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La crise au PQ: échec stratégique et effritement d’un monopoleAnonyme, Miércoles, Diciembre 29, 2004 - 08:14
François Cyr et Pierre Dostie
Les divisions sont de plus en plus apparentes au sein du Parti québécois. La lutte à la chefferie, le style des prétendants à la succession de Bernard Landry ou leur plan de carrière font les manchettes. Mais la crise est bien plus profonde : c’est l’effritement de ce qu’on appelait jadis l’Alliance souverainiste. Le cinglant échec électoral d’avril 2003 a laissé au PQ le pire score (33,24 %) depuis 1973, époque où il n’avait pas encore formé le gouvernement. D’autres signes doivent être pris en compte dans l’analyse de cette crise, notamment l’abstention de 30% des québécoisEs aux dernières élections - dont une bonne partie de l’électorat traditionnel péquiste - et l’émergence de la gauche politique qui pose la question nationale à travers les enjeux sociaux. La moitié des souverainistes choisit maintenant d’appuyer d’autres formations politiques que le PQ . C’est l’échec de la stratégie péquiste et la fin de son monopole sur le mouvement souverainiste. Cette situation impose la recherche d’une stratégie nouvelle pour la résolution de la question nationale québécoise, que le PQ ne peut plus envisager seul. Le drame est que ce parti ne semble pas près de sortir de l’autisme profond dans lequel il s’est enfermé. Effritement du bloc nationaliste traditionnel Nous émettons l'hypothèse que la crise au sein du PQ, et du Bloc jusqu’à un certain point, est beaucoup plus profonde que l'expression des simples tensions entre les « pressés » et les « pas pressés » et qu’elle renvoit à une phase particulière d'un assez long processus d'effritement progressif des liens entre les différentes forces sociales ayant constitué depuis trente ans les assises du projet péquiste. La prise du pouvoir en novembre 1976, faisant suite à une longue période de montée des mouvements sociaux progressistes (mouvement national, mouvement syndical, mouvement des femmes, des jeunes, etc.), a scellé une alliance, un bloc, entre le leadership des forces sociales émanant de la société civile et le projet péquiste. Le tout sur fond de convergence générationnelle : celle des premières cohortes de baby-boomers. C’est ainsi que le PQ s’est cru autorisé, malgré les réserves de son fondateur René Lévesque, de se donner comme nom celui de la nation elle-même, ce qui l’amènera plus tard à confondre ses propres intérêts avec ceux de la nation. Cette alliance, souvent sujette à des tensions (notamment en 1982), a toutefois tenu le coup et a permis l'élaboration et la mise en oeuvre de ce qu'il est convenu d'appeler le modèle québécois. Étrange cocktail de corporatisme prenant racine dans les profondeurs de notre culture politique catholique et des pratiques social-démocrates d'inspiration nord-européenne, ce modèle s'appuie essentiellement sur un discours et une pratique de concertation entre les acteurs sociaux. De sommet en sommet, des concertations régionales aux grands exercices de relations publiques, hors de l'Assemblée nationale, les élites économiques, municipales et malheureusement syndicales discutent et décident de la gestion des finances publiques à la recherche du cher consensus, ce nouveau paradigme de notre culture politique. Faut-il préciser que, le plus souvent, ce consensus s'est fait au détriment des intérêts populaires et toujours au détriment de la démocratie. Faut-il rappeler qu'en démocratie, même libérale, ce sont les élus qui décident et rendent compte ? Toutefois, la crise du modèle d'État providence et la montée des forces néolibérales mettent à mal cette alliance. La réduction du rôle de l'État devant être compensée par l'émergence de ce merveilleux monde de l'économie sociale, qui renvoie le plus souvent à une exploitation de main-d'oeuvre peu syndiquée, appelée à faiblement et partiellement compenser les fonctions traditionnelles de l'État, notamment au chapitre des soins de santé et des services sociaux. Au prix de concessions de plus en plus mineures aux classes populaires, le PQ a su, bon an mal an, maintenir cette alliance, y déployant d'autant plus