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Voter Kerry n'est pas une option (et voter tout court non plus)Eric Smith, Domingo, Agosto 8, 2004 - 14:59
Eric Smith
La convention du Parti démocrate qui a eu lieu du 25 au 29 juillet derniers à Boston a été l'occasion du déploiement d'une véritable orgie de patriotisme, jusqu'à en vomir, dans laquelle l'opposition à la guerre et aux politiques menées par l'administration Bush sur la scène internationale fut complètement noyée. La quantité de drapeaux américains hissés par les congressistes y était absolument phénoménale: c'était à qui allait s'afficher le plus possible à ses couleurs (nul doute que certains portaient même des sous-vêtements aux couleurs de la bannière étoilée). Des dirigeants parmi les plus notoires de la grande bourgeoisie états-unienne ont défilé à la tribune, l'un après l'autre (à partir des anciens présidents Jimmy Carter et Bill Clinton jusqu'au tandem Kerry-Edwards, en passant par le sénateur Ted Kennedy et la nouvelle "étoile montante" du Parti démocrate, Barrack Obama), pour en appeler à ce que soit restaurée la "grandeur de l'Amérique", mise à mal par "l'incompétence et la témérité" de George W. Bush. Dans son discours, le candidat à la présidence John Kerry, pas plus que les autres dirigeants du Parti démocrate, n'a jamais exprimé la moindre dissidence face aux objectifs poursuivis par l'administration Bush en Irak, pour la simple et bonne raison qu'il les partage, inconditionnellement. Il n'a exprimé aucune compassion pour les premières victimes de la guerre -- non pas le millier de soldats américains qui ont eu le malheur d'aller se foutre dans ce bordel sans protester, mais les dizaines de milliers de civilEs irakiennes et irakiens qui sont morts, qui ont perdu leurs proches ou dont les maigres biens ont été détruits sous les bombardements américano-britanniques. Cela, parce que Kerry et l'establishment démocrate se foutent bien du sort des peuples victimes de l'offensive guerrière des États-Unis: ce qui compte pour eux et ce qui les intéresse par-dessus tout, ce sont uniquement les intérêts de l'impérialisme US, de cette superpuissance numéro un qui règne sur le monde et qui cherche à le dominer encore plus. Il s'est avéré on ne peut plus clair, à travers tous leurs discours, que l'essentiel de leurs critiques à l'endroit de l'administration Bush tient au fait que celle-ci a failli à remporter la guerre, purement et simplement. Kerry s'est présenté, avec l'aide des faiseurs d'image et d'une certaine "gauche" désorientée et mal avisée (les Michael Moore, Bono et consorts), comme un "commandant en chef aguerri" qui saura "finir la job" en Irak, comme il l'a lui-même si clairement exprimé en commençant son discours par un salut militaire... C'est qu'en attaquant cavalièrement l'Irak sans prendre les précautions nécessaires et en faisant fi de ses alliés traditionnels, George W. Bush a mis en péril le rôle dominant de l'impérialisme US sur la scène internationale. John Kerry et le Parti démocrate se proposent d'agir plus subtilement, pour réussir là où Bush et les Républicains sont en train d'échouer. Une bonne partie de la gauche états-unienne ainsi que du mouvement anti-guerre semble s'être jetée corps et âmes dans le camp Kerry. Elle se condamne, ce faisant, à répéter les vieilles erreurs du passé. Toute l'histoire des États-Unis est en effet marquée par cette alternance entre Républicains et Démocrates, qui n'ont pourtant jamais été autre chose que les deux fractions d'un seul et même parti -- celui de la grande bourgeoisie impérialiste. Qui donc pourrait sérieusement prétendre que tout au long du XXe siècle, disons, la politique défendue par l'un ou l'autre de ces partis qui se sont succédés à la tête du pays ait été autre chose qu'une politique pro-impérialiste visant la défense des intérêts supérieurs de la grande bourgeoisie monopoliste? Lorsque celle-ci s'est vu contrainte de reculer et de faire des concessions, ce fut non pas du fait des différences, tellement mineures, entre Démocrates et Républicains, mais en raison de la mobilisation populaire, et surtout de la résistance et des combats menés par les peuples et nations opprimés par l'impérialisme yankee: qu'il s'agisse de la révolution chinoise, de la guerre de libération héroïque menée par les Vietnamiennes et les Vietnamiens, de la révolution cubaine, etc. Et qui donc pourrait sérieusement prétendre qu'avec John Kerry à la présidence, la situation serait réellement différente qu'elle l'est avec Bush? Kerry lui-même s'est engagé, et deux fois plutôt qu'une, à poursuivre l'occupation de l'Irak jusqu'à la victoire finale, en allant chercher l'appui de la "communauté internationale" (que Bush a effectivement failli à obtenir). Il s'est engagé pour ce faire à intégrer très rapidement quelque 40 000 soldats supplémentaires dans