Détenu dans le "couloir de la mort" depuis maintenant plus de 23 ans pour le meurtre d'un policier qu'il n'a pas commis, le prisonnier politique révolutionnaire Mumia Abu-Jamal pourrait enfin obtenir un nouveau procès - cela, dès les tout prochains mois. Telle pourrait être, en effet, l'une des conséquences de la récente décision de la Cour d'appel fédérale du 3e circuit à Philadelphie, qui a accepté d'entendre les requêtes déposées par les procureurs de Mumia portant sur les droits bafoués de l'accusé, le choix des juréEs et la légalité des procédures qui ont marqué le processus ayant conduit à sa condamnation en 1982.

Comme le souligne le Collectif unitaire national de soutien à Mumia Abu-Jamal de Paris, cette décision du tribunal ne préjuge évidemment pas de sa position finale; néanmoins, elle représente une évolution positive qui pourrait éventuellement ouvrir la porte à la tenue d'un nouveau procès.

En décembre 2001, le juge fédéral William Yohn avait commué la sentence de mort rendue en première instance par le célèbre juge Albert Sabo - un membre de la Fraternal Order of Police, notoirement raciste (en marge du procès, une sténographe l'avait entendu affirmer, en référence à l'affaire: "I'm going to help them fry the nigger!"). Le juge Yohn avait alors reconnu que des irrégularités avaient été commises lors des représentations sur sentence; il avait toutefois refusé de casser le verdict de culpabilité rendu par le jury. Cette décision fut portée en appel par le procureur de l'État de Pennsylvanie, qui souhaite toujours que la sentence de mort soit rétablie.

En rendant sa décision, le juge Yohn n'avait reconnu qu'un seul motif possible d'appel pour Mumia, savoir la révocation systématique des candidatEs noirEs lors de la constitution du jury. En vertu des règles judiciaires désormais en vigueur aux États-Unis, les tribunaux d'appel ne peuvent plus recevoir d'arguments sur des questions n'ayant pas été autorisées ou "certifiées" par le tribunal qui a rendu la décision contestée.

L'arrêté publié le 7 décembre dernier par la Cour d'appel fédérale du 3e circuit vient élargir considérablement les motifs que les procureurs de Mumia pourront invoquer pour tenter d'obtenir l'annulation de sa condamnation. Selon Me Robert Bryan, il s'agit là de la plus importante décision judiciaire obtenue depuis le jugement de 2001, qui avait suspendu la sentence de mort. Ce que la Cour a accepté d'examiner est en effet fondamental, dans la mesure où la défense pourra mettre en cause le fait que Mumia n'a pas bénéficié d'un procès juste et que ses droits constitutionnels ont été bafoués.

En même temps, il faut comprendre que l'appel logé par le procureur de l'État de Pennsylvanie reste toujours pendant, de sorte que le tribunal pourrait tout aussi bien acquitter Mumia, ordonner la tenue d'un nouveau procès mais aussi, rétablir la peine de mort. En rendant sa décision le 7 décembre, la Cour d'appel a choisi en outre de procéder très rapidement, fixant au 17 janvier la date à laquelle la défense devra soumettre son mémoire. C'est dire que les prochaines semaines et les prochains mois seront déterminants pour le prisonnier politique le plus célèbre des États-Unis.

Il y a quelques années, de nombreux groupes et individuEs s'étaient mobiliséEs à travers le Canada pour défendre Mumia Abu-Jamal et exiger sa libération. Il serait plus que pertinent, compte tenu des enjeux actuels, que ces réseaux soient réactivés et que la voix du peuple canadien soit à nouveau entendue, pour défendre celui qui s'est fait connaître comme "la voix des sans-voix".

Qui est Mumia Abu-Jamal?

Mumia Abu-Jamal (Wesley Cook) est né le 24 avril 1954. Dès l'âge de 14 ans, il est arrêté et battu pour avoir protesté contre un meeting du candidat ultra-raciste George Wallace à Philadelphie. Peu de temps après, il est fiché par le FBI après avoir voulu rebaptiser son école du nom de Malcolm X.

En 1969, il est chargé de l'information à la section de Philadelphie du Black Panther Party. Même s'il n'a que 15 ans, le FBI le considère déjà comme une personne "à surveiller et interner en cas d'alerte nationale".

Devenu journaliste radio apprécié, lauréat de plusieurs prix, Mumia critique la corruption de la police et des dirigeants politiques locaux. En 1978, il dénonce la violente répression qui frappe la communauté MOVE et couvre le procès de son fondateur, John Africa. Le soutien qu'il apporte à MOVE exaspère les autorités et lui vaut le renvoi d'une des stations de radio où il travaille. Pour faire vivre sa famille, Mumia est contraint de travailler de nuit comme chauffeur de taxi.

Aux premières heures du 9 décembre 1981, Mumia Abu-Jamal est grièvement blessé lors d'une fusillade qui éclate tout juste après qu'il eut déposé un client. Arrêté, il est accusé du meurtre d'un policier, Daniel Faulkner, tué dans cette fusillade. Malgré ses dénégations et l'absence d'antécédents judiciaires, une enquête inéquitable (expertises balistiques inexistantes, balles non identifiables, absence de relevés d'empreintes, zone du crime non sécurisée, tests non effectués, etc.) conclut à la culpabilité de Mumia. Témoins menacés, subornés, écartés, rapports de police contradictoires et violations de ses droits constitutionnels mèneront, en juillet 1982, à la condamnation à mort de cet opposant politique qui s'avérait de plus en plus gênant.

En juin 1999, un ancien tueur à gages, Arnold Beverly, avoue avoir tué l'officier Faulkner. Ses aveux n'ont jamais été entendus par la justice, sous prétexte qu'ils étaient hors délais.

Depuis 1982, Mumia est détenu dans le couloir de la mort, enfermé 23 heures sur 24 dans une cellule grande comme une salle de bain. Il n'a pourtant jamais cessé de faire entendre sa voix, en défense des oppriméEs des États-Unis et d'ailleurs. C'est ainsi qu'il a soutenu le Comité international d'urgence mis sur pied pour défendre la vie du président Gonzalo du Parti communiste du Pérou, après l'arrestation de ce dernier en 1992.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 77, le 1er janvier 2006.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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