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Réflexions désordonnées préliminairesAnonyme, Sábado, Marzo 19, 2005 - 15:57
Nico, La Bombeuse
Le désir de détruire est aussi un désir créateur (Bakounine) Réflexions désordonnées préliminaires Première publication : 1er novembre 2002, mise en ligne: vendredi 1er novembre 2002, par Nico La Bombeuse automne 2002 Réflexions désordonnées En juin 2000, la revue Comunismo publiait en espagnol une traduction d'un article de la revue la Guerre Sociale, Abondance et dénuement dans les sociétés primitives. Cet article ébranla quelques-unes de nos convictions « marxistes » (progrès, civilisation, science,…) et nous incita à rechercher d'autres textes de ce courant, nous éloignant d'abord des iguanodons léninistes puis d'un conseillisme des plus idéologique et d'un anarchisme trop en vogue pour être vrai. En septembre 2001, nous ressortions ce texte en français sous forme d'une brochure (100 exemplaires, peu d'échos) accompagnée d'une introduction aujourd'hui insatisfaisante, mais qui remplissait alors largement son objectif : nous n'avions aucun problème de conscience à publier un texte de la Guerre Sociale… Une année plus tard, assez riche en événements et expériences vécues (Gênes, l'après Gênes, contacts avec les anti-citoyennistes,……..), nous poursuivons toujours notre recherche, livrant ici un recueil de textes écrits à partir du moment où le rêve d'un après-mai révolutionnaire s'effondrait (1975, déjà) cédant souvent la place à divers cauchemars (suicides, désillusions, abandon de toute espérance révolutionnaire,….). Notre compilation comprend, deux textes de la revue La Banquise, un du Brise-Glace, deux articles de (ou proche de) La Guerre Sociale, ainsi qu'un texte du groupe parisien l'Insécurité Sociale, Communisme, éléments de réflexion, profondément juste et actuel, nous paraissant mériter ici sa réédition. Bien évidemment notre but n'est pas de réconcilier celles que des petits malins ont appelées les « sœurs ennemies de l'ultra-gauche », et même désordonnée, incomplète et insatisfaisante, cette compilation n'est pas un hasard : les textes sélectionnés ici, quels que soient leurs défauts (lourdeur, longueur, incohérences….on n'échappe pas à son époque), gagnent à être lus ensemble. On espère que les lecteurs y reconnaîtront un peu plus que les thèmes habituels d'une ultra-gauche fossilisée en 1968 que nous exécrons… Si la révolution est effectivement redevenue aujourd'hui un sujet de polémique, en supposant qu'elle ait jamais cessé de l'être, ces textes, j'en suis persuadé, sauront être profitables aux derniers fanatiques du « mythe de l'age d'or »… « L'échec du mouvement prolétarien communiste fut la grande catastrophe de la première moitié du 20eme siècle (…). Aucun révolutionnaire n'a vraiment reconnu l'étendue de la défaite, véritable catastrophe pour l'espèce humaine et pour la nature tout entière (…). De même la défaite des années 70 (il est clair qu'après 1977 et la défaite italienne de Bologne tout est fini et n'est plus que combat d'arrière garde) n'a pas été clairement perçue, elle a permis la victoire complète du capital dans les années 80. Il n'a pas encore été fait de bilan ou même d'histoire de ces années qui virent cette immense défaite qui est cause de l'indicible horreur actuelle, de la dégénérescence et de la démence des hommes et des femmes, de la régression de la pensée, d'une accélération de la destruction de la nature. »( F. Bochet in Invariance (1994), Communautés, naturiens, végétariens, végétaliens et crudivégétaliens dans le mouvement anarchiste français ) Le bilan du mouvement communiste contemporain (19eme et 20eme siècles ) n'est ni mitigé ni désolant, il est désastreux et catastrophique…. L'ancien mouvement ouvrier prolétarien a été définitivement liquidé par la spectaculaire restructuration des années 1970-1980. C'est un fait incontestable… L'emprise quasi totale du capital sur nos vies (pensées, comportements,…) a conduit beaucoup d'entre nous à l'errance théorique, et il serait prétentieux de croire que nous échappons à cette décomposition générale… Différentes questions ont dû être posées, à la suite desquelles chacun a pu donner libre cours à ses errances. Où est passé le « sujet révolutionnaire », le prolétariat ? En liquidant l'ancien mouvement ouvrier, le capital a t-il