les rangs de l'armée américaine. C'est aussi le même individu qui a récemment dénoncé George W. Bush comme étant "trop conciliant" avec les Palestiniennes et les Palestiniens (!) et qui a réaffirmé son soutien total et inconditionnel au projet sioniste de colonisation des territoires occupés. Et qui a en outre déclaré, dans un communiqué publié le 5 juin dernier, être "déterminé à mettre fin au régime Castro" à Cuba, qu'il n'a aucunement l'intention de reconnaître et contre lequel il s'est engagé à maintenir l'embargo, de façon à "augmenter la pression politique et diplomatique sur le régime pour qu'il libère les prisonniers politiques et pour que s'amorce un processus de réforme politique véritable" dans ce pays. Au Sénat et au Congrès, John Kerry et les Démocrates ont voté en faveur de l'envoi des troupes en Irak en octobre 2002, et à nouveau en juillet 2003 pour le maintien des troupes qui occupent ce pays autrefois souverain. Kerry s'est joint à l'administration Bush pour dénoncer le nouveau gouvernement espagnol, lorsque celui-ci a annoncé qu'il allait retirer ses troupes d'Irak. Et enfin, est-il besoin de rappeler que lorsque Bill Clinton était au pouvoir, son administration, toute "démocrate" qu'elle fut, a appliqué et maintenu un embargo économique meurtrier contre le peuple irakien, qui a fait des centaines de milliers de victimes -- surtout des enfants? Pendant toute la semaine lors de laquelle la convention démocrate a eu lieu à Boston, de nombreuses manifestations ont été organisées, par des groupes opposés aux politiques de George W. Bush mais qui refusent que l'important mouvement anti-guerre et anti-Bush qui s'est développé depuis un an et demi aux États-Unis soit récupéré par les Démocrates. Le 25 juillet notamment, des milliers de personnes ont manifesté, en dépit du fort encadrement policier et des menaces proférées par les autorités, et se sont rendues tout près du Fleet Center, à la fois pour exiger le rappel des troupes actuellement en Irak et dénoncer l'occupation états-unienne en Palestine, en Haïti, en Afghanistan, aux Philippines, en Corée, et partout ailleurs où l'impérialisme US maintient des installations et des bases militaires, i.e. dans pas moins de 130 pays un peu partout à travers le monde! RassembléEs à l'appel de la coalition ANSWER (pour "Act Now to Stop War & End Racism!", http://www.internationalanswer.org), les manifestantes et manifestants ont certes eu parfaitement raison de s'attaquer à l'hypocrisie de John Kerry et du Parti démocrate et de refuser de leur laisser le champ libre. La coalition ANSWER avait lancé l'appel à "protester contre les partis jumeaux de la machine de guerre" en descendant dans la rue à la fois le 25 juillet à Boston et le 29 août prochain à New York, alors que s'ouvrira la convention du Parti républicain qui confirmera la candidature de George W. Bush à la présidence des États-Unis. On sait qu'à cette occasion, des dizaines de milliers de personnes -- peut-être même quelques centaines de milliers -- prendront la rue à New York, dans une ville qui sera alors totalement militarisée, pour dénoncer la guerre et tout ce que George W. Bush symbolise et représente. Mais aussi juste et nécessaire qu'il soit, le mouvement anti-Bush ne suffira jamais, à lui seul, à arrêter le bras meurtrier de l'impérialisme le plus puissant de la planète. Comme le soulignait pertinemment l'appel de la coalition ANSWER, "la guerre en Irak n'est pas essentiellement le projet d'un seul homme, ou même d'un groupe d'individuEs". "Cette guerre est le produit de décennies de capitalisme mondial, la conséquence naturelle d'une structure qui exige de dégager des profits toujours plus élevés pour un tout petit nombre, par la subjugation des ressources humaines et naturelles et la domination complète des marchés mondiaux." Pour ceux et celles qui souhaitent s'attaquer à la source du problème et se débarrasser enfin du capitalisme et de l'impérialisme, il ne suffit pas de laisser aller le mouvement et de le suivre en spectateurs, en espérant qu'il en arrive à se développer, par on ne sait trop quel miracle, en un mouvement assez puissant pour renverser le pouvoir de la bourgeoisie impérialiste états-unienne: il faut mener une lutte politique vigoureuse contre les illusions que colportent ceux et celles qui le dirigent et qui souhaitent en faire un instrument essentiellement consacré au renouvellement du personnel politique dirigeant de l'impérialisme US; et surtout, il s'agit de préparer, ce faisant, les conditions qui permettront de faire ce qui a toujours été le premier devoir de tout révolutionnaire dans une situation comme celle que nous connaissons, à savoir d'opposer à la guerre impérialiste la guerre révolutionnaire. -- Article paru dans Arsenal-express, nº 17, le 8 août 2004. 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