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Camp de Jabalyia (Gaza) : Interview de Khaled

Anonyme, Martes, Octubre 19, 2004 - 16:24

Silvia Cattori

Khaled, un Palestinien qui vit dans le camp de réfugiés de Jabaliya parle des conséquences désastreuses des agressions israéliennes sur les enfants surtout.

Israël détruit.

L’ONU en est réduit à transférer les sans abris.

Entretien réalisé par Silvia Cattori

19 octobre 2004

Khaled, un Palestinien qui vit dans le camp de réfugiés de Jabaliya parle des conséquences désastreuses des agressions israéliennes sur les enfants surtout.

S.C. :L’armée israélienne s’est « redéployée » après trois semaines d’offensives. Vous sentez-vous maintenant en sécurité ?

Khaled : Redéployer veut dire ici « que l’on n’attaque pas ». Ne veut pas dire se retirer. On ne voit plus les chars et les véhicules qui transportent les troupes. Mais les portails sont ouverts et les chars sont prêts à foncer sur nous à tout instant. Les soldats sont toujours là, stationnés dans des bases militaires énormes, à l’est du nord de la bande de Gaza.

S.C. : Les portails dites-vous ?

Khaled : Je parle des portails qu’Israël ouvre et ferme à sa guise. Ce sont les seules ouvertures le long de la barrière métallique qui entoure la bande de Gaza. Barrière qui nous emprisonne. Des centaines de chars et des milliers de soldats, sont postés à la frontière en permanence.

S.C. : Vous parlez d’une frontière ?

Khaled : Israël, n’a pas de frontière bien définie. C’est tactique. Il peut continuer de nous grignoter. La frontière c’est la barrière métallique qui la définit. Une barrière composée de fils barbelés électrifiés d’où personne ne peut s’échapper. Si vous touchez ces fils il y a un signal et vous êtes cuit.

S.C. : Donc ils peuvent arriver d’une minute à l’autre ?

Khaled : On ne peut pas parler de repos. Les gens sont effrayés. Les tanks contrôlent toute la zone, cinq ou six avions d’espionnage (drones) contrôlent nos rues 24 heures sur 24. Le bruit de ces avions sans pilotes est quelque chose de « dégoûtant ». La nuit surtout, car c’est impossible de dormir. Même quand on s’assoupit on les entend toujours tourner. Cela vous met dans un état de crainte et de stress terrible. Cela vous tape sur les nerfs. Pour vous donner une idée. C’est comme si vous aviez des abeilles dans les oreilles. Vous devenez fou. C’est quelque chose d’insupportable. Et on ne peut rien pour que cela cesse.

S.C : Par le passé les drones ne survolaient pas Gaza de manière si intense ?

Khaled : Depuis 200O ils venaient quelques heures, quelques jours. Mais depuis trois semaines ils survolent le ciel en continu. Par le passé ces avions sans pilotes n’étaient pas chargés de bombes. Maintenant que l’on sait qu’ils peuvent lâcher à tout moment leur chargement sur nous, tirer dans le tas, c’est un sentiment lourd à supporter. Une tension épuisante. Ils sont une menace continue sur notre tête. C’est leur nouvelle tactique de nous mettre à bout avec ces avions espions. De nous faire savoir que, d’une minute à l’autre, ils ont le pouvoir de nous attaquer avec des missiles.

S.C. : Vous les voyez ces drones ?

Khaled : Ils volent très haut. On ne les voit qu’à l’heure du coucher durant quelques minutes, quand le soleil est bas. Ils sont très gros. Plus gros que ces avions qui sont utilisés pour verser des insecticides. Donc quand Israël dit qu’ils se sont retirés, pour nous ils sont toujours là. Ils nous surveillent par les airs et au sol, avec des moyens sophistiqués. Depuis ces avions ils suivent à la trace chaque personne. Il y a quelques jours, ils ont tué deux volontaires qui distribuaient de la nourriture. Sortir, marcher est un acte héroïque ici. Si vous avez un panier, un sac un peu long, ils vous soupçonnent de porter une arme, et ils vous lancent un missile dessus. Donc chacun doit apprendre à vivre avec ça.

S.C. : Alors les gens sur qui pèse cette menace ne sortent plus ?

Khaled : Ils ont commencé à sortir très prudemment. Quand on marche dans la rue, on se sépare. On se met deux par deux. A trois ils peuvent vous tirer dessus sous prétexte que vous êtes un groupe de « terroristes ».

S.C. : Ariel Sharon se dit très satisfait des résultats obtenus. Durant cette opération appelée « Jours de pénitence » l’armée israélienne a-t-elle, comme elle l’affirme, « mis hors d’état de nuire une dizaine de groupes armés » ?

Khaled : Ils infligent des punitions collectives, jettent notre camp dans une mer de sang et ils sont satisfaits ? Oui, ils ont durement puni les enfants, les vieux, les malades, les femmes enceintes. Et ils sont fiers ? Où est l’humanité ? C’est ignoble.

S.C. : C’était du jamais vu comme offensive de grande ampleur pour vous ?

