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La Police Incapable De Protéger Les CitoyenNEs 2ième partie: L'AFFAIRE SIMMONS

Anonyme, Sábado, Agosto 14, 2004 - 23:53

COBP

 
La police sait qu'il va y avoir un meurtre. Elle le sait parce que son informateur trempe lui-même dans la préparation de l'assassinat. Et que va faire la police ? Mais la police ne va rien faire du tout !

Voici le 2ième article d'une série de 4 portant sur la négligence policière dans des affaires de règlements de compte reliés au milieu du crime organisé.

[éd : le premier article peut être consulté ici.]

 
Le Collectif Opposé à la Brutalité Policière présente :

LA POLICE INCAPABLE DE PROTÉGER LES CITOYEN-NES

Imaginez le temps d'un instant que vous trempez dans le monde la drogue et que certains de vos associés souhaitent vous liquider. Maintenant, imaginez que la police est informée de la menace qui pèse sur votre vie alors que vous ignorez tout du mauvais sort qui vous attend.

Question : pensez-vous que la police va intervenir pour vous sauver la vie ? Rien n'est moins sûr. De Montréal à Halifax en passant par Winnipeg, les corps policiers se sont retrouvés à plusieurs reprises en position de prévenir des meurtres reliés au milieu des motards criminalisés mais n'ont rien tenté pour empêcher que l'irréparable soit commis.

Dans un premier article, nous avions traité de L'AFFAIRE TOKARCHUK, qui avait fait couler beaucoup d'encre à Winnipeg. Dans ce deuxième article d'une série de quatre, le COBP vous propose de connaître les dessous de la négligence criminelle de la police d'Halifax dans la mort de Sean Simmons.

LA POLICE INCAPABLE DE PROTÉGER LES CITOYEN-NES

(2ème de 4)

L'AFFAIRE SIMMONS

En 2003, trois hommes associés au chapitre des Hells Angels de Halifax sont condamnés à 25 années d'emprisonnement pour le meurtre au premier degré, à Darmouth, en Nouvelle-Écosse, d'un dénommé Sean Eamonn Simmons. Pour certains, il n'en faut pas plus pour prétendre que justice a été rendue.

Pourtant, quand on examine attentivement les circonstances entourant l'assassinat de Simmons, on ne peut qu'en arriver à la conclusion que des agents de la police régionale d'Halifax et de la Gendarmerie Royale du Canada auraient dû eux aussi se retrouver sur le banc des accusés aux côtés des présumés associés des Hells inculpés dans cette affaire.

En effet, un informateur avait averti les deux corps policiers du sort qui attendait Simmons, mais les flics n'ont rien fait pour empêcher la perpétration du meurtre de Simmons, qui était alors âgé de 31 ans et père de deux enfants. C'est ce qui ressort d'une déclaration sous serment faite à la police le 12 février 2001 par l'informateur qui raconte en détail les événements qui ont conduit à la mort de Simmons. (1)

Une rencontre qui s'avéra fatale

Au début de l'automne 2000, Paul Joseph Derry ne vend pas uniquement du crack dans les rues d'Halifax, il vend aussi à la police les différents personnages qu'il côtoie dans le monde interlope. Derry est ce qu'on pourrait appeler un informateur de carrière puisqu'il collabore avec la police depuis août 1985, donc depuis quinze ans à ce moment-là.

Profitant de l'absence de son épouse, Derry arpente les rues au volant d'un véhicule de location à la recherche de compagnie lors d'une nuit de septembre 2000. Il fait monter une travailleuse du sexe à bord. Les deux se dirigent ensuite vers une crack-house, un bloc à appartements qui est un repaire pour la vente et la consommation de ce puisant dérivé de la cocaïne.

Une fois à l'intérieur de cette maison de crack, la travailleuse du sexe présente Derry à un homme assit à une table qui dit s'appeler « George ». En réalité, le véritable nom de cet individu est Sean Simmons. Plus la soirée avance et plus Simmons se sent en confiance avec Derry, faisant en sorte qu'il ne craint plus d'utiliser son vrai nom avec ce dernier.

Simmons est rassuré du fait que lui et Derry semblent avoir pas mal d'amis en commun dans le milieu. Sans se douter qu'il a affaire à un mouchard, Simmons confie à son invité qu'il vient tout juste de sortir de prison et qu'il doit subir dans moins d'un mois un procès avec huit autres accusés pour une affaire d'extorsion à l'égard d'une famille implantée dans le domaine de l'immobilier.

Peu de temps après, Derry fait part de cette rencontre à son partenaire dans le trafic de drogue, Wayne Alexander James, un criminel de carrière qui compte huit condamnations pour commerce de stupéfiants dans son casier judiciaire.

À ce moment-là, James lui dit qu'il n'est pas sûr mais qu'il pense que les Hells sont à la recherche de Simmons. En fait, on apprendra plus tard que les problèmes de Simmons avec les Hells ont pour origine une aventure qu'il aurait eu avec une femme réputée être la maîtresse du président du chapitre local des Anges de l'enfer.

