Voici une série de textes qui chacun à leur tour démonte les rouages de
l'institution scolaire, institution de domination depuis toujours
L'école prison et sa destruction créatrice
éditorial de Désinstruction
Dans les écoles, il n'y a aucune liberté. L'école est l'endroit où l'on
apprend à se conformer aux normes de la société. On y apprend à être un
rouage bien graissé de l'engrenage. L'enseignement, qu'il soit
primaire,secondaire, collégiale ou universitaire, est une prison; une
prison aux
murs si larges qu'on y parle abondamment de liberté.
Lorsque nous l'affirmons publiquement et sans fioriture, on nous rétorque
toujours les mêmes discours complaisants sur l'importance de la culture,de
l'élévation de l'esprit et du choix citoyen. Mais ces personnes n'y
pensent pas sérieusement : elles sont sous l'emprise d'une illusion; elles
ont gobé le discours de la classe dominante à qui appartient l'école. Ces
personnes veulent gérer une institution emmurée - au propre comme au
figuré - lorsque l'heure est à sa destruction définitive.
Nous dépendons d'institutions qui, historiquement,
nous oppriment. On reçoit de l'argent de l'État, on
travaille durement l'été, etc. Avec autant de
contraintes venant des institutions les plus
autoritaires, comment est-il possible de se prétendre
libre? Comme tout le monde et peut-être davantage, les
étudiantEs doivent se vendre d'une manière ou d'une
autre.
Les limites de cette prétendue liberté dans l'école
sont certainement celles de la société capitaliste
dans son ensemble, car pour ceux et celles qui
auraient refoulé cette information fondamentale, c'est
l'école du capitalisme dont il s'agit. Il y a la
sécurité (police), l'administration bureaucratique
(l'État), les employéEs de l'entretien et de la
cafétéria (maman), les professeurEs (papa) et les
enfants privés de parole (les producteurs),
c'est-à-dire nous les étudiantEs. Tous les éléments
d'autorité traditionnels sont présents et les
comportements sont prescrits systématiquement. Outre
ces rôles sociaux caricaturés, l'étudiantE est
essentiellement unE élève, unE disciple du maître. On
lui demande une soumission aveugle.
L'industrie culturelle manipule davantage l'individu
que l'institution scolaire. Le spectacle télévisuel,
par exemple, empreigne l'esprit des enfants et les
conditionne définitivement. En fait, l'école fait
partie intégrante de cette industrie culturelle
infernale qui détermine la vie humaine.
L'école n'est qu'une étape fondamentale dans le
processus de soumission des individus aux réalités
économiques et culturelles. Elle forme l'élite de
demain dont la tâche est de gérer le monde dans les
limites fixées par les chefFEs. L'école, on y va
d'abord pour ne pas vivre d'un salaire de misère toute
sa vie, pour des intérêts carriéristes,
individualistes, parce qu'on en a eu la chance grâce à
nos origines sociales et que, dans le fond, on croit
que c'est mieux qu'une jobine de merde ou la roulette
russe.
Au gré de notre cheminement individuel, l'école nous
contrôle, nous oblige, nous sépare des autres, nous
filtre, nous force à dire ce qui semble être une
banalité de notoriété publique. Les fausses certitudes
qu'elle professe enrayent quotidiennement notre
imagination et calibrent efficacement nos champs
d'évasion. Repousser les limites devient alors une
affaire de professionnelLEs, de spécialistes.
L'école nous forge d'une manière telle que la
contestation de la totalité du système sociale est
reléguée au rang des légendes d'une jeunesse révoltée,
une phase d'adolescentEs malades qui se prolonge.
C'est, malgré nos vains reniements, ce que nous
sommes. Il s'agit - dès lors que nous l'admettons
sereinement - de donner un sens à cette révolte de la
jeunesse, de la répandre, de la promouvoir à un niveau
irrécupérable et d'en faire un détonateur
révolutionnaire. Il n'y a aucun mal à se déclarer
malade soi-même lorsque la société, dans son ensemble,
est malade et refuse obstinément d'y croire.
