Par RUBY BIRD - Journaliste Indépendante
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Ce qui aurait paru comme une qualité chez un peuple, depuis le 11 septembre 2001, surtout est devenu un défaut sinon une grande preuve de faiblesse. Personnellement, j’assiste à de nombreuses conférences, réunions, débats sur le thème du dialogue, de la paix, de l’interaction, d’entente cordiale, de forum politique, social, culturel… Tout ceci la plupart du temps à l’initiative de la « communauté arabe » ou de la « communauté musulmane ». En tant qu’Arabe et musulmane moi-même, j’apprécie ces démarches humanistes et universalistes car vraiment tous s’y mettent avec la plus belle des intentions, celle d’éviter ou de diminuer (selon les circonstances ou l’actualité) le fossé culturel, le fameux choc des civilisations. J’ai pu assister encore une fois à ce genre d’initiative. Une Conférence de presse fut donnée le jeudi 9 février à l’hôtel Concorde Saint-Lazare sur « l’Affaire des Caricatures » sous forme d’un appel au dialogue. Différentes organisations arabes ou islamiques y participaient ainsi que plusieurs personnalités d’origine arabe et non arabe faisaient des interventions en faveur de la paix et du dialogue paisible. Le porte-parole de la Commission Arabe des Droits Humains, Monsieur Haytham MANNA annonça ce jour la condamnation de TAYSIR ALONY, journaliste espagnol d’origine syrienne travaillant pour la chaîne arabe Aljazeera, à 7 ans de prison. J’aimerais détailler cette « affaire » qui illustre bien l’ampleur de la disproportion des comportements et déclarations vis-à-vis du droit à la liberté d’expression, que l’on parle des Musulmans, des Arabes ou « des autres ». Tour ceci se passant depuis un certain temps dans les pays comme la France que l’on qualifie officiellement comme étant des modèles de démocratie.
Taysir ALONY est donc citoyen espagnol d’origine syrienne et fut arrêté le 5 septembre 2003 par la Sécurité espagnole. Il fut ensuite libéré le 23 octobre 2003 et arrêté de nouveau le 18 novembre 2004. Le lieu de son arrestation était Grenade en Espagne, lieu de détention Madrid et les raisons invoquées était la complicité avec une entreprise terroriste. Inculpation faite par le Juge des Affaires Terroristes en Espagne. Il ne reçut la visite de son avocat que 5 jours après sa première arrestation suivant une totale isolation. Au cours de la deuxième arrestation, il n’eut le droit de visite de son avocat que 3 jours après. Ce qui est frappant dans cette arrestation et détention arbitraire est que le juge insista sur la description des individus qu’avaient, au cours de ses activités journalistiques à Kaboul, interviewé Taysir ALONY. Description de leur état de santé et du lieu des rencontres. Ce juge utilisa des « informations » fournies par ISRAEL et les USA. L’un en état de guerre avec la Syrie et l’autre ayant bombardé son bureau à Kaboul. Nous pouvons y ajouter l’attaque aérienne américaine sur l’Hôtel Palestine de Bagdad où il résidait à ce moment précis. Il est vraiment étonnant que ce juge donna du sérieux à ce genre de sources subjectives. On sait aussi que Taysir ALONY était chargé de mission à la Commission Arabe des Droits Humains et il fournissait des informations sur la situation des Droits de l’Homme en IRAQ avant et pendant l’occupation.
Aussitôt, un Comité International pour sa défense s’organisa et l’on pouvait noter de nombreuses organisations arabes comme La Commission Arabe des Droits Humains, la Fédération Internationale des Journalistes, l’Union des Journalistes Arabes, l’Union des Journalistes Marocains, le Collectif Euro-Arabe pour la Liberté d’Expression, l’Union des Journalistes Jordaniens, l’Union des Journalistes Arabes en Allemagne, Dialogue Euro-Arabe, l’Organisation Arabe des Droits de l’Homme en Syrie, Centre de Damas pour les études et les Droits Civiques, le Croissant Rouge du Qatar, le Comité de Libération des Prisonniers Politiques….
