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Racisme et lutte de classeAnonyme, Viernes, Enero 28, 2005 - 15:17
Ruptures
L’oppression raciale est sans aucun doute l’une des caractéristiques inhérentes du monde capitaliste moderne. Elle se manifeste de façon plus visible par des agressions de groupes fascistes contre les immigrant-e-s. Mais plus encore, les communautés immigrantes sont victimes de la discrimination systémique de la part des États capitalistes. Discriminations qui se traduisent par des attaques contre les droits des immigrants, des coupures dans les programmes sociaux, par des attaques policières et un système de justice raciste. Comment vaincre le racisme? Pour répondre à cette question, nous devons accorder une attention particulière aux forces qui ont produit et qui continuent de reproduire le raci-sme. Elle requiert aussi une analyse soignée des forces sociales qui peuvent bénéficier de l’oppression raciale. Nous entendons par racisme soit une négation de l’égalité de tous les êtres humains ou une discrimination sociale, économique ou politique envers certains groupes raciaux. Les racines du racisme Le capitalisme s’est développé comme un système mondial basé sur l’exploitation des travailleurs-euses, des esclaves et des paysan-ne-s, qu’ils soient noir-e-s, brun-e-s, jaunes ou blancs/blanches. Au 16e et 17e siècles, le système capitaliste s’est d’abord développé en Europe de l’Ouest et dans les Amériques. Au 18e et 19e siècle, l’Afrique et l’Asie furent progressivement intégrés dans la zone d’influence du capitalisme. En Amérique, de vastes plantations furent mises sur pied. S’appuyant sur l’esclavage, il s’agissait d’entreprises capitalistes qui exportaient des produits agricoles. C’est au sein du système esclavagiste que nous trouvons la genèse du racisme. D’après Éric Williams, «L’esclavage n’est pas le fruit du ra-cisme : c’est plutôt le racisme qui fut la conséquence de l’esclavage». (1) À leurs tous débuts, les plantations esclavagistes n’étaient pas organisées sur des bases raciales. Malgré le fait que les premiers esclaves de possession espagnole dans les Amériques étaient généralement des Autochtones, l’esclavage était limité (du moins officiellement) à celles et ceux qui ne s’étaient pas convertis au christianisme. Les Autochtones furent remplacé-e-s par des Européen-ne-s pauvres. Plusieurs de ces travailleurs-euses étaient mis en esclavage pour une période limitée, comme serviteurs asservis*, engagés par contrat pour une période qui dépassait souvent dix ans. D’autres étaient des prisonniers, coupables de crimes mineurs (tel que le vol de vêtements), ou des prisonniers de guerre capturés suite aux révoltes et à la colonisation de territoires comme l’Irlande et l’Écosse. Toutefois, on retrouvait également un nombre non-négligeable d’esclaves à vie d’origine européenne, et il y avait même un nombre considérable de serviteurs asservis qui furent kidnappés et vendus ensuite comme esclaves. (2) La traversée par bateau de l’Atlantique pour les esclaves et les serviteurs asservis étaient, selon William, si mauvaise qu’elle devait « éliminer toute idée voulant que les horreurs des négriers étaient imputables au fait que les victimes étaient des nègres ». (3) Plus de la moitié des immigrants anglais dans les colonies américaines du 16e siècle étaient des serviteurs asservis. (4) De plus, jusqu’en 1690, il y a avait beaucoup plus d’Européens non-libres dans les plantations d’Amérique du Sud que d’esclaves noir-e-s. (5) Les idées racistes se sont développées à travers le commerce d’esclaves au 17e et 18e siècle. À cette époque, les peuples d’Afrique sont devenus la principale source d’esclaves pour les plantations. Le système de contrôle social encadrant la force de travail non-libre européenne et américaine fut alors appliqué aux africain-e-s. La principale raison derrière ce changement de cap est d’ordre économique: ces esclaves étaient obtenus à moindre coût et en plus grand nombre, répondant ainsi aux besoins grandissants des plantations capitalistes. (6) La classe dirigeante africaine joua un rôle central dans le commerce lucratif des esclaves : « le commerce fut (...) un commerce africain jusqu’à ce qu’il atteigne la côte. Il était très rare que les Européens soient directement impliqués dans l’acquisition d’esclaves, et quand ce fut le cas, cela se limitait à l’Angola. » (7) C’est au 17e siècle que l’idéologie raciste a commencé à se développer, la première fois par «les planteurs de canne à sucre anglais et leurs idéologues résidant toujours en Angleterre.» Ces derniers se référaient aux différences physiques pour développer le mythe que les noir-e-s étaient des sous-hommes méritant d’être mis en esclavage : « voici donc une idéologie : un système de fausses idées servant des intérêts de classe. » (8) Le racisme fut utilisé pour justifier la capture et la mise en esclavage de millions de personnes pour les fins propres au capitalisme. La mise en esclavage des Autochtones a été justifiée par leurs croyances païennes; l’esclavage des Européen-ne-s a été justifié par le fait que c’était le sort des classes inférieures; l’esclavage des Noir-e-s a été justifié par le racisme. Une fois développées, les idées racistes furent utilisées plus largement pour justifier l’oppression. Les Juifs, par exemple, ont commencé à être opprimés en tant que minorité raciale, et non comme groupe religieux. Les bénéficiaires de l’esclavage ne furent pas les Européen-ne-s au sens large, mais bien la classe dirigeante capitaliste d’Europe de l’Ouest et la classe dirigeante africaine qui en retira également des bénéfices non-négligeables. En effet, chez les Européen-ne-s, il y avait des marins travaillant dans la traite des esclaves, pour qui les conditions de vies étaient, selon Williams, à peine différentes de celles des esclaves. Il y avait aussi un nombre considérable de « blancs pauvres », des ouvrier-e-s agricoles qui furent écrasé-e-s économiquement par la compétition des grandes plantations esclavagistes (9). Enfin, la grande majorité des Européen-ne-s n’a jamais possédé d’esclaves : seulement 6% des blancs possédaient des esclaves dans le sud des États-Unis en 1860 (10). En outre, il y avait des propriétaires d’esclaves Autochtones et Afro-américains.
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