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Bush, Cuba. et les droits de l’homme

Anonyme, Sábado, Julio 3, 2004 - 10:35

Jean-Paul Piérot

Déchirantes séparations sur l’aéroport de La Havane. À Miami, ces dernières semaines, il a fallu affréter des avions supplémentaires pour acheminer les Cubains de Floride vers leur île natale, avant que n’entrent en vigueur des mesures qui, désormais, leur interdisent pratiquement de s’y rendre. Cette brimade, qui frappe durement les Cubains ayant émigré aux États-Unis par hostilité au régime, ou pour échapper aux difficultés économiques, n’est pas le fait des autorités de La Havane. Ce n’est pas une réponse aux activités anticastristes menées dans les milieux de l’émigration ni à la détention de cinq citoyens cubains condamnés à des dizaines d’années de prison à Miami pour avoir infiltré des groupes anticubains. Ce nouveau " mur de Berlin " des Caraïbes n’est pas le fruit d’une quelconque nostalgie de Fidel Castro pour les méthodes de la guerre froide, ou de la peur de la contamination capitaliste. Les décisions, qui provoquent l’affolement dans les familles cubaines de Miami, ont été prises par George Bush et les néoconservateurs états-uniens dans le but déclaré de rendre la vie impossible aux Cubains, avec l’espoir que, cette fois-ci, après quarante-deux ans de résistance à l’embargo, ils se retourneront contre leur gouvernement. La population est prise en otage.

Les Cubains vivant aux États Unis ne sont plus autorisés à visiter leurs proches restés au pays qu’une fois tous les trois ans. Et la durée d’un séjour ne peut excéder deux semaines ! C’est sans doute l’aspect le plus inhumain de ce durcissement de l’embargo. Il condamne, par exemple, des milliers de personnes âgées, dont les enfants se sont installés aux États-Unis, à l’angoisse de penser qu’ils les serrent peut-être dans leurs bras pour la dernière fois. Car seront-ils encore en vie en 2007 ? Dans le dispositif figurent des restrictions financières draconiennes, comme l’interdiction de dépenser plus de 50 dollars par jour lors d’un séjour à Cuba, d’envoyer plus de 100 dollars à ses proches, de ne pas emmener plus de 20 kg de bagages. Dans son acharnement à vouloir asphyxier Cuba, George W Bush s’en prend plus directement et plus brutalement que jamais aux droits humains les plus élémentaires.

Après avoir renforcé à plusieurs reprises l’embargo qu’ils imposent à Cuba depuis 1962, avec notamment la loi Torricelli (1992) frappant de sanctions tout bateau qui accoste sur l’île, avec la loi Helms-Burton, généralisant l’interdiction d’importer des biens cubains, jusqu’aux produits alimentaires qui contiendraient du sucre cubain !, les dernières mesures décidées par l’administration Bush sont, d’une certaine manière, l’aveu d’un échec. Car malgré toutes ses rigueurs, l’embargo, régulièrement condamné par les Nations unies, n’est pas parvenu à déstabiliser le régime issu de la révolution cubaine. Celui-ci demeure une référence à l’échelle de l’Amérique latine en matière de politique sociale, de santé, d’’éducation. L’escalade de la tension provoquée par les conservateurs américains à l’encontre de Cuba, l’activisme des services américains à La Havane ont certes entraîné en retour des raidissements internes, en particulier dans la répression de la dissidence, mais le nouveau dispositif de Bush est peut-être allé trop loin. Il mécontente de larges secteurs de la communauté cubaine des États-Unis, et il est si impopulaire qu’il est rejeté par toute l’opposition sur l’île.

L’actualité des droits de l’homme, cette semaine, a braqué ses projecteurs, pour une autre raison, sur Cuba. Plus précisément sur la base américaine de Guantanamo, ce lieu de non-droit qui, pour la première fois, a été dénoncé comme tel par la Cour suprême des États-Unis. Les quelque six cents prisonniers qui y sont tenus au secret et sans jugement depuis près de trois ans vont pouvoir enfin saisir des tribunaux américains, et peut-être témoigner des traitements qui leur ont été infligés. Par des militaires américains, si près de La Havane.

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