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Sur la période de transition

Anonyme, Martes, Febrero 7, 2006 - 10:02

Les délégués élus par les comités de travailleurs formés sur les lieux de travail, investis et révocables sur-le-champ, constitueront un soviet local ; les soviets seront reliés au niveau régional, national et enfin international par divers organes centralisateurs parallèlement à la généralisation du soulèvement révolutionnaire. Là où le prolétariat l’aura emporté, les soviets auront pour tâches immédiates d’entreprendre l’abolition du travail salarié, de la production marchande, du marché, de l’argent et de la propriété privée ou étatique des moyens de production.

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Nous publions le texte ci-dessous de Bilan & Perspectives (France), une section du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire.

Sur la période de transition

« Entre la société capitaliste et la société communiste, il y a la période de transition révolutionnaire de l’une en l’autre. A quoi correspond également une période de transition politique où l’État n’est d’autre que la DICTATURE REVOLUTIONNAIRE DU PROLETARIAT » (Marx – Critique du Programme de Gotha)

Appliquant le matérialisme historique au mouvement prolétarien, Marx mit un terme à la conception des utopistes du début du Dix-neuvième Siècle (Saint-Simon…) pour qui le socialisme n’était qu’un simple désir et montra en quoi le socialisme était une nécessité absolue pour l’humanité. Vivant à une époque où la réalité sociale était dominée par le développement du capitalisme, et alors que le prolétariat devait encore s’affirmer en tant que classe historique, Marx et Engels se gardèrent de formuler des prédictions trop audacieuses. Il revenait au prolétariat lui-même de déterminer, à travers sa propre lutte, quelles étaient les formes de démocratie prolétarienne qui lui permettraient d’accomplir sa mission historique.