D'ailleurs, quelque temps après, Derry et James rencontrent un présumé membre à part entière des Hells, Neil William Smith. Cherchant à impressionner ce dernier, Wayne James ne perd pas de temps à révéler à Smith que lui et Derry connaissent la petite cachette de Simmons. Smith aurait alors réagi en passant son pousse sous sa gorge, en imitant le mouvement du couteau qui tranche une gorge.

Selon Derry, il ne fait aucun doute que Smith a ordonné un meurtre ce soir-là. Dans un premier temps, l'informateur contacte un officier contrôleur de la GRC. Les contrôleurs ont pour fonction de gérer les sources, c'est-à-dire les informateurs. De toute évidence, si Derry a des entrées chez la GRC, c'est grâce à ses services rendus par le passé.

Curieusement, Derry prétend à ce moment-là à la GRC qu'il ignore l'identité de la cible du contrat. Toujours est-il que la GRC ne trouve rien de mieux à lui dire que de contacter deux enquêteurs d'un autre corps policier, soit celui de la police régionale d'Halifax.

Un informateur au centre des préparatifs d'un meurtre

C'est ce que fait Derry. Entre temps, l'informateur/trafiquant ne peut plus affirmer qu'il ignore l'identité de la cible puisqu'il participe lui-même aux étapes préliminaires de l'assassinat qui aurait été ordonné par Smith. En effet, Derry reçoit pour tâche d'organiser un rendez-vous avec la cible—qui est, bien entendue, nulle autre que Sean Simmons.

Mais, au lieu de s'acquitter lui-même de cette mission, Derry demande à un de ses clients réguliers, Steven Gerard Gareau, de se tenir dans les environs de la crack-house et d'attendre l'arrivée de Simmons. En 1986, Gareau s'était déclaré coupable du meurtre à la hache de son colocataire et ami d'enfance. Il lui faudra toutefois attendre plusieurs jours avant le retour de Simmons.

Lorsque Derry fournit à la police régionale d'Halifax le nom de la cible du contrat, les deux enquêteurs, dont on ne connaît que les prénoms Doug et Wayne, sont quant à eux toujours en train de se demander s'ils vont faire affaire avec l'informateur/trafiquant.

On ignore quels sont les motifs qui font hésiter les deux enquêteurs Doug & Wayne. (2) Peut-être craignent-ils que Derry trafique aussi des renseignements ? Derry appelle alors à nouveau le contrôleur de la GRC qui lui, encore une fois, ne fait rien à part encourager l'informateur à insister auprès des enquêteurs de la police d'Halifax pour que ceux-ci lui accorde une seconde audience.

Toujours est-il que, suivant les conseils de la GRC, Derry rappelle la police régionale d'Halifax le vendredi 29 septembre. On lui répond alors qu'on le rappellera lundi prochain, le 2 octobre. Mais on est déjà rendu mardi après-midi et Derry n'a toujours reçu aucune nouvelle des deux enquêteurs. C'est à croire qu'ils s'en balancent complètement.

Les conséquences tragiques de la nonchalance policière

C'est durant l'après-midi du mardi 3 octobre que Gareau entre enfin en contact avec Simmons. Vers 14h30, Gareau quitte le crack-house en disant à Simmons qu'il va revenir plus tard peut-être avec de la bière. Dès qu'il met les pieds dehors, Gareau téléphone à Derry et l'informe de la présence de Simmons à la maison de crack.

Selon les dires de Derry, celui-ci prête alors le téléphone à son partenaire, Wayne James, qui lui discute avec Gareau quelques minutes. Ensuite, James quitte Derry. À son retour, il est en possession d'un pistolet de calibre .32 et de gants de cuir noir. Et après, il va chercher un autre individu du nom de Dean Daniel Kelsie.

Derry se retrouve au volant d'une voiture le transportant lui, James et Kelsie et c'est à ce moment-là qu'il aurait tenté de dissuader son partenaire de passer à l'action. La voiture avance lentement près de la crack-house et s'arrête à l'endroit où Gareau les attend. Pendant que Derry va stationner la voiture, les deux autres passagers descendent et se dirigent vers la maison de crack en compagnie de Gareau.

Après avoir activé la sonnette, les trois hommes attendent que Simmons fasse son apparition. Puis, Simmons ouvre la porte à ses visiteurs et tend aussitôt ses bras vers Gareau pour lui faire une accolade. C'est alors qu'un premier coup de feu est tiré sur la poitrine de Simmons. Incrédule, ce dernier regarde les trois types qui sont devant lui et dit : « What's going on ? » (Qu'est-ce qui se passe ?).

Simmons n'aura pas le temps de le découvrir puisqu'il s'effondre par terre après avoir reçu une deuxième balle. Une troisième balle est tirée avant que le trio ne prenne la poudre d'escampette en courant en direction du véhicule conduit par l'informateur. Simmons mourra neuf heures plus tard sur un lit d'hôpital.