Khaled : Oui pour nous cela a été terrible : un massacre d’innocents. Près de la moitié des mutilés et des morts étaient des enfants. Tous ces gens nous les connaissions. J’ai perdu un membre de ma famille. Nous avons commencé le Ramadan sans eux. Ils nous manquent. On ne se sent pas défaits. On est fiers de notre résistance. On garde l’espoir de parvenir à nous débarrasser d’eux. Ce sont les enfants qui nous préoccupent. Nous sommes inquiets pour leur état psychique. Nous sommes ici dans une zone qui a souffert, complètement bouclée. Quand les bombardements ont secoué Jabaliya durant des jours et des jours, les enfants étaient très choqués. Ma fille âgée de 5 ans, n’exprime plus rien. Elle est comme vide. Elle était propre. Et maintenant elle est devenue incontinente. Elle a l’effroi marqué sur son visage. Le garçon âgé de 4 ans, lui aussi n’est pas dans un état normal. Tout bruit le fait sursauter. Il ne parle plus. Quand il entend des tirs il s’accroche à sa mère. La plus petite crie tout le temps. Les violences ont eu des effets mauvais sur leur psychisme. Il y a des centaines d’enfants mutilés qui souffrent beaucoup.

S.C. : Avez-vous eu peur vous ?

Khaled : Tout le monde a peur quand la maison est secouée par les explosions, quand les murs bougent. Ce sont des bombes qui font l’effet d’un tremblement de terre. Il y a des hommes qui ont peur, eux aussi. La peur vous colle à la peau. L’autre grande préoccupation ici, ce sont les femmes enceintes. Ma voisine, âgée de 22 ans, enceinte de cinq mois, a perdu son bébé. Beaucoup de femmes sont dans son cas. Hier, j’ai visité le quartier entièrement détruit. C’est pire que ce qu’on voit après un tremblement de terre. Les gens qui ont tout perdu ne reconnaissaient plus l’endroit où leur maison se trouvait avant. Il y avait des enfants qui cherchaient un cahier, un crayon au milieu de montagnes de gravats. Quand les bulldozers sont arrivés pour démolir leurs maisons ils n’ont laissé que quelques minutes pour les évacuer.

S.C. : L’ONU reconstruira-t-il les maisons à l’endroit où elles étaient ?

Khaled : Chaque fois que l’armée israélienne détruit des maisons de façon si massive et dévaste nos cultures, il ne nous est plus possible de revenir sur nos terres. Israël les annexe et s’en sert, dans l’immédiat, pour élargir toujours plus ses zones dites de sécurité. Pour nous chasser toujours plus loin.

S.C. : Mais ce n’est pas l’UNRWA qui aide les sans abris à reconstruire ?

Khaled : Nous pensons que cette agence, qui dépend de l’ONU, cède aux ordres d’Israël qui démolit puis nous interdit de reconstruire au même endroit pour pouvoir occuper ces lieux militairement. L’ONU installe les gens provisoirement dans des tentes, reconstruit les nouvelles maisons à d’autres endroits. Cela ne fait pas plaisir aux gens d’être transférés ailleurs. L’ONU ne devrait pas céder aux ordres d’un Etat qui chasse les Palestiniens hors de chez eux de façon illégale. L’ONU devrait nous aider à reconstruire nos maisons à l’endroit même où elles se trouvaient quand l’armée israélienne les a rasées. Les gens sont obligés d’aller là où l’ONU leur propose une autre maison. Par cette pratique l’ONU aide, consciemment où pas, Israël à poursuivre le transfert des Palestiniens. C’est ce que nous constatons depuis des années. Quand l’URNWA, ne reconstruit pas les maisons là où elles étaient avant leur démolition illégale par Israël, cette agence de l’ONU, « aide » de facto Israël à nous « déporter ».

S.C. : Ce que vous dites est terrible ? D’autant qu’une figure comme Peter Hansen, dénonce les violences de l’armée israélienne de manière assez claire ?

Khaled : Oui nous aimons beaucoup Peter Hansen. Il est très courageux. Et c’est chose rare quand il s’agit de nous défendre. Nous sommes reconnaissants à toute personne qui a une attitude humaine à notre égard. Mais un homme ne peut pas changer un système à lui seul. L’ONU est composé de gens qui sont liés à une hiérarchie. Tout le monde n’est pas prêt à risquer sa carrière pour dénoncer Israël. Ce que j’affirme sur les faiblesses de l’ONU face à Israël, je le fonde sur ce que nous ressentons ici. Je vous donne l’exemple de Rafah où l’armée a rasé des milliers de maisons, jeté des dizaines de milliers de réfugiés dans la rue en inventant ces histoires de tunnels. Tout le monde peut le voir : l’ONU n’a jamais reconstruit aucune maison à l’endroit même où Israël les a rasées. Il a reconstruit les maisons ailleurs. C’est à prendre où à laisser. C’est comme ça qu’Israël parvient à élargir toujours plus cette « zone tampon », qu’il appelle « marge de sécurité ». Le transfert des gens hors de leurs quartiers originels, dans le sud de la bande de Gaza durant ces années, a permis à Israël de s’annexer de manière définitive une zone profonde de 500 mètres, longue de 12 kilomètres. Ici au nord de la bande de Gaza les récentes démolitions de maisons ont permis à Israël d’élargir la bande déjà large de 300 mètres de 100 mètres de plus.

S.C. : Avez-vous vu eu l’impression que le monde a été correctement informé durant cette période où vous étiez isolés ?

Khaled : Il y a eu pas mal de correspondants qui sont venus à Gaza ces dernières semaines. Mais on a eu l’impression qu’ils étaient venus ici pour compter les quelques roquettes Qassam tirées par les Palestiniens. Et qu’ils ne comptaient pas les centaines de missiles tirés contre nous par Israël. Nous avons la nette impression que notre souffrance ne les concerne pas. Que les journalistes, en général, ne considèrent pas que les Palestiniens sont victimes d’Israël.



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