Toutefois, sur la question du caractère de la révolution et du type d’État qui lui correspond, Marx de 1844 jusqu’à sa mort conserve fondamentalement la même unité de vue. Pour lui, la révolution prolétarienne, comme toutes les révolutions, a un caractère politique, mais elle se distingue des autres, y compris la plus démocratique des révolutions bourgeoises par le fait qu’elle ne crée pas une sphère politique séparée des sujets sociaux actifs, car la nature de son programme est immédiatement sociale. Les révolutions bourgeoises qui se donnent seulement pour tâche l’émancipation politique ont comme référent une classe qui possède les moyens de production, qui a un pouvoir économique dans la société et qui est seulement exclue de la décision politique. La révolution prolétarienne, au contraire, a comme protagoniste une classe qui ne possède aucun moyen de production, aucun pouvoir économique et qui, même si elle possède des droits politiques, n’est pas émancipée. Une révolution politique qui remplacerait seulement un groupe dirigeant bourgeois par un autre – fut-il d’extraction prolétaire – qui prônerait la pleine égalité, ne changerait en rien le caractère bourgeois de la société sans l’abolition des rapports de production capitalistes.
Dans la Critique de la philosophie du droit de Hegel, Marx déclare : « Sur quoi se fonde une révolution partielle, une révolution seulement politique ? Sur le fait qu’une partie de la société civile s’émancipe et parvient à la domination générale, sur le fait qu’une classe déterminée entreprend l’émancipation générale de la société en partant de sa propre situation particulière. Cette classe libère la société entière mais seulement à condition que la société entière se trouve dans la situation de cette classe, donc possède, par exemple, argent et culture, ou puisse les acquérir à son gré. »
Marx précise, comme s’il voulait protéger sa pensée de toute interprétation anarchisante ou même social-démocrate – au sens actuel – : « La révolution, en général, le renversement du pouvoir existant et la dissolution des vieux rapports, est un acte politique. Sans révolution, on ne peut réaliser le socialisme. Il a besoin de cet acte politique dans la mesure ou la destruction, la dissolution de l’ancien pouvoir est une obligation. »
On voit déjà se dessiner le caractère nécessaire de la constitution politique de la classe ouvrière et de la nécessité de la révolution politique mais en même temps le caractère transitoire de ce passage et celui, éminemment social du programme communiste. Une réponse, par anticipation, soit à ceux qui surestimeraient les résultats politiques de la révolution au détriment des réalisations sociales, soit à ceux qui réfuteraient le passage politique dans le cadre de la révolution.
Cette position sera ultérieurement précisée dans Le Manifeste du parti communiste dans lequel Marx et Engels affirment que chaque lutte de classe est une lutte politique et que, par conséquent, la lutte des prolétaires, pour ne pas rester isolée et partielle doit tendre à se concrétiser à travers l’organisation en parti politique, les communistes en représentant l’expression la plus cohérente.
Les buts immédiats des communistes sont les suivants : « Constitution des prolétaires en classe, renversement de la domination bourgeoise, conquête du pouvoir politique par le prolétariat ». Ce pouvoir politique doit servir au prolétariat à arracher à la bourgeoisie l’ensemble des moyens de production et à les centraliser « dans les mains de l’État, c’est à dire du prolétariat, lui-même organisé en classe dominante. » Puis, interdisant toute interprétation en terme de démocratie politique du pouvoir prolétarien, Marx et Engels précisent que « cela ne pourra naturellement se faire au début que par une violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production… ». Mais ce caractère politique et despotique (qui n’est pas synonyme de totalitarisme) de l’État après la révolution est clairement transitoire : en effet, tout de suite après l’énumération des premières mesures du pouvoir prolétarien, il est dit : « Si au cours du développement les antagonismes de classe disparaissent et si toute la production se trouve concentrée dans les mains des individus associés, le pouvoir public perdra son caractère politique ». Ainsi Marx et Engels mettent en évidence le fait que l’État est une forme de domination d’une classe sur une autre, qu’il faudra un État pendant la phase inférieure du communisme mais que cet État sera aboli lorsqu’on atteindra la phase supérieure. Ce qui distingue l’État prolétarien de tous les autres, c’est qu’il n’est pas constitué dans le but de préserver les intérêts d’une minorité de possédants, mais qu’il doit se transformer progressivement (par la prolétarisation de ce qu’il est convenu d’appeler les classes antagoniques) en un simple superintendant de la production. En ce sens, Marx et Engels se faisaient une idée très concrète du dépérissement de la dictature du prolétariat, même s’ils n’en concevaient pas clairement « la forme ». De cela, il ne pouvait en être autrement du fait du manque d’expérience concrète de la classe.

La grande vision dialectique sur l’État de transition atteint sa pleine ampleur après l’expérience de la Commune de Paris, analysée dans La guerre civile en France, dont Lénine, aussi, tirera les enseignements dans L’État et la révolution. Ici, les caractéristiques de l’État ouvrier, déjà définies théoriquement, sont confirmées par l’expérience pratique et délimitées avec la plus grande clarté : Le prolétariat révolutionnaire crée un État de type différent, il ne peut utiliser à ses propres fins la machine de l’État bourgeois. Plus d’exercice permanent de la police, de l’administration, du clergé, de la magistrature dans le semi-État prolétarien. Les travailleurs armés prennent directement en main les pouvoirs législatifs et exécutifs, ils abolissent la séparation entre ces deux pouvoirs : les mesures prises vont immédiatement dans la direction de « L’émancipation économique du travail ». Marx soutient que « sans cette dernière condition, la constitution de la Commune de Paris aurait été une chose impossible et une duperie. La domination politique des producteurs ne peut coexister avec la perpétuation de leur asservissement social. La Commune devait donc servir de levier pour arracher les bases économiques sur lesquelles repose l’existence des classes. » Dans la préface de 1891 à ce texte de Marx, Engels écrit : « L’Etat n’est rien d’autre qu’une machine pour l’oppression d’une classe par une autre, et cela, tout autant dans la République démocratique que dans la monarchie ; le moins qu’on puisse en dire, c’est qu’il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune, il ne pourra s’empêcher de rogner aussitôt au maximum les cotés les plus nuisibles jusqu’à ce qu’une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l’État ».
La Commune de Paris, bien que localisée, légua beaucoup d’enseignements au prolétariat. Ainsi, Marx, lui-même, conclut que le Manifeste Communiste avait « vieilli sur certains points » (Préface à l’édition allemande de 1872). Il rectifia notamment ce passage du Manifeste dans lequel il avait laissé l’impression qu’un État ouvrier pouvait surgir du capitalisme par socialisation progressive des moyens de production ; ainsi, dans La guerre civile en France, il reconnut que :
« La classe ouvrière ne peut se contenter de s’emparer de la machine d’État telle quelle et de la faire fonctionner pour son propre compte ».
Il est alors reconnu clairement la nécessité de la destruction de l’appareil d’État bourgeois avant de remplacer celui-ci par une forme transitoire mise sur pied par la classe ouvrière.