L'existence des associations étudiantes, aujourd'hui
reconnue par l'État, était d'abord très contestataire.
C'était l'époque où la discipline religieuse en place
prescrivait les pires atrocités, allant du racisme au
sexisme. Lorsque les premières associations étudiantes
ont vu le jour, c'est cette réalité qu'elles ont
attaqué de front; la jeunesse docile prenait
conscience de sa situation et, influencée les combats
syndicaux, la jeunesse a voulu, elle aussi, jouer un
rôle dans la gestion de ce monde administré.
Les partis de gauche ont pris la trajectoire du
compromis; ils ont proposé des adaptations pour que le
système soit moins difficile. Leur volonté d'améliorer
la misère s'est résolue en misère de l'amélioration,
partielle et insignifiante.
Le mouvement étudiant est créé par le système
d'éducation. Tout comme l'école en général, les
structures des associations étudiantes sont
hiérarchisées. Elles favorisent la création de petitEs
politicienNEs qui prennent plaisir à gérer la misère
étudiante. Leurs luttes, si l'on peut parler ainsi,
tentent d'améliorer un peu notre calvaire. Les
directeurs, l'administration et le gouvernement
deviennent des gens avec qui «on pourra sûrement
s'entendre», avec qui on se doit de négocier, quitte à
faire des ententes qui nous désavantagent. Les
associations étudiantes sont davantage des réseaux
élitistes de carriéristes amateurs qui font de la
politique spectacle que des centres de lutte.
Un principe mérite toutefois la peine d'être défendu :
la souveraineté totale des assemblées générales. Si
nous participons activement aux assemblées générales,
c'est que nous croyons que tous les libertaires
doivent absolument s'impliquer dans toute démocratie
directe afin d'en élargir le contenu. En tant que
membres actionnaires des associations étudiantes,
laisser cet espace aux petitEs chefFEs bureaucrates
leur offre une force financière et morale déterminante
qui se transforme en pouvoir politique autoritaire.
Pour nous, les associations étudiantes sont des vaches
à lait qui permettent d'obtenir ce que nous impose la
réalisation de projets révolutionnaires dans la
société marchande. (1)
Il est clair que cette vision des assos est loin
d'être révolutionnaire en soi : tous les comités issus
des associations étudiantes, qu'ils soient de gauche
ou de droite, partagent cette vision sombre mais
réaliste de la corporation. C'est lorsque ce constat
est fait et pleinement assumé qu'il est possible
d'utiliser les associations étudiantes de façon
cohérente dans une perspective révolutionnaire.
Nous n'attendons rien du système d'éducation qui mine
nos vies, nous domine et nous oppresse, nous asservit
à la reproduction servile des systèmes dominants
(patriarcal, capitaliste, étatique, écocidaire,
etc.).Nous le détruirons par la lutte de classe que
nous menons et mènerons, par l'autogestion de nos vies
et la réalisation d'une éducation volontaire
généralisée à toutes les dimensions de nos êtres
(économique, sociale, affective, culturelle,
éthique...) et à tous les lieux. Ainsi, notre combat
et notre existence ont entre autres objectifs la
liberté la plus entière, la solidarité la plus commune
et la créativité continue. C'est à cela que vous
convie le Collectif Désinstruction!
(1) Cependant, dans l'état actuel des choses, nous
sommes conscientEs que certains moyens, tel que la
grève, sont facilités par les associations en raison
de leur légitimité légale illusoire dont nous ne
pouvons pas faire abstraction.
