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Témoignage d’un ex-syndicaliste en colère 1ère partie

Anonyme, Jueves, Diciembre 15, 2005 - 14:33

Il faut dire que depuis sa première parution en octobre 2004, les syndicats ont confirmé ce que j’ai écrit. Que ce soit la grève à la SAQ ou les grèvettes d’une journée dans le secteur public, c’est le cloisonnement des luttes et le corporatisme qui dominent. Même le maraudage si cher aux grandes centrales syndicales a atteint leurs petits frères syndicalistes étudiants. En décembre 2005, c'est la division qui règne dans le mouvement syndical.

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Nous publions en cinq parties la brochure Du syndicalisme critique
à la critique du syndicalisme. En voici la première partie.

Témoignage d’un ex-syndicaliste en colère

Du syndicalisme critique à la critique du syndicalisme

En guise d’introduction

La section montréalaise du Groupe Internationaliste Ouvrier est heureuse de publier le témoignage éloquent de notre camarade Réal Jodoin sur le bilan qu’il tire de ses 30 années et plus d’engagement syndical. Le camarade Jodoin, un nouveau sympathisant de notre courant, est de la génération de ces milliers de jeunes qui, à la fin des années 60, se sont engagés dans les luttes de leur époque en vue de renverser un système déjà marqué par de nombreuses guerres et en voie de sombrer dans une crise économique dont on ne voit toujours pas la fin. L’engagement révolutionnaire de notre camarade s’est aussi rapidement presque naturellement complété par un engagement similaire sur le terrain syndical. Malgré quelques hésitations théoriques initiales, les principales organisations gauchistes de l’époque, même si elles ne reculaient pas à porter des critiques souvent plus radicales que leurs petites sœurs d’aujourd’hui, adoptèrent rapidement et unanimement la position classique selon laquelle le syndicalisme, malgré ses «déviations» affairistes et ses fréquentes trahisons, pouvait encore être un levier d’émancipation ouvrière, pourvu qu’on puisse y élire de nouvelles directions plus intègres et plus combatives.

On connaît malheureusement la suite. Malgré l’engagement de milliers de militants et de militantes à tous les échelons des divers appareils, malgré l’élection de tout un aréopage de personnalités radicales à des postes de direction, on est tout de même passé d’un syndicalisme prétendument de «combat» qui tenait plus du mythe que de la réalité, à un syndicalisme de partenariat; de collaboration de classe sans vergogne avec nos exploiteurs. Les fronts communs légendaires d’antan racontés dans les manuels d’histoire sont devenus les fonds communs d’investissement dans les portefeuilles des parvenus d’aujourd’hui. Au-delà du discours virulent, de la lèvre frémissante et de la posture esbroufeuse, lorsque la conjoncture le commande et qu’il faille rassurer «la base cotisante», la pratique du syndicalisme n’est rien d’autre que la trahison permanente de nos intérêts par la concertation au quotidien comme à long terme avec la classe ennemie. L’ignoble Sommet économique de 1996, la trahison ouverte des grévistes de Vidéotron, la démobilisation organisée et planifiée de la riposte, aux mesures Charest et l’opération de division en cours dans le cadre des campagnes massives de maraudage n’en sont que des exemples récents parmi tant d’autres.