La Dictature du prolétariat

La Commune de Paris ayant été élue sur la base de l’ancien système électoral bourgeois des circonscriptions géographiques (dans lesquelles les prolétaires prirent la place de la bourgeoisie qui avait fui), la notion de dictature du prolétariat resta quelque chose de vague jusqu’à ce qu’une nouvelle expérience prolétarienne réussisse à « trouver la forme » à travers laquelle le prolétariat exercerait son pouvoir. Cette forme fut, bien sûr, celle des Soviets ou Conseils ouvriers qui apparurent pour la première fois en 1905 et qui représentent l’instrument de la transformation radicale de la société. Les conseils ouvriers en armes sont la forme historiquement trouvée de la dictature du prolétariat. Les délégués élus par les comités de travailleurs formés sur les lieux de travail, investis et révocables sur-le-champ, constitueront un soviet local ; les soviets seront reliés au niveau régional, national et enfin international par divers organes centralisateurs parallèlement à la généralisation du soulèvement révolutionnaire. Là où le prolétariat l’aura emporté, les soviets auront pour tâches immédiates d’entreprendre l’abolition du travail salarié, de la production marchande, du marché, de l’argent et de la propriété privée ou étatique des moyens de production.

L’État prolétarien

L’existence de conseils ouvriers et la prise du pouvoir politique par le prolétariat, c’est-à-dire la destruction globale de l’appareil d’État bourgeois et son remplacement par les conseils ouvriers en armes, ne signifie nullement l’établissement automatique du communisme. Ce ne sont là que de simples mais nécessaires conditions préalables. La révolution devra faire face à l’existence d’éléments non prolétariens dans la société (anciens bourgeois, petits-bourgeois, paysannerie) et comme le prolétariat ne peut renforcer ses propres positions qu’en détruisant les bases d’une possible opposition de la part de ces couches, il doit s’assurer de leur intégration dans le prolétariat. Cette période au cours de laquelle la classe impose sa volonté aux autres couches sociales héritées du capitalisme est ce que Marx entendait par la dictature du prolétariat ; c’est-à-dire une période de domination de classe qui, comme à chaque époque de domination de classe, ne peut être maintenue qu’au moyen d’un appareil d’État.
Après avoir pris le pouvoir, le prolétariat devra s’organiser pour faire face à la contre-révolution ; plus particulièrement aux offensives militaires de la réaction, mais également au marché noir et au sabotage.
C’est une erreur anarchiste que d’insinuer que le communisme pourrait surgir automatiquement sans que l’État bourgeois soit détruit. Le prolétariat doit d’abord détruire l’appareil d’État bourgeois et instaurer sa propre force de domination de classe. Vu sous cet angle seulement, l’État prolétarien n’est pas différent de n’importe quel autre État dans l’Histoire. Mais à bien d’autres égards, la dictature du prolétariat présente des différences marquées par rapport aux autres formes d’État : quantitativement parlant, c’est le premier État de l’Histoire à exprimer les intérêts historiques d’une majorité sur une minorité ; qualitativement parlant, en tant que classe, le prolétariat n’a pas de forme particulière de propriété à défendre. C’est cette dernière différence qui explique pourquoi « l’État prolétarien n’est plus un État au sens propre du terme » ( Lénine – Le marxisme et l’État). L’État prolétarien subsiste pour réprimer les éléments qui souhaitent ressusciter les rapports de propriété bourgeois. A partir du moment où ces éléments sont vaincus et absorbés par le prolétariat, la dictature du prolétariat à cessé d’exister.
En tant que communistes, il est fondamental de reconnaître que l’État est un aspect essentiel et inévitable de la période de transition. Mais reconnaître cela ne suffit pas si l’on persiste malgré tout à prétendre que cet État ne sera pas dirigé exclusivement par la classe ouvrière. Contrairement à ceux qui prétendent que l’État de la période de transition sera un État inter-classiste et qu’il jouera un rôle de médiateur entre le prolétariat et les autres couches sociales héritées du capitalisme, nous rappellerons que la fonction historique de tout État a toujours été celle d’un instrument de domination de classe, règle à laquelle l’État prolétarien n’échappera pas.