De la destruction de l'école
Nico, jeudi, 14/11/2002 - 19:06
Analyses | Économie | Éducation
DE LA DESTRUCTION DE L'ECOLE
Dans un débat sur l'école laïque publié par La Guerre sociale en 1909, l'
anarchiste individualiste André Lorulot déclarait : " N'est-ce pas de l'
école laïque que sont sortis les pioupious qui, à Narbonne et à
Dravail-Vigneux, ont assassinés leurs frères de travail ? (.) L'école
cléricale abrutit au nom de la religion, au nom de Dieu. Mais l'école
laïque
est également remplie de préjugés. On y impose la Patrie, le Capital, la
Propriété, l'Autorité, l'Obéissance. La Laïque est un abrutissoir, une
fabrique d'abrutis et d'esclaves au même titre que l'école où l'on donne
l'
enseignement religieux " (1). Critiques impitoyables de la vulgate
démocratique et du marxisme frelaté diffusée par les socialistes (2), les
individualistes ne se faisaient guère d'illusions sur les possibilités d'
utiliser l'école, les parlements, les syndicats dans un sens
révolutionnaire
(3). Au-delà de l'autonomie ouvrière, ils voyaient comment le rapport social
capitaliste réduisait l'individu au rôle de travailleur, de simple vendeur
de force de travail, et concevaient donc - implicitement - la révolution
comme autonégation du prolétariat, d'une manière beaucoup plus claire que
les socialistes. La notion d'En-dehors exprimait a contrario le mieux
possible la limite du cycle de luttes qui allait amener la classe ouvrière
à
être politiquement et socialement ce qu'elle était économiquement, à s'
affirmer comme le pôle travail du capital (4).
Au delà de la définition brutale de Lorulot, il est possible de montrer que
l'Ecole n'est pas seulement une question idéologique, mais qu'elle est
directement liée à la formation de la valeur. Rappelons simplement que
celle-ci est liée au " temps socialement nécessaire à la production des
marchandises est celui qu'exige tout travail, exécuté avec le degré moyen
d'
habileté et d'intensité et dans des conditions qui, par rapport au milieu
social donné, sont normales " (5). Autrement dit, la formation de la
valeur
est directement liée à la formation reçue (degré moyen d'habileté) et à la
discipline (degré moyen d'intensité) par les travailleurs dans des
conditions sociales données. Plus précisément, " en tant que valeur, la
force de travail représente le quantum de travail social réalisé en elle "
(6). Ce quantum de travail social peut représenter bon nombre choses,
depuis
l'apprentissage de la discipline de base par la soit-disant "
socialisation
", jusqu'à l'apprentissage des techniques les plus complexes, en passant par
le niveau commun d'éducation requis dans un pays donné. Toutes ces variables
ont quelque chose de commun, celle d'être elles-mêmes issues d'un temps de
travail consacré à " l'éducation ". Ce temps " réalisé " dans la force de
travail agit directement sur la valeur de celle-ci, sur ce qu'elle va
transmettre à la marchandise dans la production. Ainsi, " le temps est
tout,
l'homme n'est rien ; il est tout au plus la carcasse du temps " (7).
Dans sa définition, d'ailleurs très brève, de la valeur de la force de
travail, Marx ne détaille guère la place qu'y tient l'école, même s'il
signale que " les frais d'éducation, très minimes d'ailleurs pour la force
de travail simple, rentrent dans le total des marchandises nécessaires à
la
production " (8). Peu importe qu'il s'agisse d'un apprentissage direct ou d'
une formation scolaire, d'une école publique ou privée, religieuse ou laïque
: l'éducation est subordonnée à la production, intégrée dans la
reproduction
du capital.
On peut aller un peu plus loin dans l'analyse de la mise en place d'un
système éducatif en Europe occidentale dans le cadre du capital, sur la
simple base des définitions précédentes. Dans l'ancien système des
métiers,
l'ouvrier apprenait auprès d'un maître, qui lui transmettait son
savoir-faire. Ce maître consacrait une partie de son temps à la formation de
l'apprenti ,durant lequel il ne participait pas directement à la
production,
mais bien à la reproduction du système. Ce temps était financé à la fois par
les parents de l'apprenti et par leur participation à la production. Mais un
même maître avait rarement plus de quelques apprentis en même temps, et ne
pouvait y consacrer tout son temps. Cette impossibilité trouvait sa
stabilité dans la limitation imposée par les organisations
professionnelles
au nombre de maîtres en exercice dans une ville. Autrement dit, c'est un
système qui se reproduit, mais qui ne s'élargit pas.
