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<B> LE MOUVEMENT COMMUNAUTAIRE À LA CROISÉE DES CHEMINS. II <B>

karl9000, Sábado, Enero 21, 2006 - 01:20

karl9000

APRÈS UN SURVOL HISTORIQUE DES ANNÉES 60 AU DÉCLENCHEMENT DE LA CRISE DES ANNÉES 70, LE COMMUNAUTAIRE DANS SON ACTUEL...

Nouveau contexte, nouveaux enjeux

Durant la période de la fin des années 70 à la décennie suivante, le mouvement populaire et communautaire va continuer à se développer et à s`enraciner avec le développement de plusieurs regroupements locaux et nationaux, l`expansion du secteur des coopératives d`habitation, une toute nouvelle attention portée envers la solidarité internationale et enfin une plus grande professionnalisation des interventions faites par les groupes. La crise ayant démultiplié les problèmes sociaux et l`État, dans le cadre des politiques néo-libérales, se « désengageant » de plus en plus, la tâche ne manquait pas pour les groupes populaires. La question qui surgit avec force, et qui deviendra de plus en plus lancinante, c`est le manque de ressources et de reconnaissance des organismes pour affronter ce nouveau contexte. Ainsi, pour les dernières années de la décennie 80 et tout au long de la suivante, les deux fronts de lutte principaux pour le mouvement communautaire seront, d`un côté, l`obtention d`une reconnaissance, tenant compte de leur autonomie et spécificité, par l`État québécois ainsi qu`un financement adéquat et récurrent, de l`autre côté une implication de plus en plus grande dans la sphère économique.

Vers la reconnaissance ?

Sur le point de la reconnaissance, la promulgation de la 120 instaurant la régionalisation des services sociaux et de santé au Québec, en 1990, marquera une étape importante. En proposant d`intégrer les organismes communautaires dans le réseau des affaires sociales (en leur accordant, entre autre chose, 20% des sièges au sein des instances régionales – Régie et assemblée – nouvellement créées) en retour d`un soutien financier, l`État reconnaissait « l`utilité » du mouvement mais cette reconnaissance était à haut risque. Pour Michel Parazelli, en intégrant les groupes dans le réseau public, l`État obligeait « en quelque sorte les organismes communautaires à devenir les partenaires du système sous la menace du financement. Ces « nouveaux partenaires » constitueront un bassin important de ressources supplémentaires à utiliser pour désengorger le trop plein de clientèles dans le réseau. De plus, la STANDARDISATION (je souligne C.B) des stratégies d`intervention et des modes d`évaluation (…) s`effectuera aussi sur les actions des organismes communautaires étant donné leur position minoritaire au sein des espaces de pouvoirs » (11).
Les groupes ne sont pas tombés dans ce piège d`intégration totale forcée mais ils ont quand même été amener à nouer des relations de plus en plus étroites avec le réseau public. Par ailleurs, la question d`un financement adéquat et stable n`était toujours pas réglée. Durant les années 90 (voir notre encadré Des origines d`une politique de reconnaissance), de longues négociations entre les diverses composantes du communautaire et avec l`État ont permis, en 2001, d`aboutir à une loi qui reconnaissait la spécificité des organismes communautaires autonomes et leur apport dans le développement social et économique du Québec. Malgré cette avancée législative, concrètement, la situation des groupes, sur le plan financier, reste toujours aussi précaire. Selon le Comité aviseur, la moitié des 4000 organismes qu`il représente recevaient, pour la période 2002-2003, moins de 50 000 $ par année (montant de base pour assurer le bon fonctionnement d`un groupe) en financement gouvernemental. Au total, pour la même période, l`aide gouvernementale à l`action communautaire autonome s`élevait à 394 millions de dollars, une goutte d`eau si on compare ce chiffre au budget total de l`État québécois pour 2004-2005 (47,2 milliards $) ou à celui de la santé et des affaires sociales : 20,1 milliards $. Ce dernier ministère, avec le SACA, représente d`ailleurs la source la plus importante de financement car c`est environ 3 000 groupes qui sont rattachés à ces deux instances.
Dans ce lot de subventions, une bonne partie des sommes est allouée non pas pour la mission de base des organismes mais plutôt dans le cadre de projets ponctuels provenant des ministères et des organismes publics. Ces projets, pour leur réalisation, doivent répondre aux normes et balises édictées par les instances publiques et non aux propres règles formulées par les groupes. Il y a là, comme le soulignait Simon Dumais, « une sérieuse atteinte à l`autonomie des groupes ». Par ailleurs, il faut noter
qu`à partir de la fin des années 80, pour obtenir désespérément un certain financement, une bonne partie des groupes se sont tournés vers les programmes d`employabilité, mesures mises en place par le gouvernement québécois pour, c`est le discours officiel, permettre la réinsertion au travail des assistés sociaux et des chômeurs. L`efficacité des ces mesures n`a jamais été pleinement démontrées, certains et certaines y voyant plutôt un moyen de créer du cheap labour et d`ouvrir la voie au workfare (12). L`utilisation de ces programmes ne s`est d`ailleurs pas faite sans sérieux débats et tensions dans bon nombre de groupes mais, bon gré mal gré, la plupart s`y sont ralliés.
Si les organismes ont utilisés ces mesures qui les amenaient à employer des chômeurs ou assistés sociaux dans des conditions plus ou moins intéressantes, il ne faut pas se faire d`illusions sur les conditions de travail, en général, des employés à statut un peu plus permanent. Selon le Conseil aviseur à l`action communautaire autonome, pour les groupes travaillant dans le secteur de la santé et des services sociaux (secteur fortement majoritaire) plus de 73% des employéEs reçoivent un salaire annuel de moins de 25 000 $. Par ailleurs, la multiplicité des tâches que ce soit au niveau de la représentation politique de l`organisme, de la coordination, du service à assurer, les réunions sur les différentes tables de concertation ou les autres instances de partenariat, représente un lourd fardeau pour la permanence des groupes. Cependant, par-delà cette multiplicité d`activités fort accaparantes, une tâche reste primordiale pour les employéEs des groupes communautaires : la recherche de financement. Les subventions gouvernementales restant insuffisantes, il faut donc se tourner vers d`autres sources. Cette recherche vers d`autres bailleurs de fonds est d`ailleurs encouragée par l`État puisqu`on lit dans l`énoncé de la politique de reconnaissance du communautaire que : « Le gouvernement québécois s`attend (…) à ce que les organismes continuent de rechercher, selon leurs capacités et dans la mesure du possible, un appui financier en dehors des fonds publics » (13). Un certain nombre de bailleurs privés et religieux fournissent des subventions aux groupes : Fondation Béati, Centraide ou la Conférence religieuse canadienne. Les subventions allouées par ces institutions ne sont pas, pour la grande majorité, récurrente. La quête pour assurer la survie financière des groupes reprend donc année après année (dixit le CACV avec un petit grateux ou un billet de loto...).