Agissant dans son intérêt propre, l’État prolétarien servira aussi l’intérêt de l’humanité entière puisque la classe ne peut étendre son contrôle qu’en intégrant le reste de la société dans le prolétariat (car elle n’a pas à développer de rapports de propriété fondés sur l’exploitation), créant par-là même une société sans classe. Comme tout autre État, l’État prolétarien sert à perpétuer le pouvoir de la classe qu’il représente et tant qu’il renforce son pouvoir en intégrant les éléments non-prolétaires dans la production pour l’usage, il travaille à sa propre dissolution. Ainsi, dès que l’État devient le « véritable représentant de l’ensemble de la société », dès qu’il n’existe plus aucune classe sociale à maintenir en état de dépendance, l’État se rend lui-même superflu.

Le rôle du Parti

L’existence de Conseils ouvriers ne constitue pas par elle-même une garantie de communisme. Si le développement des soviets ne s’accompagne pas de la lutte armée contre l’État capitaliste et d’une vision claire de la marche à suivre pour parvenir au communisme, les conseils ne sortiront pas du cadre capitaliste (c’est l’expérience vécue par le prolétariat allemand lors de la vague révolutionnaire qui suivit la Première Guerre mondiale). Bien avant la révolution, il faut que le Parti communiste se constitue au niveau international et soit capable d’avancer un programme clair dans les soviets. Au sein des Conseils, les communistes doivent mener une propagande inlassable en faveur du programme communiste et lorsque les conseils commencent à adopter le programme du parti, c’est que la révolution va de l’avant. Plus concrètement, cette avancée de la révolution permet au parti de se renforcer du point de vue numérique et d’accroître son audience au sein de la classe.
Le parti joue un rôle déterminant dans l’issue de la révolution. C’est le parti communiste, avant-garde de la classe, qui organise et dirige le soulèvement révolutionnaire et toutes les actions importantes du prolétariat au cours de la période de transition et le parti n’abandonnera pas ce rôle tant qu’il faudra un programme politique, c’est-à-dire, tant que le « politique » n’aura pas cédé la place à « l’administratif ».
Bien que les travailleurs seront de plus en plus nombreux à rejoindre le parti au moment de la révolution, celui-ci doit rester une organisation distincte, reconnaissable à son programme, et cela plus spécialement en période de recul de la classe, lorsque la révolution est menacée. Au fur et à mesure que la révolution progresse sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur, le rôle des communistes est d’avertir la classe des dangers qui la guettent.

A partir du moment où les problèmes de « l’économie » communiste ne sont plus que d’ordre purement technique, c’est-à-dire à l’approche du passage qualitatif à la phase supérieure du communisme, le parti politique n’ayant plus aucun rôle à jouer, est nécessairement amené à dépérir en même temps que l’État.

Groupe Internationaliste Ouvrier, section canadienne du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire

Courriel: can...@ibrg.org

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