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L'avenir des CEGEPs

S Thellen, Sábado, Junio 5, 2004 - 08:23

S Thellen

Aujourd’hui, je ne vous envoie pas de l’information concernant la campagne électorale fédérale, la guerre des USA en Irak, le terrorisme, la mondialisation néolibérale, le SIDA en Afrique, les manipulations génétiques, l’accroissement de la pauvreté dans nos riches sociétés, le scandale de la caisse de l’assurance chômage ou des détournements des capitaux des petits investisseurs par les dirigeants d’Enron ou de Nortel. Je ne vous demande pas non plus d’appuyer la relève dans le milieu des arts, les médias alternatifs, l’agriculture soutenue par la communauté, le commerce équitable, le transport en commun et les constructions écologiques.

Aujourd’hui, pour une rare fois, je me trouve dans une situation où, en plus de vous demander de soutenir une cause, je vous demande de soutenir une institution à laquelle je crois et pour laquelle je travaille, celle qui me permet, tous les jours, de tenter humblement d’amener la génération future à prendre conscience de la société dans laquelle elles vivent, de prendre conscience de leurs droits, de leurs responsabilités envers leurs concitoyens, bref de leur devoir d’humanité.

Or, une épée de Damoclès pend au-dessus de nos collèges publics, joyaux de la Révolution tranquille. Peut-être avez-vous entendu parler des discussions qui entourent actuellement l’avenir des CEGEPS ? Vous me direz que ce n’est pas la première fois que cette institution est remise en question. Or, cette fois-ci, il pourrait bien y avoir péril en la demeure dans la mesure où c’est le gouvernement néolibéral dirigé par M. Charest qui s’y attaque. Lui qui, en grand admirateur du modèle ontarien mis en place par l’ancien Premier ministre Harris, n’a que les community colleges en tête. Vous conviendrez que le contexte a changé radicalement et que c’est dans cette perspective que le gouvernement Charest lance son Forum sur l’avenir des CEGEP. Comble de l’arrogance, celui-ci aura lieu la semaine prochaine au moment où les étudiants ont déjà complété leur session et que les enseignants s’apprêtent à partir en vacances. On voit bien, encore une fois, le mépris pour la véritable consultation démocratique du gouvernement en place! Cette annonce est d’autant plus difficile à accepter qu’elle suit les recommandations controversées du rapport Bédard commandé par la Fédération des commissions scolaires du Québec (une organisation patronale) qui prétend que le Québec ferait de grandes économies en abolissant les CEGEPs, transférant une année d’étude au secondaire et une année à l’université. Cela semble évident mais pourtant, la plupart des analystes, même l’économiste Pierre Fortin, qu’on ne peut soupçonner de gauchisme, ont remis en question cette supposée économie que constituerait l’abolition des CEGEPs, allant même jusqu’à parler de coûts supplémentaires à court terme très importants. Sans mentionner le fait que les CEGEPs constituent un pôle économique et culturel très important dans les régions de la province, pôle qui, une fois remis en question, risque d’accélérer l’exode des populations de ces régions.

Ensuite, sur le strict plan pédagogique, personne n’a démontré la pertinence d’abolir les CEGEPs. Au contraire, nos CEGEPs sont des institutions qui comptent parmi les meilleures et ont permis à la classe moyenne québécoise d’accéder, plus que partout ailleurs, aux études post-secondaires. Comme l’a souligné récemment le sociologue Guy Rocher, le CEGEP a fait le Québec moderne! Plusieurs témoignages provenant d’enseignants à l’Université de Moncton et à l’Université d’Ottawa, toutes deux à la frontière du Québec, permettent de faire le constat suivant : sur le plan de la maturité intellectuelle, les étudiant(e)s québécois(e)s se démarquent de leurs confrères et de leurs consoeurs de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick et ce, grâce à leur formation au CEGEP.)

Quant aux conséquences de l’abolition des CEGEPS, il y a tout lieu de penser qu’ajouter une sixième année au secondaire constituerait un facteur de décrochage supplémentaire. Six ans dans les polyvalentes, c’est trop ! Sans compter que tous ne disposeraient pas des moyens financiers ou ne seraient pas prêts à débourser les sommes nécessaires pour cette année universitaire supplémentaire dans une institution où les frais ne cessent d’augmenter. Prétendre que le fait de devancer d’un an l’arrivée à l’université va améliorer la réussite et la diplomation ne fait pas très sérieux lorsqu’on sait qu’on y donne des cours dans des amphithéâtres bondés et que les universités disposent de très peu de ressources financières pour l’encadrement des étudiants. Au centre, les CEGEPs offrent une alternative novatrice, ni uniquement centrée sur la pédagogie comme au secondaire, ni uniquement centrée sur le contenu théorique, comme à l’université. Un lieu de passage où la relation entre l’enseignant et l’étudiant permet à ce dernier de réaliser son plein potentiel et de formuler un projet de vie épanouissant.