Avec un prolétariat nombreux, mais un travail simple, l'éducation
nécessaire
pour élargir le système est limitée : l'expropriation des ruraux suffit à
provoquer l'expansion numérique du prolétariat, tandis que la formation
des
ouvriers peut encore être assurée par les plus expérimentés d'entre eux ou
par le maître, lorsqu'il est encore directement impliqué dans le métier. "
Tout ouvrier n'ayant jamais travaillé aux jacquards, quoique tisserand,
sera
tenu de faire pièces sans pouvoir quitter ; sinon, il devra payer 10 F d'
apprentissage " indique un règlement d'atelier en 1841 : on voit comment
la
formation est intégrée à la production, alors même que l'instruction
primaire est rare parmi ces ouvriers tisserands du Nord (9). Cette
expansion
numérique du prolétariat accentue le mouvement de déqualification déjà
existant sous l'Ancien régime : dans le Paris des années 1860, à peine un
ouvrier sur six est passé par l'apprentissage (10). Plus que la
qualification des ouvriers, en dehors des métiers les plus spécialisés, c'
est l'obsession des capitalistes, pour augmenter la valeur produite, est
principalement d'instaurer la discipline dans les ateliers : le mot et la
figure du contremaître apparaissent vers 1840 en France (11).
Puisque l'augmentation de la valeur du travail est lié au fameux " quantum
de travail social réalisé en elle ", il existe une relation directe entre
le
temps consacré par l'enseignant à la formation, le temps durant lequel l'
élève reçoit celle-ci et la valeur du travail de l'élève un fois formé.
Plus
le nombre d'heures d'enseignement est important, plus cette valeur sera
élevée (12). De plus, un enseignant transmet son savoir à plus d'élèves
que
ne le faisait un maître avec ses apprentis, ce qui démultiplie la création
de valeur, pour un coût optimisé. Dans le cadre de la division sociale du
travail, l'école est donc liée à l'augmentation de la valeur globale. Elle
ne crée pas directement cette valeur, mais constitue son point de départ.
Dans le système de formation par les ouvriers les plus expérimentés, le
capitaliste n'intervient pas dans la formation des travailleurs, dans la
production de la force de travail. De manière plus générale, le travail
est
organisé selon les méthodes et le savoir-faire des ouvriers, sous le
contrôle du capitaliste. Lorsque les patrons tentent d'augmenter la
productivité du travail, ils font progressivement - et non sans résistance
-
passer l'organisation du travail lui-même sous leur contrôle, notamment par
le développement de la technologie. Le travail est alors réellement "
subordonné au capital " (13). L'école, parce qu'elle dépossède la
communauté
de travail de sa propre reproduction pour la soumettre au capital, est l'un
des éléments dynamiques de cette subordination. Or, les grands patrons tels
que Schneider ou l'imprimeur Chaix, ou encore les Frères des Ecoles
Chrétiennes, ont joué un rôle important dans cette contestation de " l'
endotechnie ", de la formation des jeunes ouvriers par les plus
expérimentés, et à former des écoles patronales fondées selon leurs propres
normes. Savoir lire un dessin technique, ou des normes de production, c'est
déjà - littéralement - mettre en application le " plan du capital ".
Par sa place même dans la reproduction de la force de travail et dans la
subordination du travail au capital, elle est l'une des pièces
essentielles
du rapports d'exploitation. L'école capitaliste est tout, sauf un lieu d'
épanouissement de la personnalité. " Quoi d'étonnant si la prison
ressemble
aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui ressemblent tous aux
prisons ? " (14).
