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Forum social mondial : Plongée dans le grand sudjplarche, Viernes, Enero 16, 2004 - 13:45
L'Humanité
La misère et l'injustice sociale sautent à la figure des dizaines de milliers de participants au grand rendez-vous mondial de l'altermondialisme, qui débute aujourd'hui en Inde. Mumbai (Inde), envoyé spécial. Pour les habitués des forums sociaux - mondiaux ou européens - qui ont eu lieu jusqu'à aujourd'hui, le contraste est saisissant. " Un grand coup de poing à l'estomac ", résume un Chilien membre d'ATTAC dans son pays. Porto Alegre, dont les trois rendez-vous successifs, de 2001 à 2003, ont constitué le premier contact de nombreux militants altermondialistes européens avec le Sud, est décidément très loin de l'État du Maharashtra et de sa mégapole de quelque quinze millions d'habitants, où la misère suinte des rues longeant les bidonvilles et des quartiers aux taudis surpeuplés. Avant même que ne débute le grand rassemblement annuel qui proclame qu'" un autre monde est possible ", chacun sent bien qu'en quittant pour une année son port d'attache du Rio Grande do Sul, le Forum social mondial s'apprête à franchir un jalon, une étape décisive. D'abord en matière d'élargissement géographique, en entraînant de nombreux mouvements asiatiques. Mais en se transportant en Inde, le mouvement qui a émergé à Seattle et à Porto Alegre, va au contact direct de la violence que la globalisation capitaliste fait subir aux plus pauvres parmi les pauvres. Ici, autre différence de taille avec Porto Alegre, où les forums avaient bénéficié du soutien des autorités ainsi que, la dernière année, de celui du président brésilien Lula, lui-même " forumiste " de la première heure, ici à Mumbai, rien de particulier n'indique que du 16 au 21 janvier, plusieurs dizaines de milliers de militants et des personnalités mondialement connues vont converger vers cette lointaine banlieue de Goregaon. Au niveau des autorités politiques, on peut dire que les altermondialistes se réunissent en terrain ennemi. Mumbai est administré par le parti d'extrême droite hindou Shiv Sena, allié du BJP du premier ministre Atal Bihari Vajpayee. L'ultralibéralisme et le fondamentalisme sont au pouvoir. Le FSM est au cour de l'affrontement économique et politique. Un affrontement, dans lequel sont plongés les mouvements populaires indiens (syndicalistes, communistes, féministes, militants anticastes, défenseurs de l'environnement et des ressources naturelles). " L'un des enjeux de ce forum est d'établir des connections entre les mouvements militants et le reste du monde, et pour ce qui nous concerne, avec les mouvements européens ", observe un membre de la délégation française. Ce besoin de convergence se fait sentir entre militants indiens, souligne de son côté un membre du comité indien d'organisation, P. K. Murthy, dirigeant de la Fédération panindienne des syndicats : " Il y a 185 organisations très diverses engagées dans la préparation du forum social. Des organisations de masse, souvent proches de partis politiques de gauche, des ONG engagées dans des projets de solidarité, des instituts de recherche progressistes, des représentants des couches les plus pauvres vont se rencontrer grâce au FSM. Un événement d'autant plus important que les clivages politiques ainsi que les divisions sociales et de caste pèsent fortement sur la société indienne. " Le quatrième forum social devrait donc être marqué par sa dimension indienne et une plus forte présence asiatique. Ainsi, parmi les quelque 1 200 conférences et séminaires figurent en bonne place les discriminations liées au système des castes, les exclusions de groupes spécifiques, le " communalisme " - terme correspondant à " communautarisme - (une marche des dalits, les intouchables, selon la hiérarchie des castes, a convergé de plusieurs États de l'Inde en direction du forum), les discriminations frappant les femmes, le fondamentalisme et l'intolérance religieuse. L'année qui vient de s'écouler depuis le forum social de Porto Alegre en janvier 2003 a été particulièrement chargée d'événements