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QHAPAJ RAYMI OU NOEL ?

CANO, Domingo, Diciembre 21, 2003 - 16:39

Ivan Ignacio

Pour la récupération des valeurs identitaires,culturelles et religieuses des autochtones.

QHAPAJ RAYMI OU NOEL ?
INTI RAYMI OU SAINT-JEAN ?

POUR LA RÉCUPERATION DE NOS VALEURS IDENTITAIRES,
CULTURELLES ET DE NOTRE RELIGIOSITÉ

Par Ivan Ignacio

La violente invasion européenne de notre continent Abya Yala a résulté en une série de changements imposés de force à nos peuples, au niveau culturel, politique, religieux, économique, militaire, juridique etc. Ces changement furent imposés de différentes manières, des plus subtiles aux plus abruptes et turbulentes. Un des domaines illustrant le mieux cette situation est sans doute le plan religieux, où les pires crimes de « lèse-religion », justifiés par le moyen de la Sainte Inquisition, aboutirent à la colonisation spirituelle de nos ancêtres. L’expansion de la religiosité se fit conjointement à l’apparition de sectes, à mesure que les conflits internes de l’église catholique et le chaos chrétien déchiraient l’église. Ce processus d’imposition d’une religion se manifeste de manière particulièrement indignante dans la supplantation de nos festivités, rituels et cérémonies religieuses par d’autres issus de la religion désormais dominante, avec les autres éléments cérémoniels, concepts et visions du monde que cela implique; insidieusement on fit coïncider les dates les plus importantes des festivités andines avec celles du catholicisme, simple syncrétisme religieux issu du hasard ou tactique subtile d’ethnocide ?

De ce mélange hybride émergèrent de nouveaux rituels, de nouveaux symboles, de nouvelles croyances, qui ne sont en réalité que de grotesques caricatures de nos véritables traditions spirituelles et religieuses, caricatures qui sont pratiquées au sein de l’église catholique par la population créole-métisse, principalement dans les centres urbains où l’invasion exerça la plus forte influence.

Nonobstant tout ceci et malgré le passage du temps, la tradition orale andine s’est perpétuée et transmise, et nous constatons qu’en de nombreuses communautés autochtones les semences pures de notre religiosité ont subsisté, prêts à de nouveau prendre racines et à resurgir tel le maïs surgissant de la terre, cette analogie ayant pour objectif de démontrer ce qui représente pour notre monde andin le pourquoi de notre foi, de notre espérance et de notre joie.

Le cycle vital du Maïs

Il existe dans nos Andes sacrées quatre moments importants dans le cycle vital du maïs, référence essentielle, qui scientifiquement parlant correspondent aux équinoxes et aux solstices. Il s’agit de points donnés au cours de l’année, au cours de laquelle la terre complète son orbite autour du soleil.

Deux de nos célébrations, l’Inti Raymi et le Qhapaj Raymi, étaient célébrées par nos ancêtres, le 21 juin et le 21 décembre de chaque an. Ces dates correspondent à la distance maximale séparant le soleil du centre (équinoxial) de la terre, (Inti ñan ou Inti guatana); la cérémonie de protection du Père Soleil, le Tata Inti, se déroule afin d’éviter qu’il ne s’éloigne trop de notre planète et qu’au contraire, il permette la germination et la maturation des fruits naissant de notre Terre Mère, la Pachamama.

Nos sages Amawtas ( sages) et Achachilas (anciens) des Andes nous ont enseigné à vénérer la Terre Mère, parce qu’elle constitue une source intarissable de vie qui nous procure des aliments, de moyens de protection contre les désastres naturels, de plaisir de cohabiter avec nos congénères, avec la mère nature et les autres êtres vivant peuplant notre planète.

Conformément à la nature de notre cosmovision, l’équinoxe de septembre symbolise l’époque des semailles, temps au cours duquel la terre montre sa fertilité et sa pureté maximums, temps au cours duquel elle se montre dénudée, vierge, avec sa couleur et son odeur caractéristique, prête à recevoir les semences. C’est la fête du Q’uya Raymi, dédiée au remerciement à la terre et à la vénération de la féminité (la femme) puisque c’est elle qui donne vie à l’univers. A cette célébration l’envahisseur européen superposa la fête de la Vierge Marie.

