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Nouvelle-Orléans: la responsabilité des médias

biguenique, Viernes, Septiembre 9, 2005 - 17:53

Bigue Nique

La catastrophe du bayou n'est pas un désastre naturel. Bien des catastrophes pourraient être évitées si les médias de masse portaient une plus grande attention aux véritables enjeux politiques.

Québec (FLP 6/09/2005) - Clarifions d'abord une chose : la catastrophe de la Nouvelle-Orléans n'est pas un désastre naturel. Sa véritable cause est purement technique; une digue a cédé, causant l'inondation de la ville. La presse n'hésite pas à faire porter le blâme à l'administration en place aux États-Unis, en insistant sur la lenteur des opérations d'urgence. Ceci occulte la responsabilité des médias de masse par rapport aux enjeux nationaux. Une pratique plus responsable de leur rôle au sein de l'appareil politique pourrait servir à éviter de telles horreurs.

La Nouvelle-Orléans est assise sensiblement en-deçà du niveau de la mer. Pourtant, cette ville n'a pas été créée artificiellement; les nombreux marais qui l'entouraient autrefois agissaient comme des éponges capables d'absorber les excédents d'eau en cas de crue, protégeant la terre ferme. Avec le développement économique, la ville a grandi et les marais ont été progressivement asséchés. Il fallait dès lors maintenir la ville sous respirateur artificiel en construisant des digues pour retenir le cours naturel de l'eau. New Orleans n'est pas la seule ville à exister dans des conditions aussi précaires. Les risques d'accident, notamment en cas d'ouragan violent, étaient très bien connus. Sur les 104 millions qui eussent été nécessaires pour assurer la sécurité du réseau de digues, seulement 40 furent accordés au dernier budget fédéral. On aurait pu éviter le déluge. La puissante Katrina, dans toute cette histoire, n'est qu'un bouc émissaire.

Dès qu'on constatât l'ampleur des dégâts, le ton fut immédiatement donné: la faute incombait à l'administration Bush. D'accord, il faut convenir que George W. Bush est un imbécile. Mais puisque nous vivons dans une démocratie qui permet d'élire des imbéciles à la tête des nations, la responsabilité incombe logiquement à tous les acteurs qui ont participé à ce système (ou ont nuit à son efficacité en n'y participant pas).

Or, parmi les acteurs de la démocratie, les médias de masse jouent un rôle politique spécifique et déterminant. Ce sont eux qui dirigent, en tout temps, le faisceau de l'attention publique. Leur pouvoir politique n'est pas de petite taille; les médias de masse synthétisent l'opinion publique, ce reflet grossier de la volonté des électeurs, cette conscience abstraite qui, malgré une évidente puérilité et une contraignante lenteur de raisonnement, a néanmoins le dernier mot sur l'ensemble des décisions démocratiques. Ce pouvoir implique une lourde responsabilité. C'est aux grands médias de permettre à chaque citoyen d'avoir quotidiennement une idée d'ensemble suffisamment valable des véritables enjeux qui le concernent, que ceux-ci soient nationaux ou internationaux. Néanmoins, on ne peut pas demander à chaque individu d'avoir une connaissance approfondie de chaque question cruciale, c'est pourquoi il est nécessaire de donner davantage la voix aux expertises qui existent sur les problèmes les plus critiques, afin que ceux-ci soient constamment placés au premier plan de l'attention du public. Si les américains avaient été sensibles au danger des digues du bayou, l'État fédéral aurait probablement agi en conséquence.

Mais l'information étant une marchandise, elle aussi soumise aux lois du marché, c'est encore le sensationnalisme qui prend toute la place qu'on aurait dû accorder à des questions comme celle du risque que courait la Nouvelle-Orléans. Heureusement, l'intérêt croissant du public pour les enjeux environnementaux (particulièrement cette dernière semaine) pourrait changer la donne. À moins que les grandes chaînes ne préfèrent taire délibérément les risques dans le but inavoué d'abreuver leur soif de catastrophe?

Restons alertes.

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