dont le retentissement influera sur le contenu des débats de Mumbai, comme l'échec de la réunion de l'OMC à Canc£n et surtout la guerre américaine contre l'Irak. Il y a un an, les altermondialistes organisaient la mobilisation contre les menaces de Bush. La guerre a bien eu lieu, mais la mobilisation exceptionnelle des opinions publiques a rendu impossible un blanc-seing de l'ONU. La journée du 15 février, décidée lors du Forum social européen de Florence (novembre 2002) restera dans l'histoire comme la première manifestation mondiale contre la guerre. C'est dire si le thème de la paix va occuper une très large place à Mumbai... Les inquiétudes sur les risques de guerre sont particulièrement vives dans cette région de monde, qui a frôlé un conflit entre les deux puissances nucléaires, l'Inde et le Pakistan. Des deux côtés, les pacifistes s'activent... Ainsi à la veille du FSM, un forum social s'est réuni au Pakistan, dont plusieurs centaines de participants sont attendus en Inde, pour une sorte de sommet citoyen de paix indo-pakistanais. Par ailleurs, plusieurs députés du Parlement d'Islamabad prendront part au forum des parlementaires qui se réunit pendant la durée du FSM. La guerre comme composante de la globalisation et de l'hégémonie des États-Unis ne doit-elle pas conduire à réviser certains termes pour renforcer le contenu ? Tel est l'avis du comité d'organisation indien... Pour P. K. Murthy, l'occupation de l'Irak doit nous conduire à parler désormais non plus de " mondialisation néolibérale ", expression trop confinée sur l'économie, mais de " mondialisation impérialiste ". Un bilan sévère de cette mondialisation va donc être dressé au cours de ces journées. " Cette globalisation profite à un très petit nombre de personnes dans la haute technologie, les technologies de l'information et autres, la grande masse de la population vit dans la détresse, la pauvreté, est privée d'aide sociale ", dénonce Varada Rajan, secrétaire de la Centrale des syndicats indiens (CITU). Il faudra articuler une critique particulièrement aiguë, sous le prisme de la réalité indienne, et la recherche d'alternatives déjà amorcée lors des derniers forums Le débat n'est pas clos. L'architecte Jai Sen, qui a quitté le comité d'organisation, critiquait, dans une récente interview (1), la gauche indienne, notamment la gauche communiste, coupable à ses yeux de " voir le forum comme un formidable instrument d'influence politique " et de demeurer sur des positions uniquement " anti " mondialisation. Jay Sen de souligner que " l'Inde peut profiter d'une insertion accrue dans les échanges internationaux ". Au-delà de cette controverse entre le comité et une personnalité indépendante, la question de l'avenir des forums sociaux est plus que jamais à l'ordre du jour après les succès des précédentes éditions. " On ne peut continuer à se réunir, à dénoncer une situation et se séparer jusqu'au prochain forum, observe P. K. Murthy, " nous serons bien obligés, de définir des engagements de type programmatiques, pour bien identifier ce que nous voulons faire. Il faut trouver sans doute le plus petit dénominateur commun pour éviter de faire exploser le processus des forums sociaux, mais faute de recherche de ce dénominateur commun, les forums risquent de se détruire eux mêmes ". Un point de vue proche de celui exposé dans une note rédigée, " à titre personnel ", par Bernard Cassen (ATTAC France) : des " socles " de propositions, facilement lisibles, susceptibles non seulement de rassembler les organisations participantes mais aussi de mobiliser largement au-delà d'elles. Pour l'heure, c'est le rassemblement des quelque soixante-dix mille délégués annoncés par les organisateurs qui compte. Les petits taxis noirs et jaunes, d'un autre âge, et les " rickshaws ", ces tricycles motorisés et bâchés, après avoir slalomé entre les nids de poule déversent par petits groupes les altermondialistes. Que le FSM commence. Jean-Paul Piérot (1) Alternatives économiques Janvier-février 2004.
Quotidien français lié au parti communiste français
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