Les résultats positifs de la coalition progressiste Respect en Grande-Bretagne sont un signe d'espoir pour les nouveaux partis de gauche qui surgissent tels que l'UFP au Québec. Par contre sans implication concrète dans les luttes quotidiennes contre le système capitaliste ces partis risquent de connaître le même sort que les partis sociaux-démocrates. D'où la nécessité pour les nouveaux partis de gauche d'être à la fois des partis de la rue et des urnes.

Résistance 28, juin 2005 • www.socialiste.qc.ca

Une percée pour la gauche

Élections en Grand-Bretagne

Le 5 mai dernier dans le East Side de Londres, une nouvelle force, RESPECT, a fait son entrée sur la scène électorale britannique grâce à la victoire du candidat opposé à la guerre, George Galloway, sur son adversaire, la blairiste (du Labour party) Oona King.

Les médias traditionnels ont immédiatement réagi avec horreur et agressivité, en étiquetant RESPECT et tout particulièrement George Galloway de ´ staliniste, baasiste (le parti de Saddam Hussein), communaliste, bandit, fauteur de trouble, antisémite ª, en mentionnant que ce dernier soit quelqu’un avec des ´ problèmes conjugaux ª ; tout cela sans doute parce que Galloway a non seulement dénoncé le racisme subi par les Musulmans en Grande-Bretagne mais aussi ouvertement supporté certains Musulmans progressistes lors de cette campagne électorale reposant sur la lutte contre l’oppression et la guerre.

Les attaques des médias envers Galloway se poursuivirent lors de l’émission Newsnight de la BBC, lorsque son animateur, Jeremy Paxman, demanda sans cesse que Galloway réponde aux accusations publiques des médias et à la question absurde posée par ceux-ci, à savoir si Galloway est fier d’avoir pris le siège d’une députée noire. (Soit dit en passant, cette question est absurde car peu importe si l’on y répond par l’affirmative ou la négative, on tombe dans le piège de défendre l’acte d’avoir battu une candidate noire, et non pas les positions politiques défendues par celle-ci, ce qui, politiquement-parlant, serait complètement hors d’ordre).

Cette prise de position haineuse des médias envers RESPECT et son candidat vedette, George Galloway, est due au fait que ce parti politique a fait vibrer tous ceux et celles voulant combattre le racisme, la guerre, l’exploitation et la destruction de l’environnement. Un tel dégoût de la part des médias s’avère être un honneur, habituellement réservé à ceux de la trempe d’Arthur Scargill (chef syndical des ouvriers des mines britanniques qui dirigeait la lutte contre les fermetures des puits proposées par Margaret Thatcher dans les années 1980), de Malcolm X et de tous les autres ayant directement remis en cause la légitimité et le pouvoir de la classe dirigeante et du statu quo.

Encore plus récemment, George Galloway a été accusé par le Sous-comité Permanent du Sénat états-unien pour les Enquêtes d’avoir accepté des pots de vin de Saddam Hussein dans le cadre du très controversé et corrompu programme ´ Pétrole contre Nourriture ª de l’ONU. Sa comparution volontaire devant ce comité a fait les grands titres dans le monde entier et son témoignage explosif a provoqué de vives réaction à l’échelle planétaire car il y a porté non seulement un coup décisif contre les accusations de corruption portées contre lui mais aussi contre la désastreuse doctrine Bush et la guerre en Irak. Galloway est présentement en train de préparer une tournée aux Etats-Unis après avoir reçu plus de 15 000 courriels de ce pays le félicitant de sa courageuse prise de position contre l’Empire états-uniens et ce dans la ´ tanière du loup ª. Cependant, il est clair que les discours de George Galloway ne seront pas suffisants à eux seuls pour garantir le succès continu de RESPECT et des autres mouvements progressistes desquels ce parti est né. Le SWP (Socialist Workers’ Party, le Parti Socialiste des Travailleuses et Travailleurs, un parti marxiste britannique), affirme à ce sujet que ´ le plus grand espoir que Blair a donné à la classe dirigeante a été la possibilité de chasser la question de la classe ouvrière de la scène politique ª. Ce plan est maintenant menacé.

La victoire de RESPECT dans Bethnal Green est une tête de pont pour la gauche radicale sur la scène politique traditionnelle. Soit RESPECT va transformer cette tête de pont en avancée vers d’autres secteurs de la population, soit ce parti sera repoussé dans la marge.

Les élections municipales de mai 2006 seront le prochain grand test. Le Nouveau Parti Travailliste de Blair voudrait avoir réglé le cas de RESPECT d’ici là. Les socialistes membres de RESPECT ont un grand rôle à jouer pour empêcher que cela arrive. Notre grande force est notre appui parmi les militantes et militants de la base. Nous devons faire de RESPECT une organisation avec un très grand nombre de membres, enracinée dans les communautés locales à travers le pays.

Tant et aussi longtemps que RESPECT et les autres partis semblables, comme l’Union des Forces Progressistes ici au Québec, sont capables de menacer les partis de l’establishment néolibéral et capitaliste, ceux-ci devront tenter de sortir du cercle de leurs supporteurs traditionnels. Ces partis néolibéraux se sont montrés capables de porter leur agenda politique vers la droite en suivant la stratégie clintonienne de ´ triangulation ª, c’est-à-dire prendre pour acquis leur noyau de supporteurs traditionnels car ceux-ci n’ont pas d’alternative, par exemple en prônant une campagne politique de droite tout en comptant sur le soutient d’un électorat de centre-gauche.

Une telle stratégie demeure viable s’il s’avère vrai que la gauche n’a nulle part d’autre à aller. RESPECT et l’UFP proposent de bâtir une alternative réelle pour la gauche autrefois marginalisée.

Par contre, il y a le danger constant de suivre le chemin que d’autres partis sociaux-démocrates ont déjà suivi, celui des politiques progressistes sur le papier sans une implication concrètes dans les campagnes aidant les classes populaires à poursuivre la lutte. Bien des gens sont d’accord avec le fait qu’un tel parcours est voué à l’échec.

Mais sans le combat quotidien des étudiantEs, des travailleuses et travailleurs, des pauvres et des oppriméEs, la ´ politique du moins pire ª continuera de séduire un électorat dont les options politiques se limitent à choisir entre plusieurs programmes reposant sur des vœux pieux et des manifestes bien-pensant.

Chris Brown, Montreal

Résistance 28, juin 2005 • www.socialiste.qc.ca