Nous savons aussi que Taysir ALONY est un excellent journaliste, de réputation international. Il a travaillé pendant plusieurs années à la chaîne de télé qatarie Aljazeera. Reconnu pour son intégrité journalistique. A été remarqué pour ses reportages, pendant les évènements de l’invasion de l’Afghanistan et de l’Iraq. Ensuite, il est retourné dans son pays, l’Espagne, pour des raisons professionnelles. Il était dans le collimateur de certains pays occidentaux pour son scoop journalistique, l’interview du « chef d’Al-Qayda » Ousama Bin-Laden ? Depuis, « on » l’entoure de soupçons d’appartenance à l’organisation Al-Qayda.
Ce qui l’a conduit le 5 septembre 2003 à la prison espagnole et à subir un traitement sans précédent dans une démocratie comme l’Espagne. Après son arrestation, il bénéficia de la libération provisoire contre une caution de 6 000 Euros et sous condition de représentation une fois par semaine devant le Juge le plus proche de son domicile. Interdiction express de quitter le territoire espagnol sans l’autorisation du Juge. Monsieur ALONY paya la caution le jour même et repris son travail en tant que Directeur du bureau espagnol d’Aljazeera. Il informait même les autorités judiciaires de ses déplacements professionnels et familiaux. Il acquis la confiance du Parquet espagnol, il demanda à participer à un séminaire portant sur les Droits de l’Homme, en France, le Parquet accepta mais le Juge refusa.
Le 25 octobre 2004, le représentant du Parquet déclarait avoir des doutes sérieux sur les charges suffisantes justifiant l’accusation. C’était à la décharge de Taysir ALONY. Mais le 18 novembre 2004, le Parquet changea de ton et réclama la détention provisoire. Il fut donc réincarcéré, à 3 jours du rendez-vous pris avec son médecin au sujet de sa grave maladie se rapportant aux vaisseaux cardiaques. Il venait de subir une importante opération chirurgicale. Il avait précédemment subi 3 opérations chirurgicales sur la colonne vertébrale et était prévue une autre.
Premier effet néfaste de sa remise inattendue en prison était l’avortement de son épouse choquée par la décision prise. Les raisons aberrantes invoquées étaient la possibilité d’une fuite à l’étranger qui soi-disant aurait des conséquences sur la suite de l’information judiciaire.
Des problèmes essentielles peuvent être soulevés dans cette affaire : le positionnement à avoir quant à la régularité de la redétention provisoire. Peut-on détenir provisoirement un prévenu qui était en liberté provisoire sans élément nouveau dans l’instruction de l’affaire ? Peut-on considérer sa remise en détention provisoire légale alors que tous les faits nouveaux sont en la faveur de Taysir ALONY ?
On doit vraiment insister sur le fait qu’aucun élément nouveau n’est apparu au dossier d’information, aucune charge, aucun document ou pièce de procédure ne fut jamais ajouté au dossier jusqu’à la réincarcération. L’état de santé du journaliste nécessitait à ce moment-là un suivi sérieux et des soins lui permettant de subir à nouveau une opération délicate. Il a été prouvé qu’il ne bénéficia aucunement de soins en prison. De plus, la télévision Aljazeera s’engageait officiellement, dans une lettre, à mettre à la disposition de la justice toute caution exigible au bénéfice de Taysir ALONY.
Tous les rapports remis à la justice prouvèrent le scrupuleux respect des conditions imposées par l’ordonnance de libération provisoire initiale, montrant la volonté extrême du prévenu de prouver son innocence. Tout prouve aussi que l’éventualité de sa fuite n’était nullement sérieuse et basée sous aucun fondement factuel. Taysir ALONY était reconnu internationalement grâce à ses interventions journalistiques en Afghanistan et en Iraq. Ils était surtout marié et père de 5 enfants de nationalité espagnole, lui-même est un citoyen espagnol.
L’ordonnance du Juge se contenta de répéter des généralités du Code Pénal espagnol alors que la Constitution, la Loi et la Jurisprudence espagnoles sont plus strictes sur la liberté du citoyen, obligeant le Juge à justifier et à motiver toute décision la limitant. Le Juge déclara vaguement sa peur que le journaliste ne prenne la fuite sans tenir compte visiblement que tous les éléments du dossier démontraient implacablement le contraire.
