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Alternatives . . . à quoi ?

Anonyme, Jueves, Agosto 25, 2005 - 02:18

Nikolas Barry-Shaw

Ce sont vraiment des jours étranges lorsqu’une ONG progressiste se retrouve du même côté de la barrière que Roger Noriega, le diplomate états-unien connu pour avoir organisé l’armée Contra qui a terrorisé le Nicaragua tout au long des années 80. Pourtant, c’est exactement le cas d’Alternatives, une « organisation non gouvernementale de solidarité » du Québec dont le but est de promouvoir la « démocratie » et « la justice socio-économique et l’égalité ».

M. Contra et l’ONG de Montréal partagent la même analyse à propos d’Haïti

Traduit par Berenger Enselme

(L’article auquel répond ce document est disponible en français à www.alternatives.ca/article1913.html )

Ce sont vraiment des jours étranges lorsqu’une ONG progressiste se retrouve du même côté de la barrière que Roger Noriega, le diplomate états-unien connu pour avoir organisé l’armée Contra qui a terrorisé le Nicaragua tout au long des années 80. Pourtant, c’est exactement le cas d’Alternatives, une « organisation non gouvernementale de solidarité » du Québec dont le but est de promouvoir la « démocratie » et « la justice socio-économique et l’égalité ». Son mandat et ses contributeurs principaux, comme Naomi Klein et Judy Rebick, devraient normalement placer un tel groupe à l’opposé de Noriega. Il n’en est rien, comme le révèle l’édition de juillet du « Journal Alternatives », une publication qui accompagne une fois par mois le quotidien « Le Devoir » dans le but de créer « une fenêtre d’information alternative sur notre monde ».

L’article de première page de François L’Ecuyer intitulé « La militarisation de la paix en Haïti » est une honteuse parodie de journalisme : des affirmations sans substance, des arguments sans logique, des sources anonymes et des anecdotes présentées comme des preuves formelles tout au long de l’article. La principale de ces transgressions est l’affirmation de L’Ecuyer selon laquelle « Les Chimères, gangs fidèles au président Aristide et armés par lui» ont lancé une campagne pour déstabiliser le pays, appelée « Opération Bagdad », dans le but de faire échouer les élections planifiées pour octobre et novembre 2005. On lit que le président destitué d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, profite politiquement de la violence dont souffre Haïti, tandis que d’autres secteurs bénéficient financièrement du chaos.

L’analyse de L’Écuyer sur la situation en Haïti ressemble étrangement à la propagande disséminée par les hauts fonctionnaires des gouvernements des États-unis et du Canada. Une semaine avant la parution de l’article de L’Écuyer, Roger Noriega, Assistant au Secrétaire d’État pour les affaires de l’hémisphère occidental, avait donné un compte-rendu similaire : « Aristide et son camp sont singulièrement responsables de la plupart de la violence et de la nature concertée de la violence, » (Miami Herald, 24 juin 2005). Comme L’Écuyer, Noriega argumente que, tandis que « des organisations criminelles opportunistes » sont impliquées dans les enlèvements et autres crimes, « Aristide et ses gangs jouent un rôle central dans la génération de la violence, et essaient d’instaurer un climat d’insécurité », en une dernière « tentative désespérée de terroriser le peuple Haïtien et de les priver d’une bonne gouvernance. »

L’Écuyer répète sans critique aucune la fiction de l’ « Opération Bagdad » répandue par l’élite Haïtienne pour justifier la répression grandissante dont les pauvres sont victimes. Notamment, l’étiquette « Opération Bagdad » a été concoctée par Jean-Claude Bajeux, un membre d’un parti politique anti-Aristide, et a été répétée sans cesse par le gouvernement transitoire et la presse internationale. Des porte-parole de Fanmi Lavalas ont immédiatement dénoncé la violence du 30 septembre – le jour qui supposément devait marquer le début des tentatives de déstabilisation – déclarant que l’ « Opération Bagdad » était une « tentative calculée de manipuler les médias et le public états-uniens. » La base de Lavalas a également rejeté l’étiquette : le 16 décembre 2004, à Cap-Haïtien, 10000 sympathisants de Lavalas ont marché derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire « L’Opération Bagdad est une conspiration du groupe des 184 pour mettre fin à Lavalas. Ils échoueront ! » Alors on se demande qui L’Ecuyer a en tête lorsqu’il parle de groupes dont le « but avoué » est la campagne de déstabilisation appelée « Opération Bagdad », étant donné que Lavalas et ses sympathisants se sont distanciés de ce titre.

