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Gildan: un fleuron du capitalisme made in Québec, bâti sur le dos des travailleursSES

Eric Smith, Sábado, Enero 1, 2005 - 20:46

Arsenal-express

Quelques jours avant Noël, la compagnie montréalaise Les vêtements de sport Gildan inc. annonçait en grandes pompes sa réintégration au sein de l’organisme états-unien de «promotion des droits des travailleurs» (sic) appelé Fair Labor Association (FLA). En même temps, on apprenait qu'une entreprise basée au Nicaragua dont Gildan est le seul et unique client, congédiait une cinquantaine d'ouvrières et d'ouvriers qui voulaient se syndiquer...

Quelques jours avant Noël, la compagnie montréalaise Les vêtements de sport Gildan inc. annonçait en grandes pompes sa réintégration au sein de l’organisme états-unien de «promotion des droits des travailleurs» (sic) appelé Fair Labor Association (FLA). La firme en avait été tempo-rairement exclue, il y a quelques mois, après que des plaintes eurent été portées contre elle en rapport aux activités qu’elle poursuit au Honduras, en Amérique centrale.

Fondée à Montréal en 1984 par les frères Glenn et Greg Chamandy, Gildan est devenu le plus important fabricant de t-shirts, de polos de golf et de chandails en coton ouaté de toute l’Amérique du Nord, ayant doublé son principal concurrent, Fruit of the Loom. Il s’agit d’un des plus beaux fleurons du «Québec inc.», qui a notamment bénéficié d’importants investissements de la part du Fonds de solidarité de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

L’entreprise doit une bonne partie de son succès aux méthodes de production particulièrement intensives qu’elle a su développer. Ainsi, à son ancienne usine de la rue Clark à Montréal (qu’elle a tout bonnement choisi de fermer en 2002, après avoir décidé de déménager sa production au Honduras), les travailleuses (puisqu’il s’agissait majoritairement de femmes) étaient regroupées par équipes de quatre, qui devaient atteindre chacune des quotas de production pré-déterminés pour avoir droit à une petite prime supplémentaire leur permettant d’arrondir quelque peu leur salaire (celui-ci dépassant tout juste le minimum légal).

Les dirigeants de Gildan avaient découvert là une façon plus efficace d’utiliser le mécanisme du travail à la pièce pour pousser sans cesse à l’augmentation de la productivité: en plus de favoriser le rendement individuel de chacune des opératrices, Gildan les rendait ainsi responsables du travail de leurs propres collègues, chacune se transformant en «contremaîtresse», en quelque sorte, chargée de surveiller les trois autres. Comme le secteur du vêtement en est un où le taux de roulement est assez important, la compagnie s’assurait toujours d’intégrer au moins une nouvelle employée dans chacune des équipes de travail, faisant ainsi d’une pierre deux coups: cela rendait plus difficile l’atteinte des objectifs, la recrue étant nécessairement moins efficace (Gildan avait alors moins de primes à payer); tandis que la formation des nouvelles opératrices était assurée par les ouvrières elles-mêmes, sans que cela coûte un sou à la compagnie!

À ce système déjà assez spécial, Gildan ajoutait l’obligation, pour les nouvelles employées, de contribuer financièrement à l’achat de leurs outils de travail: elles devaient ainsi verser un montant de près de 100$ à l’embauche, duquel la compagnie déduisait les frais lorsque par exemple, une opératrice voyait l’aiguille de sa machine à coudre se briser.

Lorsqu’un groupe de travailleuses et de travailleurs ont tenté de se syndiquer vers la fin des années 1990, Gildan, qui se targue de respecter «le droit des travailleurs à l’association et à la négociation collective» (sic), avait exercé toutes sortes de pressions sur ceux et celles qu’elle considérait comme étant les «leaders» du mouvement de syndicalisation, allant même jusqu’à envoyer des contremaîtres les visiter à domicile, durant le week-end, afin de les intimider. Les plus militantEs, parmi les travailleurs et les travailleuses, avaient fini par se décourager, et la plupart ont éventuellement quitté leur emploi, pour ne pas se retrouver dans le trouble.

Étrangement, les travailleuses et les travailleurs souhaitaient adhérer au Syndicat du vêtement, du textile et autres industries (le SVTI), lui-même affilié à la FTQ, qui était alors leur propre employeur – du moins en partie. Le Fonds de solidarité de la principale centrale syndicale québécoise (de solidarité avec les patrons, s’entend) avait en effet investi quelque 3,5 millions de dollars en capital-action dans Gildan et lui avait prêté plus de 30 millions $ sous forme de débentures, en 1996. L’investissement du Fonds lui a permis d’atteindre un rendement de plus de 1000%, sur sept ans: en novembre 2003, lorsqu’il a finalement décidé de retirer ses billes de Gildan, les actions qu’il détenait valaient en effet près de 90 millions $ sur le marché boursier. On comprendra pourquoi la FTQ était restée plutôt silencieuse, lorsque les travailleuses et les travailleurs de la rue Clark avaient tenté de se syndiquer...

