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Charest en Haïti: un commis-voyageur au service de l'impérialisme

Eric Smith, Domingo, Junio 12, 2005 - 16:59

Arsenal-express

 
Lorsqu'on a appris que le Premier ministre du Québec Jean Charest avait l'intention d'aller passer quelques jours en Haïti, plusieurs ont sans doute, ne serait-ce que quelques instants, souhaité qu'il y reste, tant sa "performance" actuelle est affligeante. Sauf que la question se serait alors posée, à savoir: qu'est-ce que le peuple haïtien aurait bien pu faire de mal pour mériter ça?

Accompagné de la ministre québécoise des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay (qui a pris une pause dans la cabale anti-musulmane qu'elle poursuit depuis quelques semaines), et d'un "petit groupe de gens d'affaires" toujours à l'affût de bonnes aubaines, Jean Charest est débarqué sur le sol haïtien le jour même où la police du régime "de facto" mis en place après le kidnapping et la déportation du président Jean-Bertrand Aristide en février 2004, procédait à un nouveau raid sanglant dans un quartier populaire de la capitale.

Selon une dépêche de l'agence Prensa Latina, au moins 25 personnes ont perdu la vie samedi le 4 juin, lorsque des agents de police ont investi le quartier Bel-Air et d'autres quartiers populaires de Port-au-Prince, considérés comme des bastions du président renversé. Des témoins ont affirmé que les flics ont tiré indistinctement sur la population civile, allant même jusqu'à incendier une douzaine de maisons. Le gouvernement affirme que les victimes étaient des "bandits", mais des résidents interrogés le lendemain par l'Agence haïtienne de presse et Radio-France Internationale ont confirmé qu'il s'agissait essentiellement de civilEs désarméEs.

Complice de ce nouveau massacre, Jean Charest a accordé son soutien inconditionnel au Premier ministre par intérim, Gérard Latortue: "Nous voulons, par notre présence, vous dire à quel point votre mission est importante pour la communauté internationale." Et quelle est donc la "mission" de ce gouvernement fantoche, dont l'existence tient uniquement à la présence des forces armées et policières étrangères qui occupent le pays (la MINUSTAH)? D'abord et avant tout, il s'agit de mater et d'écraser toute forme de résistance, qu'elle se manifeste par l'important soutien populaire dont bénéficie toujours Jean-Bertrand Aristide et son parti Fanmi Lavalas (qui reste le seul parti politique digne de ce nom en Haïti) ou autrement, cela, afin de consolider la domination étrangère qui perdure pourtant depuis déjà bien trop longtemps dans ce pays.

Une partie du voyage de Jean Charest était bien sûr pour consommation domestique. Le détour qu'il a fait dans la ville des Gonaïves, qui fut particulièrement touchée par le passage de la tempête Jeanne en septembre dernier, visait d'abord et avant tout à fournir de bonnes images aux médias québécois -- le Premier ministre ayant très certainement besoin de redorer son blason auprès de la population d'ici. Mal lui en prit toutefois, le chef du PQ Bernard Landry a choisi de démissionner à peine quelques heures après l'arrivée de Jean Charest à Port-au-Prince, éclipsant totalement le voyage du Premier ministre dans les bulletins de nouvelles. Quand ça va mal, décidément...

De toutes manières, l'escale de Charest aux Gonaïves fut tout à fait ratée, comme d'ailleurs à peu près tout ce qu'il entreprend. Avant même son départ, l'ineffable Monique Gagnon-Tremblay avait déjà annoncé que le gouvernement n'avait pas l'intention d'accroître son aide financière en Haïti, car "pour le Québec, l'aide internationale n'est pas la priorité des priorités". Au moment où la catastrophe s'était produite, on s'en souviendra, l'aide consentie par Québec s'était avérée honteusement famélique. Cette fois-ci, Charest est débarqué aux Gonaïves avec un premier chèque supplémentaire de... 50 000$, "destiné à un avant-projet de récupération des déchets" (pour un éventuel contrat à une entreprise québécoise de recyclage, peut-être?).

Le temps de se faire photographier avec une douzaine d'enfants qui agitaient des drapeaux fleurdelisés et qui avaient tous l'air de se demander ce qu'ils faisaient là, et surtout après avoir essuyé les critiques virulentes de certains de ses interlocuteurs face à ce qui ne pouvait apparaître que comme une provocation, notre Premier ministre a improvisé une fois de plus en y allant d'un don supplémentaire de 350 000$, juste avant de repartir pour le Québec, qui sera remis à "divers organismes [canadiens, pour la plupart] œuvrant auprès du peuple haïtien".