d'énergie que ce parti, malgré ses efforts pathétiques, n'a jamais pu convaincre des secteurs significatifs de l'élite économique à rallier sa bannière. Du «bon gouvernement» néolibéral à l’opposition tranquille Cette alliance au pouvoir sous le règne du PQ et son modèle de concertation se sont effrités graduellement sous nos yeux au rythme des avancées du néolibéralisme pur et dur : ville en perdition (Murdochville), grande usine fermée (GM), lock out prolongés (Vidéotron), mine en faillite (Asbestos), fermeture d’usine de transformation en région (Chambord). Incapable de civiliser de façon minimale les forces économiques, le gouvernement péquiste en était réduit à implorer les multinationales d'être de bons citoyens corporatifs, avec les résultats que l'on sait. Sur le plan social, les pseudo-réformes de la santé et de l’éducation ont été opérées sous l’impulsion du déficit zéro qui a été atteint (un an avant l’échéancier prévu) en déplumant ministères et programmes sociaux. La stratégie péquiste du bon gouvernement, allait le mener à gérer les coupes du gouvernement Chrétien-Martin sur le dos de la nation tout en se moulant aux politiques néolibérales découlant des ententes commerciales avec nos voisons du sud. Cette stratégie a accentué la rupture des souverainistes progressistes avec ce parti. Elle a fini par vider le projet d’indépendance nationale de son sens auprès de la population qui a boudé les élections dans une proportion de 30%, contribuant ainsi à la défaite électorale du PQ le 14 avril 2003. Le retour à l’opposition n’a pas permis jusqu’ici au PQ de renouveler sa pensée et sa stratégie. Sur plusieurs fronts, les politiques conservatrices du gouvernement libéral-conservateur de Jean Charest sont dans le prolongement des politiques du gouvernement péquiste précédent. Cette réalité, de même que les guerres intestinales au PQ, ainsi que l’attitude de son élite, qui consiste à taper du pied en attendant que la règle de l’alternance la reporte au pouvoir, explique la tiédeur manifestée jusqu’ici par ce parti dans son rôle d’opposition. Le mode de scrutin, que le PQ a refusé de changer, croyant – à tort de l’avis de plusieurs spécialistes – être avantagé par celui-ci, leur réserve possiblement quelques mauvaises surprises. La première est la probabilité d’un second mandat libéral. La seconde est qu’une coalition souverainiste – advenant qu’elle soit souhaitée – serait plus facile à réaliser dans un système proportionnel. Question nationale et question sociale Il serait présomptueux de prévoir les rythmes, les formes et les modalités de ce processus de décomposition. Contentons-nous d'en inventorier brièvement les éléments structurants. L’opposition croissante et de plus en plus structurée de larges secteurs de la population à l’ALENA et à la ZLEA heurte de plein fouet les fondements stratégiques du projet péquiste depuis ses origines (MSA) : l'intégration croissante de la société québécoise au continent. Pas étonnant que les grands dirigeants historiques du PQ, les Landry, Parizeau et Bouchard, aient été les meilleurs théoriciens du libre-échange. On peut jeter en pâture aux militants et militantes la mise sur pied d'un observatoire sur les effets de la mondialisation, mais le projet de M. Landry a le mérite d'être clair : il veut siéger à Buenos Aires - il visait 2005 à l’époque - à la table de négociation finalisant la signature de la ZLEA. Peut-être l'histoire retiendra-t-elle que la question de la mondialisation néolibérale, sera l'axe de rupture principale entre le projet péquiste et les mouvements sociaux progressistes ? Aujourd’hui presque 10 ans après un second référendum perdu, on peut dire que le deuil n’est pas encore complété de cet échec réédité. Entre temps, le gouvernement fédéral a verrouillé tout éventuel processus référendaire (loi sur la «clarté») et du même coup empiété les champs des compétence provinciales et renforcé son pouvoir centralisateur. Le Conseil de la fédération de Jean Charest et l’entente «asymétrique» sur la santé sont des opérations cosmétiques qui n’ont rien changé aux règles de la péréquation et qui surtout n’ont aucun impact au plan constitutionnel. Le scandale des commandites a révélé