Au sujet de l’accusation, il y a une faiblesse juridique évidente et cela fut exprimé clairement par les réquisitions du Parquet Général, lors de l’audience donnée le 25 octobre 2004. Inexistence de charges ou indices pouvant conduire à l’accusation de Taysir ALONY ou à la conforter. On a décrété son appartenance à une organisation (dans ce cas Al-Qayda), cela exigeait la preuve des conditions de fait et de droit de cette appartenance. On ne peut considérer comme preuve une simple connaissance personnelle, d’un ou de plusieurs membres, connaissance ne vaut pas appartenance car dans ces conditions-là, n’importe quel citoyen pourrait se voir reprocher d’appartenir à des centaines d’organisations qui pourraient s’avérer par la suite être des organisations terroristes.
De plus, il faut prouver que l’accusé est convaincu dans les principes et les objectifs de l’organisation. Dans ce cas précis, ces deux accusations ne sont pas remplies. Aucun élément ne peut conduire à son accusation d’appartenir à l’organisation Al-Qayda. Taysir ALONY a maintes fois démontré le contraire, lors de ses émissions télévisées, tout ceci était dans le dossier (c’était de notoriété publique), confirmé aussi par ses collègues professionnels espagnols et arabes, en plus de la proclamation de la chaîne Aljazeera de le garder parmi son personnel.
Aucune preuve matérielle ne fut apportée au dossier d’accusation, seulement une allusion à la « participation possible » à une organisation terroriste, qui ressortirait de l’existence de 17 mandats du juge d’instruction diffusés dans différents pays, auxquels il n’a pas été répondu.
RIEN NE JUSTIFIAIT L’ACCUSATION.
Le dossier est basé essentiellement sur des conversations téléphoniques, déroulées « en arabe », traduites de manière non officielle et l’objet d’hypothèses. On accuse aussi Taysir ALONY de servir de « transporteur » de fonds vers l’organisation Al-Qayda, basée sur des conversations téléphoniques supposées tourner autour du transport de 4 000 $ vers une famille de quelqu’un que l’on dit membre dirigeant d’Al-Qayda. Bizarre qu’une organisation telle que cette dernière ait besoin de Taysir ALONY pour transporter 4 000 $ d’Espagne vers l’Afghanistan, l’Iraq où l’on ne sait où ?
Finalement, on ne tient pas compte du tout des activités extra-professionnelles de cet excellent journaliste : membre actif de l’Institut de la Paix de l’Université de Grenade et chargé de mission à la Commission Arabe des Droits Humains. Cela nécessite indéniablement, pour des raisons d’éthique et d’honnêteté morale, d’avoir une liste non-exhaustive de sources-contacts et de pouvoir pénétrer toutes sortes de lieux, groupes et organisations. Taysir ALONI était donc en contact avec autant les politiques, militants de Droits de l’Homme que des criminels d’envergure.
Cela ne justifie sûrement pas l’accusation d’appartenance à une organisation criminelle ou terroriste. Si Taysir ALONI mérite la prison, alors bon nombre de journalistes arabes et occidentaux le méritent aussi, et même largement plus car ils n’ont peut-être pas ses qualités journalistiques, d’éthique ou humaines. Son identité arabe, syrienne notamment et la situation géopolitique après le 11 septembre, qui joue en faveur essentiellement des USA et de l’Administration Bush ne respectant que peu la liberté d’expression et les faits contradictoires à la politique américaine impérialiste reconnue et avérée dans toute son horreur, est un constat flagrant et dramatique.
Taysir ALONI devrait être respecté, sinon admiré pour ses réalisations journalistiques en faveur de la vérité, de l’intégrité et de la liberté d’expression. Indéniablement aussi, que s’il avait eu l’immense privilège d’être occidental, non-arabe, non-musulman, combien de fois son nom aurait été cité en référence dans des pays comme la France, où paraît-il, l’on prône la suprématie de la liberté d’expression. Le connaît-on ? Connaît-on son histoire ?
Il est plus tentant de faire des caricatures humiliantes du Prophète de l’Islam, avec une bombe sur la tête et un verset du Coran, sans mentionner qu’en 2003, le fameux quotidien danois en question a refusé de faire des caricatures de Jésus car jugées trop offensantes. En septembre 2005, rien ne pouvait offenser l’Islam et encore moins 1,2 Milliards d’honnêtes gens qui ne demandaient rien que la dignité et le respect de leurs convictions religieuses. L’a-t-on dit dans les « médias démocratiques » français ? A-t-on aussi dit qu’était puni par la loi toute « atteinte » à la Shoah, la pédophilie, l’homophobie,…la Judéophobie. L’Islam, c’est quoi ? Quels sont les critères du respect à la dignité humaine ? Y a-t-il des échelles de valeurs déclarées officielles ou légales comme dans les Rapports Ruffin ; Benisti et autres allusions et déclarations hautement médiatisées ?