Cette vision carcérale de l'école dans une société transformée en usine se
heurte généralement à l'idée, couramment admise, d'une revendication
ouvrière du droit à l'instruction. Si on adopte un point de vue
objectiviste, tout va bien : les capitalistes développent le système
scolaire parce que cela leur permet d'augmenter leurs profits, et si les
ouvriers réclament le droit à l'instruction, c'est, au choix, parce qu'ils
sont dupés par le capital, ou parce que celui-ci est " progressiste " tant
qu'il peut se le permettre. Dans les deux cas, la lutte des classes n'est
pas le " moteur de l'histoire ", mais son théâtre apparent, tandis que la
belle machinerie du capitalisme constitue la seule dynamique réelle. Dès
que
l'on observe ces questions sous l'angle subjectiviste, c'est-à-dire de
sujets agissant dans l'histoire, les classes sociales, la question devient
naturellement plus complexe. Après tout, si quelques patrons lucides ont
soutenu la création d'écoles, ce n'est pas le cas de la classe capitaliste
dans son ensemble. Ce sont plutôt les classes moyennes, et notamment les
professions libérales, qui ont contribué le plus à l'émergence d'un
système
scolaire. Il faut, pour bien le comprendre, voir comment l'éducation est
perçue par la classe ouvrière.
Dans le travail salarié, le salaire est une variable déterminée par les
rapports sociaux, et, en fin de compte, par les luttes sociales. Ces
luttes
présentent un caractère double, puisque le salaire est à la fois une
marchandise dont le prix est négocié entre vendeur et acheteur - même si
cette négociation peut rendre des formes très violentes de part et d'autre
-
et qu'en tant que tel, il est conforme au fonctionnement général du système
; mais d'un autre côté, puisque le salaire est le prix de la force de
travail et que le travail est la seule marchandise qui se trouve présente
dans toutes les productions, il acquiert un caractère central dans la
réalité capitaliste, et par là même, dans l'esprit des salariés. Or, a
partir du moment où l'éducation est l'un des éléments de cette
négociation,
c'est-à-dire où le salaire est au moins en partie fondé sur la
qualification, la lutte pour l'instruction fait partie des luttes pour le
salaire (au sens large de prix du travail).
Les ouvriéristes italiens avaient développé l'idée d'autovalorisation des
travailleurs dans la lutte pour les salaires, même s'ils en ont
tardivement
perçu les limites (15). Cette idée est correcte, à condition de la replacer
dans le cycle de l'affirmation du prolétariat à l'intérieur du capital, donc
de son " intégration " au capital et de sa volonté d'en prendre le contrôle
: " le prolétariat cherche à libérer contre le capital sa puissance sociale
existante dans la capital. Ce qui lui confère sa capacité à promouvoir cette
large affirmation devient sa limite " (16). Dans le mot d'ordre du " droit à
l'instruction ", se trouvent combinées la revendication de salaires élevés,
d'une reconnaissance professionnelle et l'affirmation de la pleine
citoyenneté - droit à l'instruction et suffrage universel sont fréquemment
liées. Comme l'adresse un ouvrier russe à la rédaction de l'Iskra, ce
qu'il
aime dans ce journal c'est qu'il " considère l'ouvrier comme un citoyen "
(17).
Cet engouement ouvrier pour l'éducation s'affirme essentiellement dans son
auto-organisation (la pratique des bibliothèques ouvrières, des cours du
soir, de l'autodidaxie,.). Il existe une certaine méfiance ouvrière envers
l
'école, renforcée par l'obligation de mettre les enfants au travail le plus
tôt possible. Si la revendication du droit à l'instruction publique apparaît
dans tous les programmes ouvriers, les luttes réelles (grèves générales,
pétitions massives, etc.) sont rares, contrairement à al question du
suffrage universel. Ainsi, en 1841, la première loi française sur le
travail
des enfants et leur scolarisation a été fort débattue entre médecins,
inspecteurs du travail et patrons, sans susciter d'intérêt particulier
côté
ouvrier : le célèbre journal L'Atelier ne lui consacre pas une ligne (18).