Un dispositif en réseaux

Les contraintes posées par la recherche de financement mettent le mouvement communautaire face à deux problèmes de taille : outre la perte d`autonomie, le mouvement se fragmente, chaque groupes « tirant la couverture » afin de décrocher le plus de subventions (14). En outre, les groupes ainsi divisés par la recherche de fonds et de plus en plus assignés à gérer des problématiques particulières (tel que prescrit par la gestion technocratique), en arrivent à perdre de vue le cadre global (les rapports socio-politiques) où s`inscrivent les politiques adoptées par l`État, quitte à contester tel ou telle mesure en autant que celle-ci touchent les seuls intérêts de l`organisme. Il y a cependant une nuance à faire entre les regroupements nationaux où perdurent un discours plus « radical » et les groupes de base : « Ceux-ci veulent du financement pour fonctionner et pour travailler avec le monde. C`est d`ailleurs là que l`interface entre État et population est le plus fort car les groupes reprennent fortement le langage technocratique des services sociaux : clientèle à desservir, population à risque, etc ».
Ces constats sont cependant occultés par le fait que les groupes communautaires sont sans cesse invités, on oserait dire sommés, de participer à d`innombrables instances ( au niveau local, régional ou national) de partenariat et de concertation. Il s`est ainsi tissé un enchevêtrement de réseaux entre les groupes, tables de concertation, regroupements, Régies régionales, CLSC ou arrondissements municipaux dont la complexité à de quoi déconcerter le commun du mortel.Il apparaît alors exagéré de parler de « mouvement » en ce qui a trait aux groupes communautaires : « C`est plutôt un réseau intégré aux multiples réseaux d`État, un appareil péri-étatique qui dispose d`une autonomie formelle et qui reçoit un certain financement mais dont les orientations s`enlignent, grosso modo, sur celles de l`État. Bien sûr, il y a des divergences comme dans le cas de certains groupes de défense de droits (dans les secteurs du logement ou de l`aide sociale) mais, en bout de ligne, même cette défense de droit ne dépasse pas un certain cadre prescrit par l`État ».
Malgré tout, au premier abord, il peut sembler que le point de vue communautaire est reconnu dans cet ensemble de réseaux puisqu`on lui laisse une place. Mais cette place est bien peu de chose en rapport avec le poids politique des autres acteurs impliqués dont le secteur des entreprises privées : « Tout ce qui est concertation ou partenariat avec les secteurs privé et public est, pour moi, un chemin miné pour le communautaire. Il est reconnu comme interlocuteur pour mieux le récupérer ».
Cette « mise en minorité» du communautaire dans le cadre des vastes réseaux qui quadrillent la société civile, apparaît clairement dans l`implication de celui-ci dans le secteur économique.

