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Deux soufrances : l'Arménie et le Chili. L'oubli ou la mémoire

Anonyme, Martes, Abril 4, 2006 - 03:22

RUBY BIRD

L’Arménie : au début du 4ème siècle, l’Arménie devient le 1er Etat chrétien du monde. Les Perses sassanides ne pardonnent pas à leurs voisins occidentaux de partager la foi de leurs ennemis romains. Bientôt le pays est divisé, la monarchie est abolie, les Chrétiens sont persécutés. Grâce à leur écriture nationale créée en 405, les Arméniens trouvent la force de sauver leur culture. Cette écriture nationale n’était pas seulement nécessaire à l’enracinement culturel du christianisme mais aussi eut d’importantes répercussions historiques, en maintenant l’usage et l’unité de la langue nationale de part et d’autre de la frontière perso-byzantine et en consolidant l’identité arménienne, malgré le naufrage de l’Etat.

Partagée entre la Turquie et la Perse, l’Arménie perd ses élites et une grande part de sa population au 16ème siècle. Exilés, les négociants d’Ispahan et de Constantinople éditent des livres et créent des écoles. Au 19ème siècle, les puissances européennes pressent les Ottomans d’accorder l’autonomie aux provinces arméniennes et la Russie arrache à la Perse l’Arménie orientale. En 1915, le pouvoir jeune-turc extermine la population arménienne. Les archives administratives de l’époque ne permettent pas d’établir avec précision le nombre des victimes (800 000 selon les Turcs, jusqu’à 1 500 000 selon les Arméniens). Les survivants sont de 600 000 à 800 000 personnes. On décrit cette entreprise visant à «l’extermination de la race arménienne ». Quelques 50 000 Arméniens subsistent encore en Turquie. En 1914, ils étaient 1 300 000 selon les Turcs et 2 000 000 selon le patriarcat arménien. Aujourd’hui, il y a dans le monde environ 5 400 000 Arméniens, dont quelque 3 000 000 vivent en République d’ Arménie et le reste dans la diaspora ( 1 250 000 aux USA, 900 000 dans l’ex-URSS, 375 000 en France, 310 000 au Proche-Orient). Relativement aisée en milieu musulman, la préservation de l’identité arménienne est plus difficile en Europe et en Amérique, où l’assimilation est beaucoup plus puissante. Néanmoins, le sentiment d’appartenance reste extrêmement fort, stimulé par la mémoire du génocide, la fierté d’une culture ancienne, valorisée par les publications de l’époque soviétique, les échanges avec la République d’Arménie et de nombreuses structures communautaires. « L’Arménie à l’épreuve des siècles » par Annie et Jean-Pierre Mahé (Découverte Gallimard).

Le Chili : les Latino-américains insistent à se dire comme tels sachant pertinemment que la terre a été volée aux « Indigènes ». Ces derniers n’ont guère profité de la « latinité » qui vint avec les grandes idées des Lumières et de la révolution française et qui n’eut que le prétexte et le cadre légal pour voler leurs terres. Luis Sépulveda « Une Sale Histoire » (Métailié) le raconte bien à travers des articles, des contes, des engagements… Il évoque les « grands oubliés » que sont les indigènes parlant 1 000 langues autre que l’espagnol et le portugais. On engendra l’incertitude de l’identité par cette contradiction. Cela entraîna une complexité dans la vie en introduisant la lutte des classes, y compris pour ceux qui ne voulaient pas lutter car vivant en marge de la société. Les immigrants ne virent pas « l’autre » qui les observait et pensait qu’il y avait assez d’espace pour tous. Il n’avait pas prévu qu’on lui arracherait son espace à lui. Ces deux entités n’avaient pas les mêmes codes en tête et cela entraîna indiscutablement « une lutte permanente entre ceux qui voulaient manger et ceux qui évitaient d’être mangés…Kripsis est l’art de disparaître, de voir sans être vu. Aposematosis est l’effet théâtral consistant à être vu sans rien voir. Ce sont là les éléments substantiels de notre incertitude. ». L’histoire de Salvador Allende est très pénible dans les mémoires. Les 1 000 jours de son Gouvernement signifièrent la révolte d’un continent face à cette incertitude de l’identité et de l’existence. C’était une rébellion nouvelle pour les habitants, la volonté de créer une identité politique et sociale qui leur était propre. C’était 1 000 jours d’un rêve collectif où les Indigènes et les descendants d’immigrés se regardent et communiquent. Des terres furent rendues. Il y a un certain rejet de l’histoire officielle servant à maintenir la population dans l’incertitude. Les Indiens du Chiapas ne se révoltèrent pas pour prendre le pouvoir mais uniquement pour dire NOUS EXISTONS. Ils voulaient qu’on les vois dans cet univers sud-américain. L’Amérique latine se trouve au Brésil où l’on essaie courageusement de vaincre la faim qui « colle les tripes au dos, immobilise, empêche de réfléchir aux alternatives, à l’incertitude. ». L’Amérique latine est partout et nulle part, qui essaie de surmonter ses contradictions avec ses blocus, ses menaces, ses coups militaires, ses coups de banquiers, ses relations inégales, ses spoliations et son cynisme capitaliste. On la voie aussi comme une région assujettie « à la volonté de ceux qui l’ont maintenue dans l’incertitude. »

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