définitivement triomphé et liquidé la lutte des classes ? Qu'est-ce que le prolétariat ? Est-ce une stricte catégorie sociologique ? Est-ce uniquement un concept, une pensée, permettant de comprendre le mécanisme de destruction potentielle de ce monde (dont nous faisons partie), à travers un élément de la société, le dépossédé de sa vie, qui ne veut plus l'être ? Etc. etc. Certains ont voulu voir dans cette liquidation du mouvement ouvrier passé une chance pour le mouvement communiste à venir. Le groupe français Théorie Communiste (BP 17- 84300, Les Vigneres ), pour ne parler que de lui, a même produit un concept intéressant à cet effet, celui de « programatisme ». En gros, le « programatisme » est la pratique de la gestion ouvrière du capital, par le biais des syndicats, des conseils ouvriers, ou encore de « l'avant-garde parti » à la tête d'hypothétiques « Etats prolétariens », cette pratique serait celle du prolétariat du début du 19eme siècle aux années 70… Le prolétariat, depuis le début du 19eme, n'aurait que tenté de reprendre en main le monde capitaliste à son profit, ce qui n'est pas entièrement faux, et n'aurait pas pu aller plus loin, en fait, que cette gestion ouvrière du monde, que cette affirmation de la classe laborieuse libérant l'humanité par l'autogestion, la science, le progrès et autres idoles capitalistes… Pour notre part, il nous semble trop facile et même bête de faire une relecture de l'histoire pour démontrer l'impossibilité du communisme à un moment donné et tirer la conclusion qu'il est absolument inéluctable aujourd'hui. Le « programmatisme » est sûrement un fait réel, mais si les prolétaires se sont identifiés au travail, c'était surtout pour s'en servir comme un bastion face aux capitalistes, et pas vraiment une manière de vouloir prendre leur place, « ces prolétaires s'abstenaient autant de bouleverser le monde que de privilégier le travail, et se « contentaient » d'arracher au capital ce qui pouvait l'être ». (Dauvé- Nesic, Prolétaires et travail, une histoire d'amour ? 2002) Les prolétaires, depuis des millénaires, n'ont presque jamais lutté pour plus travailler, bien au contraire évidemment. Leur attachement à leur travail était beaucoup plus un attachement à leur communauté laborieuse, à ses traditions, à ses luttes, à ses fêtes, qu'un amour pour l'exploitation capitaliste qui englobait au fur et à mesure toute la société. La restructuration capitaliste des 30 dernières années a indéniablement liquidé cette communauté ouvrière, mais il est plus qu'hasardeux d'affirmer que, par cela, elle a supprimé un frein au communisme… Reconnaissons à 1917 d'avoir été le plus haut point du mouvement communiste du siècle dernier. « Octobre 17 »(2) fut un éclair d'espoir vite dissipé dans l'horreur du XXeme siècle, de la Patagonie à la Russie, en passant par les Etats-Unis, l'Allemagne, la Hongrie,…Le temps est révolu où Lloyd George soupirait : « L'Europe entière est envahie par l'esprit de la révolution. Il existe un sentiment profond parmi les ouvriers contre les conditions existantes, non de mécontentement, mais de colère et de révolte. » Aujourd'hui les travaux récents des historiens les moins abrutis et surtout la connaissance dans quasiment toutes les langues des courants communistes ayant résisté à Lénine nous permettent d'aiguiser notre regard sur cet évènement. Rappelons qu'en 1968 encore, beaucoup de résistants au léninisme (Makhno, la commune de Cronstadt,…) étaient inconnus. Ce seront les groupes ouvriers autonomes de Barcelone (Diaz, Murcia,…) qui introduiront le conseillisme en Espagne, par exemple. Karl Nesic note bien le parallèle entre la période 1917-1937 et celle des années 1968-1977 : Le dernier assaut des gueux du XXeme siècle eut lieu à la fin des années 60 et au début des années 70. Pour tous les sans-noms, d'Amérique latine, de Pologne ou de la rue Gay Lussac, cette époque fut une formidable griserie de rêves et d'utopies libératoires que même l'énorme gueule de bois de « l'après 68 » n'arrivera jamais à effacer. On entend souvent parler, en ces temps où l'espérance n'existe plus qu'outre-tombe, de « l'héritage désolant de mai 68 »…. : fascisme, pédophilie, perte des valeurs morales, refus du travail (avant même de connaître les joies de l'exploitation !), cette ambiance étant bien sûr renforcée par les repentances des gauchistes