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La cavalerie péquiste au Parc Jean-DrapeauEric Smith, Lunes, Junio 27, 2005 - 00:48
Arsenal-express
Les festivités de la Fête nationale du Québec à Montréal ont été marquées cette année par la présentation d'un spectacle "alternatif" au Parc Jean-Drapeau, organisé sous l'égide d'un des groupes parmi les plus populaires de l'heure, les Cowboys Fringants. L'un dans l'autre, ce spectacle hautement commercial fut surtout l'occasion de propager le discours péquiste et la collaboration de classes. Les festivités de la Fête nationale du Québec à Montréal ont été marquées cette année par la présentation d'un spectacle "alternatif" au Parc Jean-Drapeau, organisé sous l'égide d'un des groupes parmi les plus populaires de l'heure, les Cowboys Fringants. D'autres artistes connus pour leurs penchants nationalistes, tels les Loco Locass et Mononc' Serge, se sont associés à cette entreprise, qui se voulait "plus politisée" que le rassemblement traditionnel organisé par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, mais qui était surtout bien plus commerciale. La majorité des billets pour ce spectacle produit en collaboration avec le très nationaliste Groupe Gillett (sic) et commandité par la non-moins patriotique Coca-Cola (resic), se vendaient en effet pas moins de 41$, tous frais compris. Sur place, le public, évalué à environ 25 000 personnes, se voyait délesté de toutes bouteilles, canettes ou récipients contenant l'un ou l'autre des nombreux produits disponibles sur le site, dont la vente était réservée en exclusivité aux nombreux fournisseurs et commanditaires avec qui des ententes avaient été conclues (moyennant le versement d'une quote-part aux organisateurs, bien évidemment). Ainsi, il en coûtait pas moins de 4,50$ pour acheter une petite bière, pourtant quatre fois moins cher au dépanneur du coin... Les artistes qui ont organisé ce spectacle aiment à se faire passer pour une sorte d'aile "contestataire" ou militante du mouvement nationaliste québécois. Parmi leur public nombreux, plusieurs y voient en effet un côté "alternatif", qui tranche par rapport au discours dominant. Pourtant, leur discours n'a toujours été que platement conservateur, voire carrément réactionnaire dans certains cas. Et il n'a jamais servi à autre chose qu'à faire la promotion de ce "bon vieux PQ", qui dirige et maintient une chape de plomb sur le mouvement nationaliste. L'ex-chef péquiste Saint-Bernard Landry l'avait d'ailleurs bien compris, lui qui disait, il y a quelques mois, que les Loco Locass étaient son "groupe favori" (me semble, ouais, qu'il écoute ça à tous les jours...). Déjà dénoncés pour leurs propos fortement marqués par le sexisme et le racisme, voire même dans au moins un cas par les idées de Jean-Marie Le Pen, les Loco Locass se sont démasqués un peu plus au printemps dernier en dénonçant la Coalition de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante élargie (la CASSÉÉ), qui a initié l'importante grève étudiante ayant secoué le Québec pendant plus d'un mois. S'associant aux fédérations étudiantes dirigées par le PQ et liées à l'État, les membres du groupe ont fait des flics d'eux-mêmes en dénonçant les soi-disant "casseurs" qui causaient du tort, selon eux, au mouvement étudiant (cela, alors qu'on sait maintenant très bien que le pire tort à avoir été causé au mouvement fut au contraire l'acceptation de l'entente à rabais que les amis des Loco Locass, la FECQ et la FEUQ, ont négociée en cachette avec le ministre Fournier). Il y a quelques jours à peine, l'un des membres du groupe, "Chaflik", prenait position dans la course au leadership du PQ en disant qu'il souhaitait que l'ex-ministre et porte-parole de l'aile droite de ce parti, Joseph Facal, soit candidat, car "lui au moins n'est pas un adepte de la go-gauche", dixit cet illustre rappeur. Sachant qu'entre-temps, Facal s'est désisté au profit de celle qui a sabré brutalement dans le budget du ministère de l'Éducation lorsqu'elle en était titulaire, Pauline Marois, on ne sait toujours pas si notre joyeux luron se ralliera derrière celle qui affectionne les toilettes de luxe, ou s'il appuiera plutôt la candidature