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Un scandale pour en cacher un autre

Martin Petit, Martes, Marzo 2, 2004 - 22:47

Martin Petit

« Il y a une drôle d’odeur dans la cuisine »
- Brigitte Fontaine

Je me suis d’abord demandé si je ne délirais pas un peu. Par la suite, je me suis interrogé sur les bien-fondés d’une telle perspective qui, j’aimerais le dire ici avant qu’on ne le souligne, n’a absolument rien à voir avec une quelconque « théorie du complot ». Des gens ont déjà fait bien pire. Je m’explique

Je me suis d’abord demandé si je ne délirais pas un peu. Par la suite, je me suis interrogé sur les bien-fondés d’une telle perspective qui, j’aimerais le dire ici avant qu’on ne le souligne, n’a absolument rien à voir avec une quelconque « théorie du complot ». Des gens ont déjà fait bien pire. Je m’explique

Depuis le départ de Jean Chrétien, le scandale des commandites apparaît à tous les jours dans les médias. Conférences et points de presse, précisions, enquête publique, nouvelles informations, implications diverses, nouveaux liens, bref, on nous livre une grosse histoire au compte-gouttes. Conséquence, on ne parle plus beaucoup des bateaux de Paul Martin, de ses compagnies incorporées dans des paradis fiscaux, des subventions que sa compagnie a reçue, du 40 milliards $ qu’il a volé aux chômeuses et chômeurs et des entourloupettes fiscales et politiques que lui et sont entourage ont orchestrées pour mieux se gaver à même les fonds publics. Et il me semble que lorsque les médias concentrent leur attention sur l’ensemble du gouvernement, on perd un peu Paul Martin de vue.

Évidemment, les médias ont largement parlé de Paul Martin. La Presse, Le Soleil et les autres médias complaisants ont tous publié de beaux articles forts élogieux à son sujet. L’homme d’affaires redresseur d’entreprises ayant réussi, fils de l’autre Paul Martin, un des pères des programmes sociaux canadiens, un bâtisseur du Canada, un « sauveteur » des finances publiques, etc.

Mais qu’en est-il de la couverture médiatique globale du personnage depuis la reprise du scandale sur les commandites? Si on s’amuse à vérifier les occurrences des mots « scandales » et « commandites » ensemble et que nous les comparons avec « Canada Steamship Lines (CSL) », on obtient des résultats intéressants. En sept jours seulement (du 20 au 26 février 2004), on retrouve les deux premiers mots à 199 reprises dans les médias de masse écrits francophones tandis que le nom de la compagnie de Paul Martin ne se retrouve qu’à 6 reprises seulement. Si on effectue la même recherche pour le mois finissant le 26 février, question d’évaluer si le retour en force du scandale des commandites a bel et bien eu une influence sur la couverture médiatique de la CSL, on retrouve les deux premiers mots à 399 reprises (200 reprises en 3 semaines) et la CSL à 44 reprises (38 reprises en 3 semaines). On remarque donc un certain recul des médias sur le côté personnel de Paul Martin et une concentration clairement plus grande sur le scandale des commandites.

Il me semble donc que pour détourner l’attention des gens envers Paul Martin, on pousse à fonds le scandale des commandites qui, lui, a l’avantage d’attirer l’attention des gens sur le gouvernement en entier. Et au gouvernement, beaucoup de têtes tombent déjà – Gagliano entre autres –, pour épargner celle de Martin. Bref, on largue des gens associés au régime Chrétien et c’est généralement Martin lui-même qui en fait l’annonce. D’autres prennent donc le blâme à sa place avant les élections et Martin, qui sera sûrement blanchi dans les médias par quelqu’un « d’indépendant », sortira de cette galère triomphant. Après un tel ménage, son élection ne serait qu’une formalité.

Dans un ouvrage publié dernièrement aux éditions Écosociété (note 1), Murray Dobbin retrace l’histoire de Paul Martin et explique bien de quelle manière le puissant entourage de cet homme a pu le sortir de quelques scandales importants dont on ne parle même plus aujourd’hui. Ses bateaux, les comportements douteux de ses entreprises, les paradis fiscaux, le vol de la caisse de l’assurance-chômage et même le scandale du sang contaminé. Chaque fois, le même scénario semble se reproduire : quelqu’un « d’indépendant » sort de l’ombre et le blanchit. À plus d’une reprise, ce rôle fut donné à Howard Wilson, le conseiller fédéral chargé des problèmes liés à l’éthique. Prenez le temps de lire l’ouvrage de Dobbin, vous ne serez pas déçu de connaître réellement Paul Martin, un individu ayant réalisé tout le contraire de ce que les médias disent de lui. Voilà pourquoi le scénario actuel doit laisser plus d’une personne perplexe.

Vous me direz que pour le moment, ce n’est pas les sondages qui prouvent ce que j’avance ici. Toutefois, l’absence d’une opposition « sérieuse » laisse d’office toute la place aux Libéraux.

Une pareille mise en scène aussi rocambolesque offre également l’avantage de marquer le fin d’une ère, celle de Chrétien le petit magouilleur de qui il fait bon se distancier en faisant semblant d’éliminer les responsables de ce scandale. Parce que depuis qu’il est en politique, Paul Martin est généralement décrit par son entourage et les médias comme « un homme intègre, incapable de comportement immoral. » (note 2), ce ménage devait être fait.

J’avance donc la possibilité difficilement prouvable de l’existence d’un plan de communications très bien ficelé – avant même que le scandale ne revienne sur la place publique –, visant à rétablir « l’ordre » et la popularité de Paul Martin. Ça voudrait peut-être dire que le scénario était déjà prêt, que les dés sont pipés et ce, depuis le début du retour en force de ce scandale dans les médias. Comme il se peut que ce ne soit qu’un délire de mon imagination. Mais parce que l’ouvrage de Dobbin réussit à démontrer noir sur blanc que Paul Martin n’est pas la personne que plusieurs pensent saisir, cette proposition semble fortement probable.

Martin Petit

Notes:
1. DOBBIN, Murray, Paul Martin, un PDG à la barre, Écosociété, 2004, 264 pages.
2. Ibidem, p. 43.



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