Puis, Derry ramène les passagers du véhicule à leurs domiciles respectifs pour qu'ils se débarrassent chacun de leurs vêtements. L'arme du meurtre est confiée à l'informateur, pour qu'il la fasse disparaître dans les eaux du port d'Halifax.

Mais au lieu de faire cela, Derry enterre le pistolet quelque part à Lawrencetown, qui est située à 30 minutes à l'est d'Halifax. Selon Derry, les participants au meurtre sont récompensés en substances prohibées. Wayne James voit sa dette de drogue effacée tandis que Kelsie reçoit gracieusement quatre onces de cocaïne.

La « justice » néo-écossaise suit son cours...

En janvier 2001, l'informateur confirme sa fiabilité en procurant l'arme du crime à la police. Il aide aussi les flics à récupérer certains vêtements utilisés le jour du meurtre. En fait, Derry signe un contrat d'agent-source avec la police lui promettant à la fois argent et immunité contre toutes poursuites judiciaires résultant d'actes commis pour le compte des autorités.

Afin de recueillir des éléments de preuve, Derry consent que sa ligne téléphonique soit écoutée par la police. À certaines occasions, il porte aussi un mouchard électronique, c'est-à-dire une enregistreuse dissimulée sur lui, lors de ses rencontres avec les principaux suspects dans l'affaire.

En avril 2001, la police croit avoir suffisamment de preuve pour porter des accusations de meurtre au premier degré et de complot pour meurtre contre Smith, James et Kelsie. Gareau est quant à lui sous les verrous depuis le 13 octobre 2000 en rapport avec des accusations de possession d'arme et de recel.

En réalité, la preuve apportée par Derry lors des procès relativement au meurtre de Simmons est à double tranchant. Comme le fait remarquer l'avocat de Gareau, Michael Taylor, si le jury adopte la version des faits de Derry, alors il devra aussi prendre pour acquis que la police avait été prévenue de l'élimination de Simmons mais qu'elle a omis d'agir pour protéger sa vie.

À l'ouverture du premier procès, celui de Kelsie, en janvier 2003, le juge Felix Cacchione de la cour suprême de Nouvelle-Écosse accorde en partie une requête de la défense demandant une ordonnance de non-publication. L'ordonnance prévoit que certains éléments de preuve ne peuvent être divulgués publiquement et va jusqu'à interdire d'identifier quels sont les éléments qui sont protégés par ladite ordonnance.

Malgré cette interdiction, il sera toutefois possible de découvrir le rôle joué par la copine de Derry, Tina Marie Potts, dans le meurtre de Simmons. Durant son témoignage, Potts admet avoir fournit le pistolet de calibre .32 et les gants de cuir qui ont servi à commettre l'homicide. (3)

À l'instar de son petit ami informateur, le gouvernement fédéral s'est engagé à accorder l'immunité et à donner une nouvelle identité et une « compensation financière » à Potts en échange de son témoignage.

Fait qui mérite d'être souligné, Potts avait déjà été reconnu coupable de l'accusation de complicité après le fait dans l'affaire du meurtre de Clifford McIver, à l'Île-du-Prince-Edouard, en 1995. Elle avait été condamnée à purger une peine de trois mois d'emprisonnement en 1998 pour avoir aider à cacher deux des suspects dans cette affaire.

Après six jours de délibération, le jury déclare Kelsie coupable, le 2 mars 2003. Puis, le 3 août suivant, c'est au tour de Smith et de James de voir condamner à une peine de 25 années d'emprisonnement à l'issue d'un procès d'une durée de trois mois devant juge et jury. Il ne reste plus que Gareau qui doit subir son procès.

La condamnation de Smith, seul membre « fullpatch » des Hells Angels à avoir été accusé dans cette affaire, contribuera à mettre un terme aux activités du seul chapitre de cette organisation dans les Maritimes.

En effet, tout membre des Hells doit remettre ses couleurs à son chapitre lorsqu'il doit aller en prison et tout chapitre doit avoir un minimum de six membres en règle en liberté pour pouvoir continuer d'être actif.

Bien entendu, la police revendique le crédit de cette apparente victoire des forces de l'ordre sur le crime organisé. Pourtant, il suffit de constater la piètre performance de la police néo-écossaise dans l'affaire Simmons pour en arriver à la conclusion que, loin de mériter quelque honneur que ce soit, ces flics auraient plutôt dû faire l'objet d'une enquête publique pour leur négligence criminelle.

Mais il est inutile de rêver. Les autorités publiques, incluant les politiciens, n'ont manifestement que peu d'intérêt pour la vie d'un repris de justice tel que Sean Simmons. Il n'est d'ailleurs pas déraisonnable de s'imaginer que les élus doivent se féliciter que leur vaillante force constabullaire ait pu faire d'une pierre deux coups en coffrant quatre individus relié au milieu des motards tout en laissant Simmons se faire abattre comme un chien.

Sources :

(1) 23 novembre 2002, Ottawa Citizen
(2) 22 août 2001, Halifax Chronicle-Herald
(3) CBC P.E.I, 31 janvier 2003



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