Mais tandis que des milliers de prolétaires continuent encore aujourd’hui d’être trompé par les sirènes du syndicalisme, des milliers d’autres les abandonnent, du moins au niveau de la participation active et de petites minorités s’engagent dans la voie de sa critique radicale. Ainsi, dès 1947, les ancêtres de notre courant en Italie en arrivèrent à la conclusion suivante : «Dans la présente période de décadence de la société capitaliste, le syndicat est appelé à être un outil essentiel dans la politique de préservation du capitalisme et assume donc les fonctions précises d’un organe d’État.» (Conférence sur les syndicats, Partito Comunista Internazionalista) Pourquoi une telle conclusion? Parce que malgré leurs origines ouvrières et les combats souvent héroïques liés à leur création, les syndicats d’aujourd’hui, en dépit de leur usage occasionnel de la grève, visent essentiellement à contrôler les luttes ouvrières. Le syndicalisme ne constitue plus le terrain défensif de notre classe. Il représente maintenant le terrain de la bourgeoisie pour saboter la combativité et la lutte des classes. Avec le temps, les syndicats ont raffiné l’art de promouvoir en apparence nos intérêts tout en sabotant dans les faits toute possibilité de véritables succès. Même si la participation avouée aux structures étatiques et de collaboration de classe et la trahison des luttes sont les aspects les plus flagrants des politiques anti-ouvrières des syndicats, la vraie trahison commence à l’intérieur du lieu de travail même, par l’établissement de toute la codification et la reconnaissance des droits de gérance et la pratique de la médiation permanente plutôt que la lutte des classes.

«En éparpillant les grèves, secteur par secteur ou industrie par industrie, en désamorçant et en embrouillant la lutte par des «grèvettes» d’une heure ou des «journées d’action», en se servant du scrutin pour calmer les ardeurs, en préservant leurs fonds plutôt que d’agir en dehors de la légalité pour la défense des membres, en évitant les assemblées de masse, en isolant les luttes et en condamnant les grèves de solidarité, les appareils syndicaux tentent de s’assurer que la classe ouvrière ne puisse opposer une véritable résistance aux offensives patronales.» (1)

C’est tout cela qui mène des militants intègres et qui n’ont pas abandonné leur volonté de changer le monde à la critique des syndicats. Cependant, généralement cette critique aboutit à l’isolement et à la démobilisation. Comment donc s’organiser en dehors et contre ces immenses et puissantes structures de dévoiement? La réponse est simple mais exigeante. Il s’agit d’abord essentiellement de reprendre le contact direct entre travailleurs et travailleuses sur les lieux de travail et ailleurs, hors des labels d’organisation, à l’encontre des cloisonnements sectoriels et des codifications juridiques. Les prolétaires peuvent et doivent se réunir sans l’autorisation des professionnels de la démobilisation que sont les permanents syndicaux et à l’extérieur des cadres juridiques qui les étouffent. Que ce soit sous la forme de comités d’abord restreints, puis mieux encore, en assemblées vraiment générales et vraiment souveraines pour en arriver un jour à la coordination effective des luttes des divers lieux de travail et des métiers, les travailleurs et les travailleuses peuvent se donner des outils et des lieux d’exercice d’une solidarité efficace et combative.

C’est le besoin de faire le bilan, de réfléchir, de partager ses réflexions pour mieux lutter qui est à la base de cet exercice. Des témoignages de militants et de militantes intègres qui font honnêtement le bilan de leurs victoires et de leurs échecs sont malheureusement trop rares. C’est pourquoi, malgré quelques légères réserves sur certaines formulations, nous sommes fiers de contribuer à faire connaître le bilan et les perspectives que le camarade Jodoin met de l’avant. Après plus de 30 années d’engagement sans faille et de déceptions cruelles, on peut sentir à la lecture de son texte que le camarade conserve une volonté de lutte intacte, porte une critique hautement documentée et est animé d’un espoir renouvelé porté par des acquis théoriques nouveaux, basés solidement sur son vécu et ses expériences multiples et éclairés par les bilans et les positions de notre courant. C’est là un outil précieux, un effort fort respectable auquel nous devions nous associer. Nous convions le lectorat à nous faire part de sa propre expérience, de ses impressions comme de ses critiques pour faire en sorte que la parole portée par notre camarade aujourd’hui, puisse se développer dans un échange véritable sur cette question cruciale pour notre classe. En passant du syndicalisme critique à la critique des syndicats et en portant cette critique sur la place publique, le camarade Jodoin apporte sa contribution à la construction de l’organisation et à l’élaboration du programme révolutionnaire qui nous font si cruellement défaut. Nous l’en remercions chaleureusement. Bonne lecture!