du prochain Tony Blair québécois, le "jeune et moderne" André Boisclair. Le cas de Mononc' Serge, que certains progressistes vénèrent et admirent profondément, est encore plus incompréhensible que celui des Loco Locass. Mononc' Serge est ce musicien incohérent, ex-membre des Colocs, qui multiplie les insanités et les insultes racistes à l'encontre de tout ce qui n'est pas québécois pure laine (on se souviendra au passage qu'il a quitté les Colocs au moment où ce groupe commençait à élargir son horizon aux musiques de monde); ses rares coups de gueule sympathiques contre les travers et l'hypocrisie du système capitaliste sont noyés dans un océan d'immondices parfaitement insupportables. On s'étonne que personne, au sein du mouvement nationaliste (en particulier du côté de certaines féministes indépendantistes), n'ait osé le stigmatiser après qu'il eut écrit cette pièce où il dénonce et ridiculise les "grosses torches acadiennes", en tenant des propos qui lui auraient valu d'être crucifié sur la place publique s'il les avaient tenus à l'égard des Québécoises. L'écrivain juif anglophone Mordecai Richler avait été prestement cloué au pilori, on s'en souviendra, après avoir utilisé le mot "truies" en parlant des femmes d'ici. Lors de son apparition sur la scène du Parc Jean-Drapeau, Mononc' Serge a galvanisé la foule en s'en prenant au Premier ministre Jean Charest, non pas pour ses politiques réactionnaires et pro-capitalistes, mais parce qu'il ne serait pas authentiquement québécois, ayant des origines irlandaises. Comme quoi cet amuseur public réussit au moins à rester cohérent dans ses propos racistes. On retiendra au moins des principaux organisateurs du spectacle, les Cowboys Fringants, une certaine dénonciation des courants passéistes et patriotiques qui souhaitent réduire le projet indépendantiste aux seuls Québécois "pure laine". Leur perspective générale, néanmoins, reste totalement déficiente et s'inscrit à 100% dans les sillons tracés par le PQ. Dans la "Lettre à [René] Lévesque" qu'on retrouve sur leur dernier album, les membres du groupe présentent avec éloquence leur projet de société: un pays "qui ferait un compromis entre les mots écologie, justice et économie", où on resterait "vigilants face aux courants mondialistes mais bien sûr sans pour autant devenir anti-capitalistes" (eh! oui, faudrait surtout pas devenir anti-capitalistes, surtout qu'eux-mêmes essaient maintenant de jouer dans la cour des grands, comme distingués membres de "l'industrie du disque et du spectacle" qu'ils sont devenus). L'un des membres du groupe "les Zapartistes" qui a ouvert le spectacle du 24 juin, François Parenteau, a résumé mieux que quiconque l'inanité du discours nationaliste des artistes qui font profession de foi envers le projet indépendantiste au Québec. Dans son "adresse patriotique" qui a ouvert le spectacle, Parenteau, qui pensait sans doute avoir trouvé là la "formule du siècle", a affirmé solennellement: "On ne veut plus être une province comme les autres, on veut être un pays comme les autres!" Alors, c'est donc ça le contenu du projet de société, de ce "Québec libre" pour lequel il faudrait se battre et qui justifierait qu'on fasse alliance avec le PQ? Tout ça pour devenir "un pays comme les autres", i.e. un pays dominé par une minorité de bourgeois, où les pauvres continueront à s'appauvrir et les riches continueront à s'enrichir, où on maintiendra notre domination sur les peuples des pays du tiers-monde, où on continuera à nier le droit à l'autodétermination des nations autochtones, où on renforcera la sécurité des frontières et la répression contre les immigrantes et les immigrants pour faire plaisir à cet autre "pays comme les autres" qui demeurera notre voisin et nous imposera encore ses quatre volontés? Alors si c'est ça le "Québec moderne" que vous nous proposez, ben moi, votre drapeau, je ne le mets pas en berne, mais je suis même prêt à le brûler... * * * D'un point de vue plus général, les positions décevantes, voire parfois franchement réactionnaires des artistes qui ont participé au spectacle du Parc Jean-Drapeau, montrent bien les limites de "l'engagement social" des artistes, en l'absence d'une liaison