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Entrevue avec Jean Lapierre du Syndicat des cols bleus de Montréal : "La FTQ doit dès maintenant appeler à la grève généraAnonyme, Jueves, Marzo 11, 2004 - 11:07
Par Pierre Klépock
Cet entretien avec Jean Lapierre du Syndicat des cols bleus de Montréal, jette un éclairage cru sur les tensions et les luttes de lignes à l'interne de la FTQ. Suite à une conférence de presse organisée par la FTQ le 29 décembre dernier, nous avons rencontré Jean Lapierre, ancien président à la retraite des 8 000 membres du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (section locale 301 du SCFP-FTQ), pour connaître ses impressions. "Les membres du 301 sont révoltés", nous a déclaré Jean Lapierre. "Ils se sentent, à tort ou à raison, trahis par la perception des propos véhiculés par les médias. Notre monde voit ça comme une faiblesse. J’espère que Massé et les dirigeants de la FTQ vont être assez sages pour ne pas donner raison à l’interprétation que plusieurs se font de ces déclarations aux grands médias", nous indique le célèbre syndicaliste, maintenant conseiller auprès du Syndicat des ouvriers municipaux de la métropole. Face au projet de société anti-syndical des libéraux, le président de la FTQ, Henri Massé, a dit vouloir renouer un véritable dialogue social avec le gouvernement Charest, tout en se donnant une stratégie d’action et de rapport de force. "J’ose espérer que ce n’est pas des menaces en l’air, parce que si le gouvernement se rend compte que les directions syndicales jappent, mais ne mordent pas, à un moment donné nous ne serons pas pris au sérieux. Charest nous a ouvertement déclaré la guerre. Si on a pas le courage et la force de bouger férocement contre ses projets, nous allons nous aplatir", prévoit Jean Lapierre, se disant extrêmement déçu de la déclaration alambiquée du président de la FTQ. "Il ne faut pas que cela arrive, ce que je retiens pour le moment, c’est que la FTQ se donne des munitions, pour se solidifier partout à travers le Québec, dans l’éventualité de déclarer une journée de grève générale", nous dit le syndicaliste col bleu. Troubler la paix sociale "Charest a la volonté de faire vite et de frapper fort, son intention est d’utiliser son mandat électoral au maximum. À force de troubler la paix sociale, nous pouvons espérer que Charest soit obligé de déclencher des élections précipitées dans deux ou trois ans. L’establishment ne pourra pas le soutenir éternellement si ça brasse trop", nous fait remarquer Jean Lapierre. "Le plus tôt et le plus souvent possible, il faut vraiment perturber le patronat si on veut faire entendre raison au gouvernement, d’autant plus qu’ils ont eu l’odieux de nous passer carrément sur le corps, de se foutre de notre gueule", enchaîne avec détermination Jean Lapierre, qui a consacré sa vie à défendre la cause des ouvriers et des ouvrières. Frapper fort Au prochain Conseil général des militants et militantes de la FTQ, la section locale 301 tient à dégager un vote majoritaire pour organiser une grève générale au Québec. "Les 24 et 25 février prochain, il y aura un nouveau Conseil général élargi de la FTQ. Nous voulons faire voter le déclenchement d’une grève dans les premières semaines de mars ou même pour le 1er mars. Il faut frapper fort et très rapidement", nous apprend Jean Lapierre. Il tient à nous préciser que le monde ordinaire est dans la mire du patronat et des gouvernements. "Charest veut démolir le mouvement syndical et écraser la classe ouvrière. Il faut faire perdre de l’argent à l’establishment par d’énormes perturbations, afin de les faire réfléchir sérieusement". Favoriser la grève Le 12 décembre dernier, la FTQ a indiqué que 125 de ses syndicats étaient "prêt à déclencher une grève générale". La centrale a décidé par la suite d’entreprendre une large consultation des syndicats locaux partout au Québec. Mais pour Jean Lapierre, ce n’est pas suffisant. "Si seulement 125 syndicats, sur les milliers de sections locales que comprend l’ensemble de la FTQ, veulent une grève, ce n’est pas assez. La FTQ veut entreprendre une consultation, nous sommes bien d’accord, mais à la condition que la FTQ favorise un projet de grève et qu’elle assume là-dessus son leadership". Lancer un message Au dernier Conseil élargi et consultatif (non régulier) de la FTQ, Jean Lapierre a pris la parole au nom de la section locale 301, afin de pousser sa centrale vers une journée d’action syndicale. Les militants et militantes présents sur place l’ont majoritairement approuvé par un tonnerre d’applaudissement : "Le Conseil général de la FTQ, qui a eu lieu le 17 novembre dernier, a été très exceptionnel. Il y avait plus de 1 200 délégués. Du jamais vu depuis longtemps. De façon très claire, ils ont lancé un message à nos dirigeants de la centrale : aller résolument de l’avant vers une journée d’action, soit le 11 décembre dernier", nous raconte fièrement le syndicaliste. Lors de cette mémorable journée d’action ouvrière, le 