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Absurdités entourant la question du voile islamique

etnomusikolojist, Lunes, Septiembre 6, 2004 - 21:53

etnomüsikolojist

L’interdiction du voile, justifiée avec des motifs défendables (liberté de la femme), constitue un précédent facilitant l’extension future de cette mesure à d’autres modes d’expression d’opinions indésirables par l’État. Ce débat bafoue le point de vue de toute personne qui, en toute bonne foi, souhaite prendre une position. En effet, si on se prononce contre le foulard, on risque d’être suspecté d’arrière-pensées racistes. Si l’on prend la position opposée, on se verra prêter une complicité objective avec les islamistes.

C’est la situation classique qui conduit à s’autocensurer de peur que la vérité ne puisse être utilisée par l’adversaire. L’expérience montre combien ce type de démarche aboutit au contraire du résultat recherché. Pendant la guerre froide, les "intellectuels de gauche", sommés de choisir entre les deux blocs (c’est-à-dire entre un capitalisme d’État et un capitalisme de marché) ont opté dans leur majorité pour le bloc soviétique et ont tu ses crimes pour que leur dévoilement ne renforce le camp occidental. Une décennie plus tard, la vérité -malgré leurs efforts- fut connue de tous et le discrédit en rejaillit non seulement sur le bloc de l’Est mais aussi sur l’idée même de Révolution qui fut, depuis, associée à celle de totalitarisme. Seuls, certains osèrent refuser l’ensemble de l’alternative qui leur était imposée et critiquèrent, d’un point de vue révolutionnaire, l’URSS, contribuant à ce que certains puissent encore concevoir quelque espoir.

Pour en venir aux faits, on peut se rendre que les femmes musulmanes sont soumises par cette double contrainte: d’une part, la religion les force à porter le voile, tandis que de l’autre, l’État le leur interdit. Subséquemment, elles sont obligées de se soumettre à soit l’une ou l’autre de ces prépondérances. Ainsi, les femmes musulmanes n’ont que deux possibilités: soient qu’elles se plient aux deux autorités, donc qu’elles tentent en même temps de porter et d’ôter leur voile, ce qui est contradictoire, ou bien qu’elles refusent simultanément l’obligation et l’interdiction de le porter, ce qui est encore une fois absurde, mais constitue cependant la seule réponse logique au monde absurde dans lequel elles vivent. Même si ce deuxième choix est aussi contradictoire que le premier, dans ce dernier, la contradiction est plutôt rationnelle: refuser les deux injonctions revient à rompre avec tous les pouvoirs à la fois: en somme, à se libérer des contraintes.

Le voile islamique est à la fois un signe d’appartenance religieuse et une discrimination sexiste. Ainsi, deux choses s’opposent en lui: les droits de la femme et les "droits" de la religion. Défendre les uns revient à renier les autres. Naturellement, je me considère sans hésiter comme un défendeur des droits de l’individu contre ceux de sa culture. Cependant, je désire ici traiter non seulement de l’Islam, mais également de toutes religions. Dans les grandes lignes de l’histoire, toutes les religions ont eu en commun un profond mépris de la femme et une haine de la sexualité.

Plus précisément, ils partent d’un double postulat: le désir serait exclusivement masculin et l’homme en est coupable. Ils en concluent que, pour réprimer ce désir, il faut réprimer son objet: les femmes. Et pour cela? Les occulter. Ainsi la charia impose que les femmes, par une sorte d’apartheid, soient cantonnées dans l’intimité du foyer et, lorsqu’elles en sortent, dûment accompagnées par un tuteur, et ce obligatoirement voilées.

Le ressentiment contre les femmes ne se restreint pas uniquement à ceci. Il consiste également à nier leur plaisir et leur désir. Cette négation, qui s’exprime parfois physiquement par l’excision, signifie symboliquement que les femmes ne peuvent être que l’objet de leur désir, jamais le sujet. Leur inégalité est donc ainsi fondée. À l’inverse, prêter aux femmes un
quelconque désir aurait dû amener symétriquement à voiler les hommes. Et, même sans aller jusque là, garantir une égalité minimale des sexes aurait dû conduire à enfermer plutôt les hommes aux besoins si fougueux.

Remarquons que la violence faite aux femmes se double d’une autre violence, d’une moindre intensité, mais aux effets aussi pervers, qui s’exerce sur les hommes. En effet, en voilant la femme, on la désigne du coup, de manière paradoxale, comme exclusivement et intégralement un objet de désir. Objet interdit, donc encore plus désirable. Le voile interdit suscite l’envie des hommes; interdit parce qu’il suscite, suscite parce qu’il interdit.

Certains soupçonneront une animosité spécifique contre l’Islam dans ce texte, voire même du racisme. Je réfute ces arguments et affirme plutôt le contraire, soit que de refuser le voile n’est aucunement raciste mais que de le tolérer l’est. Être raciste signifie reprocher à quelqu’un non ce qu’il fait (exemple: avoir une pratique religieuse donnée) mais ce qu’il est (être né arabe,noir ou blanc).

