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Dieudonné Mbala Mbala et la question Noire en France : Dieudonnant fait-il Louverture ?

Anonyme, Sábado, Abril 2, 2005 - 04:35

Pierre Prêche

Dieudonné l'humaniste, lynché, accusé, vilipendé permet à un monde si longtemps invisible d'apparaître dans la société française.

28/02/2005

En 10 jours du mois de février 2005 [du 17 au 27], après de nouvelles accusations confinant au lynchage aveugle de l’humoriste camerouno-français Mbala Mbala Dieudonné, on a vu et entendu dans les médias français, plus de Noirs à des heures de grandes écoutes qu’en une année entière ! Curieux traitement porté à un présumé coupable d’antisémitisme, qui pourra endosser la victoire d’avoir contribuer à «donner» l’accès aux médias de la république aux Noirs de France et à leurs questionnements inhibés.

En effet les suites de la conférence donnée par Dieudonné Mbala Mbala à Alger mercredi 16 février 2005 ont de quoi surprendre son monde républicain, anti-communautariste affiché, et attentif comme chacun le sait à la diversité, plus que tout à l’expression des minorités même nègrement visibles… Dans le havre de paix sociale et raciale que constitue la douce amère France des grands principes humanistes, une provocation antisémite presque présumée [coupable] devait troubler la machine huilée du discours consensuel et «coquille vide» de l’institutionnelle et fraternelle égalité citoyenne. Celui de Mbala Mbala sur une république qui déclasse continuellement les souffrances infligées aux peuples noirs par ses meilleures figures historiques, de Napoléon à De Gaulle, du Code noir à Montesquieu, Voltaire…

Quelle surprise de constater que les propos de l’humoriste provoquent une inattendue réaction en chaîne dans le monde médiatique : le déferlement de personnalités noires, intellectuels noirs désignés comme tels à la télévision française, aux heures de grande écoute, sans que les programmateurs ne craignent les sempiternelles baisses d’audience alléguées pour renvoyer les couleurs tropicales de la république aux cocotiers afro-caribéens !

Depuis la récente affaire Mbala Mbala, il n’est plus difficile de dénicher ces Noirs d’ordinaire in-vi-si-bles, pour passer sur France Info, RMC, RTL, RFI, les TF1, France Télévision, Canal Plus, I-Télévison y allant chacun de son quota black pour une dizaine de jours réellement pas comme les autres. C’est à croire que l’humoriste a déclenché à lui tout seul un programme d’affirmative action, pardon de discrimination positive, démarré par effraction dans les médias français monochromes leucodermes. Bémol héroïque à la plus stricte observance de la diversité du même au même, du bonnet blanc qui diffère du blanc bonnet.

Presque impertinent on s’interrogerait sur la soudaine provenance de ces Noirs d’un coup d’un seul télégéniques, accessibles, abordables en direct ou en différé, à toutes les bonnes heures matinales ou même tardives chez l’inénarrable Ardisson. Le spectateur moyen, comme tous les autres du reste ne risque t-il pas de se demander pas à juste titre [de séjour] si ces envahisseurs de la république…ont leurs papiers.

Le sanctuaire de l’information, le JT, celui de 13 heures sur France 2 ne s’est pas privé d’accueillir à deux reprises en l’espace d’une disputée semaine [du 22 au 25 février] des Noirs foncés et à l’accent indécrottable, celui que les « jeunes » attribuent volontiers, avec la perfidie que l’on leur sait, aux blédards. La France serait-elle sous l’empire d’un trouble inavouable, d’une irrésistible passion négrophile ? La réponse à des propos extrémistes serait-elle désormais d’ouvrir la porte des médias aux sans voix, aux discriminés jusque dans la lute contre les discriminations ? Il y a quelque chose d’étrange dans cette affaire, quelque chose qui serait de nature à ce que les effets n’aient rien à voir avec la cause. Quelle relation y aurait-il entre des accusations d’antisémitisme et le passage soudain de Noirs en visibilité dans le paysage audiovisuel français [PAF] ? Mystère.

Au fait les très professionnels journalistes de la république ont dû ferrailler pendant des décennies de corvées pour dénicher ces Noirs qui surgissent de nulle part, ou alors ne les avaient-ils jamais cherchés, en poussant en peu on se demanderait s’ils ne les avaient pas intentionnellement oubliés, méconnus, niés…

L’invention de cette catégorie qui a été présentée comme impossible dans un modèle républicain un et indivisible, les «intellectuels noirs», «les associations représentant la communauté noire» ne se limite pas aux peu cultivés journaux télévisés réservés aux plébéiens, à la consommation de produits d’information préparant les esprits à ingurgiter des messages publicitaires abrutissants.

