Réponse de la Coalition des diffuseurs libertaires au collectif de la Librairie Alternative de Montréal
RÉSUMÉ : Le conflit à l'AEELI ne s’est pas développé dès la naissance de l’organisme, mais depuis la formation d'une faction en 1988. Cette faction minoritaire a concentré le pouvoir entre ses mains pour que la majorité ne puisse s'impliquer. Pourquoi Alternative identifie ce que nous proposons à un groupe de la coalition en particulier, pourquoi La Sociale plus que les autres? Il n'y a pas de patron à l’intérieur de notre coalition : nous travaillons entre groupes égaux. Le discours d'Alternative sur l’autonomie de leur groupe est une artifice rhétorique qui cache leur désir de contrôler exclusivement un bien commun. Beaucoup de membres enthousiastes ont quitté la Librairie après leur adhésion, en peu de temps, sauf les deux administrateurs. Lenteur bureaucratique et application d'une rectitude politique opportuniste pour devenir membre d'Alternative. Il est faux d'affirmer que certains membres investisseurs veulent s'assurer d'être remboursés. Plusieurs diffuseurs de notre coalition ont déjà été impliqués dans la librairie. Le manque de titres anars n'est pas un défaut que l’on peut corriger en diversifiant le stock avec des livres à saveur gauchiste. Alternative rejette nos idées, mais il propose quoi alors?
Réponse de la Coalition des diffuseurs libertaires au collectif de la Librairie Alternative de Montréal
(Texte complet)
Vendredi le 23 janvier 2004
MONTRÉAL -- Suite à notre déclaration commune des diffuseurs libertaires de Montréal (30 octobre 2003) où nous avons dénoncé le refus catégorique, par la Librairie Alternative Bookshop, de nos initiatives pour dénouer la crise actuelle, le collectif de cette librairie a fait l’une de ses rares sorties publiques pour donner son point de vue sur la situation. Dans le but d'alimenter le débat et d’éclaircir certains détails que nous jugeons importants, nous souhaitons passer en revue quelques points qu'ils soulèvent.
RÈGLEMENTS FALSIFIÉS
Avant d'entamer la critique de leur texte de réplique, nous signalons d’emblée que nous avons fait quelques découvertes outrageantes au sujet des règlements qui nous furent présentés par nos adversaires lors de la dernière assemblée (celle du 5 août, réunissant environ 80 personnes). Rappelons que certains amendements aux règlements nous empêchaient, selon les dires des administrateurs en place, d'être membres en règle. Ces règlements n'ont jamais fait l'objet d'une adoption conforme aux procédures de l’AEELI. C’est la consultation des anciens procès verbaux qui nous a révélé cette imposture. Aucune trace de l’existence de tels règlements n’a été retrouvée. Pourtant, nous avons fouillé l’ensemble des documents susceptibles d’y faire référence. Nous constatons donc qu'une clique nous a fait perdre notre temps et nous a manipulés avec des tracasseries procédurières qui s'avéraient être une fraude.
VERSION FRANÇAISE ADOUCIE
Revenons à nos observations sur le texte du collectif Alternative. En premier lieu, soulignons brièvement qu'il y a des différences significatives entre la version anglaise et la version française de leur réplique. Nous avons rajouté ici (en crochets), à l’intérieur des citations que nous utilisons de leur texte, les mots et les phrases qui sont différents dans la version anglophone.
LE CONFLIT COMMENCE BIEN APRÈS LES ORIGINES
Ils écrivent que : « L'AEELI (l'Association des Espèces d'Espaces Libres et Imaginaires, le collectif qui est propriétaire et responsable de maintenir l'édifice) a été [sérieusement] divisé pour des raisons idéologiques depuis son origine. » La fondation de l'AEELI en 1982 précède de six ans l'entrée de certainEs membres du Café Commun/Commune. Ce sont ces gens qui ont forméEs la faction qui contrôle actuellement le C.A. Les membres fondateurs - à la satisfaction de tout le monde - ont évité d'avoir des problèmes avec la communauté anarchiste. Ils n'avaient pas de grief à formuler à l’égard de la librairie ou entre eux, et ça au moins jusqu'en 1989. Donc, le conflit ne remonte pas au début. Ceci dit, nous constatons que certainEs individus ont tout intérêt à véhiculer des faussetés qui simplifient et entravent la bonne compréhension des bases du présent conflit. Précisons aussi que l'AEELI n'est plus depuis des années un « collectif », mais bien une corporation contrôlée par une clique.
