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Abbas et le canard boiteux

léniniste-trotskyste, Viernes, Noviembre 4, 2005 - 19:50

Abbas et le canard boiteux
publié le vendredi 4 novembre 2005

Uri Avnery

Alors que le monde entier couvrait de louanges le « désengagement » et Sharon, l’homme de Paix, celui-ci a lancé une offensive générale pour l’annexion de presque toute la Cisjordanie.
(Lame duck : en am. homme politique non réélu, qui assure l’interim en attendant l’entrée en fonction de son successeur - ndt d’après Le Robert & Collins.)

Vingt minutes de route seulement séparent le bureau du Premier ministre israélien à Jérusalem de celui du Président palestinien à Ramallah. Mais en pratique, la Muqataa à Ramallah pourrait aussi bien se trouver sur la lune.

Avant hier, Ariel Sharon a déclaré pour la énième fois qu’il avait annulé sa rencontre programmée avec Mahmoud Abbas. La raison : « Abbas ne fait rien contre le terrorisme ». Argument de routine. Mais il semble que cette fois-ci, l’acte lui-même dépasse la simple routine.

La longue campagne pour l’élimination de Mahmoud Abbas entre dans sa phase finale.

Au grand regret de Sharon & Co, Abbas ne peut pas être « éliminé » de la façon habituelle, comme l’ont été le cheikh Ahmed Yassine et de nombreux autres dirigeants palestiniens. S’agissant d’Abbas, il n’est même pas possible d’utiliser le mot « élimination » - terme officiel de l’armée israélienne, tiré directement du vocabulaire de la mafia.

L’accession au pouvoir d’Abbas après l’élimination de Yasser Arafat - encore entourée de mystère - a déclenché la sonnette d’alarme dans le bureau de Sharon. En effet, les plans de celui-ci sont basés sur le slogan « il n’y a personne avec qui parler ». Or, pour le monde et pour une partie significative de l’opinion publique israélienne, Abbas apparaît comme le type même du dirigeant palestinien avec lequel on peut parler. Pire, c’est ce que considère aussi le Président Bush.

Cela a obligé Ariel Sharon à la prudence. Dissimulant soigneusement sa colère, il a serré la main de Abbas à Akaba en présence de Bush. Il a vu, avec une inquiétude grandissante, la façon dont le dirigeant palestinien a été reçu à la Maison Blanche et il a entendu Bush faire l’éloge des élections démocratiques tenues par les Palestiniens. Un danger grandissait, celui que les Américains réalisent un vieux cauchemar des gouvernements israéliens : une « paix imposée » qui contraindrait Israël à revenir plus ou moins à la frontière d’avant 1967.

Donc, Sharon a adopté une tactique prudente : gagner du temps, attendre un changement de circonstances et, pendant ce temps, se contenter de planter des aiguilles dans l’image d’Abbas. Il était impossible de lancer une campagne de diabolisation contre lui avec l’entière participation de tous les médias israéliens et mondiaux, comme cela avait été fait pour Arafat. Mais dans tous les médias, un message a été introduit quotidiennement : Abbas est une chiffe molle, Abbas ne vaut rien, Abbas n’est pas capable de détruire « l’infrastructure terroriste », il est tout à fait inutile de parler avec lui.

Cette semaine le style s’est aiguisé. Plus de pitié pour le pauvre Abbas, qui fait de son mieux et qui échoue, mais une attaque frontale contre lui. Abbas, dit-on, ne veut pas vraiment mettre fin au terrorisme. Les pages d’informations de tous les journaux, de Maariv à Haaretz, ont été mobilisées pour cette campagne. La radio et les chaînes de télévision s’y sont jointes avec enthousiasme.

Au même moment, la confrontation violente a éclaté de nouveau à plein régime.

Qui a commencé ? Cela dépend de qui pose la question ? Comme toujours, chaque partie affirme que le nouveau round a commencé par une atrocité de l’autre partie. Tant qu’on y est, on peut revenir 120 ans en arrière, à la première pierre jetée par un berger palestinien au première colon juif - ou au premier coup porté par le premier colon juif à la tête du berger palestinien qui avait laissé paître ses chèvres sur ses champs.

En fait, la confrontation ne s’est pas arrêtée un seul moment. Les Palestiniens ont certes déclaré une Tahidiya (« accalmie »), mais c’était seulement un accord entre Palestiniens. L’armée israélienne n’y a pas pris part et a continué à entrer brutalement dans les villes et villages palestiniens, pour arrêter des militants recherchés et pour en tuer quelques-uns ici et là.

La nouvelle phase a commencé avec l’assassinat de Luay Saadi, un militant du Djihad islamique dans la zone de Tulkarem, qui avait déjà passé cinq années (sur ses 25 ans) dans les prisons israéliennes. L’armée l’a décrit comme un commandant d’un grade très élevé et comme une énorme « bombe à retardement ». Le Djihad s’est emparé de cette ridicule affirmation avec empressement, parce qu’elle justifiait une riposte majeure. En privé, les Palestiniens disaient qu’il n’était qu’un militant local.