Au fil des jours, des semaines et des mois, les semailles, alimentées et protégées dans les entrailles de leur mère, la Terre, subissent une transformation grandiose, celle de la mort à la vie. La semence se transforme et devient une plante bien vivante. C’est à ce moment que nous célébrons la renaissance de la mort à la vie, aujourd’hui plus communément célébrée comme le jour des morts.

Lorsque la terre se situe en son orbite à l’extrême gauche du soleil, géographiquement parlant vers le pôle sud, se produit alors un autre solstice, celui du 21 décembre. À cette époque de l’année, les semences ont surgi du ventre de leur mère, elles sont déjà de petites plantes pleines de vie. Les yeux de nos Anciens et Anciennes expriment avec clarté la joie qu’ils ressentent devant la beauté, la bonté et la force de cette vision. Ce moment, cette vision a été nommée par les Amawtas et les sages l’Inti Qhapaj Raymi, (grande fête du Soleil) et donne lieu à une célébration afin de célébrer l’arrivée de la nouvelle vie. L’influence de cette astre, s’ajoutant à tout le cosmos, renouvelle la vie à travers des semences plantées dans le ventre vierge de la Terre.

L’arrivée de ces frêles et jeunes plantes est comparable à la naissance tant espérée d’un enfant, qui sera bercé par les bras aimants de ses parents. Comme nos enfants, joueurs, souriants et joyeux, les petites plantes peupleront la terre et porteront fruits pour la sécurité et le bien-être de la génération suivante. C’est dans cette optique que nos Amawtas célèbrent le Qhapaj Raymi ou la grande fête de la nouvelle vie, qui ancestralement se célébrait avec toute la majestuosité qu’un tel événement requiert. En effet, en tant que festivité dédiée à la continuation de la vie, elle était axplicitement dédiée aux nouvelles générations, aux jeunes enfants, pour qui le rituel constituait un passage en tant que sujets actifs de la société en tant que telle.

La tradition orale raconte que les « mayores : majeurs ou vieux ? » fêtaient obséquieusement les générations futures par le rituel du don symbolique aux nouveau-nés de vêtements, d’objets de valeurs et des outils les plus essentiels afin qu’ils poursuivent leur obligation naturelle acquis par la vie et qu’ils transmettent par la suite cette dotation de génération en génération. Cette offrande aux jeunes traduit à l’obligation mutuelle et la participation réciproque de tous les membres de la communauté.

Juxtapositions sournoises

Telle était la magnificence de nos fêtes que les envahisseurs , afin d’imposer leur religion, durent chercher d’autres symboles et croyances ayant également un grand poids matériel et spirituel « conformément à l’époque ». Celles-ci supplanteront nos festivités. Par exemple, à la fête de l’Inti Raymi qui se célèbre chaque 21 juin, fut sournoisement juxtaposée la fête catholique de la Saint-Jean. On retrouve un exemple de cette juxtaposition dans les danses et musiques traditionnelles typiques de la région d'Imbabura (Équateur), qui furent nommés « San-Juanitos » (« petits saint-jean » afin de démontrer qu’il s’agissait de rythmes dédiés à la fête de la Saint-Jean.

Il en fut également ainsi de la fête du Qhapaj Raymi, que nous célébrons le 21 décembre et qui subit l’imposition d’une fête en l’honneur de l’enfant Jésus, croyance implanté par les envahisseurs et qui ne symbolise rien sinon une valeur occidentale diffusée depuis le Vatican pour le bénéfice exclusif de la société de consommation. Noël, fête dédiée à la naissance de cet enfant supposément sauveur de l’humanité, s’est ainsi superposé au Qhapaj Raymi. Quant aux danses et cantiques traditionnels à cette époque de l’année, les Ch’untunkis, ils furent désormais appelés « Villancicos de Noël ».

L’ère du Pachakuti

Ce gigantesque processus d’usurpation et de supplantation des symboles et rituels autochtones a occasionné la perte d’identité de grands groupes de nos frères et sœurs durant déjà plus de 500 ans. En cette ère du Pachakuti, nous empruntons le chemin de la récupération, nous reprenons la voie de l’émancipation spirituelle, nous passons de la réflexion à l’action, à la défense de nos vies et de celle de tous les êtres peuplant la terre, nous entreprenons le processus de guérison du cosmos et de la terre.

(En espagnol, aymara et qhishwa) Indymedia Qollasuyu, preuve de la vitalité du mouvement de résistance au colonialisme chez les nations autochtones des Andes.
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