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"Pacifisme" : réponse à André Glucksmann, par René MajorLouise-Anne Maher, Viernes, Diciembre 26, 2003 - 17:25 (Analyses)
René Major
Le gouvernement américain s'allie aux dictateurs quand cela lui chante. Il l'a fait avec l'Irak contre l'Iran, avec le Pakistan contre l'Afghanistan. Mon cher Glucksmann, Dans votre article paru dans la page Horizons Débats du samedi 5 avril, vous vous en preniez au "camp de la paix"et à ceux qui défendent le droit international contre la force. Vous ne manquez certes pas d'arguments. Il est en effet choquant de voir la France et l'Allemagne affublées de la Russie et de la Chine dans leur opposition à l'intervention américaine en Irak. Mais s'agit-il bien d'une entente de Paris et Berlin avec "le postmoderne Poutine plutôt qu'avec le fondamentaliste Bush", comme vous le prétendez ? En ce cas, il ne faudrait pas passer sous silence l'entente cordiale, l'an dernier, entre Poutine et Bush, pour couvrir à la fois l'invasion de l'Afghanistan et le massacre des Tchétchènes auquel vous êtes si justement sensible. Vous invoquez Carl Schmitt qui, dans les années 1930, affirmait que la souveraineté reste liée au privilège de suspendre le droit et de décider de l'Etat d'exception. Vous imputez aux démocrates "pacifistes" de participer à "ce culte de la souveraineté" lorsqu'ils s'insurgent contre ce que les juristes internationaux qualifient comme une guerre d'agression et qui n'est, pour vous, qu'un droit d'ingérence - pourtant décidée souverainement et menée avec une véritable guerre d'intoxication pour faire croire à l'Amérique et au monde que l'Irak disposait d'armes de destruction massive prêtes à être utilisées contre le peuple américain. Question de souveraineté, "la junte fascisante" (j'emprunte l'expression à Bruno Latour, dans l'article jouxtant le vôtre), qui est actuellement au pouvoir aux Etats-Unis, est loin d'être la dernière à revendiquer la souveraineté. Elle la veut même absolue. Non seulement sur son propre territoire, mais dans le reste du monde. "The Rest of the World" est une expression du département d'Etat américain pour parler de pays qui, depuis la fin de la guerre froide, refusent de s'aligner sur le "modèle" de société et de gouvernement qui a réussi à concentrer, à s'approprier ou à confisquer la majeure partie des ressources naturelles et des pouvoirs technoscientifiques. Déjà, en 1998, ces faucons avaient rédigé une lettre ouverte au président Clinton pour lui signifier que la politique de "containment" -endiguement- de l'Irak était un échec, et que le limogeage de Saddam Hussein était devenu "la priorité de la politique étrangère américaine". Ce n'était pas pour libérer le peuple irakien. Parmi les signataires : Paul Wolfowitz, Richard Perle, Donald Rumsfeld. Ce dernier, vous le savez comme moi, venait pourtant de fournir à l'Irak une bonne partie de l'armement chimique qu'on lui reproche aujourd'hui de détenir. C'était bien avant le 11 septembre 2001, bien avant qu'on pût imputer, même de mauvaise foi, quelque lien entre Ben Laden et Saddam Hussein. Ce même Rumsfeld défendait en mai 2002 à l'OTAN que l'administration américaine s'accorderait elle-même une sorte de carte blanche pour mener toutes les interventions militaires qu'elle jugerait nécessaires, sans solliciter une quelconque approbation à l'extérieur "chaque fois que leurs intérêts vitaux seraient en jeu". Aussi injustifiable qu'ait été l'attaque du 11 septembre 2001, aus si indéfendable que soit le régime de Saddam Hussein, il ne faut tout de même pas oublier que cette politique était décidée de longue date et que les plus fallacieux prétextes n'ont cessé d'être invoqués en se substituant l'un à l'autre de façon aussi grotesque que ridicule.
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