Le Groupe Internationaliste Ouvrier,
Section nord-américaine du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire,
Montréal, octobre 2004.

(1) Socialism or Barbarism, Communist Workers’ Organisation, 1994 (notre traduction).

Préface à la deuxième édition

La première édition de cette brochure, tirée à 200 exemplaires, a été épuisée en l’espace de quelques semaines à peine. Dans leur très grande majorité, les commentaires reçus ont été très positifs. J’aimerais néanmoins répondre à quelques critiques. Un commentaire fréquent souligne que la situation est pire dans d’autres syndicats. C’est vrai, mais cela ne change rien au fait que l’Alliance est considérée avec raison par la majorité de ses membres, comme un « service public » plus ou moins utile, qui coûte cher et qui démobilise ses membres.

Une membre du conseil d’administration de l’Alliance a faussement affirmé que la brochure vise la construction de syndicats communistes. Je n’ai jamais dit ou pensé cela et la raison en est bien simple. Un syndicat (anarcho-syndicaliste, communiste ou radical) quel qu’il soit est toujours amené à réduire les luttes à la signature de conventions collectives ou d’autres formes d’entente avec la partie patronale. Les syndicats n’ont jamais prôné la révolution socialiste. Ils ne visent qu’à marchander, à l’intérieur d’un espace toujours plus réduit par la crise capitalisme, les conditions de vie et de travail constamment détériorées.

D’autres ont avancé que : « Les syndicats ont quand même permis de gagner des augmentations de salaires et la permanence pour des salariés. » Ce commentaire est à relativiser. Premièrement les « gains » économiques sont le plus souvent inférieurs aux taux d’inflation et n’assurent plus le maintien du niveau de vie des salariés. Deuxièmement, il arrive que les patrons et l’État fassent des concessions pour détourner les luttes de revendications plus importantes ou pour assurer une stabilité de leur personnel. La lutte du Front Commun de 71-72, un moment libéré du contrôle des syndicats, a épouvanté l’État et celui-ci a dû faire des concessions.

Certains, il fallait bien le prévoir, nous ont dit que ce que nous avancions était « utopique ». D’autres encore ont soutenu que : « le point de vue et le langage utilisé dans la brochure sont dépassés. » Nous croyons que l'utopie n'est pas de rêver d'un monde juste, sans État, sans classe, sans argent, sans exploitation, sans frontières nationales ni armées professionnelles; un monde où nous pourrions vivre en harmonie entre nous et avec la nature. Ce qui est utopique c’est de prétendre comme le font les syndicats que le capitalisme humanisé ou non peut continuer de faire ce qu’il fait actuellement pour longtemps sans aboutir à la barbarie. (destruction de l’environnement, course aveugle aux profits, chômage, guerres, famines et épidémies). Les syndicalistes, les journalistes des grands médias, les politiciens anciens et nouveaux comme ceux et celles de l’UFP, d’Option Matante et du SPQ-libre préfèrent cacher cette réalité. Ils préconisent plutôt des actions citoyennes dans le cadre de la société civile en lien avec le crétinisme parlementaire. Ils nous méprisent, ils ont peur que la classe ouvrière, de classe en soi devienne une classe pour soi, contre eux.

