-joie qui vient dans l’oubli de nous-mêmes, le fonctionnement. Nous aimons vivre et mourir, et tout ce qui va avec... Polynonyme. NOTES : (A) : Sens du « nous » : je considère que moi-même et ce texte expriment aujourd’hui les rapports spontanés de mes diverses rencontres. Ces rencontres ont créé et créent les rapports de puissances et d’énergies qui s’expriment dans ce texte, si cette interprétation vous convient à peu près. Je m’exprime librement et irresponsablement, par nécessité. Je ne parle « au nom » de personne. (B) : En grec, Idiôtès : simple, particulier, unique. (C) : Déterminer ces hommes a peu de sens ici. Nous parlons du processus, pas des acteurs. D’ailleurs, nous ne leur ferons l’honneur de penser qu’ils puissent avoir pleine conscience de leurs actes... pas plus que nous en tout cas. Disons simplement qu’il s’agirait des politiques partisans, des scientifiques robotisés, des militaires esclaves, des économistes obsédés, des industriels colonisateurs, [...], bref de ceux qui n’ont pas le temps. Et nous n’oublions pas que nous participons souvent à leurs machinisations des mondes. (D) : Une puissance s’exprime par pouvoir quand elle exerce un contrôle non consenti sur une autre puissance. Par exemple, nous interprétons le surfeur et la vague comme deux ensembles de puissances qui s’expriment en convenance ; le porte avions s’exprime par l’exercice d’un pouvoir sur la mer. (E) : Rappel : ce discours implique d’interpréter le pouvoir comme devant nécessairement s’exprimer. La négation signifie seulement une tendance, une faiblesse de sens ou d’importance. La négation signifie une sélection de pratiques. Chaque année, à la même période, le traditionnel “ mouvement étudiant |
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