Quoiqu’il en soit, quand Sharon a donné, entre le petit déjeuner et le déjeuner, son accord pour cette exécution, il savait qu’il condamnait également des Israéliens à mort - car il était certain que le Djihad répondrait par un acte de vengeance. On ne peut s’empêcher d’en conclure que c’était en fait le but de l’opération.

Ce qui s’est très vite confirmé. Un djihadiste d’un village palestinien voisin a fait un attentat-suicide dans le marché aux fruits de la ville israélienne de Hadera, où cinq Israéliens ont été tués. (Dans la terminologie utilisée par tous les médias israéliens, conformément à ce qui est dit ci-dessus, les Israéliens sont toujours « assassinés » alors que les Arabes « trouvent la mort » ou, au plus, sont « tués ».) Le village du kamikaze est séparé de Hadera par le haut mur de séparation, mais apparemment cela ne l’a pas arrêté. Avant sa mort, il a déclaré sur une vidéo qu’il vengeait l’assassinat de Saadi - réfutant ainsi l’affirmation de l’armée que l’attentat avait été préparé avant le meurtre et n’avait rien à voir avec lui.

Comme si elle n’attendait que cet attentat, l’armée s’est immédiatement lancée dans une action bien planifiée. Un blocus général absolu a été imposé sur le nord de la Cisjordanie. Les villes et villages de toute la Cisjordanie ont été isolés de nouveau, quelquefois quelques heures à peine après que les barrages routiers eussent été levés sur l’insistance de Condoleezza Rice. Une chasse à l’homme générale contre les militants de Djihad a commencé, laissant clairement entendre que le tour des militants du Hamas et du Fatah ne tarderait pas à suivre.

Dans la bande de Gaza, un cycle parallèle a commencé. Par solidarité avec les camarades de Cisjordanie, quelques fusées Kassam ont été tirées sur des localités israéliennes sans toucher personne. La réponse était déjà préparée à l’avance : l’armée a coupé la bande de Gaza de tout contact avec le monde, tous les passages ont été fermés. La bande de Gaza a reçu des obus et des bombes, de terre, de l’air et de la mer. Des missiles héliportés ont tué le militant du Djihad, Shadi Muhanna, en même temps que son adjoint et que quatre passants dont un adolescent - une action qui pourrait très bien encore rapprocher le chef d’état-major Dan Halutz de la Cour pénale internationale de La Haye. La vengeance est assurée, de même que la vengeance de la vengeance.

Alors que le monde entier couvrait de louanges le « désengagement » et Sharon, l’homme de Paix, celui-ci a lancé une offensive générale pour l’annexion de presque toute la Cisjordanie.

La semaine dernière, sur tous les territoires palestiniens, les misérables conditions de vie ont encore empiré. Cela ressemble à une punition collective, ce qui est interdit par la quatrième convention de Genève. Mais en réalité, c’est encore bien pire : le but est de semer le désespoir chez les Palestiniens, de les mettre à genoux, de les contraindre à accepter le diktat de Sharon - se contenter de 42% de la Cisjordanie (11% de la Palestine d’avant 1948) dans plusieurs enclaves - et finalement de les convaincre d’émigrer définitivement.

Sharon se conduit comme un torero, plantant ses banderilles dans les épaules du taureau afin de le rendre furieux et de le tourmenter, jusqu’à ce qu’il charge dans toutes les directions.

Alors que l’attention est attirée par l’action militaire d’envergure, les colonies s’agrandissent à un rythme effrénée et de nouvelles colonies émergent. La construction du Mur continue de plus belle, malgré l’attentat de Hadera qui a montré sa valeur sécuritaire douteuse. Le démantèlement de centaines d’« avant-postes » construits après 2001 qu’exige la Feuille de route n’est même pas au programme. Tout ce que l’armée a fait a été de déplacer cinq nouveaux « avant-postes » installés cette semaine, avec beaucoup de bousculades mutuelles et d’échanges de coups, sans utiliser gaz lacrymogènes, balles de sel ou de caoutchouc ou bombes assourdissantes, réservés semble-t-il aux militants pacifistes israéliens.

La demande de l’envoyé du Quartette, Jeff Wolfenson, d’ouvrir le passage absolument vital entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, a été traitée avec mépris. Comme Wolfenson est très estimé par Bush et par Condoleezza Rice, cela a une signification particulière.

Les gens de Sharon suivent de près les événements à Washington. Ils savent que Bush est en grande difficulté et qu’il est près de devenir un canard boiteux. Condi, la cannette, clopine derrière lui.

Pour Sharon, c’est un soulagement. Enfin, il peut maintenant cesser de faire l’éloge de Abbas et commencer à l’enterrer.

Article publié, en hébreu et en anglais, sur le site de Gush Shalom le 29 octobre 2005 - Traduit de l’anglais « Abbas and the Lame Duck » : RM/SW



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