LA VOLONTÉ D'EXCLURE LA MAJORITÉ
Ils disent que « l'administration quotidienne de l'AEELI (s'occuper des locataires qui payent un loyer, payer les comptes, réparer et rénover ce vieil édifice) a été effectuée par les deux membres de l'AEELI faisant partie du collectif de la librairie non pas [par choix ou] dans le but de privatiser l'édifice, mais parce que le reste de l'AEELI n'a [soit] jamais répondu aux convocations d'assemblées générales, ou a activement boycotté tout ce qui touchait au fonctionnement de l'AEELI. »
En réponse à la tentative, en 1995, d'exclure de l'AEELI les anarchistes et les fondateurs qui n'étaient plus actifs dans la librairie (par le biais d'un mystérieux financier anonyme et d’une proposition de vente du bâtiment au collectif de la librairie) et spécifiquement depuis la dernière élection du C.A. en mars 1997, les relations entre les deux factions se sont envenimées au point où la faction qui contrôle le C.A. avait avantage à convoquer des réunions de façon à favoriser leur présence, et aussi à donner le plus court avis à leurs adversaires majoritaires. Il y a eu des plaintes de membres qui voulaient recevoir un avis moins court, mais le C.A. demeurait inflexible sur ce point. Si certainEs n'ont pas donné suite aux convocations reçues trois jours avant la date d'assemblée, c'est qu'ils comprenaient qu'il s'agissait de manigances. Dans d'autres cas, ladite convocation n'a jamais été envoyée ou reçue. De plus, les deux dernières années, c'étaient les excluEs qui exigeaient que soit tenue une assemblée et que soient partagées les informations sur la gestion et les finances! Nous constatons donc que la minorité qui contrôle l'AEELI voulait plutôt, par des moyens procéduriers à n’en plus finir, exclure leurs adversaires de « tout ce qui touchait au fonctionnement de l'AEELI. »
NOTRE PROPOSITION COMMUNE FAUSSEMENT REPRÉSENTÉE
Malgré que nous leur ayons envoyé par courriel la proposition que l'ensemble des diffuseurs a présentée à la grande assemblée houleuse du 5 août, et malgré que nous ayons écrit - à deux reprises - que l'autre texte d'analyse n'était pas une proposition, les gens de la librairie ont choisi de l'appeler « la proposition de la Sociale ». Ciblent-ils le groupe La Sociale comme les soi-disant meneurs quand ils disent qu'ils « se seraient retrouvés à travailler sous des boss »? Nous ne considérons pas que le fait de travailler ensemble et égaux entre plusieurs groupes équivaille à avoir un patron.
PROJET FERMÉ PLUTÔT QU'AUTONOME
La proposition des diffuseurs aurait permis la participation de plusieurs groupes et les auraient intégré à la gestion de cette ressource commune de diffusion anarchiste. Cela risquait de briser l'autarcie et l'isolement des membres de l'actuel collectif de la librairie. Quand ils nous parlent de leur sacro-sainte autonomie, nous comprenons que c'est un écran de fumée cachant leur désir de consolider leur contrôle institutionnel et minoritaire sur ce bien commun. Voilà ceux qui, publiquement, brandissent leur précieuse « autonomie » mais, entre amiEs, parlent plutôt d'un « projet fermé » (« closed project ») !
FAIBLE TAUX DE RÉTENTION DES MEMBRES
Les gens de la librairie écrivent que « Due [sic] à la nature fluide du [membership au] collectif de la librairie, seulement quelques membres actuelLEs étaient présentEs lorsque les incidents qui ont mené au conflit actuel eurent lieu. » Que veut dire la « nature fluide du membership »? Les gens rentrent et quittent le collectif de la librairie pour quelles raisons? Et qui sont ces « quelques membres actuelLEs » qui étaient présents lors de ces « incidents »? Quels sont ces incidents? En mâchant leurs mots, ils réfèrent implicitement aux deux individus qui ont pris le contrôle du C.A.
FERMETURE AU MILIEU ANARCHISTE
« Nous nous réservons le droit de refuser des individus même s'ils ou elles sont anarchistes, soit à cause de leurs pratiques personnelles ou soit parce qu'ils ne travailleraient pas de manière fonctionnelle avec le [notre] collectif en place. Nous sommes un collectif autonome… » Ces critères de sélection des membres, relevant de la rectitude politique et de l'opportunisme (comment peut-on savoir si on pourra travailler « de manière fonctionnelle » avec le collectif en place?) sont uniques dans le milieu anarchiste montréalais. Ces critères de sélection ne sont même pas précis ou disponibles officiellement, ce qui laisse place à l’arbitraire. En passant, mentionnons aussi la lenteur bureaucratique et les multiples étapes étalées sur plusieurs mois pour qui veut postuler comme membre du collectif.
LES FINANCES DÉFICITAIRES RENDENT DIFFICILES LES REMBOURSEMENTS
Le collectif nous fait un procès d'intention quand il dit : « Tout ce fiasco a très peu été à propos de dialogue. [Ça concerne le pouvoir.] La librairie fonctionne finalement mieux. L'hypothèque est à deux ans d'être remboursée. L'AEELI doit de l'argent à certainEs de ses membres et ceux et celles-ci veulent logiquement s'assurer que leur investissement soit remboursé. » Les gens du collectif aurait pu demander aux membres dissidentEs s'ils veulent être remboursés. Dans les faits, il n'y a personne qui soit pressé d'être remboursé. Si les membres de la librairie s'empressaient plutôt de prendre leurs informations à d'autres sources qu’à celle de leurs deux membres de longue date, ils comprendraient que, souvent, la vérité contredit les dires de ceux-ci.
