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Afghanistan: une narco-colonie états-unienne

Eric Smith, Domingo, Agosto 7, 2005 - 15:36

Arsenal-express

Dans un article publié en mars dernier dans les pages du journal "Sholeh", le Parti communiste (maoïste) d'Afghanistan qualifie le régime actuel de "narco-colonie états-unienne" et dévoile les intérêts des grandes puissances impérialistes dans la culture et le trafic de drogue dans ce pays.

[Voici des extraits d'un article paru en mars dernier dans le numéro 5 du journal "Sholeh", publié par le Parti communiste (maoïste) d'Afghanistan. Cet article a été traduit en langue anglaise par le Service de presse du magazine révolutionnaire internationaliste "A World to Win", auquel on peut s'abonner à l'adresse suivante: http://uk.groups.yahoo.com/group/AWorldToWinNewsService/]

Après avoir envahi le pays et installé le régime fantoche d'Hamid Karzaï, les États-Unis et leurs alliés ont annoncé que leur intention première était de mettre fin au trafic de drogue. Au cours des trois dernières années, ils ont supposément dépensé plus de 100 millions de dollars dans le but d'éliminer la culture de l'opium. Mais plutôt que de diminuer, la production et le trafic de drogue n'ont cessé d'augmenter.

Des sources généralement bien informées indiquent que l'Afghanistan reste toujours le premier producteur de drogue à l'échelle mondiale. Au cours de la dernière année, la production d'opium a même augmenté de 60% par rapport à l'année précédente. La valeur totale de l'opium produit en Afghanistan atteint désormais plus de 24 milliards de dollars annuellement, dont seulement 3 milliards $ demeurent au pays, le reste se retrouvant dans les coffres de organisations criminelles internationales.

Déjà, les Talibans avaient fortement encouragé le trafic de drogue, rendant l'économie du pays totalement dépendante de ce fléau. Au plus fort de la production d'opium sous le régime taliban, celle-ci atteignait 3 000 tonnes annuellement. Depuis l'arrivée au pouvoir de Karzaï, la production n'a cessé d'augmenter et atteint maintenant plus de 5 000 tonnes.

Quelques jours après son "élection", le président Karzaï a appelé à un "djihad" contre les narcotiques. Il a même affirmé que la guerre contre la production et le trafic de drogue était encore plus importante que la "guerre au terrorisme". Le Conseil des oulémas (mollahs) a en outre décrété le boycott de la production et du trafic de l'opium, qu'il a qualifié "d'acte infidèle".

Mais malgré toute cette rhétorique, de nombreuses sources concordantes, citées notamment par le Washington Post, affirment que plusieurs personnes occupant des postes d'autorité au sein même du gouvernement afghan sont fortement liées à la culture de l'opium. Le quotidien en concluait que tant et aussi longtemps que ces personnes ne seront pas exclues du pouvoir, les programmes destinés à éradiquer la production et le trafic de drogue seront voués à l'échec.

En réponse à ces allégations, Hamid Karzaï a appointé un nouveau membre au sein de son cabinet, qui porte le titre de "ministre de la Lutte anti-drogue". On ne peut douter que le ministère qu'il dirigera s'intéressera à ce problème, mais que fera-t-il au juste? Son rôle sera-t-il vraiment de lutter contre la production et le trafic de drogue, ou bien de s'assurer que ceux-ci s'avèrent encore plus profitables? Voyons ce qu'il en est plus précisément, s'agissant du régime et des forces impérialistes d'occupation qui le dirigent.

Historiquement, les provinces de Helmand, d'Orouzgan, de Kandahar et de Nangarhar ont toujours été considérées comme les régions les plus impliquées dans la culture de l'opium. Le gouverneur de la province de Helmand est membre de la famille Akhoundzada, une famille de seigneurs de guerre de longue date, qui contrôle la province depuis l'époque de la guerre contre l'invasion soviétique et appuie désormais Karzaï. Celui de la province de Nangarhar est le frère de Haji Ghadir, qui occupa la vice-présidence auprès de Karzaï avant d'être assassiné il y a deux ans. Sa famille a hérité du contrôle de la production d'opium et de son trafic dans la région. Dans les provinces de Kandahar et d'Orouzgan, c'est le propre frère de Karzaï qui est actuellement le principal trafiquant d'opium et d'héroïne. Il a utilisé les revenus que lui procure ce business pour devenir le plus important propriétaire terrien de la région. Le gouverneur de la province de Ghazni est également un proche de Karzaï: c'est lui qui contrôle le réseau de distribution d'opium et d'héroïne, incluant l'autoroute qui relie Kaboul à Kandahar.

