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Quel individualisme ?pythagore, Jueves, Junio 9, 2005 - 17:24
André Pelchat
Petites réflexions personnelles sur un discours à la mode… Le néolibéralisme contre l’État ? Ça dépend… Avec le deuxième anniversaire de l’élection du gouvernement Charest , il ne me semble pas complètement déplacé de me livrer à quelques réflexions sur le discours néolibéral avec lequel les médias nous chauffent les oreilles régulièrement et avec une quasi-unanimité, emboîtant le pas au parti libéral quand ce n’est pas à l’ADQ ou aux conservateurs fédéraux. Depuis déjà une bonne vingtaine d’année, nous – je veux dire les gens qui travaillent dans le mouvement communautaire- dénonçons à qui mieux mieux ce discours néolibéral. Nous avons peut-être tort. Du moins, tort de l’appeler ainsi. Pour mieux comprendre, commençons par lire cet extrait d’un article de journal : « L’État, avec son énorme machine bureaucratique, pousse dans le sens de l’asphyxie. L’État était supportable, pour l’individu, tant qu’il se limitait à être soldat et policier. Mais aujourd’hui l’État fait tout : il est banquier, usurier, croupier, navigateur, ruffian, assureur, postier, cheminot, impresario, industriel, maître d’école, professeur, buraliste et mille autres choses, outre qu’il continue comme par le passé à être policier, juge, gardien de prison et agent des impôts. L’État (…) aujourd’hui voit tout, fait tout, contrôle tout et détruit tout : chaque fonction de l’État est un désastre. Désastres l’art d’État, l’école d’État, les postes d’État, la navigation d’État. (...) À bas l’État sous toutes ses formes et incarnations. » Qui a écrit ce vibrant plaidoyer antiétatiste ? Alain Dubuc ou Claude Picher ? « Le Québécois libre » sur son blogue ? Ou un « expert » de l’Institut Fraser ? Aucune de ces réponses. Ces phrases fumeuses (à défaut d’être fameuses) jaillirent de la plume de… Benito Mussolini dans le Popolo d’Italia du 6 avril 1920. Comme on le voit, le discours « néolibéral » n’a rien de vraiment « néo ». Et à bien y penser, surtout rien de libéral. Ce qui devrait nous amener à réfléchir un peu sur ce discours dominant qui ne cesse de se draper dans l’étendard de la « liberté individuelle ». Voici quelques observations susceptibles de nourrir cette réflexion. Un des points saillants de ce discours est l’opposition absolue que l’on érige en dogme, entre la « bureaucratie » et le capitalisme (ou « entrepreneurship ») Selon ce discours, les deux choses relèvent, pour ainsi dire, pour ainsi dire des principes opposés. Que s’est-il passé qui a amené cette croissance de l’État ? Tout simplement le développement du commerce et de l’industrie. C’est pour gérer ce processus qu’il a fallu des lois, de la comptabilité, des contrats, des inventaires… bref de la paperasse et, pour manipuler tout ça : des bureaucrates. Les grandes sociétés capitalistes ne sont elles-mêmes que d’immenses bureaucraties. Quand Picher, Dubuc et l’Institut Fraser sont vraiment en forme, ils vont encore plus loin : ils opposent l’État « artificiel » à la propriété privée « naturelle ». Ce qui nous ramène à notre article du début : selon notre ex-socialiste (pas encore dictateur en 1920) « L’ État était supportable, pour l’individu, tant qu’il se limitait à être soldat et policier. » Les « libéraux » ne cessent de crier bien haut leur défense de l’ « individu »face à la « collectivité », à l’État « anonyme ». Pourtant, un examen le moindrement attentif de leur discours nous les fait voir toujours en train de défendre, non des individus, mais des sociétés. Va-t-on nous dire que Mc Donald, GM ou Bombardier sont des individus ? Tous les employés de Wal-Mart ou de Mc Donald, en uniforme et tenu à une obéissance standardisée (je sais de quoi je parle ayant travaillé dans une de ces entreprises) sont bel et bien des individus. Mais lorsqu’ils tentent d’utiliser leur droit d’individus à s’associer librement, en formant, par exemple, un syndicat, nos chroniqueurs à gages se ruent à la défense de l’entreprise, accusant les employés de menacer toute l’économie de leur région et tutti quanti… L’individualisme selon les néolibéraux : portez votre uniforme, fermez vos gueules et obéissez ! Remarquons que, l’inverse est un peu vrai. Nous dans le mouvement communautaire, parlons beaucoup de valeurs collectives. Néanmoins, c’est à des individus que nous avons affaire. Nos organismes aident des individus et tentent souvent d’adapter leur démarche aux cas individuels. La travailleuse d’un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelles, le bénévole d’un comptoir alimentaire, le permanent d’un groupe d’aide aux assistés sociaux s’occupe de personnes en chair et en os. Cas par cas. Ce que nous oblige à constater un examen attentif du discours « néolibéral » (aux Etats-Unis on dit plus souvent « néoconservateur ») c’est que l’individu n’y a, en réalité, aucune place. Un État qu’on aurait appelé autrefois corporatiste. C’est comme ça qu’il était défini par un mouvement d’idée fort important dans les années 1930. Le chanoine Lionel Groulx était un grand défenseur du corporatisme, de même qu’un parti politique, le « parti de l’Unité canadienne » dirigé par un certain Adrien Arcand. Aux Etats-Unis, un certain père Coughlin, prêtre catholique et animateur de radio, prônait aussi le corporatisme. Bref, c’est facile de crier contre l’État et pour « l’individualisme », mais quand ça vient du dirigeant d’une transnationale, d’un parti de droite ou de l’un des chroniqueurs qui leur servent de porte-voix, il y a lieu de prendre de telles déclarations avec un grain de sel. Individualisme ? Où ça ? |
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