en voie de reconversion…Ces petits héros de mai, après avoir abandonné depuis longtemps déjà leurs habits révolutionnaires, viennent de renoncer récemment à tout ce qui leur restait, une vague « libération des mœurs » qui était l'ultime obstacle à la conquête de leur respectabilité. (cf. Autre Temps, Troploin, 2001 à ce sujet) Comme un texte de l'époque, Un monde sans argent, le faisait très bien remarquer, le gros problème de l'ultra-gauche et de la plupart des anarchistes est de n'avoir jamais réussi à dire ce que pouvait être le communisme et de n'avoir pas remarqué en quoi on peut déjà le voire, partiellement, à l'œuvre dans beaucoup de comportements génériques humains… « L'ultra-gauche » a hérité de son comportement devant la révolution russe, c'est-à-dire la dénonciation de l'anticommunisme bolchevik ; ensuite, tout ce qu'elle sut faire, c'est passer son temps à dénoncer les gauchistes et les stals comme étant l'extrême gauche du capital. En faisant cela, elle a globalement échoué à comprendre le mécanisme capitaliste. Ça ne sert à rien de dénoncer la gauche comme étant anticommuniste, comme le fait encore Louis Janover (5), car on attribue généralement ainsi la survie du capitalisme jusqu'à aujourd'hui à un malheureux accident de l'Histoire, à un mensonge du capital, un complot mondial ou une récupération… le communisme existe déjà, c'est « l'être ensemble » caractéristique de l'espèce humaine contrecarré en chaque instant par ce monstre créé par l'espèce : le capital. la dépossession que crée ce monde engendre simultanément sa contestation, et rend donc possible (et non certain) un dépassement par la communauté, l'être social, et une revitalisation des liens entre l'espèce humaine, le reste de la zoosphère, et la croûte terrestre… * C'est encore au même moment, les camarades d'Intervention Communiste puis de Théorie Communiste (encore eux), commencent un travail théorique sur la contradiction capitaliste, montrant la nécessité de dépasser le programme prolétarien, mais s'enfermant dans une sorte d'inéluctabilisme, anticipant la prochaine crise, qui sera sûrement la bonne, puisque la reproduction du prolétariat ne sera plus assurée… « Le mouvement communiste a une dimension à la fois classiste et humaine. Il repose sur le rôle central des prolétaires ouvriers sans être un ouvriérisme et va vers une communauté humaine sans être un humanisme. » (La Banquise n°1) Au passage, on peut noter l'existence du groupe Os Cangaceiros (d'abord Les fossoyeurs du vieux monde). Dés 1968, certains, annonçant le célèbre « Il faut quitter ce monde » de Camatte, ont voulu retrouver le « communisme véritable », l'aspiration universelle et intemporelle à la communauté humaine, et en cela abandonnèrent totalement la raison occidentale et son communisme économiste et borné. En 1986, ils publient leur ouvrage L'incendie millénariste (7), c'est un travail passionnant sur le plus grand mouvement communiste ayant eu lieu jusqu'à présent (c'est un véritable incendie qui n'épargna aucune contrée de la vieille Europe), mais il prend une forme morale dommageable, et l'apologie répond carrément à la falsification officielle. Ils ne sont pas critiques du tout vis à vis du communisme millénariste, de ses limites, de son échec et de certains de ses côtés nauséabonds (les juifs sont parfois victimes de pogroms, étant assimilés à « l'argent »…) Les auteurs, dans la décennie des années 80, participent aux différentes émeutes qui agitèrent l'Angleterre thatcherienne mais aussi la Pologne et la France. Mais ils perdent leur pari, ces émeutes, loin d'annoncer le nouveau monde et de réaliser la marchandise en la détruisant, n'ont été qu'un de ces instants de pause dans la vie marchande dont le capital se nourrit ensuite en remettant encore et toujours en cause les modalités du rapport d'exploitation, et en nous enchaînant encore plus fort à l'économie. La période post-68 voyait donc la liquidation de l'ancien mouvement ouvrier, et l'auto-sabordage d'une I.S. dépassée, puis la fermeture de la librairie La Vieille Taupe, le décollage de la fusée Camatte dans l'hyper cosmos, l'affaire Puig-Antich, tout cela contribua à exciter une ultra-gauche décomposée, et paradoxalement à décupler les rêves tardifs de révolution des derniers rescapés, d'une manière inversement proportionnelle à une réalité d'échec