L`exacerbation des problèmes économiques dans certaines régions ou quartiers urbains du Québec, en lien avec une grave crise du travail (montée du chômage et des formes de travail atypiques) a amener plusieurs organismes a tenter de s`insérer dans la sphère économique. Passant du développement communautaire à l`économie sociale, on assistera ainsi, à partir du milieu des années 80, à la création de Corporations de Développement Communautaire (CDC) et, à Montréal, aux Corporations de Développement Économique Communautaire (CDEC). À la suite des grands sommets socio-économiques et de la Marche des femmes contre la pauvreté, milieu des années 90, on verra la mise sur pied d`un chantier d`économie sociale. Tenter de cerner la nature et les impacts de ces expériences mériteraient en soi une étude complète. Disons brièvement que ces multiples organismes ainsi créés, en réseau avec les instances publiques, tentent officiellement de lutter contre la pauvreté en développant des initiatives de réinsertion au travail et de développement de l`employabilité via la création d`entreprises (comme des coopératives) dont les caractéristiques ne relèveraient plus uniquement de l`économique mais aussi de critères sociaux. L`objectif ultime serait d`introduire dans la sphère économique les idéaux démocratiques dont le communautaire serait porteur. Tracer un bilan global pour savoir si ces objectifs ont été atteints est sans doute prématuré, vu la jeunesse de l`expérience. Il n`en reste pas moins que le secteur de l`économie sociale est très fragile considérant sa forte dépendance envers les subventions gouvernementales. L`arrivée au pouvoir des libéraux de Jean Charest a d`ailleurs soulevé des inquiétudes sur la survie de bien des entreprises ainsi constituées (voir le dossier produit par Recto/Verso, « L`économie sociale dans le rouge », No.304, septembre-octobre 2003). Par delà ces considérations strictement financières, il faut noter, comme l`écrivait Henri Lamoureux (15), que l`atteinte d`une économie qui soit réellement « sociale » et alternative au capitalisme sauvage que nous connaissons se mesure par les pratiques mêmes des nouvelles entreprises : « La forme légale de l`entreprise ne garantit en rien la qualité de son caractère social et sa cohérence éthique ». En bout de ligne, l`auteur concluait, et nous faisons nôtre ses propos : « L`économie sociale ne peut faire l`économie d`un projet politique résolument novateur ».
Une intégration à risques…
L`absence d`une vision politique alternative en lien avec un arrimage de plus en plus poussé avec l`État, explique le cul de sac dans lequel, pour un certain nombre d`auteurs et d`intervenants, le mouvement communautaire est pris. Comme le déclarait Simon Dumais, l`existence d`une multiplicité de groupes n`est pas nécessairement le signe d`une vitalité novatrice et autonome. Le mouvement communautaire est donc, comme l`ensemble des forces sociales qui tentent d`humaniser un peu plus ce monde, à la croisée des chemins : ou céder aux sirènes d`une intégration/reconnaissance qui le réduit à ne plus qu`être un rouage d`un méga-réseau de contrôle social ou reprendre, en puisant dans ses expériences et son histoire, le chemin de la rupture. Il existe un potentiel créateur non seulement au sein des groupes mais aussi à sa marge. Les importantes mobilisations contre le Sommet des Amériques, en avril 2001, et celles contre la guerre en Iraq, hiver 2003, ainsi que la grève étudiante de 2005 prouvent qu`une grande masse de citoyens et citoyennes sont prêts et prêtes à prendre la rue pour défendre des idéaux qui vont à l`encontre des intérêts dominants. La question est de savoir si le mouvement communautaire pourra lui aussi reprendre le chemin de la rue.

Notes

(11) Pour ajouter de la misère à la vie, mémoire sur l`avant-projet de loi 120, Regroupement des organismes communautaires jeunesse du Montréal métropolitain, janvier 1990, pages 19-20.
(12) L`action communautaire : une contribution essentielle à l`exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec, Ministère de l`emploi et de la solidarité sociale, Québec, 2001, page 27.
(13) Louise Boivin et Nathalie Robitaille, « Le retour des dames patronnesses », Voir, janvier 1995 et le documentaire vidéo En dehors du monde réalisé par Ève Lamont avec la collaboration de Louise Boivin.
(14) Henri Lamoureux, dans son ouvrage Les dérives de la démocratie (déjà cité), parle d`un nouveau corporatisme social.
(15) Henri Lamoureux, « De l`économie sociale à l`économisme social », Le Devoir, 23 mai 1996.

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