avec un mouvement de lutte révolutionnaire porté par les masses populaires. Même si certains peuvent, parfois, faire preuve de bonne volonté quand ils s'engagent à soutenir telle ou telle cause, le plus souvent, leur démarche reste totalement incohérente, quand elle n'est pas simplement motivée par la volonté de gagner en popularité. Pour un Richard Desjardins, qui n'avait pas hésité en 1990 à appuyer le soulèvement de la nation mohawk à Kahnesatake, par conviction et au risque de s'aliéner une bonne partie de son public potentiel, il y a combien de ces Loco Locass et de ces Cowboys Fringants, qui vont toujours aller dans le sens du vent, s'assurant ainsi d'encaisser toujours plus de ces espèces sonnantes et trébuchantes qu'ils engrangent à haute vitesse? Le week-end prochain, on verra, à l'occasion de la tenue du sommet annuel du G-8 en Grande-Bretagne, un autre exemple du rôle néfaste que peuvent jouer les artistes qui choisissent de s'impliquer politiquement, tout en tentant de rester neutres et de trouver une autre voie entre le camp de la réaction et celui de la révolution. À cette occasion, un groupe d'artistes pour la plupart vieillissants, réuniEs par Bob Geldof, tenteront de relancer leur carrière dans le cadre de l'événement Live 8, un spectacle international dont le principal événement aura lieu à Londres. Ses organisateurs disent vouloir faire pression sur les chefs d'État qui seront réunis tout près au même moment, pour qu'ils adoptent des politiques moins défavorables aux pays du tiers-monde. Louable initiative, à première vue, mais qui prend tout son sens quand on la situe dans le cadre du développement du fort mouvement anti-mondialisation et anti-impérialiste qui s'est développé depuis cinq ou six ans. Peu de temps après que Bob Geldof eut annoncé vouloir réunir un million de personnes à l'occasion de l'ouverture du sommet du G-8, les médias britanniques ont demandé à un des organisateurs de Live 8, Midge Ure, s'il craignait que le spectacle soit détourné par d'éventuels éléments anarchistes qui pourraient en profiter pour semer le trouble. Le porte-parole a répondu avec beaucoup de sérénité et de perspicacité qu'en réalité, c'est le contraire qui allait se produire, dans le sens où c'est plutôt Live 8 qui allait détourner les événements planifiés par les éléments plus radicaux. On ne pourrait mieux résumer le rôle joué par les artistes qui s'associent à toutes ces grandes causes autres que celles du prolétariat et des peuples en lutte contre la domination impérialiste: au mieux, ils agissent comme sapeurs-pompiers pour éteindre les foyers d'incendie que les classes dirigeantes n'arrivent plus à contrôler; au pire, ils vont même aller jusqu'à faire des flics d'eux-mêmes, en dénonçant les éléments révolutionnaires ou plus radicaux, ceux qu'ils qualifient de "p'tits Che Guevara" (version Cowboys Fringants) ou de "casseurs" (version Loco Locass). Il existe actuellement au Québec des douzaines de petites formations musicales qui se débrouillent tant bien que mal sur la scène alternative, dont les activités sont certes beaucoup moins "glamour" que cette sorte "d'aile gauche de l'ADISQ" qui sillonnera la province tout au long de l'été autour des Cowboys Fringants, question d'étirer la sauce et de grossir le pactole. Les membres de ces plus petits groupes, dont certains sont parfois aussi des militants et des militantes impliquéEs dans les luttes des masses, se servent de leur tribune, non pas pour prêcher le soutien au PQ et la collaboration de classes comme le font les Cowboys et les Loco Locass, mais pour exprimer leur colère contre l'exploitation et l'oppression, sous toutes leurs formes. Du point de vue du prolétariat, leurs pratiques culturelles, même si elles sont beaucoup plus modestes que celles que nous assène l'industrie du spectacle et ses marchands d'illusion, s'avèrent bien plus précieuses et ont un potentiel libérateur autrement plus convaincant. - De notre correspondant ----- Article paru dans Arsenal-express, nº 55, le 26 juin 2005. Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation). Pour vous abonner: faites parvenir un courriel à
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