ALTERNATIVE REFUSE DE TRAVAILLER AVEC NOUS
Le collectif de la librairie clame : « De plus, il n'y eut presque aucune tentative de discussion avec la librairie avant qu'une proposition de « tout ou rien » [à prendre ou à laisser] soit mise sur la table. » Un des individus contrôlant le C.A. est venu à une de nos réunions, mais il n'était pas disposé à discuter avec nous. Après avoir affirmé qu'il a travaillé pendant nombre d’années sur le bâtiment et que ce bâtiment lui appartient, il a quitté la réunion. Le 20 juillet 2003, quatre membres de la librairie sont venus à une réunion de l'AEELI et des diffuseurs non pas pour dialoguer, mais bien pour nous communiquer les disponibilités des deux membres absents du C.A. En plus, l'analyse de La Sociale a été partagée avec la librairie avant le 5 août. Curieusement, le collectif détourne l'intention de ce texte d'analyse en disant que nous lui avons présenté « une proposition de « tout ou rien » [à prendre ou à laisser] ; le texte de La Sociale soulignait pourtant que : « nous insistons sur le fait qu’il ne s’agit pas de propositions à prendre ou à laisser mais de pistes de sortie de crise. »
ALTERNATIVE NE VEUT PAS RECONNAÎTRE NOTRE IMPLICATION
Dans le même paragraphe, nous lisons : « Elle aurait résulté dans la réorganisation complète de notre projet et placé la librairie dans les mains d'un groupe de gens sans implication préalable dans la librairie. Notre autonomie… » Cela est faux : bon nombre de gens dans la coalition des diffuseurs ont déjà travaillé dans la librairie. Ici encore, le collectif est mal informé.
EUX SEULS DÉCIDERONT ?
Dans leur réponse, les membres de la librairie expliquent que « Cette dispute sert d'exemple parfait aux problèmes inhérents à l'ouverture du contrôle de l'édifice à la communauté anarchiste dans son entier. » Plus loin : « Nous regrettons honnêtement notre échec à développer une librairie mieux connectée. Nous devons à la fois supporter [sic] un mouvement anarchiste bourgeonnant et faire propager les idées anarchistes… » Voici des exemples de la condescendance et de la centralisation de nos moyens que nous combattons. Il est sous-entendu dans leur attitude que, s’il y a des « problèmes inhérents à l'ouverture du contrôle », c'est à eux de décider seuls.
L'ANARCHIE ÉDULCORÉE OFFENSE MOINS LA GAUCHE COMMUNAUTAIRE
Pour justifier la piètre sélection de livres anars et leur substitution par des textes gauchistes pour le moins douteux, ils répondent que « Nous rejetons aussi l'idée d'une librairie ne vendant qu'une sélection de livres anarchistes avec un grand A, parce que nous croyons que l'anarchisme devrait sortir du confinement étroit de son propre milieu, et pour ce faire nous devons inclure de la littérature qui rejoint les personnes impliquées dans une variété de luttes et mouvements différents. » Leur sélection de revues et livres anarchistes de base est inadéquate. Nous ne comprenons pas comment des livres sur le cannabis, des revues humanistes social-démocrates, des textes sur le Front de Libération du Québec, les Brigades Rouges, ou du Front Populaire pour la Libération de la Palestine vont contribuer à faire mieux connaître l'anarchisme. Au contraire, nous voyons là une dérive idéologique malsaine où les non-anarchistes sont appelés à s’impliquer davantage.
Après avoir rejeté catégoriquement nos propositions, le collectif ne propose rien de concret. Nous notons aussi que dans cette réponse, le collectif de la librairie ne remet pas en question son contrôle majoritaire du bâtiment. Nous estimons que c'est une question centrale pour arriver à l'ouverture que nous demandons, compte tenu surtout que la librairie n'a jamais occupé plus d'un des trois étages du bâtiment. Si « même à l'intérieur de la librairie les opinions divergent » sur la façon de résoudre le conflit, nous voyons là surtout l'état de déconfiture générale qui y règne. Quelles que soient les dissensions internes au sein de la librairie, nous souhaitons qu'elles contribuent à réaliser les grands changements nécessaires pour redonner un souffle significatif à la diffusion anarchiste à Montréal. Nous proposons toujours l'ouverture, le partage et la gestion large du projet entre les diverses tendances de diffuseurs anarchistes.
Nous proposons que toute tentative d'institutionnaliser la domination légale d'une clique d'individuEs venant d'un seul projet soit écartée. Nous croyons toujours raisonnable que tous les ancienNEs membres impliqués dans les vieilles querelles démissionnent pour laisser place aux anarchistes engagéEs dans la diffusion. Nous proposons aussi que la librairie réaffirme publiquement sa mission d'origine, énoncée dans ses principes : que la Librairie Alternative soit une librairie anarchiste, ni plus, ni moins.
Vive la diffusion libertaire !
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