Le 30 septembre 2004, des policiers masqués ont tué plusieurs manifestants non armés qui commémoraient le premier renversement d’Aristide. Le Premier Ministre Gérard Latortue, dans une entrevue radiophonique du 1er octobre, ne s’en repentit pas : « Nous avons tiré sur eux. Certains sont morts, certains ont été blessés et les autres ont fui. » La police et les officiels du gouvernement ont par la suite affirmé que les manifestants avaient attaqué la police, tuant et décapitant trois officiers. Le gouvernement refusa de décliner l’identité des policiers ou d’autoriser journalistes et enquêteurs en droits humains de voir les corps. Aucune photo des corps n’a été fournie non plus. Le Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles (CARLI), un critique sévère d’Aristide lorsqu’il était au pouvoir, a enquêté sur l’« Opération Bagdad » et en est arrivé à la conclusion qu’aucune opération de ce type n’avait été lancée par les sympathisants de Lavalas. CARLI a découvert que deux officiers, Ancelme Milfrane et Jean Janvier, avaient été décapités, mais ils avaient été tués le 29 septembre par d’anciens soldats. Ce n’est qu’après la manifestation massive du 30 septembre que les médias du gouvernement et de l’élite ont commencé à accuser Lavalas pour ces assassinats. Il se trouve que la décapitation était (et est) une pratique courante de la détestée et redoutée ex-Armée Haïtienne (FAd’H).

L’Ecuyer annonce aussi bizarrement que « le mot se répand » que la MINUSTAH (la force de maintien de la paix de l’ONU en Haïti) a un penchant pro-Lavalas, mais n’a pourtant trouvé qu’une incident plutôt vague comme preuve : «En février 2005, les manifestations des partisans armés d’Aristide se déroulaient sous la haute protection des forces onusiennes, qui avaient pris soin de tenir la police à l’écart. Le ministre de la justice d’alors, Bernard Gousse, avait même soutenu que parmi les manifestants, il y avait des « évadés de prison » ». Puisqu’il ne donne pas de date, on ne peut que deviner à quelles manifestations L’Ecuyer se réfère ; peut-être la manifestation du 8 février à laquelle ont participé des milliers de sympathisants pacifiques de Lavalas, qui selon Agence Haïtien Presse, « a été interrompue par une patrouille de police accompagnée d’individus en civil, qu’on appelle « attachés » qui auraient commencé a tirer sur les manifestants, en blessant plusieurs », avant que les troupes de l’ONU n’interviennent. Ou peut-être L’Ecuyer a-t-il en tête la manifestation du 28 février, à côté de laquelle des troupes de la MINUSTAH se tenaient tandis que la police ouvrait le feu sur des manifestants non armés, tuant cinq d’entre eux et en blessant des dizaines. Un sérieux penchant pro-Lavalas, en effet.

Ce dernier incident s’est montré un tel embarras pour l’ONU qu’elle a été obligée de fournir un minimum de protection aux manifestants et a même commencé à sévir contre les FAd’H reconstituées dans la campagne. Sous la protection accrue de l’ONU, les manifestations appelant au retour du président Aristide et la libération des prisonniers politiques ont alors pris de l’ampleur. Malgré tout, la MINUSTAH est vite revenue à ses habitudes de laisser la Police Nationale d’Haïti (PNH) terroriser les protestataires pacifiques. Le 24 mars, la police a ouvert le feu sur une manifestation à Cité Soleil, tuant 3 à 5 manifestants et le 27 avril, 9 manifestants supplémentaires ont été tués à Bel-Air malgré la supervision de l’ONU. Le retournement de l’ONU a été largement dû au harcèlement du gouvernement transitoire et des médias haïtiens l’accusant de protéger les « bandits » de Lavalas.

Les accusations vagues de L’Ecuyer sont catégoriquement contredites par un rapport détaillé de la Harvard Law School étudiant la performance de l’ONU en Haïti. Le rapport d’Harvard, établi en octobre 2004 et janvier 2005, a découvert que « la MINUSTAH a effectivement fourni une couverture à la police pour qu’elle mène une campagne de terreur dans les bidonvilles de Port-Au-Prince. Plus pénibles encore que la complicité de la MINUSTAH aux abus de la PNH sont les allégations crédibles d’entorses aux droits humains perpétrées par la MINUSTAH elle-même. » Le 6 juillet, Reuters rapportait que « à peu près 400 troupes et 41 véhicules blindés et hélicoptères, ainsi que plusieurs dizaines d’agents de police Haïtiens, ont mené un raid à Cité Soleil, le plus grand bidonville d’Haïti. » Tandis que l’ONU déclarait que seulement 5 « criminels » avaient été tués, « les résidents disaient que le nombre de tués était entre 25 et 40. » L’article de Reuters citait également Ali Bescnaci, directeur de la mission de Médecins sans frontières en Haïti : « Nous avons reçu 27 personnes blessées par balle le 6 juillet. Les trois quarts étaient des enfants et des femmes. »

En répétant inconsidérément les affirmations de la tendance pro-Lavalas de l’ONU, L’Ecuyer non seulement obscurcit les graves atteintes aux droits humains qui sont commises par l’ONU en Haïti, mais aide également les élites poussant l’ONU vers des actions plus répressives envers les pauvres, telles le massacre du 6 juillet.