11 décembre dernier, les troupes du 301 étaient prêtes au combat et se sont notamment retrouvées à défendre le principal front ciblé par la FTQ : bloquer la sortie et l’entrée des marchandises au Port de Montréal. En s'attaquant ainsi à la libre circulation des marchandises, les syndicalistes ont fait mal au patronat. Durant plus de 24 heures, des millions de dollars de stock son restés à quai. Mettre un terme aux compromissions Selon Jean Lapierre, lors du Conseil général de novembre, les dirigeants de la FTQ ont été surpris par la fermeté et la conviction des 1 200 délégués à vouloir passer immédiatement à l’action, juste avant les réjouissances du temps des fêtes. "Habituellement, il y a toujours certaines personnes qui viennent brailler au micro pour nous dire que leurs membres ne les suivent pas, alors que ces mêmes personnes ne les entraînent pas. Tout le monde s’est levé debout suite à mon appel et à celui des syndicats solidaires du 301 au micro", nous fait savoir le militant syndical. "Après plusieurs années de compromissions avec le PQ, je sens que le monde syndical veut faire ce qui aurait du être fait depuis longtemps : défendre les travailleuses et les travailleurs de la base", conclut Jean Lapierre. Faire grève le 1er Mai prochain : un scénario souhaitable À la question posée sur la possibilité de déclencher une grève générale pour le 1er Mai prochain, Jean Lapierre nous répond que le mouvement syndical doit passer à l’action le plus rapidement possible. Il n’écarte pas le scénario d’un arrêt de travail pour célébrer la Fête internationale des travailleurs et travailleuses. "Le 1er Mai serait une date symbolique pour déclencher une grève générale, mais il ne faut pas donner des mois de répit au patronat". Pour le syndicaliste cols bleu, la première journée de grève aura probablement lieu après la consultation des syndicats de base, soit après le mois de février. "Je pense qu’il vaut mieux favoriser le 1er mars, ainsi le 1er Mai deviendrait la troisième ou la quatrième journée de débrayage", nous explique Jean Lapierre. Il souhaite bien voir le 1er Mai inscrit dans une stratégie de grève générale à répétition de 24 heures contre la réingénérie du gouvernement libéral. * * * Des leaders élus pour se battre Lors des élections syndicales, les dirigeants et les délégués de la section locale 301 se font toujours choisir par leurs membres sur un programme clairement situé à gauche. "Nos membres nous élisent au vote universel, en sachant très bien que nous sommes pour une grève générale à travers le Québec et le Canada, ou même au niveau intercontinental. Nous avons passé des résolutions à cet effet dans différents congrès de la FTQ et du CTC, résolutions qui sont pour l’instant tablettées", nous révèle Jean Lapierre. Voilà pourquoi le syndicat à une très grande capacité à mobiliser rapidement sa base militante sur le terrain de la lutte des classes. Réagissant à l’argument selon lequel une grève générale serait illégale au sens du code du travail, Jean Lapierre avait ceci a dire : "Pour nous, le droit de grève, légal ou pas, nous l’appliquons régulièrement dans nos relation de travail. Lorsqu’il y a abus de pouvoir, nous n’attendons pas trois ans pour régler le problème". * * * Grève de 24 heures contre la ZLÉA : Contre l’imposition d’une Zone de Libre Échange des Amériques (ZLEA), pièce maîtresse de la mondialisation capitaliste, on se souviendra que la section locale 301 a fait voter au dernier congrès de la FTQ (en novembre 2001), une résolution afin d’organiser une grève générale de 24 heures dans les trois Amériques. Nous avons demandé à Jean Lapierre si cette résolution, acceptée par la FTQ, tient toujours. " Nous avons relancé la FTQ là-dessus, car il n’y a jamais eu de vote pour annuler cette résolution. Pour nos dirigeants, ça ne semble pas être un des sujets les plus urgents, peut-être qu’ils en ont plein les bras, mais pour nous, il est important qu’ils répondent au mandat donné par les membres ", soutient le syndicaliste. Déçu et en colère contre l’inaction de la haute direction de sa centrale sur cet important sujet, Jean Lapierre nous rappelle que dans cet accord de libre-échange, tout est négociable : les droits humains et syndicaux, l’environnement, l’exploitation des enfants et pire encore : "Les gouvernements et les multinationales sont sans pitié. Pour obtenir des droits, nous devons nous organiser et déclencher des grèves à travers les trois Amériques. La seule langue qu’ils comprennent, c’est celle de l’argent. Il faut donc leur faire mal." "Alors que nous avons annoncé nos intentions, il faut agir dès maintenant car les patrons ne nous prennent plus au sérieux", nous fait comprendre Jean Lapierre, en ajoutant que si jamais le mouvement ouvrier se fait écraser, nos leaders syndicaux devront en assumer les conséquences.
Cette entrevue a d'abord été publiée dans La Voix du Peuple, le journal du Parti Communiste du Québec.
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