et de débandade. Pour ceux-là, la gueule de bois sera encore plus terrible. (Il était une fois un certain Faurisson…). Seuls quelques pingouins (et autres animaux à forte capacité de résistance) survivront péniblement à ce cataclysme glaciaire…. NOTES : Invariance : Naturiens, Végétaliens, Végétariens, Crudivegetaliens dans le mouvement anarchiste français (recueils disponibles en ecrivant à Francois Bochet, 5 rue Brel, 87800 Nexon) La Guerre Sociale Une des premières tentatives sérieuses de dépasser le déterminisme marxiste sans tomber dans le stérile communautarisme néo-soixante-huitard fut la parution de Un monde sans argent : le communisme. (écrit par le jeune Dominique Blanc et publié par les amis de Quatre millions de Jeunes Travailleurs). Cette tentative, suivie par la création de la revue La Guerre Sociale (d'abord King Kong International), échouera partiellement, comme on va le voir. En 1977, la Guerre Sociale, surtout animée par Dominique Blanc, publie son premier numéro, aux 1500 exemplaires vite épuisés. C'est le début d'une revue qui connaîtra 7 numéros, jusqu'en 1984, avant de cesser de paraître (2). A l'origine, elle est entourée à sa périphérie du cercle de personnes originaires de la déjà révolue Vieille Taupe, et réactivé lors de la rédaction du faux Monde-Diplo (3). La Guerre Sociale montre un curieux optimisme, que partagent d'ailleurs la plupart des revues « post-ultra gauchistes » de cette fin des années 70, hérité des rêves engendrés par le beau mois de mai…L'éditorial de l'unique King Kong International (1976) annonce ainsi (sans rire !) que « notre époque voit se développer et verra s'amplifier une tendance à s'en prendre à toutes les institutions et à tous les aspects de la vie dominante (…) la crise montre la fragilité du système (…)les émeutes des noirs américains, mai 68, le mai rampant italien, l'insurrection polonaise, la révolution portugaise, les grèves et les manifestations espagnoles préludes à un affrontement de grande ampleur ont montré et illustré ce nouveau départ de la révolution (…) l'évolution générale nous paraît claire. Elle mène au communisme. » (4). Cet optimisme est encore « pardonnable » en 1976, il le sera beaucoup moins les années suivantes dans les pages de la GS. Pour comprendre la GS, il faut comprendre qu 'elle est avant tout un style, un goût de la provocation, de l'action éclatante, percutante, démasquant les mensonges de la société du spectacle, et que l'on voit très bien dans le bilan que font Benhamou, Blanc et Joubert dans leur lettre du 1er avril 1985 pour annoncer la « Fin de La Guerre Sociale » : « Nous sommes satisfaits de ce que nous avons fait et nous insistons sur son importance : guerre aux féminismes [Misère du féminisme, GS n°2], aux écologismes [ Le retour d'un iguanodon, La transformation de la nature en homme (GS n°3, 5, 6)], aux antifascismes, aux gauchismes [le tract confus Notre royaume est une prison], aux pingouins [ l'affreux n°7 de la GS] de toute espèce…afin de déblayer le terrain et d'affirmer dans la société un parti ennemi du salariat et de l'Etat ». Ce style « bulldozer du communisme », « fantassins de la révolution » caractérise pleinement la GS, lui donnant un coté agitatoire parfois très attrayant mais un activisme communiste un peu dommageable. Des les premiers numéros, il lui est reproché son manque d'analyse théorique de fond et une certaine tendance au superficiel. Elle n'en tiendra pas compte. « A côté de textes importants (…) coexistent des articles où les arguments ne sont pas à la hauteur des affirmations, ou contenant des choses carrément fausses. Qu'il s'agisse des éditoriaux, de New York (GS #2), Denain-Longwy, l'Iran (GS #3) la réalité est amplifiée avec un optimisme qui cache un manque d'analyse, mais vient renforcer un optimisme plus général sur la révolution, conduisant à fabriquer de l'idéologie communiste rassurante pour le groupe et les lecteurs. » Très triomphaliste, la GS voit le communisme partout. Nous en partageons avec elle la conception (qu'ellle developpe dans le tract publié ici et signé Les Amis du Potlatch : A bas le prolétariat ! Vive le communisme ! ), mais nous critiquons cet optimisme activiste qui la caractérise, la rendant incapable de comprendre son époque comme une époque d'échec et de restructuration. Il y a un certain propagandisme chez