La solution de L’Ecuyer au problème d’insécurité dans la capitale d’Haïti (étant donnée la soi-disant nature compromise de la MINUSTAH) est de fournir plus d’armes et de soutien à la PNH. L’administration Bush a autorisé la livraison d’une nouvelle cargaison d’armes au gouvernement transitoire début août, malgré un embargo sur les armes depuis longtemps en place. Pourtant, selon de nombreux rapports sur les droit humains, la PNH est la principale responsable de l’escalade de la violence en Haïti : un rapport récent de l’International Crisis Group remarque que la PNH a « pris le relais des anciennes pratique des FAd’H, y compris des opérations de style militaire dans les quartiers pauvres de la capitale avec peu de considération pour les dommages collatéraux infligés aux civils. » Pas vraiment une surprise, quand on sait que plus de 500 ex-soldats ont été intégrés à la PNH, et que les hauts rangs de la PNH sont presque tous occupés par des ex-officiers des FAd’H, tandis que 500 à 1000 autres sont en train d’être entraînés. En plus de leurs attaques délibérées contre les pauvres, selon les rapports de l’ICG et d’autres sources, la nouvelle PNH est impliquée dans des enlèvements et des trafics de drogues, une vieille habitude des FAd’H. Chose étonnante, dans un article sur les raisons de l’instabilité et la « militarisation » d’Haïti, L’Ecuyer ne fait aucune mention des anciens militaires, recatégorisés tout d’abord comme « rebelles » quand ils aidaient au renversement d’Aristide et maintenant comme « police » tandis qu’ils répriment les quartiers pauvres.

La correction des vues erronées de L’Ecuyer sur l’ « Opération Bagdad » aboutit à une inversion des principaux arguments de l’article. Les accusations concernant la tendance pro-Lavalas de l’ONU ne sont plus alors que des tentatives de contraindre la MINUSTAH à une répression encore plus grande de la majorité pauvre. Malheureusement, la fréquence accrue des raids « anti-gangs » dans des quartiers comme Bel-Air ou Cité Soleil semble indiquer que les forces onusiennes tiennent compte de ces conseils. De la même façon, l’ « Opération Bagdad » n’apparaît plus alors comme un outil politique violent de Lavalas, mais bien comme une campagne majeure de désinformation utilisée pour justifier les attaques anti-Lavalas. L’Ecuyer se joint à cette tentative lorsqu’il accuse, sans une trace de preuve, l’activiste Samba Boukman de Bel-Air et le travailleur en droits humains Ronald St-Jean d’être des « criminels notoires. » Dans un contexte où les victimes d’opérations policières sont couramment étiquetés comme « bandits » ou « criminels » de façon posthume, ceci est extrêmement dangereux.

Le site web d’Alternatives donne une indication des forces derrière la position répréhensible qu’ils ont sur Haïti : plus de 50% des fonds de l’organisme provient du gouvernement Canadien, la majorité étant reçue du Agence canadienne de développement international (ACDI). De plus, dans une récente entrevue, L’Ecuyer admettait que la totalité des 15 groupes avec lesquels Alternatives travaille en Haïti (la plupart desquels sont subventionnés par le ACDI) sont anti-Lavalas. Ce n’est donc pas un hasard si L’Ecuyer et Alternatives n’ont presque rien dit sur les nombreuses violations des droits humains commises par le gouvernement intérimaire d’Haïti, un régime fortement soutenu par le Canada. Tout cela sape la crédibilité d’Alternatives en tant qu’organisation promouvant la justice sociale. Quoi qu’Alternatives objecterait sans doute à être appelée un outil de l’impérialisme Canadien, l’article de L’Ecuyer pourrait bien mener à une telle conclusion.

S’il vous plait, envoyez cet article à François L’Ecuyer et Alternatives et demandez qu’Alternatives imprime au complet la déclaration sur Haïti du Forum Social Mondial 2005 (disponible à www.haitiaction.net/News/FL/1_30_5.html ) dans le prochain numéro de leur journal.

François L’Ecuyer, Directeur du projet Afrique - fran...@alternatives.ca

Alternatives - alte...@alternatives.ca

Pour une introduction du rôle du Canada en Haïti: www.outofhaiti.ca
Pour des analyses et nouvelles: www.canadahaitiaction.ca

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