La contribution de ces travailleurs et travailleuses au développement spectaculaire de Gildan (et aux énormes profits engrangés par ses propriétaires, dans un premier temps, et ensuite par ses actionnaires) ne fut toutefois pas suffisante pour leur garantir un emploi, aussi exigeant et sous-payé fut-il. C’est ainsi qu’en 2002, Gildan procédait à la fermeture de son usine de la rue Clark et au déménagement de la production qu’on y faisait au Honduras (à noter qu’elle possède également des usines au Nicaragua, en République dominicaine, en Haïti et au Mexique). C’est là où se sont produits les événements qui ont donné lieu aux plaintes adressées à la FLA.

Le 12 juillet dernier, invoquant l’inefficacité et les coûts élevés de la production au Honduras (!), Gildan annonçait en effet la fermeture de son usine d’El Progreso, pourtant située dans une maquiladora (ou zone franche), et le déménagement de la production qu’on y faisait, cette fois-ci en Haïti et au Nicaragua voisin. Ce faisant, la compagnie mettait à pied quelque 1 800 ouvrières et ouvriers, qui y avaient jusque là trouvé du travail. Il faut savoir qu’au cours des deux années pendant lesquelles l’usine a été en opération, Gildan avait déjà congédié pas moins d’une centaine de travailleuses et de travailleurs, qui tentaient de se syndiquer...

Bizarrement, il y a quelques semaines à peine, la compagnie annonçait qu’elle comptait maintenant ouvrir, d’ici octobre 2005, une nouvelle usine, toujours au Honduras! Comme quoi les coûts de production ne sont pas nécessairement aussi élevés qu’elle le croyait dans ce pays... Gildan affirme qu’elle s’efforcera de combler ses nouveaux besoins en main-d’œuvre en réembauchant, «de bonne foi et dans la mesure du possible», les ancienNEs employéEs de son usine d’El Progreso. On gage un p’tit deux comme quoi ceux et celles qui ont été spottés comme favorables au syndicat vont être laissés de côté, comme par hasard???

En outre, la fermeture de l’usine d’El Proceso est survenue au moment même où la FLA faisait enquête sur des plaintes qui lui avaient été transmises pour violation du droit d’association, mauvais traitements contre les employées féminines et divers manquements aux règles de santé et de sécurité du travail. La FLA avait jugé les allégations assez sérieuses pour suspendre Gildan de son membership, le temps de faire enquête. Mais Gildan a réglé le problème à la source, en fermant carrément l’usine! Ainsi, il n’y a plus ni violation, ni atteinte à quelque droit que ce soit, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus ni ouvrier, ni usine; dès lors, la FLA a cru bon de réintégrer la compagnie dans ses rangs (une chance qu’il existe des organismes comme celui-là pour «protéger» les travailleurs et les travailleuses...).

Entre-temps, le caractère anti-ouvrier de Gildan est ressorti de nouveau, cette fois-ci au Nicaragua, où la compagnie Nicotex a congédié six responsables syndicaux le 15 novembre, et 40 autres travailleurs et travailleuses qui avaient signé leurs cartes de l’union, dès le lendemain. Située dans la ville de Sebaco, dans la province de Matagalpa, l’usine appartient à des intérêts coréens, mais son seul et unique client est – vous l’aurez deviné – la compagnie Gildan, qui semble avoir trouvé là un bon moyen de sauver sa réputation, en sous-traitant la sale job qu’elle ne peut désormais accomplir elle-même que difficilement, étant donné l’étroite surveillance médiatique dont elle est l’objet.

Le résultat de toutes ces belles politiques corporatives et «socialement responsables» (sic) que Gildan se targue d’appliquer, c’est qu’en 2002 (i.e. l’année même où elle a fermé son usine de la rue Clark), la rémunération totale de ses trois plus haut dirigeants est passée de 1,5 à 13,3 millions de dollars, en hausse de 804% par rapport à l’année précédente... À lui seul, le président et chef de la direction de Gildan, Glenn Chamandy, a empoché quelque 5,8 millions $, passant ainsi de la 110e à la 6e position au palmarès des chefs d’entreprise les mieux rémunérés au Québec. Quant à son frère Greg, il a décidé, il y a quelques mois, de quitter l’entreprise, non sans avoir touché une prime de départ s’élevant à environ 3,9 millions de dollars.

Ce que toute l’histoire de Gildan nous montre, c’est bien sûr à quel point la bourgeoisie des grands pays impérialistes comme le nôtre tire sa force, sa puissance et ses immenses richesses de l’exploitation du prolétariat et des peuples des pays dominés: des prolétaires venuEs des pays du tiers-monde, qui travaillent ou ont travaillé dans ses usines du Canada et des États-Unis, où ils et elles se retrouvent en majorité, et surtout, des prolétaires des pays pauvres, qui constituent une source de surprofits à la fois abondante et soumise aux pires excès, en raison de la collusion des régimes réactionnaires qui demeurent entièrement soumis aux puissances étrangères.

Tout cela fait également ressortir toute l’urgence de s’organiser et de lutter pour se débarrasser d’un système aussi injuste et qui fonctionne de manière à ne satisfaire que les besoins intarissables d’une petite minorité de profiteurs.

* * *

Article paru dans Arsenal-express, nº 32, le 2 janvier 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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