elle, une tendance à simplifier, parfois grossièrement, comme on le voit dans l'article du n°1 « les prolétaires contre le travail », ou le refus du travail, le cassage de machines, etc…. est perçu comme quelque chose de révolutionnaire en soi…. En lisant des textes comme Un monde sans argent ou Abolition du travail salarié, ou La transformation de la nature en homme , on remarque que la Guerre Sociale reste sur l'illusion qu'il suffit aux ouvriers de reprendre en main la production pour que le communisme arrive… Elle continue de percevoir le travail sous une forme séparée, même après l'abolition du travail salarié. C'est beau de dire que travail et loisirs se mélangeront « sous » le communisme, mais c'est mal comprendre que la communisation est la destruction de ces deux concepts, et c'est avancer implicitement que….le travail deviendra un loisir. ( !) Sans salariat, il n'y a pas de travail, même « en tant qu'ouvrage ». Ce n'est pas un hasard si on apprend (dans Un monde sans argent ) que dans la société communiste « le mot travail désignera peut-être le summum de la jouissance » ! Elle se débarrasse mal de l'héritage marxiste (et bordiguien) de la conception du progrès technologique. Elle produit des recherches intéressantes sur le sujet dans son article Abondance et dénuement dans les sociétés primitives, bien qu'elle s'attache trop à ce communisme primitif qui n'a jamais existé, qui n'est qu'une résurgence de l'idée rousseauiste du « bon sauvage ». Comme Testart l'a montré depuis (5), ce n'est pas parce qu'il y a appropriation commune de la richesse qu'il y a communisme, et dans les sociétés aborigènes par exemple, le producteur commence déjà à être dépossédé de son produit… Quand, encore dans Un monde sans argent, on apprend que « l'énergie nucléaire ou l'informatique peuvent présenter un caractère très dangereux » mais que « cela ne fait que condamner la société existante qui les utilise inconsidérément », on doute réellement….La GS voit là le communisme comme une simple reprise en main de la production sous toutes ses formes (nucléaire, technologie,..) par les producteurs en tant que producteurs, et en cela reste au niveau ultra-gauche. Comme si une production donnée et les besoins y correspondants étaient invariants au cours du temps….comme s'ils n'étaient pas déterminés/créés par l'époque du capital. Garder le nucléaire, par exemple, ce serait garder toute l'organisation sociale y correspondant. Il est certain qu'imaginer les formes de la dépense énergétique future est chose difficile, par contre une chose est sûre : on ne peut les déduire de ceux d'aujourd'hui, il n'y a aucune continuité. Le communisme est un monde sans argent, mais il n'est pas le monde actuel auquel on retirerait l'argent. Tous ces défauts sont également visibles dans Transformation de la nature en homme, (GS n°5 et 6, inachevé) ; mais, même s'il s'englue parfois dans le protechnologisme , il représente une contribution importante : le recentrage du « problème écologique » comme un problème social, pas technique. Cela mène à penser que la GS ne va pas au bout de sa critique (dépasser le « problème technique »). Il est tout de même beaucoup plus intéressant que beaucoup des jérémiades anarqueuses-écolo, trop courantes aujourd'hui…(7) Je pense que la Guerre Sociale resta souvent engluée dans la décomposition du mouvement révolutionnaire de l'après 68, sa conception du progrès (qui, sous prétexte d'aborder les problèmes concrètement, flirte avec le bordiguisme) comme son activisme tendent à montrer qu'elle n'avait peut-être pas les moyens d'aller plus loin que là où elle a été. Elle a joué son rôle d'agitation et de propagande, partant à l'assaut des forteresses et des « mythes capitalistes », mais n'a pas pu faire plus que cela, et a globalement échoué à comprendre son époque comme étant l'ère de la glaciation et à mener une critique lucide de l'ancien mouvement ouvrier. Aujourd'hui, elle tient sa renommée d'une tout autre chose que les différents points que nous avons abordé, elle est devenue célèbre - merci aux crapules journaleuses - pour être tombée dans un « piège à cons », le plus gros de tous les « pièges à cons », et pour n'en être à la vérité jamais véritablement sortie indemne… NOTES : La Vieille Taupe 2 et l'affaire Faurisson ( Histoire d'un « piège à cons » ) « Personne n'a besoin