que le fédéral avait non seulement volé le référendum (en dépensant 9 fois plus d’argent que le comité du oui au mépris de la loi québécoise) mais utilisé les fonds publics pour continuer pendant des années, à défrayer une campagne idéologique comme seule réponse à la demande de changement exprimée par les québécoiEs. Dans le camp péquiste, on cherche toujours les conditions gagnantes en vases clos, espérant reprendre le monopole sur le mouvement souverainiste autour d’une nouvelle astuce rassembleuse. Le parti de la nation n’a pas besoin de consulter le peuple sur le projet de pays et sur la stratégie pour y parvenir. Il peut aussi ignorer les autres partis souverainistes, à moins que ce ne soit pour tenter de les convaincre de renoncer d’exister au nom «des intérêts de la nation». On observe cependant avec évidence que l’axe «souveraineté-fédéralisme» s’est redéployé sur l’axe «gauche-droite», ce qui n’est pas nécessairement impertinent. Plusieurs s’entendent d’ailleurs pour dire que c’est sur cet axe que se posent les questions fondamentales et que la question nationale reposée dans une perspective progressiste peut lui donner un nouveau sens. Le recoupement de ces deux axes en faveur du projet national commande une conjoncture et un «momentum» particulièrement favorables. Le déséquilibre fiscal ou la compétence provinciale en matière de santé sont des enjeux bien minces pour mobiliser l’électorat en faveur d’un parti ou d’une coalition souverainiste. Il faut d’abord poser la question nationale en dehors des rangs du PQ sans risque de s’attirer les foudres des gardiens de l’orthodoxie. En dehors même des rangs des partis. Plutôt que de chercher à convaincre, il y aurait lieu de consulter le peuple, sur le projet de pays et sur la façon d’y arriver. Puisque le mouvement souverainiste déborde largement des rangs d’un seul parti, il faut non pas s’employer à trouver sa stratégie gagnante, mais collaborer à la recherche d’une stratégie commune. C’est l’un des mandats que s’est donné le Conseil de la souveraineté, que de nombreux péquistes et bloquistes voient encore malheureusement comme un bassin ou une vitrine à leur avantage. Selon l’UFP, la rupture avec les institutions britanniques, notamment par la convocation d’une Assemblée constituante, devant rédiger une Constitution d’un Québec progressiste et républicain, est un enjeu stratégique prometteur. Cette stratégie rassembleuse dégagerait un parti ou une coalition souverainiste du seul mandat de bon gouvernement provincial. Elle offrirait au peuple l’occasion de s’approprier la question nationale et de mettre de la chair sur le projet du pays. L’Assemblée constituante créerait un momentum non seulement pour les forces souverainistes mais pour le peuple québécois dans son entier. Et l'alternative ? Nous ne croyons pas que l'effritement du projet péquiste, mécaniquement, favorisera en soi la construction d'une alternative de gauche. Malgré ses modestes succès sur le plan de l'unification, la gauche québécoise reste encore relativement faible. Un long et patient processus de construction s'ouvre devant les progressistes qui, peu à peu, sauront sortir de leur relative marginalité et construire ce qui aurait dû l'être il y trente ans : un parti progressiste de masse solidement ancré à gauche. Depuis cinq ans, on observe que la gauche québécoise fait des efforts significatifs pour retirer ses ornières sectaires, renouveler son discours, fonder des alliances avec des mouvements sociaux et se mettre à l’écoute de la population. À travers ce processus, une nouvelle culture politique émerge, plus préoccupée d’éducation politique et de congruence qu’à jouer le jeu de la politique traditionnelle. Le défi de la gauche est non seulement de percer mais aussi et surtout de renouveler la politique. Elle s’y applique sérieusement et pour une fois on commence à la prendre au sérieux. La perspective de fusion entre l’UFP et l’Option citoyenne est un signal encourageant pour la gauche québécoise mais qui annonce un purgatoire plus difficile pour le PQ qui demeure encore tragiquement centré sur lui-même.
Site de l'Union des forces progressistes
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