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Vers le vote obligatoire?

Eric Smith, Domingo, Enero 16, 2005 - 15:00

Arsenal-express

La baisse tendancielle du taux de participation aux élections, qui affecte l'ensemble des grands pays impérialistes, n'est pas sans inquiéter les idéologues de la bourgeoisie et son personnel politique. Pour y remédier, un sénateur libéral propose de rendre le vote obligatoire, sous peine d'une amende de 50$.

La baisse tendancielle du taux de participation aux élections, qui affecte l'ensemble des grands pays impérialistes, n'est pas sans inquiéter les idéologues de la bourgeoisie et son personnel politique, qui craignent que cette désaffection remette en cause la légitimité de leur système et qu'elle prenne un caractère irréversible.

Comme nous avons eu l'occasion de le mentionner à l'occasion des dernières élections fédérales (1), les élections constituent un des mécanismes les plus importants par lesquels le système capitaliste réussit à acquérir une certaine légitimité aux yeux de la majorité exploitée. En voyant le taux de participation décliner constamment, il devient de plus en plus difficile, pour la bourgeoisie, de justifier telle ou telle politique, ou encore tel ou tel état de fait, en disant simplement que cela émane de la "volonté du peuple". Pour la bourgeoisie, les élections sont devenues un des principaux piliers du maintien de la paix sociale. Que faire alors, si ce mécanisme ne fonctionne plus? Telle est la question sur laquelle les politicienNEs bourgeois et les politologues à leur service sont appeléEs à plancher.

Au Canada, cette désaffection est encore plus marquée. Le 28 juin dernier, à l'occasion des élections fédérales, pas moins de 8 811 410 électeurs et électrices inscritEs ont choisi de s'abstenir. Le taux de participation alors enregistré (60,9%) fut le plus bas de toute l'histoire du Canada.

Depuis quelques années, des études et des rapports de toutes sortes proposent différentes mesures susceptibles de "solutionner" ce problème. Ainsi, lors du dernier scrutin, on a étendu la période de vote par anticipation, dans le but faciliter la participation des personnes en déplacement et de celles qui travaillent selon un horaire atypique. Une campagne publicitaire sans précédent a également été mise en branle afin de nous convaincre d'exercer notre "devoir civique". On se rappellera également cette initiative foncièrement méprisante, prise par certains candidats du Bloc québécois qui ont fait la tournée des bars de la région montréalaise afin de rejoindre les jeunes, dont à peine 25% participent aux élections, et de les inciter à aller voter, la bière aidant.

De son côté, Élections Canada étudie toujours la faisabilité d'établir un système de vote par Internet, comme cela se fait déjà dans certains États américains. Enfin, le Directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, est allé jusqu'à proposer d'abaisser à 16 ans l'âge d'obtention du droit de vote. Selon lui, il serait assez facile de contraindre les jeunes de 16 à 18 ans à voter: bon nombre d'entre elles et eux sont encore à l'école et pourraient être amenéEs, par ce biais, à participer aux élections. Des bureaux de scrutin y seraient établis de manière systématique et l'activité de votation pourrait être intégrée dans le cadre des cours "d'éducation civique" ou de formation personnelle et sociale (au Québec) -- la participation au scrutin pourrait même être évaluée et notée, qui sait?

Jean-Pierre Kingsley pense que les jeunes qui auront voté une première fois à 16 ans seront plus enclins à continuer d'exercer ce qui deviendrait alors une "habitude", une fois sortis du réseau scolaire. Cette hypothèse est toutefois considérée comme loin d'être probable par plusieurs politologues, qui rappellent que l'abaissement de l'âge d'obtention du droit de vote de 21 à 18 ans en 1970 a au contraire contribué à la baisse générale du taux de participation, les jeunes ayant tendance à moins voter que leurs aînés.

Toutes ces hypothèses -- les plus sérieuses comme les plus farfelues -- témoignent des vives préoccupations de la classe dominante face à ce phénomène.