d' « inventer » des horreurs et il est difficile d' « exagérer » : le capitalisme en produit beaucoup plus que l'imagination ne saurait le faire. Le tout est de savoir quelle attitude on a devant ces horreurs. (…) Peut-on répondre à [l']exploitation par la bourgeoisie de ses propres crimes en niant purement et simplement leur réalité ? Non ! C'est débile - dans tous les sens du terme -. (…) Le prolétariat ne nie pas la réalité des tortures, massacres, exterminations, même s'il n'est pas seul à les subir, (…) mais il montre leur cause réelle. » En 1979, la France est le théâtre de l'affaire Faurisson, du nom de ce professeur, conservateur degauche, prétendant prouver scientifiquement l'inexistence des chambres à gaz. Faurisson s'inscrit dans une tradition politique qui vient de l'après guerre, pas spécialement d'extrême droite, mais plutôt populiste et un brin antisémite, comme l'illustre très bien l'exemple de Paul Rassinier. (1) Guillaume ne fut pas le seul à s'embarquer dans cette morbide galère. Il influença d'autres révolutionnaires sincères en manque de révolution, comme les gens de la Guerre Sociale qui, par activisme, l'ont naïvement rejoint (3). Mais là encore, il faut tacher d'éviter toute confusion… Guillaume est passé (ou presque) à une sorte d'opportunisme d'extrême droite. La GS, elle, même si elle s'est acharnée à le juger « fréquentable », était, je crois, dans une tout autre logique. Pour elle, l'aventure Faurisson se termine en 1981. Le tract « Notre Royaume est une prison », d'octobre 1980, au contenu globalement communiste, laissait transparaître quelques passages typiquement faurissoniens délirant sur le « mensonge des chambres à gaz »… Elle nage alors en pleine confusion, se fait insulter de « petits cons » et de « misérables imbéciles » par un de ses lecteurs (J. P. Manchette, Alerte au gaz !), et ressort la tête en 1981 avec l'article De l'exploitation dans les camps à l'exploitation des camps (suite et fin). Ce texte commence par un (très sincère) « Qu'allions-nous faire dans cette galère ? », se demande ensuite « Y a t-il eu des chambres à gaz dans certains camps de concentration ? », en profite pour qualifier les zozos Rassinier et Faurisson d' « auteurs du bord opposé » et produit ensuite un article peu intéressant (ni d'extrême droite, ni antisémite,…), mais « simplement » (très) confus et s'acharnant à dire que l'existence des chambres à gaz est indémontrable etc. Ceux qui s'acharneraient à y voir de l'antisémitisme ou du nazisme déguisé ne sont eux aussi que de « misérables imbéciles », tout ce que j'y vois, c'est que la GS doute de l'existence des chambres, produit des arguments très faibles pour cela, ne pouvant s'empêcher de faire des chambres à gaz une question de principe (ce qui est une régression par rapport à la première partie de l'article, publiée en 1979), esquissant une critique (beaucoup trop timide) de Guillaume et Faurisson, tout cela étant bien sûr amplement suffisant pour lui faire mériter les qualificatifs de l'auteur de Nada… Aujourd'hui, quelques journalistes ou écrivaillons de tout bord s'acharnent à assimiler toute l'ultra-gauche à la dérive lamentable de Guillaume, nous empêchant d'atteindre une lucidité suffisante pour parler de tout ça. En tout cas, nous n'avons que faire des calomnies de ceux qui se servent de l'accusation de « nazi » pour justifier l'existence démocratique du capital… Primo, ce n'est pas aux révolutionnaires de revendiquer la liberté d'expression des révisionnistes, surtout que leur interdiction leur assure une notoriété qu'ils ne pourraient pas atteindre dans la légalité, vu la nullité de leurs arguments.(4) Deusio, la liberté d'expression, on en a rien à foutre. Tertio, les chambres à gaz ont existé comme instrument d'un plan d'extermination annoncé depuis Mein Kampf et mis en pratique par la guerre, se déchaînant au début contre les « malades mentaux », puis contre les Juifs, les Tziganes,… N'auraient-elle pas existé, Auschwitz aurait tout de même compté parmi les pires horreurs que l'humanité s'est infligées. L'abominable ne se mesure ni ne se relativise… NOTES : La Banquise La Banquise existera entre 1983 et 1986, et comptera en tout et pour tout…quatre numéros, avec une diffusion un peu plus maigre que la GS, autour de 1500 exemplaires. Avant l'apparition du marxisme, le prolétariat était