Il ne faut donc pas confondre le désir d'instruction et revendication
d'une
instruction publique encadrée par l'Etat.
Or, malgré des initiatives patronales isolées, seul l'Etat est en mesure de
réaliser concrètement la demande. Le capitaliste individuel peut envisager
la formation de ses salariés pour des tâches spécifiques, mais son intérêt
consiste à trouver sur le marché du travail un travailleur déjà formé.
Seuls
quelques très grandes entreprises peuvent réellement se permettre
d'intégrer
de véritables écoles. Il existe bien sûr des écoles privées ", mais le plus
souvent, elles ont d'abord existé comme lieu de reproduction des classes
moyennes, de la petite-bourgeoisie plus que du prolétariat - encore que l'
église catholique se soit parfois, pour maintenir sa position idéologique,
investie sur ce terrain.
L'Etat, par contre, a un intérêt plus général à ce que les capitalistes
trouvent le plus facilement possible ces travailleurs déjà formés, qui
vont
permettre d'accroître les profits réalisés sur son territoire. En retour,
cela l'oblige à ponctionner sur cette masse de profits les moyens de
réaliser cette tâche. L'éducation, consommatrice de valeur en vue de
produire une valeur plus grande ultérieurement, ne peut être assumée que
par
un capitaliste qui possède une masse importante de capitaux et un temps de
circulation particulièrement long.
Ainsi, même si l'initiative du " droit à l'instruction " est issue de l'
auto-valorisation ouvrière, de l'affirmation du prolétariat comme classe
(donc dans le capital), c'est dans la rencontre - conflictuelle - avec l'
Etat qu'elle trouve la possibilité de se concrétiser. Cette rencontre est
facilitée par l'existence d'une classe qui trouve dans l'éducation la
possibilité de s'affirmer et de se développer, les " intellectuels ", dont
l
'existence même est fondée sur la détention d'un savoir (19). Dans le cycle
d'affirmation du prolétariat, il existe une certaine forme de
complémentarité entre les intellectuels et les ouvriers. Mais, si les deux
classes prétendent gérer le capital à leur manière, seuls les
intellectuels
ont la possibilité de le faire réellement, parce que leur imbrication dans
le système disciplinaire et dans la planification du capital leur permet
de
se substituer à la bourgeoisie, alors que la prétention du prolétariat à
gérer le capital est un non-sens pratique. Georges Sorel, dans l'Avenir
socialiste des syndicats, montre bien comment Kautsky introduit en fraude
les intellectuels dans le prolétariat pour justifier leur domination
politique sur celui-ci, et pourquoi ils ont tout à perdre à la victoire de
la classe ouvrière (20).
Toutes les mystifications éducationnistes de la " gauche ", qui ne voient
pas la conscience politique du prolétariat dans l'expérience immédiate de
l'
exploitation, mais dans les révélations apportées par l'éducation, masquent
la réalité sordide de l'école capitaliste. Celle-ci est pourtant la seule
école de masse qui ait jamais existé historiquement, qui ne soit pas liée
uniquement à la reproduction de la classe dirigeante, mais bien à celle du
prolétariat. Dans les périodes de montées des luttes ouvrières, le
discours
éducationnistes est contraint de changer, de s'adapter, d'imaginer des "
alternatives pédagogiques ", ne serait-ce que parce que les intellectuels
ne
peuvent plus s'affirmer que contre l'Etat et retourner contre lui son
idéologie - ou en faire la conquête. Mais même dans ces périodes, la place
de l'école dans le rapport de production, non pas idéologique mais
matérielle, directement liée à la production de la valeur, ne peut leur
apparaître que lorsqu'ils dépassent la contradiction qui oppose leur
position sociale de détenteurs de savoir à leur condition de salariés.