Dans une nouvelle tentative de régler le problème, le sénateur ontarien Mac Harb déposait un projet de loi le 9 décembre dernier ("Projet de loi S-22, Loi modifiant la Loi électorale du Canada"), qui vise carrément à rendre le vote obligatoire. Le projet prévoit en effet qu'il "incombe à tout électeur de voter à chaque élection". Sauf exceptions prévues par la loi (dans les cas où l'électeur serait absent du pays le jour de l'élection, qu'il serait "inhabile à voter" ou qu'il réussirait à convaincre les autorités qu'il avait un "motif valable" de ne pas voter), quiconque négligerait de se présenter au bureau de scrutin serait passible, sur déclaration sommaire de culpabilité, d'une amende de 50$.

Le projet de loi S-22 doit être débattu au Sénat en deuxième lecture lors de la rentrée de février, suite à quoi il sera référé à un comité sénatorial. Le sénateur Harb dit espérer qu'il sera adopté avant la fin de l'année, de façon à ce qu'il puisse ensuite être présenté à la Chambre des communes. Mac Harb dit vouloir lancer un débat, "avant que le taux de participation ne finisse par tomber sous la barre des 50%". "C'est franchement ridicule, dans une démocratie, qu'il y ait si peu de gens qui votent", affirme le sénateur: cela témoigne surtout, à notre avis, du ridicule profond d'un système qui prétend que le pouvoir tiendrait au fait de déposer un bout de papier dans l'urne une fois à tous les quatre ans au terme d'une campagne où tous les partis auront défendu fondamentalement les mêmes idées et le même système, tandis que le vrai pouvoir, dans les faits, appartient à la minorité qui possède le capital et fait la loi.

"On ne peut pas laisser passer ça!", ajoute Mac Harb, qui souhaite ramener le taux de participation autour de 85%. Et si l'amende ne fonctionnait pas, que proposera donc notre charmant sénateur (s'il n'a pas atteint d'ici là l'âge de la retraite)? L'emprisonnement? Le fouet? L'amputation d'une main? La lapidation?

Preuve que les propositions comme la sienne ne visent qu'à redonner une légitimité de façade à un régime qui se prétend hypocritement démocratique, le sénateur Harb a cru bon d'expliquer qu'en fait, son projet de loi ne visait pas tant à forcer les abstentionnistes à voter qu'à augmenter sur papier le taux de participation. Son raisonnement vous apparaît difficile à saisir? Lisez encore son explication: "Les gens qui ne veulent pas voter pourront continuer à ne pas voter. Tout ce qu'ils auront à faire, c'est d'enlever leur nom de la liste électorale. Mais lorsque notre nom se retrouve sur cette liste, notre droit devient un devoir." (Le Droit, 12/01/2005)

Ainsi donc, ce n'est pas que les abstentionnistes actuels aillent voter que vise le sénateur, mais seulement que les apparences soient sauves! À la limite, les huit millions d'abstentionnistes pourraient être retiréEs de la liste, purement et simplement, et on se retrouverait avec un taux de participation de 100%, comme en Albanie à l'époque d'Enver Hodja... Et on pourra se pavaner en disant qu'on vit dans la "plus meilleure démocratie au monde" (sic).

Ce qui ne s'avérera sans doute qu'une anecdote supplémentaire dans l'histoire du Parlement canadien (car les projets de loi dits "privés", comme celui du sénateur Harb, ne finissent que très rarement pas être adoptés par les deux chambres) en dit long, toutefois, sur l'importance que revêtent les élections et le parlementarisme pour la légitimité du régime bourgeois. Cette proposition navrante, voire pathétique, devrait achever de convaincre ceux qui pensent encore qu'il faudrait placer tous nos œufs dans le panier d'une réforme du mode de scrutin, d'une "démocratisation du régime" et de la construction d'une énième "alternative" de type électoraliste, refusant de voir qu'ainsi, tout ce qu'ils font, c'est de tenter de re-légitimer un système qui se meurt.

Nous croyons quant à nous que le capitalisme a bien fait son temps, comme le montre la futilité et la faillite de son régime politique. Il s'agit désormais d'organiser, avec tout le sérieux et la détermination que ça implique, le mouvement en direction de la révolution.

(1) "L'abstentionnisme, une cinglante défaite pour le régime bourgeois", Arsenal n° 4, novembre 2004.

* * *

Article paru dans Arsenal-express, nº 35, le 16 janvier 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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