La France, le monde le sait, est le pays occidental par excellence de la censure. Le dit-on ? Dans ce pays, cela relève du business idéologique ou pécunier. On dilue la haine en direction de l’opinion publique. Les différents pouvoirs en France ont du mal à admettre et accepter qu’existe depuis des décennies une composante de confession musulmane. Persiste trop dans certaines têtes l’idée coloniale de cette partie de la population. On veut faire de l’Islam une religion de faibles, d’indigènes malléables et corvéables à souhait, comme au bon vieux temps. La peur de l’Islam vient du fait indéniable que c’est la seule religion qui progresse, malgré toutes les stigmatisations et mensonges en son endroit. La violence actuelle des réactions en est une conséquence et une raison, ajoutée à la haine de l’Arabe (souvenir fortement présent de la colonisation algérienne et de la résistance pendant 132 ans du peuple algérien à sa dilution culturelle, morale et physique dans le décor algérien).
Guantamo, Abou Graïb, la Palestine, le Liban, la Syrie, l’Algérie… Tous ces malheurs sont des faits aveuglants des intérêts géostratégiques et missionnaires de certains pays prônant le colonialisme et agissant dans ce sens. Ces pays ne sont plus à nommer !
Il faudrait, face à toute cette haine, trouver les bonnes méthodes d’y répondre, trop y prendre à cœur ne saurait être une solution. Quelles instruments utiliser ? La liberté d’expression de ce cher « pays des Droits de l’Homme » ? Quel mode d’expression pacifique utiliser dans ce pays de censure et de filtrage quasi-mystique effectué par les médias et ses journalistes « français » ?
Comment faire retomber la frustration légitime des peuples arabes et musulmans ? On le voit nettement, la presse française et européenne en général, refuse de dialoguer, joue pernicieusement le jeu de la provocation et de l’insulte. Comment expliquer calmement, face à un tel aveuglement, que la liberté d’expression ne peut pas être sans limites, qu’il faut être responsable envers tout le monde et non seulement en faveur de certaines catégories de population décrétées privilégiées de façon plus que subjective ?
La liberté d’expression ne peut relever que de l’information et de l’opinion et non de l’insulte et de l’humiliation. S’adresser à tous, au bénéfice ou au désavantage de tous. Ce n’est pas actuellement le cas en matière de religion. Pourquoi déformer, censurer les propos de personnes telles que Dieudonné, Le Pen, du Président iranien et de bien des intellectuels passés à la trappe de façon radicale, unanime et unilatérale ?
Nous savons qu’en France, l’on veut nous imposer d’apprendre la Marseillaise à l’école, si l’on brûle le drapeau français, on est condamné à 30 000 Euros et 2 ans d’emprisonnement ferme. Ce sont des SYMBOLES visant et représentant tout un peuple. Pourquoi ne pas l’appliquer à un autre peuple ou à une particularité de ce même peuple ? Comme les Musulmans ? Ils ont quand même servi de chair à canon en 1870, 1ère et 2ème guerre mondiale, guerre d’Indochine. Ils étaient bien Français à l’époque et le fait d’être Musulmans ne gênaient sûrement pas quand ils étaient envoyés sans armes se sacrifier inutilement contre un « ennemi » qu’ils ne connaissaient pas et détestaient encore moins.
Quelles leçons peut-on en tirer dans ce pays après le Rapport de Monsieur ROBLES condamnant la France en matière de manquement des Droits de l’Homme dans ses prisons ? Ne peut-on pas étendre ce constat au pays entier ? Aurions-nous assez de liberté d’expression pour dénoncer tout cela ? Serais-je fichée par les services de Nicolas SARKOSY, avec mes origines et ma religion en tête, pour établir d’où vient la délinquance intellectuelle et morale ? Serais-je une statistique, un sujet d’examen, un simple sujet peut-être ?
AVEUGLEMENT ou LUCIDITE ?
Serions-nous en train de revivre la « sale guerre » ?
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