Alors, ils découvrent avec horreur leur absence d'avenir, ils comprennent
que pour eux, " la socialisation des moyens de production se traduirait
par
un lock-out gigantesque " (21).
1) Raoul Vilette (1999), La Guerre sociale, un journal " contre. La période
héroïque : 1906-1911. Les nuits rouges, pp. 351-352.
2) Maurice Dommanget (1969), L'introduction du marxisme en France. Rencontre.
3) " Les élections font durer l'autorité ; les syndicats font durer le
patronat ; les coopératives font durer le commerce ", déclarait Georges
Paraf-Javal dans Le libertaire.
4) Roland Simon (2001), Théorie du communisme, vol. 1. Fondements
critiques
d'une théorie de la révolution. Au-delà de l'affirmation du prolétariat.
Sénonevero.
5) Karl Marx (1976), Le Capital. Critique de l'économie politique. Livre
premier. Le développement de la production capitaliste. Editions sociales,
p. 44.
6) Idem, p. 131.
7) Karl Marx, Misère de la Philosophie. http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/06/km18470615e.htm 8)
Karl Marx (1976), Le Capital, livre premier, p. 132.
9) Paul Delsalle (1985), La brouette et la navette, Tisserands, paysans et
fabricants dans la région de Roubaix et Tourcoing (Ferrain, Mélantois,
Pévèle), 1800-1848. Westhoek / éd. Des Beffrois.
10) Antoine Prost (1968), Histoire de l'enseignement en France, Armand Colin.
11) Denis Woronoff (1994), Histoire de l'industrie en France du XVIe siècle
à nos jours. Le Seuil, pp. 290-296.
12) C'est sur la base de cette notion que Baudelot, Establet et Malemort ont
étudié la formation des techniciens et ingénieurs. Hélas, comme ils
confondent valeur du travail et prix du travail, ils arrivent à un
non-sens,
qui rejette ces salariés en dehors du prolétariat sur la base de leurs
salaire élevés, plutôt que de s'interroger leur place dans les rapports de
production. Christian Baudelot, Roger Establet et Jacques Malemort, La
petite bourgeoisie en France. Maspero, Cahiers libres 270-271, pp.
223-235.
13) Karl Marx (1971), Un chapitre inédit du Capital, 10/18, pp. 191-223.
14) Michel Foucault (1975), Surveiller et punir, naissance de la prison.
Gallimard, p. 264.
15) Steve Wright (2002), Storming Heaven. Class composition and struggle in
Italian Autonomist Marxism. Pluto press.
16) Théorie Communiste n° 14, " Fondements de la critique des Gauches ", pp.
45-46.
17) Trotsky (1970), Nos tâches politiques. Pierre Belfond, p. 77.
18) Pierre Pierrard (1987), Enfants et jeunes ouvriers en France, (XIXe -
XXe siècle). Editions ouvrières, p. 56.
19) Anton Pannekoek (1982), Les conseils ouvriers, tome I. Spartacus, pp.
75-80
20) Georges Sorel (1981), Matériaux d'une théorie du prolétariat,
Slatkine,
pp. 93-99.
21) Idem, p. 97.
Que l'Université fasse naufrage !
cuni28, mardi, 20/08/2002 - 13:32
Analyses | Éducation | Opinion
Que l’université fasse naufrage !