compris intuitivement comme « un groupe défini non pas par ce qu'il fait, mais par ce dont il est dépossédé », et donc par le refus potentiel de cette dépossession, il est « la réunion de tous ceux qui sont niés, et les ouvriers de loin les plus nombreux, n'en sont pas en tant qu'ouvriers mais en tant que niés ». Marx et ses continuateurs vont ensuite réutiliser/déformer cela pour assimiler le prolétariat à la classe ouvrière (montrant ainsi une limite du marxisme comme pensée européenne) : « Les ouvriers sont dépossédés, définition négative. Ils manient les forces productives, définition positive ». Cette conception eut cours tout au long du mouvement ouvrier passé, y compris après 68, mais elle ne convient pas, ni à la Banquise, ni à nous. « Les révolutionnaires d'alors ont plaqué une réalité sociologique insuffisamment critiquée sur une définition négative, pour lui donner un corps, un contenu concret. Même à leur époque, c'était inopérant. » Les révolutionnaires du 19eme restèrent dans la théorie prisonniers du mouvement ascendant du capitalisme : affirmation de la classe du travail, reprise en main de l'appareil productif par les prolétaires en tant que prolétaires : bref, les prolétaires, souvent contre leur gré, doivent développer le capitalisme « sans les capitalistes » (ou presque !). Non pas qu'il y ait eu un quelconque inéluctabilisme de la défaite, mais presque 100 ans après, on voit que la révolution n'a pas su sur le moment se dégager du champ de la contre-révolution , les deux restant liés, mélangés. LB remet sur le tapis - et ce n'est pas nouveau -, en conformité avec sa demarche (retour au jeune Marx des Manuscrits de 1844, influence certaine de Camatte) que le prolétariat n'est pas une classe sociologique, donc pas une classe, ou plus précisément plus qu'une simple classe de la société capitaliste, que la dépossession générale qui le caractérise (le prolétariat est la « classe » quasiment universelle) exprime peut être déjà la dissolution du vieux monde marchand, puisqu'elle débouche constamment sur le refus de cette dépossession, refus trés souvent partiel, mais…. « (…) pour La Banquise, la résistance à l'exploitation ne peut être porteuse du communisme et donc le prolétariat déjà s'y affirmer comme classe potentiellement révolutionnaire. » (GS n°7, p23). L'auteur de cette critique se trompe, pour LB comme pour lui-même, la révolution naîtra des conditions quotidiennes, et donc de la résistance au travail, d'où pourrait-elle d'ailleurs bien naître, sinon ? ? Le problème n'est pas là, il se situe au niveau de la compréhension des luttes, et de leur degré qualitatif. Contrairement à la Guerre Sociale qui voit dans chaque émeute, grève sauvage,… des germes de communisme, (ce n'est pas forcément faux), La Banquise se montre beaucoup plus réaliste. Une lutte ouvrière est parfaitement contre-révolutionnaire si elle défend l'emploi, la condition salariée,…. Il ne s'agit pas de faire la théorie de la lutte parfaite, mais d'essayer simplement de discerner les limites de chaque lutte et non d'y espérer le début d'une hypothétique révolution. (voir De Pretoria à Liverpool, LB n°4), sans tomber pour autant dans les positions de révolutionnaire professionaliste du type : « Quoi ! Une lutte pour des papiers, mais c'est contre-révolutionnaire : le communisme ne connaîtra pas de papiers ! » (c'est bien vrai, mais tellement stupide….) La Banquise tente aussi une difficile anthropologie révolutionnaire avec le texte Pour un monde sans morale, essayant de « dépasser le néo-quotidiennisme situ et l'agnosticisme de ceux qui prétendent que, sortis de la pure critique du salariat, on tombe dans l'ordure programmatiste ». (le Brise Glace n°4). Ce texte, même s'il contient quelques passages erronés (source de l'ire de D.Blanc) se démarque de l'antimoralisme post-soixante-huitard (aussi moral que ce qu'il veut critiquer) de ceux pour qui le communisme est la société parfaite, avec des gens baisouillant 24h sur 24 dans l'orgie communautaire libératoire. Bien sur il pêche par l'emploi de telle ou telle formule choc, ce qui a déchaîné quelques polémiques qui auraient pu être évitées. (2) La Banquise n'est pas la fille de la GS, même s'il est vrai que les pingouins furent proches de la GS des débuts. Chacune mena son existence séparément, parvenant à des conclusions bien