Le syndicalisme constituera toujours un des meilleurs moyens qu’a trouvés la bourgeoisie pour maintenir les luttes des travailleuses et des travailleurs à des niveaux strictement économiques et « défensifs ». Quand il y a de grandes mobilisations ou des révoltes, les syndicats sont là pour canaliser notre colère vers des partis nouveaux ou anciens qui veulent maintenir le système d’esclavage salarié comme s’il n’y avait pas d’alternative. Encore récemment l’importante mobilisation contre les politiques de démolition sociale du gouvernement Charest a été détournée par la mafia syndicale avec le slogan « On n’a jamais voté pour ça », en vue des prochaines élections. Les complices des syndicats tels les rackets de « gauche » que sont le SPQ-Libre, l’UFP ou Option Matante sont partisans d’un capitalisme « progressiste », d’une exploitation humanisée. Ils attendent impatiemment leur place à la tête de l’État, où ils ne pourront faire mieux que les gouvernements précédents. La travailleuse et le travailleur n’ont rien à dire à la citoyenne bourgeoise et au citoyen bourgeois. Ils n’ont que faire des délibérations de l'Assemblée nationale qui ne sont que mensonges et tromperies Le pouvoir tout entier aux mains des travailleuses et des travailleurs est la seule véritable garantie de l’égalité des droits, de la justice!

Que faire une fois qu’on a compris cela?

Il faut mener nos luttes en dehors des cadres et contre les bureaucraties syndicales, avec des comités de lutte ou de mobilisation formés de délégués élus par nos assemblées générales et révocables en tout temps. Nous pouvons faire mieux que l’action syndicale et l’activité basées sur la collaboration de classe avec nos exploiteurs. Il faut en finir une fois pour toutes avec ce système barbare et pour ce faire, oeuvrer à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire international.

En plus de la présente préface, cette deuxième édition de la brochure a été revue et corrigée, mais ne comporte que quelques ajouts, dont notamment la question du parti.

R. J.
Montréal, janvier 2005.

Préface à la troisième édition

Une troisième édition s’avère nécessaire parce que cette brochure répond vraiment à un besoin chez les critiques du syndicalisme. Il faut dire que depuis sa première parution en octobre 2004, les syndicats ont confirmé ce que j’ai écrit. Que ce soit la grève à la SAQ ou les grèvettes d’une journée dans le secteur public, c’est le cloisonnement des luttes et le corporatisme qui dominent. Même le maraudage si cher aux grandes centrales syndicales a atteint leurs petits frères syndicalistes étudiants. Nous sommes au début de septembre 2005 et il n’y a que la division qui règne dans le mouvement syndical.
R. J.
Montréal, 11 septembre 2005.

Témoignage d’un ex-syndicaliste en colère

Cette brochure a pour but de faire le bilan de mes trente dernières années en tant que militant syndical (1) . Mes plus lointains souvenirs me rappellent que, quelque furent le moment et l’endroit où je fus syndiqué, j’apprenais par ma première paie que j’étais membre d’un syndicat puisqu’une cotisation y était visiblement prélevée par mon patron. Je suis porté aussi à croire que c’est probablement de cette façon que la plupart des travailleuses et travailleurs apprennent qu’elles et ils sont syndiqués et que le patron et le syndicat collaborent pour nous enlever du fric dès le départ, et ce, sans nous consulter.

(1) J’ai été membre d’une organisation gauchiste appelée En Lutte! de 1973 à 1981. À ses débuts, En Lutte!- ainsi que l’Atelier Ouvrier- considérait les syndicats comme une partie de l’ensemble des dispositifs bourgeois servant à faire avorter la lutte de classes. Par la suite, la position d’En Lutte! s’orienta plutôt vers l’opportunisme : c’était les dirigeants syndicaux qui devenaient la cause de l’intégration des syndicats à l’État. Donc, en limogeant ces traîtres syndicalistes, les syndicats reprendraient leur légitimité en tant qu’instruments de défense des travailleuses et des travailleurs. Cependant, mon expérience personnelle m’a prouvé que la position d’En Lutte! à ses débuts était la bonne.

Cette brochure est une publication du Groupe Internationaliste Ouvrier, section canadienne du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire.
Septembre 2005, troisième édition.

Pour recevoir la brochure (3 $ frais de poste inclus), écrire à :
R.S., C.P. 173 Succ. "C", Montréal, Québec , H2L 4K1

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