De la contestation universitaire au mouvement révolutionnaire :
commentaire d’un ex-étudiant universitaire
1ère partie
L’Université est le lieu par excellence de reproduction du savoir
hégémonique, hiérarchique, bourgeois et élitiste depuis le début de son
existence en tant qu’institution. Elle est un instrument de reproduction
des élites d’État et des élites capitalistes. Elle est une arme aux mains
de ceux qui possèdent et administrent le Capital social (culturel,
économique, technologique, technique...). Elle produit les patrons, les
cadres, les fonctionnaires, les politiciens, les intellectuels, etc. (au
féminin comme au masculin de plus en plus) qui reproduisent la domination
capitaliste et qui en jouissent. Elle permet la restructuration de la
société de classes et de strates, de la société qui produit une minorité
de maîtres et une majorité d’asserviEs. Se battre pour le maintien de
cette institution hiérarchique, c’est se battre ni plus ni moins pour la
reproduction de la domination bourgeoise (quelle qu’en soit la forme). Que
vous soyez de jeunes capitalistes, technocrates, intellectuels en devenir
qui jouissez de vos futures positions ou que vous soyez de ceux qui
pleurent “le naufrage de l’université
«La prise de partie pour la constitution du mouvement révolutionnaire ne
peut se faire pour nous, universitaires ou anciens universitaires, que par
l’abandon de nos privilèges et de notre position d’élite. Nous pouvons que
nous lier aux autres éléments révolutionnaires de cette société ainsi qu’à
ceux et à celles pour qui la révolution serait être la rupture avec leur
position de dominéEs »
Excuse-moi, tu fais une accusation grave sans donner d'exemples. Quand tu en donneras de vrais exemples, on pourra prendre ce que tu dis au sérieux et y répondre. Argumente mon lapin !
J'ai rarement vu un texte aussi décroché de la réalité. Alors que des milliers d'étudiants manifestent pour l'accessibilité à l'éducation, voila que Calvaire01 en réclame le démantèlement!!!!!
Une question pour calvaire, une fois mis en place le phénomène de "destruction de l’ensemble des institutions bourgeoises et des phénomènes autres de reproduction des inégalités", on fait quoi pour nourrir et loger tout le monde ? Que fais-t-on du réseau électrique ? Qu'est-ce qu'on fait des patients dans les hôpitaux, on les 'libèrent' de cette institution ‘bourgeoise’ ? Et quand. dans un autre texte, tu réclames même la disparition des familles et du couples, tu crois que cela va disparaître comme ça d’un claquement des doigts (la notion de cellule familiale date du passage de la vie de chasseur nomade à celui d’agriculture de subsistance soit il y a environ 8000 ans).
Pour moi, c'est comme jeté le bébé, l'eau du bain, le bain et proscrire l'eau. Cela m'amuse toujours lorsqu'on réclame la destruction complète de la société actuelle alors que l'on est confortablement installé devant son ordinateur dans son chez-soi logé et éclairé. Un peu comme mon ancien prof de philo qui se disait marxiste et qui, le week-end venu, gagnait son chalet dans le nord avec son 4x4 tout neuf...
Bref, "l’autonomie destructrice-créative des masses" ressemble à un progrom digne des Khmers rouge. Heureusement, Calvaire01, tu sembles être le seul à partager ta vision (ou ton cauchemar) sur ce site.
PS: Avec les textes aussi hermétiques que tu publies régulièrement ce sur site, tu espères rallier combien de personne à ta cause ? 2 ou 3 ? Ou peut-être vois-tu encore plus grand ?
Plusieurs d'entre nous luttons contre toute forme de domination y compris celle des institutions de dressage social que sont les écoles du système scolaire.
Par ailleurs
pauvre toi, soit tu dis que l'autonomie destructrice-créative des masses existait avec le pouvoir des khmers rouges et Pol Pot et tu légitimises Pol Pot ou tu dis qu'elle n'existait pas et donc tu montres ton erreur de me traiter moi qui suis contre le capitalisme, l'État, la bureaucratie, le patriarcat et toute forme de domination... de me rapprocher de Pol Pot. D'une manière ou d'une autre, tu te trompes. Et pour le reste, comme tu ne connais rien de ma vie, tu pourrais fermer ta gueule sur ce qui en est.
Et je suis conscient de mes contradictions c'est pourquoi je lutte, pour en sortir et vivre ce que je désire, pense et veux pleinement.
La grandeur et l'élargissemment seront notre oeuvre commune et cela commence par les rencontres et tout ce que je fais en amène beaucoup.
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G20 Especial
Ofrecemos varios informes independientes y testimonios ...
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