Dans plusieurs autres provinces, on retrouve aussi tout un réseau de trafiquants liés à l'appareil d'État, bien connectés avec les anciens seigneurs de guerre recyclés en "politiciens respectables", dont plusieurs ont gravité autour de l'ancienne "Alliance du Nord". Parmi eux, mentionnons les noms de l'actuel ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah, et du principal vice-président de Karzaï, Ahmad Zia Massoud (le frère du défunt Ahmad Shad Massoud). Le gouverneur de la province de Balkh, située dans le nord du pays, qui est aussi un dirigeant de longue date du parti Jamiat-e-Islami (qui faisait partie de l'Alliance du Nord), est dans une situation semblable. Il fut impliqué dans une dure bataille pour le contrôle de la drogue contre l'un des commandants initialement désignés par Karzaï; après l'avoir emporté, il s'est toutefois réconcilié avec ce dernier, ayant même travaillé à son "élection"!

En résumé, on peut affirmer sans craindre de se tromper qu'un solide réseau de production de drogue et de contrebande relie le palais présidentiel aux autorités civiles et militaires, à tous les niveaux. Qui plus est, ses composantes sont en contact permanent avec l'Hôtel Intercontinental Centre situé à Kaboul, où les généraux américains ont installé leur quartier général. Il est également de notoriété publique que des agences de sécurité privées, tant afghanes qu'états-uniennes, sont particulièrement impliquées dans le transport de la drogue.

Pourquoi alors un régime qui repose ainsi sur le contrôle de la production et du trafic de drogue a-t-il déclaré une "guerre sainte contre les narcotiques" et nommé un ministre pour la diriger? Et pourquoi les puissances occidentales -- et spécialement les États-Unis -- font-ils autant de bruit à ce sujet, tout en se gardant bien d'agir en pratique?

De nos jours, la production et le trafic de drogue constituent un des secteurs les plus profitables du marché mondial. Les revenus que ce secteur génère se chiffrent à des centaines de milliards de dollars, littéralement, et les profits se comptent en dizaines de milliards de dollars. Comme l'ensemble des autres secteurs du marché mondial, celui-ci est contrôlé et dirigé, en dernière analyse, par l'oligarchie du capital financier international, i.e. par les grands monopoles. Mais en même temps, la production et le trafic de drogue se distinguent du fait qu'il s'agit d'une activité illicite. C'est d'ailleurs ce qui explique qu'elle soit aussi profitable. Autrement, s'il s'agissait d'une activité légale, il n'y aurait pas de différence entre le fait de cultiver et de vendre du blé, du maïs ou de l'opium. De ce point de vue, le fait d'en maintenir le caractère illicite s'avère nécessaire et extrêmement utile.

Il reste que dans les faits, depuis trois ans, la culture de l'opium est pratiquement devenue légale, même si elle reste formellement interdite. La production d'opium a augmenté de plus de 1 000 tonnes au cours de la dernière année. L'inondation du marché a eu pour effet de grandement modifier le rapport entre l'offre et la demande sur le marché mondial. Pour contrer la baisse du prix de l'opium, des mesures drastiques devaient être adoptées. Or, c'est précisément ce que le déclenchement de la "guerre sainte" contre la drogue vient faire. Sans cette campagne, les prix continueraient de chuter, ce qui entraînerait des pertes de milliards de dollars pour le capital impérialiste. En d'autres mots, le "djihad" anti-drogue sert les intérêts du capital impérialiste.

La "guerre sainte" déclenchée par Karzaï vient donc jouer le même rôle que la fatwa que le chef des Talibans, le mollah Omar, avait prononcée contre la culture de l'opium. À l'époque, le prix de l'opium avait également chuté; des milliers de tonnes s'accumulaient dans les entrepôts des producteurs et des trafiquants. Si on n'avait pas pris la peine d'agir sur la culture de l'opium dans le but de la réduire, ce n'est pas seulement la production future qui aurait été dévaluée, mais également celle qui était déjà complétée, entraînant ainsi des pertes considérables.

Le rétablissement de l'illégalité de la production et du trafic aura certes pour effet de réduire la culture de l'opium et la production d'héroïne en Afghanistan, mais il assurera en même temps son immense profitabilité. Mieux encore, cette campagne permettra de concentrer encore plus le contrôle de cette activité économique dans les mains des occupants et de leur régime fantoche. De fait, un des objectifs poursuivis par le régime et ses maîtres impérialistes est justement de tirer la couverte sous les pieds des Talibans et des forces liées à Al-Qaida, qui sont actuellement impliquées dans le trafic de drogue, et de s'assurer que ce soit seulement les responsables officiels du régime qui en détiennent le monopole. Non seulement les occupants, et en particulier les impérialistes américains [NDLR - auxquels on peut désormais ajouter les impérialistes canadiens], soutiennent cet état de fait: ce sont eux qui l'ont planifié, et leurs soldats sont là pour s'assurer de sa mise en œuvre.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 58, le 7 août 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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