Or, être arabe n’équivaut pas à être musulman. La religion, malgré toutes les pressions qui l’accompagnent, relève du choix. On peut être arabe et chrétien, juif ou athée. Il existe dans l’histoire arabe des penseurs et poètes, nés dans des familles musulmanes, qui ont choisi d’être hérétiques et même blasphématoires à l’instar d’Hallaj (858 - 922) qui affirmait : "Je suis Allah". De plus, si on généralisait cette confusion entre arabe et musulman, nous serions contraints de confondre aussi occidental et chrétien, ce qui est,on ne s’en étonnera pas, la position des partis de droite.

Subrepticement donc, hésiter à condamner le voile par peur d’être raciste se retourne en une position raciste. En effet, cela présuppose de définir l’identité arabe en terme religieux, comme si une "race arabe" existait et qu’elle était génétiquement déterminée à être musulmane. De plus, cela mène à tolérer pour les femmes arabes ce qu’on refuserait pour les femmes occidentales, tout comme si la liberté et l’égalité étaient des valeurs exclusivement occidentales et ne pouvaient être conçues ou revendiquées par les autres civilisations.

Cela dit, distinguer arabe et musulman n’est pas suffisant. En effet, une société n’est qu’un champ de lutte entre plusieurs groupes, idéologies, courants...et surtout classes sociales. La considérer comme un bloc homogène serait la réduire au groupe dominant et à son
discours et donc, s’en rendre complice. Parler d’identité collective(qu’elle soit arabe ou musulmane) sert à masquer la domination des femmes arabes par les hommes arabes, des ouvriers arabes par les patrons arabes et enfin des arabes agnostiques et athées par les arabes religieux.



Asunto: 
Histoire de voiles... et autres.
Autor: 
Dominic Claveau
Fecha: 
Mar, 2004-09-07 15:40

100% d'accord. Si au moins les hommes étaient eux aussi soumis à quelques contraintes, mais non. J'ai vu plein de ces couples cet été où la femme est couverte de la tête au pied avec un voile et son bonhomme qui lui est ... en short! Comme n'importe quel occidentaux... Puissant le conditionnement psychologique! Au fait, question pour les cultivés: d'où vient le voile? Ne vient-il pas tout simplement d'un mode vestimentaire pour se protéger du soleil dans les zones désertiques? C'est curieux desfois comme les symboles religieux origines de comportements tout à fait pratico-pratiques. Comme la polygamie. Elle viendrait de l'époque où les hommes arabes étaient toujours en guerre et mourraient sur le champ de bataille... Certains "chanceux" devaient rester pour enfanter plusieurs -jeunes vierges? - et ainsi assurer la survie du groupe...


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Asunto: 
En réponse à ta question, Dominic...
Autor: 
Dimadi
Fecha: 
Jue, 2004-10-21 10:50

En fait, l'origine du voile islamique remonterait au Moyen-Âge quand une chrétienne égyptienne aurait porté pour la première fois cet accoutrement en signe de deuil. Plutôt ironique, quand on y pense...

Cela dit, je ne partage pas tout à fait votre point de vue, messieurs. À mon sens, il vaut mieux que l'État s'abstienne de limiter la liberté d'un individu tant que cela est possible sans porter atteinte à celle des autres. Je ne sais pas si vous ètes familiers avec Rousseau et les théories du contrat social, mais à l'état de nature, il ne serait pas rationnel qu'une pareille contrainte paraisse acceptable.

Comme l'auteur l'a si explicitement démontré, chacun est libre d'adhérer ou non à une religion ou à une autre, et donc de se soumettre ou non à des ensembles de règles et de préceptes proposés par des institutions morales et/ou religieuses indépendantes de l'État. Mais, vous en conviendrez, chacun est tenu de se conformer aux lois de l'État. En n'interdisant pas le voile islamique, on laisse donc le choix à l'individu. Va-t-elle choisir de se conformer à l'éthique d'un certain groupe ou non ? C'est une décision qu'elle prendra pour elle-même.

En interdisant le voile, on limite la liberté car on interdit l'une des deux options. En d'autres mots, on fait le choix à la place de l'individu. Et ce, pourquoi ? Parce qu'on croit savoir mieux qu'elle ce qui vaut mieux pour sa vie; parce qu'on se croit moralement supérieur et qu'on s'attribue la compétence de porter des jugements de valeurs sur les autres cultures; parce que dans notre grande arrogance, on croit avoir le droit (et le devoir !) de diriger la vie des autres... (C'est pour leur bien !)

Un peu de relativisme culturel, s.v.p. ! Contrairement aux intellectuels de gauche de l'ancien bloc soviétique, nous ne vivons pas dans un système totalitariste. Parmi les bases les plus fondamentales de la société libre, citons la séparation de l'état et de la religion, et la libre confessionalité. L'individu est suffisament intelligent pour choisir lui-même sa vie et ce qui lui convient. Il est responsable. Pourquoi cela ne s'appliquerait pas aux arabes ? Si leur religion les forçait à transporter un fusil d'assaut chargé en public, alors ce serait différent... Mais dans le cas d'un simple voile de tissus, il n'y aucune raison de voir un conflit entre les lois de l'État et celles de la Religion.


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