Sans aborder les débats qui doivent avoir lieu entre les différents acteurs de l’institution collégiale, je vous invite, lorsqu’il est question du prétendu faible taux de diplomation des collèges, à comparer ce taux avec celui des commissions scolaires et des universités afin de relativiser le supposé échec des collèges. Ensuite, je vous incite à poser un autre regard sur l’étirement de la durée des études collégiales en inscrivant ce phénomène dans le contexte de la société actuelle. Posons-nous la question : qu’est-ce qu’un étudiant aujourd’hui ? Plusieurs éléments de réponse à cette question nous sont fournis dans un document de Conseil supérieur de l’éducation que, curieusement, l’actuel gouvernement ne semble pas avoir consulté. En effet, dans un avis au ministre de l’Éducation daté d’avril 2002, le conseil se penche sur la culture des jeunes d’aujourd’hui et affirme sans équivoque que « l’orientation est au cœur de la réussite au collégial. » Crise des institutions traditionnelles (église, famille, État), crise du lien social et de la solidarité, finalement, éclatement des choix de carrières possibles plongent nos jeunes dans un certain désarroi. Il faut reconnaître que l’avenir est moins certain et clair que pour les générations précédentes et c’est dans ce contexte que les CEGEPs sont plus nécessaires que jamais. Si nous voulons améliorer la réussite scolaire, nous devons reconnaître que la formation doit inclure un minimum de flexibilité dans le choix de carrière, un certain recul étant nécessaire non seulement pour préparer son insertion professionnelle mais surtout pour développer un projet de vie. Un projet qui ne peut être dissocié du développement intégral de la personne, de l’acquisition du sens critique et de capacités d’analyse. Autrement dit, un projet qui prépare l’étudiant à assumer pleinement ses responsabilités citoyennes. Cela exige, entre autres, de la part des enseignants qui sont au cœur de cette mission sociale, de nouvelles formes d’encadrement plus personnalisées, plus respectueuses de l’humain.

Bref, dans la mesure où l’éducation est un processus d’intériorisation de la culture qui permet de s’orienter et de mieux agir, il faut chercher à connaître les jeunes, ce que, manifestement, les gestionnaires publics ne font pas actuellement, occupés qu’ils sont à répondre aux exigences milles et une fois répétées des organisations internationales de développement économiques telles que l’OCDE, l’OMC et la Banque Mondiale qui nous pressent de réorganiser nos régimes d’enseignements, de les mettre en compétition les uns envers les autres, de créer un contexte où les universités pourront se concurrencer à travers le monde, etc. Mais il s’agit là d’un autre débat, à venir…

Honnêtement, il n’y a qu’un seul remède au système québécois : renouveler notre confiance dans l’institution et dans les acteurs qui la font vivre, injecter les sommes nécessaires pour réaliser nos objectifs de sociétés. Bien sûr, les collèges ne doivent pas être soustraits de la critique mais les critiques doivent être constructives et non, encore une fois, viser les structures, être pilotés par des technocrates en mal de réingénierie. Les coupures dans les programmes de santé déguisées en virages ambulatoires et les réingénieries sont contre-productives et nuisent à l’épanouissement de nos institutions publiques.

Pour ces différentes raisons, (mais j’aurais pu insister aussi sur l’importance de la formation collégiale pour les adultes qui tentent un retour aux études et dont la réussite des CEGEPS à cet égard est indéniable) je vous enjoins de signer la pétition et de faire parvenir cette requête à tous les membres de votre entourage et ce dans les plus brefs délais. Ne laissons pas un joyau de la culture québécoise disparaître au nom d’une meilleure adéquation au système scolaire ontarien et de la cannibalisation que le gouvernement actuel tente d’institutionnaliser, entre les collèges, les commissions scolaires et les universités qui, pathétiquement, tentent d’empiéter sur le terrain de l’un et l’autre. Faisons démentir les propos réducteurs de Jean Charest devant une réunion patronale qui prétendait que « L’éducation, c’est fournir un bon capital humain au marché ».

Pétition pour le maintien des Cégeps

Forum sur l’avenir des Cégeps

Stéphane Thellen

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