différentes, sur la caractérisation de la période, ou encore sur Faurisson. Malgré les querelles, les conflits et blocages individuels, caractériels, propres à un « milieu » révolutionnaire juste bon à se déchirer (paradoxal pour des partisans de la communauté humaine !), la lecture de la GS gagne à être complétée par celle de LB, et peut-être vis-versa. NOTES : Il existe, à ma connaissance, un seul texte consacré à cette revue, il est écrit par un ancien pingouin, Serge Quadruppani, c'est Quelques éclaircissements sur La Banquise, publié dans le recueil Libertaires et « ultra-gauche » contre le négationnisme. (ed. Reflex) Vous avez demandé la révolution ?…..Ne quittez pas ! « Le défaut interne du système est qu'il ne peut réifier entièrement les hommes ; il a besoin de les faire agir, d'obtenir leur participation, faute de quoi la production de la réification et sa consommation s'arrêteraient là. Le système régnant est donc aux prises avec l'histoire, qui est l'histoire de son renforcement et l'histoire de sa contestation. » (Internationale Situationniste n°7) « Dire que l'on se sentait contesté comme Homme, comme membre de l'espèce, peut apparaître comme un sentiment rétrospectif, une explication après coup. C'est cela cependant qui fut le plus immédiatement et constamment sensible et vécu.(…)La mise en question de la qualité d'homme provoque une revendication presque biologique d'appartenance à l'espèce humaine. » (Robert Antelme, L'Espèce Humaine) Nous sommes particulièrement inquiets des avancées dévastatrices de la technologie actuelle. Le Capital arriverait-il à faire de l'homme un mutant capitaliste intégral ? Avec le développement des manipulations génétiques, l'eugénisme moderne, on peut voir à long terme une accélération dangereuse de la domestication de la vie… « Que signifie cette entrée dans la matière vivante ?(…) Indiscutablement c'est un signe de vitalité capitaliste. Non pas que la révolution génétique donnerait enfin la clef d'un contrôle totalitaire. Mais parce qu'elle prouve une fois de plus que le capital va toujours au-delà de lui-même. Sans toucher à son fondement (le salariat, l'échange), il en modifie le fonctionnement. Qu'il aille au cœur du processus vital montre que là est le problème :[l'espèce humaine]produit le capitalisme mais n'arrive jamais à le produire harmonieusement ni à étouffer tout à fait une contestation communiste. Là où gît la source de l'énergie capitaliste, là aussi se trouve sa contradiction.(…) La biologie incarne le rêve impossible du capitalisme : devenir l'espèce humaine, absorber en lui toute la vie dont il se nourrit ». Cette longue citation, extraite du texte Le jour où la bactérie s'arrêta, (LB4-1986), est d'une actualité brûlante. Le capitalisme ne maîtrisera jamais entièrement le vivant, mais ses avancées actuelles et les risques énormes qu'il fait courir à notre espèce et à la planète sont perçus et critiqués de plus en plus aujourd'hui, même partiellement. Les interrogations sur les modes de vie dans les « sociétés » pré capitalistes (lire le texte de la GS publié ici) reviennent d'actualité, ce qui montre, au minimum, un rejet du monde actuel assez profond (1), qu'on peut également voir à l'œuvre dans les mouvements critiquant la montée des nuisances actuelles, destruction de la nature, de la santé mentale et physique des hommes et des femmes,…La critique de la « malbouffe », de la dégradation des comportements humains, de la pollution sous toutes ses formes, ne sont que des aspects partiels, séparés, d'une critique du capital qui est de plus en plus perçu et subi dans la vie même comme une monstrueuse aliénation… De plus en plus de gens veulent en finir avec ce monde putride, et le phénomène Richard Durn (dit le tueur de Nanterre), horriblement….rationnel….risque de se reproduire de plus en plus, tellement le capital dépossède l'homme pour en faire un robot frustré. Son cas est édifiant ; de multiples tentatives pour s'intégrer dans la société bourgeoise, des tentatives de suicide à la suite de ces échecs et finalement il a compris que la société était responsable de sa maladie. Sa mort, il se l'est choisie, enfin. Il est à prévoir qu'il ne va pas être le seul, l'atomisation des individus face aux murs de la société organisée va produire des réactions de ce
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