Le quota black des médias français, sorte de Mbala Mbala act de la discrimination positive à la française s’est étendu pendant cette dizaine dédiée, à la presse papier réputée cultivée, sérieuse, sereine, et intelligente, n’en jetez donc plus. Le Monde, Libération, Le Parisien, Le Nouvel Observateur, Le Canard enchaîné, … se sont tous mêlés et emmêlés les plumes sur un thème inédit dans sa durée de traitement, dans la récurrence de celle-ci et dans sa colonisation des questions d’actualité. Ce thème était résumé par la Une du quotidien Libération du mardi 22 février 2005 : Le malaise noir. Heureuse découverte s’il en est ! Christophe Colomb ne découvrit-il pas une terre habitée par des humains, des peuples et des civilisations au génie créateur plusieurs fois centenaire ?

Le solde provisoire et apparent de ce qui est nommé par les médias une affaire Dieudonné s’avère assez contradictoire avec chefs d’accusation. Depuis plus d’un an, dans les émissions consacrées à Mbala Mbala, bon gré mal gré, les intervenants parlent et discutent de plus en plus de la mémoire de l’esclavage, discussion et travail social entamé au niveau politique avec brio par Christiane Taubira et escamoté par les partis de gouvernement malgré la promulgation d’une loi restée presque inopérante.
Le contentieux historique de la France avec ses anciennes colonies est définitivement sur la place publique, objet politique que seuls l’incompétence et l’inconséquence politiques se risqueraient à oblitérer.
L’invitation systématique d’ «intellectuels noirs» ou suppôts-sés tels, qui signent des chroniques, ou donnent des avis autorisés sur les questions de leur groupe d’appartenance ethnique, ressemble à un pied de nez à la logorrhée sévère des philosophes de télévision. En sollicitant des Noirs pour parler d’un Noir, d’un Métis et plus généralement du Malaise noir, les médias et le monde politique français, pris au piège dans leur volonté immodérée de priver d’arguments Mbala Mbala, ont tout simplement validé ce qu’ils ont de concert et d’autorité récusé depuis quelques temps : l’existence d’une communauté noire avec ses spécificités, sa diversité, sa commune exclusion, et la nécessité d’une visibilité pertinente pour elle. Discriminations et nécessité de reconnaissance de l’histoire de l’esclavage, de la traite négrière et de la colonisation sont revenus dans les débats qui débordent désormais le cadre aseptisé des petits écrans, envisageant désormais librement la question d’un film sur le Code noir.

Il reste donc contre toute attente que l’action de l’humoriste a porté dans la mesure où elle interroge la société sur la place des Noirs, de la diversité en son sein, place totale en tant que rapport au travail, à l’histoire, à la politique, aux institutions, à la mobilité sociale. De facto les dix jours ayant suivis la conférence de presse de Mbala Mbala à Alger auront été une dizaine de présence noire dans les médias français, un quota black en une sorte édicté paradoxalement par le Mbala Mbala Act. Une telle présence médiatique, souvent orientée à charge non contradictoire contre Dieudonné n’a probablement pas d’équivalent dans les récentes années voire décennies dans le PAF. En attendant les suites que les parties concernées ont annoncées à l’affaire Dieudonné, au moins le résultat tangible de mettre la société en débat sur l’histoire des Noirs et leur exclusion de la république a-t-il été atteint de façon irréfragable.

Dans la Saint-Domingue du 19ème siècle, actuelle Haïti, il y eut un révolutionnaire qui donna son indépendance à cette île en écrivant la page universelle et non ethnique des droits de l’homme. Cet homme, Toussaint, né esclave de parents Africains, planteur, lettré, médecin puis redoutable stratège militaire allait infliger la première défaite à l’armée de Napoléon. Ses hauts faits de guerre avaient fait dire de lui "Cet homme fait l'ouverture partout.", on l’appela alors Toussaint Louverture, lui qui ouvrit la porte de la liberté aux peuples noirs.
Sans oser de comparaison rapide, malgré un tumulte médiatique d’accusations, d’allégations s’apparentant souvent à un lynchage en règle, avec le recul du temps peut-être Dieudonnant apparaîtra t-il comme celui ou un décisif parmi ceux qui auront fait l’Ouverture à la communauté noire dans une France d’exclusion totale.

Pierre Prêche

Site de la communauté noire de France


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