Ces contributions squelettiques, qui n'ont même pas le mérite d'être désintéressées, sont en tous points scandaleuses, venant d'un Premier ministre dont le pays se classe au quatrième rang pour les indicateurs de développement humain, selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement, alors que Haïti se situe au 153e rang (sur 177). Charest s'est comporté aux Gonaïves exactement comme un millionnaire de Westmount ou de l'Île-des-Sœurs, qui aurait traversé le boulevard Saint-Laurent vers l'est et croisé un sans-abri, à qui il aurait consenti un "vieux trente sous" pour se donner bonne conscience. Quelle plaie, tout de même, que cet homme...

La visite de Jean Charest en Haïti s'inscrivait dans la foulée de l'intervention canadienne qui se déroule dans ce pays. Le Canada, on le sait, a joué un rôle majeur, au même titre que la France, dans la réalisation du coup d'État qui a renversé le président élu Jean-Bertrand Aristide il y a 15 mois -- un coup d'État qui fut orchestré dans les officines de la Maison-Blanche. L'impérialisme U.S., qui maintient son hégémonie depuis des décennies en Haïti, jugeait que le gouvernement haïtien légitime n'était plus assez fiable pour y défendre ses intérêts. L'administration Bush s'est appuyée sur une soi-disant "révolte populaire" fomentée par quelques centaines, tout au plus, d'ex-militaires et ex-macoutes pour justifier le kidnapping et la déportation du président Aristide et la mise en place d'un gouvernement croupion et la désignation d'un nouveau "président", Boniface Alexandre.

Depuis lors, la situation du peuple haïtien n'a cessé de se détériorer, à tous les points de vue. Et la répression politique contre les éléments pro-Aristide défie toutes les normes légales et démocratiques qu'on puisse imaginer. Le nouveau régime pro-impérialiste justifie la répression actuelle (on compte présentement en Haïti pas moins de 700 prisonniers politiques, détenus sans procès ni accusations) en disant qu'il faut mettre fin à "la terreur et l'insécurité" que feraient régner les "bandes armées" -- ces fameuses "chimères" associées, à tort ou à raison, au parti Fanmi Lavalas. Pour ceux qui prétendent aujourd'hui diriger Haïti et pour les États qui souhaitent maintenir leur tutelle sur ce pays, l'insécurité était bizarrement justifiable, quand elle était le fait d'ex-militaires et ex-macoutes qui souhaitaient déstabiliser le régime d'Aristide, mais elle est maintenant inacceptable, venant de groupes, d'organisations ou de secteurs qui refusent la domination étrangère.

Avant même le coup d'État du 29 février 2004, le gouvernement canadien, par le biais de l'ACDI, intervenait déjà pour déstabiliser les autorités légitimes, en finançant allègrement tout un réseau d'organisations opposées au président Aristide et à Fanmi Lavalas, telles ENFOFANM, SOFA, Kay Fanm et la National Coalition for Haitian Rights -- cette dernière ayant joué un rôle clé dans la réalisation du coup d'État. À la demande du gouvernement états-unien, sans doute trop occupé en Irak et en Afghanistan pour faire la job lui-même, le Canada a accepté de prendre le leadership de l'après-coup d'État, afin d'imposer la paix sociale et assurer la domination impérialiste en Haïti. Bien sûr, le Canada souhaite profiter de l'occasion pour placer ses billes et promouvoir les intérêts de "nos" compagnies comme SNC-Lavalin, Gildan Activewear et Hydro-Québec, qui y trouvent déjà leur compte (Gildan, pour une, emploie plus de 5 000 ouvrières et ouvriers en Haïti, directement ou par le biais de sous-traitants).

Les 16 et 17 juin prochains, le Canada sera l'hôte d'une "conférence internationale sur Haïti", qui réunira des représentants des différents pays qui soutiennent le régime illégal et anti-démocratique actuel, sous la direction d'un des membres les plus corrompus du gouvernement libéral de Paul Martin, Denis Coderre. Des groupes de solidarité avec le peuple haïtien comptent profiter de l'occasion pour dénoncer l'occupation étrangère et la complicité canadienne. Dans le but de faire taire toute voix d'opposition -- tout comme le font la police nationale et la MINUSTAH en Haïti même -- le gouvernement canadien a gardé le secret jusqu'à ce jour sur l'endroit où la conférence aura lieu (tout ce qu'on annonce, c'est qu'elle se déroulera à... Montréal!).

Nous vous invitons donc à rester aux aguets dans les prochains jours et à répondre positivement à l'appel que les groupes de solidarité ne manqueront pas de lancer, dès qu'on saura où les ennemis du peuple haïtien se cachent.

Depuis 200 ans que le peuple haïtien a formellement conquis son indépendance, la domination néo-coloniale et impérialiste l'a constamment empêché de s'émanciper et elle lui a imposé des souffrances sans fin. Il est vraiment plus que temps que Haïti obtienne sa vraie libération!

Aba systèm enperyalis! Revolisyon se sel solisyon pou nou libere!

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Article paru dans Arsenal-express, nº 53, le 12 juin 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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